Les souvenirs se perdent [Lyn]

Depuis les événements de la réception, tout était revenu à la normale... Ou presque. Malgré l'arrivée de Naïlo et la reprise de l'apprentissage théorique de la magie, Cécilie était dans l'incapacité totale de réaliser le moindre essai pratique. Non seulement la fatigue la tenaillait encore, mais son esprit était troublé.

Tout d'abord Baudoin sur la route de Lourmel, puis tant d'autres sur celle de Serramire... Son voyage engendrait la mort. Elle s'était d'abord concentrée sur sa représentation, s'occupant tout le jour durant à répéter inlassablement, à composer, à jouer, emplissant la demeure de son hôte de mille mélodies. Mais maintenant qu'il ne lui restait plus qu'une nuit à passer à Serramire, maintenant que le départ et le voyage approchait de nouveau alors même que sa garde était plus qu'allégée, elle se demandait ce qui pourrait bien l'attendre encore, si elle ne ferait pas mieux de retourner tout simplement à Etherna ou à Lourmel au lieu de tenter encore le diable... et de cause d'autres drames. Elle était déjà allée prier plusieurs fois au temple de Tyra depuis son arrivée mais se consolait surtout en se disant que ceux qui l'avaient attaquée auraient essayé de s'en prendre à d'autres si elle n'avait pas été là... et que ces autres n'auraient sûrement pas eu la même chance qu'elle.

Et même si elle avait réussi à se concentrer... Il aurait fallu qu'elle avoue à son nouveau mentor la perte de son focalisateur... Elle savait que cela ne pourrait durer, mais la perte de son médaillon lui pesait. Il ne s'agissait pas seulement d'un objet utile, mais d'un souvenir et d'un présent auquel elle tenait énormément. Cette simple absence ne l'aidait pas à se sentir mieux...

Elle s'était donc replongée dans la musique tant qu'elle le pouvait... et Jindanor n'était jamais très loin non plus depuis qu'il avait appris ce qu'il s'était passé en son absence. Il prenait son travail plus à cœur que Cécilie l'aurait imaginé, mais cela n'aurait pas pu être mieux.

Lorsqu'arriva la dernière après-midi, il faisait assez beau et clair pour profiter de l'extérieur, aussi s'était-elle établie sur une petite terrasse qui donnait sur la cour intérieure. Si elle ne pouvait profiter de la vue, la légère brise qui secouait la voile qui parait sa gorge et remontait s'accrocher sur son chignon à la mode missèdoise était des plus agréables et le soleil chauffait délicieusement sa peau toujours aussi blanche de rester enfermée à l'intérieur. A son côté, fredonnant sur les airs connus qui s'échappaient de la harpe de la jeune noble, sa dame de parage, Rose, brodait un nouveau mouchoir pour son amie.

Mais la jeune femme brune qui ne quittait jamais Cécilie n'était pas dupe. S'il y avait une chose qu'elle savait interpréter mieux que personne, c'était l'humeur de son amie. La mélodie qui coulait de son instrument touchait toujours aussi facilement son auditoire. Les notes étaient calmes et lentes, presque mélancoliques. Nostalgique plutôt. Mais elle n'osait pas aborder le sujet qui les tracassait sûrement autant l'une que l'autre.

A la place, la figure d'un très jeune valet apparu timidement dans l'encadrement de la porte. Il interrogeait Rose du regard pour savoir s'il pouvait entrer, mais se fut l'aveugle qui l’interpella doucement, le faisant presque sursauter.

-Pouvons-nous faire faire quelque chose pour vous ?
-Et bien… Euh… Désolé de vous déranger Votre Dame. Une elfe est à la porte… et...

Les doigts de Cécilie cessèrent en fin de courir sur les cordes. Le garçonnet avait beau être d'une maladresse certaine, mais ce n'était pas le cas de la jeune femme. Après la rencontre qu'elle avait fait avant d'arriver en ville, elle n'avait pas besoin de demander pourquoi une elfe frappait à la porte d'un marchand Serramirien en demandant à la voir elle personnellement.

-Est-elle armée ?

Découpage:

En plus d'être maladroit, ce jeune valet n'était visiblement pas des plus dégourdi... Cécilie sentait l'anxiété dans sa voix se disputer à une certaine panique. De la à savoir si c'était le fait de s'occuper d'une invité ou l'elfe à la porte qui le mettait dans cet état...
Toujours est-il qu'elle dû répéter une seconde fois sa question avant d'obtenir un baragouinage incertain. Au bout de quelques instants, ayant pitié du serviteur, elle l'interrompit doucement.

-tout va bien. Allez prévenir Jindanor. Le géant de ma garde et amenez le ici au plus vite.
-Oui, Damoiselle !

Il se perdit en une révérence branlante et exagérée qui fit sourire Rose malgré son anxiété.
-Allez. Le rappela à l'ordre la voix toujours aussi calme de Cécilie pour qu'il décampe.

Mais malgré leur contenance exercée de longue date, ni Rose, ni Cécilie n'était paisible. Une elfe de plus... Et pourquoi cette fois ?
Dans leur jeune temps, les deux femmes avaient lu quantité d'ouvrage sur les elfes, ces extraordinaires créatures. La jeune noble avait rêvé plus d'une fois pouvoir entendre leur musique, parler avec l'un d'eux, apprendre de leur sagesse millénaire. Elle avait composé des ballades à leur sujet, au sujet d'Anaëh qui paraissait si mystérieuse et grandiose à travers les légendes. Elle chantait des amours immortels et d'autres impossibles comme dans les vieux contes... Mais sa première rencontre avec des membres de cette race s'était faite toute autre... Des sauvages en peau de bête, épris de sangs, voilà ce qu'elle avait vu. La réalité était bien dure...

Elle frissonnait encore, entendant et sentant cette scène jusque dans son sommeil. Sa force, sa souplesse, sa vivacité... et elle qui n'était même pas capable de se défendre. Du chaos et de la mort, elle n'avait retenu que quelques mots.

"Lumière vengeresse portée par une Mère bafouée, le jugement s'approche de la Cité des Hommes".

Cette phrase tournait dans sa tête. Elle ne la comprenait pas. Elle avait failli mourir et vu périr plus d'une dizaine de personnes pour quelque chose dont elle n'avait aucune idée. Plus important... Ce groupe s'était abattu sur elle et son escorte... Mais cette phrase amenait quelque chose de bien plus dangereux... Elle avait cru comprendre que les elfes n'étaient jamais sortis de leurs contrées, mais s'ils se mêlaient aux sombres dans la charge sur le Nord... ou envoyait des petits groupes pour affaiblir les royaumes... La péninsule y résisterait-elle ?

-Tu ne lui a pas demandé de faire patienter l'elfe dans un salon ?
-Non. Inutile de faire de la casse si d'aventure... Enfin... Nous resterons ici. L'elfe entrera lorsque j'aurai Jindanor à mes côtés. Il y a un siège pour elle ?
-Oui, ne t'en fait pas.

La terrasse était assez grande. Un endroit clairement fait pour que des femmes puissent s'y rassembler aux beaux jours. Mais pour l'heure, ce marchand était sans épouse ni enfant. Une aubaine pour cette rencontre peu banale.

Heureusement, Jindanor ne tarda pas à apparaître. Avant même qu'il ait eu le temps de saluer Cécilie et Rose dans les formes, la musicienne envoya le page chercher l'inconnue. Elle aurait pu craindre pour sa sécurité, mais si l'elfe avait voulu entrer à toute force en faisant des morts, elle en aurait déjà eu l'occasion au moment même où on lui avait ouvert pour la première fois.

-Vous m'avez fait demander ma Dame ?
-Oui. Une elfe a demandé à me voir.

Elle n'avait pas vraiment besoin d'en dire davantage. Il fallait être demeuré pour ne pas se douter de la raison de sa venue... Mais c'était une femme qui demandait à la voir. Le danger d'un combat était donc nettement moins grand.

~~Quelques notes dans l'air~~

Dans le silence assourdissant, les doigts de Cécilie recommencèrent à glisser sur les cordes de sa harpe. Elle ne l'avait pas posée. La présence du bois poli sur son épaule froissant à peine sa robe rouge et son voile était rassurante comme la musique, même sombre, qui flottait dans l'air. S'occuper les mains était toujours plus confortable pendant une attente. De toute façon, regarder ses interlocuteurs dans les yeux était très relatif alors...

-Votre Dame...

La dernière note vibra un instant avant de s'éteindre.

-Madame... Euh... Le pauvre page se rendit sûrement compte qu'il n'avait même pas demandé le nom de la visiteuse avant de l’entraîner jusque là, conformément à l'ordre qu'il avait reçu.
-Tout ira bien. Tu peux t'en aller. Prévient ton maître et transmet lui mes excuses pour cette intrusion.
-Bien... Demoiselle.

Reprenant plus haut, Cécilie laissa sa harpe reprendre sa position d'équilibre, près d'elle, sans pour autant demander à ce qu'on l'écarte. Son regard bleu pâle comme un ciel d'hiver se reposa droit devant elle, fixe, alors qu'un sourire avenant et doux se peignait sur son visage.

-Veuillez excuser l'accueil que vous avez reçu. Mais après de récents événements, j'ai préféré être prudente. Je me nomme Cécilie de Laval, voici Rose, ma dame de parage, et Jindanor Numanor. Si je ne me lève pas pour vous accueillir, n'y voyez pas d'outrage. J'ai peur que mes maladresses nous mettent toutes deux dans l'embarras.

La voix de la jeune femme avait même réussi à paraître légère sur sa dernière phrase, gardant toutefois cette mesure qui lui était propre.

-Si vous semblez me connaître, l'honneur n'est pas réciproque. Cependant, je crains deviner ce qui vous amène. Asseyez-vous, je vous en prie.

L'elfe parlait franc. Sa façon de parler la langue humaine était parfaitement compréhensible malgré un léger accent exotique. Cécilie l'entendait trépigner sur son siège, changeant de position comme pour appuyer ses propos. Le ton de la dénommer Lynae lorsqu'elle mentionna un neveu tendit légèrement les épaules de la musicienne.

De l'attaque, elle ne se souvenait pas de grand-chose de précis. Elle n'avait retenu que la devise qu'avait lancée quelqu'un avant de l’assommer et un mot dont elle ne connaissait même pas le sens. Elle en avait réchappé et essayait autant que possible de ne plus y penser mais des sentiments et des sensations confuses la reprenaient maintenant en entendant cette voix. Une légère nausée commençait à nouer son estomac. Cette peur ne la lâchait pas…

-..J'ai besoin de savoir…

Certainement… Cécilie ne pouvait que comprendre son besoin de savoir comment et pourquoi. Lorsque sa cousine était morte, elle avait passé plusieurs mois à repasser ces deux questions dans son esprit. Elfe ou humain ne devait pas changer grand-chose. Mais déstabilisée par les souvenirs flous de cette nuit-là, la jeune noble ne réussit pas à répondre tout de suite. Peut-être mise mal à l'aise par l'instant de silence qui s’installa, l'elfe reprit, incertaine.

- J'ai pu remonter jusqu'à vous personnellement, car j'ai ramassé un objet qui porte vos armoiries.

Cette fois Cécilie se redressa brusquement, tendant l'oreille. Près d'elle, Rose en fit autant, vrillant ses yeux dans ceux de Lynae. Un objet portant les armoiries de quelqu'un n'était jamais anodin, ne serait-ce que pour le revendre à un faussaire. Mais un espoir bien plus fou que celui de retrouver un simple objet marqué étreignit le cœur de Cécilie, rendant encore plus brouillonnes ses émotions du moment et difficile sa concentration. Au point où elle en était, même elle devait paraître agitée.

- Je ne l'ai pas sur moi.
-Par les Cinq… lâcha-t-elle dans un murmure.

Son cœur fit un looping puis rata un battement. Elle ne savait plus très bien par où commencer avec cette histoire… Comme si Lynae était déjà au courant de l'embuscade et de la bataille qui avait suivi, Cécilie reprit.

-Pardonnez moi… Je… je ne me rappelle que peu de choses de l'attaque… On me l'a surtout… Racontée. Et certaines choses étaient… la voix de la jeune femme mourut en se rappelant de la sensation du corps de l'elfe près du sien. Peut-être que Jindanor pourra vous en apprendre plus si vous lui décrivez la personne que vous cherchez…

Cette histoire d'objet manquant n'était pas oublié mais même retournée, elle avait conscience que parler de la mort d'une personne n'était pas quelque chose à prendre à la légère. Elle avait besoin d'un instant pour se reprendre.

Spoiler:

Beaucoup trop de choses étaient arrivées en trop peu de temps pour que Cécilie puisse réellement l'intégrer mais les quelques instants de répit que lui offrit le récit de Jindanor furent salutaires. Certes, cela ramenait à sa mémoire les événements de cette nuit-là. Certes entendre un ton si dur et froid patiner la voix grave du guerrier lui serrait le cœur. Certes elle pouvait presque sentir la tension qui n'avait pas quitté Rose depuis l'incident. Mais le bois de l'instrument, la légère brise qui caressait son visage par moment, les bruissements que produisait sa visiteuse à chaque fois qu'elle remuait sur son siège, tout lui rappelait qu'elle était dans la réalité et non dans un souvenir terrifiant.

Elle s'obligea à respirer calmement pour refouler la nausée qui menaçait de la prendre. Mais la réponse de l'elfe à tout ce qu'elle venait d'apprendre interpella la musicienne. La voix aux accents exotiques était mal à l'aise mais étrangement posée. Même en ayant appris le massacre qui avait eu lieu et la mort de son neveu, cette femme restait stoïque. A cet instant, elle semblait posséder une force intérieur que lui envia l'humaine.

- Je crains toutefois... de devoir abuser de votre patience.

Cécilie n'eut pas le temps d'aborder la question de l'objet trouvé que l'elfe prenait les devants. Elle se concentra sur ses paroles pour déceler tous les sens cachés qu'elles pouvaient contenir... Mais la franchise de Lynae était aussi déstabilisante que réelle.

Lorsqu'elle entendit la demande de l'elfe, la jeune noble fronça légèrement les sourcils. Un sauf-conduit ? C'était ce qu'elle demandait ? L'humaine allait refuser poliment lorsque la dernière phrase tomba comme un couperet. Ce chantage sortit immédiatement Cécilie du chaos d'émotions désagréable qui l'avait troublé jusque là. En quelques instants, l'assurance se peignait de nouveau sur son visage, mais son expression douce et son léger sourire n'avaient pas disparus.

-Le chantage est inutile ici.

Après une vie passée à être considérée comme une poupée de porcelaine sans esprit ni volonté, les tentatives de manipulations grossières étaient plus une source d'agacement que de colère. Les flagorneries et les compliments devenaient de plus en plus creux. Les présents n'étaient souvent que des investissements. Mais le chantage, c'était autre chose. On n'essaie pas de faire chanter quelqu'un qui n'a ni pouvoir ni volonté. Les personnes les plus abjectes se livraient à ce genre de sport. Hélas, un chantage bien mené n'était pas facile à défaire.
Dans ce cas précis, le revirement de l'elfe étonnait grandement Cécilie. Elle ne lui avait pas paru de la trempe de ceux qui s'abaissent à utiliser les gens comme des objets. Pourtant force était d'admettre qu'elle n'avait d'autre choix que de trouver un arrangement avec elle pour retrouver son bien le plus précieux...

-Rose, voudrais-tu aller chercher ton nécessaire d'écriture ?
-Bien sûr ma Dame.

Elle aurait préféré pouvoir lui dire que la parole d'une simple héritière d'une petite seigneurie du Médian n'avait aucun poids dans le Nord, surtout en des temps si troubles. Qu'une elfe battant les routes avec un sauf-conduit écrit de la main d'une noble lointaine pourrait avoir des ennuis du simple fait de présenter le document à un garde trop zélé. Que les faussaires étaient sévèrement punis et qu'ils ne se priveraient pas de l'accuser du simple fait qu'elle n'était pas humaine. Mais quelqu'un usant de chantage ne méritait pas de compassion à propos des effets imprévus de son arnaque.

Les pas de Rose s'éloignèrent rapidement.

-Moi qui espérais pouvoir entendre un jour les chants des elfes dont les légendes parlent tant... Il est bien triste de faire face à la réalité des choses parfois. Soupira-t-elle.

Puis comme si le discours de l'étrange voyageuse s'était enregistré discrètement dans sa mémoire, Cécilie revint sur un point qui lui apparu tout à coup. Un léger doute persistait.

-Mais vous avez dit ne pas être à la recherche de l’œuf de dragon... Est-ce une métaphore ?

Alors que la discussion avançait, cordiale, Rose réapparut chargée de son écritoire. Cécilie rechignait à l'idée de mêler son nom à une affaire si trouble, mais laisser son médaillon entre des mains inconnues était hors de question... Et pourrait mener à de bien plus lourdes conséquences. Une fois que tout fut installé, elle dicta d'une voix claire les grandes lignes du document.

-Moi, Cécilie de Laval, Héritière de Beaurivages, terres vassales de Missède, légitime le voyage de la dénommée Lynae de ma patrie en direction des terres d'Anaëh. Les services rendus à la famille de Laval lui valent notre reconnaissance.

Bref, peu travailler, mais l'idée était là.

-Si cela vous va, j'y apposerai mon sceau lorsque l'objet que vous possédé sera de nouveau entre mes mains.

HRP:

Le ton de Jindanor raidit plus encore Cécilie. Elle faillit le rappeler à l'ordre mais l'hilarité de l'elfe la glaça. Mais Cécilie n'entendit pas seulement la moquerie et l'inévitable orgueil outragé par la réaction de ses interlocuteurs, elle y entendit la rancœur envers les siens et envers ceux qui la jugeaient, la tristesse de quelqu'un qui n'est plus tout à fait chez lui au milieu de sa propre famille. Une vie intérieure qui n'était perceptible que part bribes derrière son sourire grinçant.

Elle entendit avec un frisson le siège de son hôte raclé le sol comme si elle se leva brutalement. En temps normal, elle aurait simplement demandé à cette femme de se calmer ou de sortir. Elle l'aurait peut-être refroidi en touchant quelques points sensibles. Mais éreintée nerveusement comme elle l'était depuis cette attaque, elle aurait pu la jeter dehors avec perte et fracas. Pourtant elle n'en fit rien. Elle voulait retrouver son pendentif. C'était impératif.

- Bien ; c'est ce que vous souhaitiez récupérer, il me semble.
-Elle vient de lancer quelque chose à Jindanor, énonça Rose avant même que la noble dame ne pose la question.
-Qu'est-ce ?

Elle espérait que la réponse serait bien celle qu'elle attendait...

Puis, alors qu'elle tendait son sceau à Rose pour qu'elle cachette la lettre, l'elfe repris, son ton toujours aussi arrogant. Même la curiosité de l'artiste faisait grise mine à côté de son agacement. Un marchandage...

-Inutile. Prenez votre lettre et...
-... Gariel Nava'Ael ...

Toute la tension accumulée dans le visage de Cécilie s'évanouit sous l'effet de la surprise. Lorsqu'elle reprit la parole, sa voix était de nouveau dénuée de toute animosité.

-Gariel vous dîtes ?

C'était donc un nom... Celle qui l'avait menacé l'avait prononcé tant de fois... Elle porta sans y penser la main à sa joue, là ou elle avait senti pendant des heures le sang collé à sa peau alors que Rose attendait finalement pour cacheter la missive.

-J'ai entendu ce nom. Quelqu'un l'appelait... Celle qui me tenait en joug... Elle a dit... Gariel awartho .

Elle s'en souvenait comme d'une musique. La prononciation ou le découpage était sans doute approximative, mais elle se souvenait de l'accent et des sons. Elle l'avait répété comme on fredonne une chanson.

-Elle a aussi dit autre chose. Lumière vengeresse portée par une Mère bafouée, le jugement s'approche de la Cité des Hommes... Peut-être saurez-vous ce que cela signifie...

Savoir ce que cela signifiait n'était pas si difficile que ça. Mais peut-être pouvait-elle démentir l'évidence... ? Sinon elle devrait mettre Jérôme, et sa famille au courant de ce qu'il se tramait... Et cela n'aurait rien de charmant.

HRP:

Jindanor porta sa main à sa lame, sourcils froncés, dents serrées, lorsqu'il vu l'elfe se redresser aussi vivement. Aux aguets, il se retint néanmoins de la charger, la lame était déjà prête à se redresser, lorsqu'il vu cette main glisser sous ses frusques. Extirpant un objet métallique, et brillant.. Un couteau.. Qu'Est-ce que cet elfe mijotait bon sang ? N'avait-elle pas conscience qu'elle allait mouri-... Elle jeta avec nonchalance l'objet en sa direction, qu'il rattrapa maladroitement à l'aide de sa main gauche.
Sa tension chuta d'un cran, lorsque celle-ci reprit la parole.

-Bien c'est ce que vous souhaitiez récupérer il me semble.

Jindanor fut interloqué un instant, puis porta son regard sur l'objet qu'il tenait en main, tandis que Rose expliquait ce qui se déroulait à Cécilie... Bon sang, c'était bien le pendentif qu'elle lui avait décris, celui qu'il avait du chercher dans la terre ensanglanté et sur les divers cadavres. Et qu'il n'avait cependant pas pu trouver.

Soit cette elfe était une chanceuse inconsidéré, tout autant que pouvait l'être Cécilie, soit cet objet avait bien quelque chose de magique qui le forçait à retrouver son propriétaire... Après tout, Jindanor n'y connaissait rien en magie, sauf quelques contes pour faire peur aux gosses.

-Qu'Est-ce ?

Jindanor tourna la tête vers Cécilie, il restait assez perplexe, mais si une personne ici était à même de reconnaitre le médaillon, c'était bien elle.

Il s'approcha de celle-ci, prenant sa main gauche dans la sienne pour venir y déposer le médaillon dont il était question, ponctuant ce geste d'un :

-A vous de me dire, Dame... J'espère que c'est bien ce que nous espérions.

Laissant la dame examiner l'objet, il reprit sa place, observant l'elfe avec moins de véhémence... Peut-être n'était-elle pas une véritable menace après tout...
Puis... Vint le terme qui brisa son empathie naissante.. Marchandage ?... Elle osait parler de marchandage ? Ce n'était ni plus ni moins que du chantage.

Posant son regard sur Cécilie, il se questionna sur la geste à suivre, que devait-il faire ? Dans le doute, il patienterait, jusqu'à ce qu'un ordre sorte des lèvres de la dame... Il voyait bien un agacement naître sur le visage de Cécilie, principalement lorsque l'elfe voulu ajouter une clause à l'intégrité du sauf-conduit qui lui était accordé.

Avouer qu'elle avait fait tuer, même par défense, les membres d'une race avec qui les humains avaient déjà eu des rixes et escarmouche, était tout sauf une bonne idée... Si cet aveux tombait entre de mauvaises mains, il était fort possible que la dame soit désignée comme instigatrice d'un possible conflit à venir.
Les tensions étaient déjà palpable de ce qu'avait pu comprendre Jindanor en discutant avec d'autre gardes de la région, palpable car l'invasion Drow ne touchait pas que les contrées péninsulaires, mais aussi l'Anaëh.. Si l'on donnait en plus de cela une raison aux elfes de refuser une alliance même temporaire pour renvoyer ces Sombres de là où ils viennent, il était fort probable que les pertes soient doublées. Si ce n'est triplées.
Jindanor n'était peut-être pas un Noble, mais les risques qu'encouraient ceux-ci ils n'en étaient pas totalement ignorant. Après tout, la Noblesse jouait à un jeu dangereux, avec ses complots, et ses intrigues. Hors une preuve écrite d'une rixe entre deux races à la paix fragile en ces temps qui court... C'était jeter ses possessions par la fenêtre... Qui que l'on soit...

-Inutile. Prenez votre lettre et...
-... Gariel Nava'Ael ...

Alors là, Jindanor fut d'autant plus frustré de voir que l'elfe se permettait de couper la parole à la Dame.. Même pour fournir un nom. Mais il fut d'autant plus interloqué quand il remarqua que ce nom venait de figer les paroles de Cécilie. Son visage crispé par l'agacement et la tension de la situation perdit toute couleur pendant un instant, se dressant sous des atours de surprise... Jindanor n'y comprenait pas grand chose, ce qu'il comprenait de la situation c'est que le nom que venait de prononcer l'elfe, venait d'interpeller Cécilie... Il ne se rappelait que vaguement des paroles en elfique qu'il avait entendu lors de l'intervention de l'elfe vis-à-vis du Rouquin... Mais ce terme, Gariel, il ne lui était pas totalement inconnus.

-Gariel vous dîtes ?

Merci Dame, voulu prononcer Jindanor, la curiosité dont elle faisait montre n'avait certainement d'égale chez Jindanor que la sienne. Il est vrai que celui-ci n'avait que rarement l'occasion de parler avec une elfe, d'autant plus vagabonde, connaissant ceux-ci comme étant extrêmement territoriale et amoureux de leurs forêts.

-J'ai entendu ce nom. Quelqu'un l'appelait... Celle qui me tenait en joug... Elle a dit... Gariel awartho .

Jindanor écoutait attentivement la discussion entre la dame et l'elfe, tournant son visage vers l'une et l'autre au fur et à mesure qu'elles prenaient la parole. La tension qui s'était accumulée dans la salle disparaissait à vue d'œil.. Ne laissant pas pour autant place à une ambiance chaleureuse et familiale, mais au moins cela se rapprochait plus d'une réunion diplomatique où chacun faisait preuve d'une certaine retenue.

-Elle a aussi dit autre chose. Lumière vengeresse portée par une Mère bafouée, le jugement s'approche de la Cité des Hommes... Peut-être saurez-vous ce que cela signifie...

Jindanor observa Cécilie, ces quelques mots qu'elle prononça vinrent lui faire couler des sueurs froides... Si quelques elfes souhaitaient la vengeance, grand dieux.. Jindanor n'osaient imaginer la possibilité d'une guerre entre les hommes et les Elfes, surtout après celle contre les Drow's..Il n'avait pas pour habitude d'être pessimiste, cependant lui vinrent en tête ces quelques mots : ...Si on gagne cette guerre contre les Drow's...

Ho dieux... Faîtes en sorte que la paix s'insinuent dans le cœur des hommes et des créatures dotées d'intelligence de notre monde se surprit à penser Jindanor.

Jindanor ne savait comment interpréter la chose..Agir ? Essayer de les arrêter... ? Non, si cette elfe risquait le bûcher, c'est qu'il fallait à tout prix éviter que l'on sache qu'elle se trouvait dans ce château.. Jindanor ne savait qui en avait après eux, ni ce qu'ils avaient bien pu faire, mais sa première réaction fut d’emboîter le pas de ces fuyards, attrapant l'elfe par l'avant bras, pour la retourner vers lui.

-Arrêtez ! Fut son simple mot..Il s'attendait à une riposte, mais relâcha l'elfe rapidement. Ne passez pas par n'importe quelle sortie.. Il désigna l'un des gardes dans le couloir au loin, lui faisant signe de s'approcher tout en l'interpellant de sa voix grave... Faîtes les sortir par l'arrière.. Et faîtes en sorte que personne ne les aperçoive. Me suis-je bien fait comprendre ? Il en va de la sécurité des occupants de ce Castel.

-J-...Oui, bien sir...Toute suite. Il fit signe aux deux protagonnistes de le suivre, filant déjà vers les escaliers.

-Qu'attendez-vous ? Filez ! Cependant sachez une chose, si jamais cette discussion vient à attirer des ennuis à la Dame de Laval, je vous retrouverais, et vous tuerais.

Sa voix était rude, et froide, il était sincère, et leurs désignait de suivre le garde qui patientait non loin des escaliers.

-Filez !

Jindanor les observa, ceux-ci suivraient certainement ce qu'il disait, peut-être seraient-ils éberlués ? Qui sait ? Tout ce qu'il savait était que pour éviter toute retombés sur la dame qu'il protégeait, ces personnes ne devraient jamais avoir été ici.

-Garde ! Que personne d'autre ne les voye ! Insista-t'il, tout en reculant vers l'intérieur de la salle, il avait gardait jusque là sa lame en main, se tenant bien droit, immense.

HRP:

Tout c'était accéléré. Quelqu'un avait fait irruption, lui donnant le surnom d'artiste qui la suivait depuis maintenant bien des années. L'elfe partait. Rose n'avait même pas eu le temps de cacheter la lettre qu'on la lui pris des mains. Elle était perdue. Jindanor réagit bien plus vite qu'elle, emmenant les inconnus dehors, donnant des ordres pour les faire sortir discrètement. Non ! C'était pire que tout ! Elle n'était pas chez elle et voila qu'elle se rendait complice de la fuite d'une… d'une quoi d'ailleurs ? Elle n'aurait jamais du accepté de la recevoir. Même avec sa curiosité et sa culpabilité ! Elle avait commis une erreur qui ne se reproduirait pas.

Elle se leva, tête haute, dos raide.

-Rose. Ramenez-moi à ma chambre je vous prie.

Les deux femmes avancèrent dans la couloir d'un pas rapide, ignorant les interruptions potentielles d'un geste de main agacé. Tout cela allait trop loin. Elle n'aurait jamais dû partir en voyage sous de telles auspices.

Une fois porte close, elle se laissa aller à un soupire. Dans la main de la jeune femme, le contact rassurant du médaillon se rappela a elle. Il y avait un peu de bon dans toute cette agitation qui risquait de lui coûter sa réputation…

-Rose…
-Oui ?
-que dirais-tu de rentrer à Etherna en attendant le retour de Jérôme ?
-Tu sais bien que ce n'est pas a moi de décider de ce genre de choses.
-Je suppose que tu as raison…