Dans la Foi des Neufs | Jena & Irys

Les milles couleurs de la rosace brillait sur le parvis de la cathédrale Notre Dame de Deina comme les milles teintes d'une forêt d'automne. Elle dessinaient une ellipse parfaite sur le sol qu'Irys foula avec une démarche presque révérencieuse. Ces pavés avaient été le théâtre de tant de légendes et spectateur de centaines de miracles, les fouler était une occasion que la Grande Prêtresse n'avait eu que rarement et elle profitait de chaque seconde devant ce lieu sacré.

Ses pieds nus rencontrèrent la dalle de marbre gris qui délimitait la grande porte d'entrée du temple. Irys leva les yeux vers l'immense tympan qui surplombait majestueusement les visiteurs entrants. Ses gravures représentait la scène du Choix, où Néera offrit aux Hommes le libre arbitre. La pointe de la Tour Principale était encore visible, et la statue de Deina indiquant fièrement le Nord, enveloppé dans un drapé sculpté par les plus grands maîtres. Les deux autres tours, bien que moins impressionnante, égalaient certainement l'autre en superbe.

Cependant, malgré la beauté extérieure du lieu, l'intérieur était encore plus impressionnant. Les murs étaient gravés et chaque pan de mur était soigneusement orné. Rien n'était laissé vide. Au loin résonnait les échos de quelque cœur chantant milles louanges à la Damedieu. La voix cristalline des vierges et des jeunes garçon plongeait la cathédrale dans une ambiance bien particulière qui sied bien à la méditation.

Des dizaines de pèlerins et de fidèles étaient rassemblées ici, les mains jointes ou tournées vers le ciel, agenouillée devant la grandeur des Saints. La Grande Prêtresse courba l'échine et avança lentement. La nef traversée, elle arriva devant le grand autel de marbre derrière lequel trônait la statue de Deina. Elle s'inclina devant elle et ses lèvres murmurèrent quelque prière. Les yeux fermés, elle médita un moment.

Une main se posa sur son épaule et vint la sortir de sa torpeur. Une voix douce et cristalline aux accents de la jeunesse s'éleva dans le Temple.

«– Madame ? Vous allez bien ? »

L'enfant, s’apercevant que l'interpelée allait bien, retrouva un sourire innocent. Une seconde personne arriva derrière elle, une femme à la robe bleue ciel s'inclina et interrompit la gamine.

«– Grande Prêtresse. nous vous attendions. Votre présence honore notre cathédrale. Je suis Eléonor quant à elle, son nom est Anabelle. Nous nous excusons de vous avoir dérangé dans votre prière, mais le Grand Intendant voudrai vous parler. Puis-je vous mener dans le cloître, où il vous rencontrera ?
– Je vous suis Prêtresse Eléonor. »

Pour lui montrer le chemin menant à la cour intérieure, la fillette partit d'un pas joyeux. Son innocence décrocha un sourire à la Grande Prêtresse du Langecin.

Les deux femmes arrivèrent sous le préau de pierre qui délimitait le cloître. Ici, un manège de prêtre et d'adeptes se détendaient après les offices et les soins aux miséreux. En ce lieu, le Silence n'était pas de mise, et les conversations allaient bon train, bien que souvent chuchotées. Un homme en robe de bure grise, signe distinctif des Intendants, s'avança vers eux et les accosta.

«– Bienvenue parmi nous, Grande Prêtresse.
– Merci, Intendant. Puis-je vous demander si la Gardienne est arrivée ? Nous devions nous rencontrer dans la matinée.
– La Gardienne Jena n'est pas arrivée. Cependant, vous pouvez me suivre en attendant son arrivée, nous avons de quoi vous sustenter après votre voyage, qui a du être éprouvant. »

Irys suivit le prêtre à travers les dédales de couloir et arriva dans une petite anti-chambre. L'homme la pria de s'asseoir et elle s'exécuta. Puis, appelé par les affaires, le Grand Intendant se retira.

Seule en attendant la Gardienne, la Grande Prêtresse put sortir Laarth des replis de sa robes, où elle le cachait des regards indiscrets. L'animale courut le long de son bras et, d'un léger coup de patte, s'envolant dans la pièce. Il tournoya autour de sa compagnon, libéré de plusieurs jours de voyages. Ensemble, ils attendirent l'arrivée de celle qu'ils attendaient.

HRP:

Malgré leurs vingt-cinq hivers, les genoux de la Grande-Prêtresse ployèrent sans problème à l'arrivée de la Gardienne. Elle s'agenouilla devant l'avatar de la Damedieu. Irys avait en face d'elle une femme dont le simple toucher n'était pas digne d'elle. Elle plongea ses yeux dans ceux, cachés d'un voile opaque, de Jena. Jamais elle n'avait eu le privilège de contempler le visage de cette femme que les poèmes chantent les louanges. Ses cheveux noirs de jais légèrement bouclés cascadaient sur ses épaules et mettait son teint clair en évidence. Le feu, déjà intarissable, de la foi d'Irys brillait à présent dans son coeur comme un phare illumine la mer et guide les voyageurs.

«– Bonjour, nous n'avons pas eu le plaisir d'être présentée, je me nomme Jena et voici ma fille Liliana. J'espère que ça ne vous dérange pas qu'elle m'ait accompagné ? »

La veuve se releva et baissa la tête.

«– Non, Gardienne Jena, je ne peux vous en tenir rigueur. Quant à moi, veuillez excuser la présence de Laarth, mon compagnon. Je peux lui demander de s'en aller si il vous dérange. Puis-je vous proposer de vous asseoir, Gardienne Jena ? »

La vieille Prêtresse attendit que son hôte et sa fille furent bien installées pour elle même prendre place dans un fauteil. Alors seulement elle se présenta.

«– Je me nomme Irys, Grande Prêtresse de Langehack, comme a déjà dû vous le dire mon émissaire. Quand j'ai appris votre séjour à Diantra, je me suis permise de vous l'envoyer afin que cette rencontre ai lieu. »

Les présentations étaient faites. Irys, avec une voix où un respect éternel était perceptible, commença à parler.

«– Gardienne Jena, nous vivons des temps difficile. Les hommes oublient la Foi pour leur Mère pour le pouvoir ou d'autres convoitises matérielle. En tant qu'ancienne baronne, vous devez savoir de quoi je parle. Si nous ne pouvons renier une couronne pour maintenir l'unité du Royaume de la DameDieu, il faut cependant rappeler à Ses fils qu'Elle est celle qui les a créé et donné le Choix. Alors que la Haute Prêtresse de notre culte soutient Harold, le Haut-Prêtre la dédit. Mon esprit ne peux accepter pareil dilemme. Ainsi, voilà ma question : la Déesse approuve-t-elle la voix de Sa fille ? Dois-je porter ma voix pour Nimmio et m'opposer à notre souverain, ou au contraire maintenir la position du culte ?
« Les pressions sur mon temple se font de plus en plus forte, et je ne puis plus remplir correctement mon rôle que j'ai fais la promesse de tenir lors du Choix : guider les hommes sur les sentiers que Néera leur a tracé. »

Après avoir frappé trois discrets coups sur la porte en bois, une adepte en robe blanche entra dans l'anti-chambre et déposa un plateau avec eau et coupes, puis en servit trois. Elle s'effaça après plusieurs courbette aussi rapidement qu'elle été rentrée. Se saisissant d'une coupe, Irys fit couler le liquide frais dans sa gorge desséchée par une ennéade de voyage. Les idées claires, elle se concentra sur la réponse de la Gardienne, dont elle espérait qu'elle l'aiderai à comprendre la situation.

«– Puis-je parler librement, Ga... Jena ? »

Malgré la demande de la Gardienne de ne l'appeler que par son nom, trop de respect perçait son coeur pour qu'elle puisse être si familière avec une femme qui était l'incarnation de ce qu'elle avait passé sa vie à vénérer. Avec un sourire las à sa propre méprise, elle reprit.

«– Je ne pense pas que la Haute-Prêtresse ait agi ainsi par seul intérêt personnel. Je ne pense pas non plus que ce fut uniquement pour rétablir l'ordre en Péninsule. L'esprit de l'homme est complexe, et ses réactions ne sont pas forcément motivés par un but clair, l'expérience me l'a appris. Cependant, à mon humble avis, la Haute-Prêtresse doit être remise en place. On ne peut bafouer ainsi la Sainte Parole de la DameDieu impunément. Qu'est-ce qui empêcherai alors un fanatique de reprendre le culte en son nom ? L'Ordre ne peut tolérer cela. »

Irys ignorait la teneur de ce que Néera avait demandé à Jena, cependant, elle était sûre que remettre le culte en ordre et éviter un schisme serait une de ses priorités. Alors qu'au Sud, le haut prêtre s'était allié avec Soltariel pour soutenir Bohémond, le Médian s'entre déchirait pour la couronne, laquelle avait été à présent posée sur la tête de Harold. Si cela continuait ainsi, le Culte serait déchiré lui aussi. La Grande Prêtresse ne pouvait imaginer l'effet que cela aurait sur le royaume, cependant il ne pouvais être bénéfique. Bien décidée à rester, avec son Temple, un îlot de neutralité dans la tempête, elle avait pris les devants en venant directement à Diantra.

«– Si je puis me permettre une suggestion, Jena... Je pense qu'il faudrait réunir le Conclave des Grands Prêtres et Prêtresses. Ainsi toute décision à l'encontre de la Prêtresse serai légitimée et cela éviter une catastrophe à l'échelle de la Péninsule. Le Haut Prêtre serait également obligé de se plier à votre décision et celle du Conclave. »

Elle détestait ces machinations digne du plus vil politicien. Cependant, à circonstance exceptionnelle...

«– Une question brûle encore mes lèvres, Jena... Harold est-il la bonne personne ? Néera a donné le Choix aux hommes, mais je doute qu'il aient réellement eu le choix... Notre roi est de plus en plus critiqué, et je gage que cela ne s'arrangera pas avec le temps ? Le culte doit-il intervenir ? Votre conseil me sera précieux. »

Elle sentit la chaleur des mains de la Gardienne, alors que ses doigts se refermaient sur la sienne. Ce contact, si léger fut-il, fit frissonner la Grande-Prêtresse, car derrière l'humaine, la Déesse lui prenait la main. Sans doute quelques instants plus tard, en rouvrant les yeux qu'elle avait fermé et en se mordant la lèvre, elle écouta les remerciements de Jena. La jeune femme semblait ne pas avoir conscience de l'effet qu'elle produisait chez sa consœur. Sa Foi était bouleversée, comme exacerbée au centuple par la présence de la Damedieu dans la même pièce. Irys sentait que derrière chaque geste si familier de la Gardienne, l'ombre de Néera lui faisait écho. Machinalement, elle se répétait les Neuf, comme une litanie incessante qui semblait ne jamais pouvoir cesser.

«– Néera ne veut pas intervenir... nous guiderons pour le Bien... chaque … camp… soit traité à égalité... Harold ou d’un autre... dérives que subit le Culte... »

Ces mots vinrent assombrir le coeur de la veuve. Le dogme, récité comme une poésie, s'effaça pour laisser place aux conditions temporelles du Culte. Tant de choses reposaient sur ce Conclave. Des choses qui pourraient tuer ou épargner des milliers de vies. Il était dans le devoir des Adeptes de Néera de faie triompher le Bien, le Choix et les Hommes. Naïvement, Irys pensait que le Conseil de la Ligue allait pouvoir arranger la Paix dans le Royaume. Si chacun ne se rassemblait pas dans le seul et unique but de rassembler les duchés sous une même bannière, alors le sang coulerai toujours. Une seule chose ralliait encore la Péninsule : Néera. Les Hommes pouvaient compter sur leur Mère.

Un Prêtre débarqua dans la pièce, suivit de la fille de Jena, toujours grand sourire. Elle sautilla pour reprendre sa place à côté de sa mère et le prêtre prit la parole. Il prit note des intentions de Jena et s'effaça effectuer sa besogne. La paume de la Gardienne vint réchauffer l'avant-bras d'Irys, qui sentait encore l'empreinte de ses doigts au creux de sa main.

«– Mon coeur est à Néera, mes mains à Son service. Je vous aiderai, Jena. Vous pouvez compter sur moi. »

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Un cheval scellée l'attendait sur le parvis de la cathédrale. La Grande Prêtresse Langecine avait reçu une missive quelques heures auparavant. Signée par procuration par la Gardienne, elle lui indiquait que les troubles de Diantra ne pouvait inviter à une réflexion profonde. Saint Berthilde serait un lieu plus approprié. La capitale était au bord de la révolte civile, et les bruits courait au Temple que Oschide d'Asnozia en était la cause. Si cela pouait être vrai, alors le Langecin entendrait la voix de sa Grande Prêtresse lorsqu'elle le reverrait. En attendant, ses préoccupations étaient autres.

Irys mit le pied à l'étrier et tendit douloureusement le genoux pour monter sur le canasson. Les années n'avaient pas touché ses réflexe de bonne cavalière, mais sa vivacité en avait pris un coup. Laarth se glissa entre ses jambes et posa la tête contre la cuisse de sa compagne.

«– Tu ne devrai pas. »
«– Sans doute, mais il est de mon devoir de le faire. Les ordres de la Gardienne sont celles de la Déesse. »
«– La Créatrice ne peut demander ce que tu ne peux accomplir. »

Irys eu un sourire à la remarque de son compagnon.

«– Alors je ferai ce que je peux... »

D'un coup de talon, la Grande Prêtresse mit sa monture au pas. Elle eu un regard en arrière, pour la rosace de la cathédrale. Ses reflets brillaient de milles feux et se reflétaient sur les écailles du dragonnet. Au loin, sur la pointe du temple, Sainte Deina la toisait, comme pour lui dire que la Déesse veillait sur elle. Irys s'en trouva rassurée et continua son chemin.