[Lourmel] Ah.... les enfants... | Lyse[terminé]

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début seconde ennéade

La canne heurtait le mur à répétition, permettant à l'aveugle de marcher d'un bon pas. D'autres pas évoluaient autour d'elle. La plupart des personnes, elle ne pouvaient les reconnaître. Elle pouvait facilement savoir s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, d'un garde ou d'une chambrière, mais il y avait toujours une marge d'erreur et l'identité exacte de ces personnes lui restait impossible à déterminer… a quelques exceptions près.

L'une d'elles se dirigeait justement à pas extrêmement rapide dans le couloir. Ce n'est pas tellement qu'elle connaissait très bien cette personne, plutôt qu'elle était différente de toutes celles qui courraient les murs du château. Elle s'était plus que bien entendu avec sa mère, mais elle n'avait pas encore eu l'occasion de passer beaucoup de temps avec elle précisément.

Un sourire sur les lèvres, Cécilie changea sa canne de main et salua la jeune fille à la volée.

« Bonjour Lyse. »

Elle entendit l'enfant piler à quelques mètres. Prise sur le fait ? Sûrement. Mais de quoi ? la était la question. Question qu'elle n'eut même pas a poser tant Lyse s’emmêla les pinceaux ( à croire qu'elle voulait qu'on l'attrape après ce chapardage ).

Le sourire de la musicienne redoubla, résistant à l'envie d'éclater de rire. Le soulagement de la jeune fille en voyant à qui elle avait affaire était perceptible… Mais lorsqu'elle recommença a s'embrouiller sur un sujet que bien d'autres auraient trouvé glissant, Cécilie ne se retint plus, se laissant allé à un rire joyeux comme elle avait peu l'occasion d'en avoir.

« Tu veux dire que je n'ai aucune preuve pour te gronder ? Ne t'inquiète pas, je fermerai les yeux pour cette fois… » ajouta-t-elle riant encore à demi.

Le bon mot… pas franchement bon au demeurant, ne serait peut-être pas au goût de Lyse, mais Cécilie était assez fier d'elle. Pour faire bonne mesure, elle croqua dans une fraise.

« Surtout qu'elles sont délicieuses ! »

C'était amusant de voir ce que quatre ou cinq ans pouvaient changer un être. Aline était encore bien jeune, mais depuis son arrivée, le château rayonnait d'un je-ne-sais-quoi de plus. Sûrement les bêtises de cette grande fille à bien y réfléchir…

« Tu sais avec quoi elles seraient encore meil... »

Elle s'interrompit , posa un doigt sur ses lèvre et fit un clin d'oeil complice dans la direction supposée de Lyse. A peine une seconde plus tard, la chef des cuisine débarquait de son grand pas le long du couloir. La matrone, aussi haute qu'elle était bienveillante… et aussi bienveillante qu'elle était intransigeante sur le chapardage en cuisine, s'arrêta juste avant de passer la porte, ayant visiblement vu de coin de l'oeil le trésor que cachait Lyse derrière son dos. Près avoir rapidement saluer l'Intendante d'une révérence maladroite, elle se pencha, l'air sévère, sur la jeune fille qui l'accompagnait.

« Et alors toi, ou est-ce que tu as trouver ces fraises ? J'espère pour toi qu'elles ne provienne pas du garde mangé… »

Si Cécilie ne pouvait pas vraiment savoir ce que l'expression « faire les gros yeux » impliquait, elle n'avait aucun doute sur le fait qu'elle aurait put être appliquée à ce moment précis. Ou en tout cas faire la grosse voix… Mais avant que Lyse ne décampe ou que la cuisinière reprenne ses remontrances, elle laissa tomber la seule chose qui était à même de faire lâcher prise à leur chère chien de garde.

« J'ai bien peur de devoir plaider coupable. » Une seconde de silence solennel lui répondit alors qu'elle montrait les deux fraises qui restaient dans sa main. « Je reçoit un architecte qui devrait être à même de régler définitivement le problème de l'escalier est. Il paraît qu'il adore les fraises, ne vous trouvant pas, j'ai demandé à Lyse d'aller m'en chercher. C'est aussi simple que ça. »

Elle mentait… effrontément… Avec sa simplicité et sa douceur habituelle. Les dieux eux-mêmes lui auraient donné leur confiance sans une once d'hésitation.

« Je ferai en sorte de vous avertir la prochaine fois, mais je dois remonter rapidement. Lyse. » appela-t-elle en se remettant en marche.

La servante disparue bien vite dans sa cuisine et au coin du couloir, Cécilie se remit à pouffer, presque fière du tour qu'elle venait de jouer, sans ralentir le pas qui les menaient non pas vers son bureau, mais bien vers les jardins.

« Dit-moi, ça t'arrive souvent de chaparder comme ça ? »

« J'ai bien peur que si, c'est bien du chapardage tant que personne n'est au courant de l'origine de la disparition des fraises. »

Pour faire bonne mesure, elle croqua une seconde fraise.

« En soit, ce n'est pas un problème, mais a cause de ce genre de chose, on ne sait plus ce qu'il y a dans les cuisines. Imagine qu'Esbeth veuille faire une grande tarte aux fraise pour le dîné et qu'il n'y en ait plus à cause de gens qui viennent en prendre sans le dire dans les cuisine. Il n'y en aurait plus, ni pour toi, ni pour Maélyne, ni pour moi – grande gourmande que je suis. »

La réprimande de base aurait sûrement été de dire que voler c'était mal et que c'était comme ça qu'on finissait en prison loin de sa famille et avec que du pain rance pour manger.Il aurait été aussi judicieux de lui dire qu'à force de manger trop de fruit à longueur de journée, elle finierait par attraper la plus grande dicentrie de sa vie... Mais sur des détails si peu dangereux, mieux valait, de l'avis de la musicienne, qu'un enfant se casse les dents. Il faisait plus attention la fois suivante et les remarques et interdictions des adultes avaient plus de poids lorsqu'elles n'étaient pas surabondantes.

Lyse verrait bien par elle-même ce que dirait ses boyaux... ou même ses doigts lorsque la chef cuisinière lui tomberait dessus.

En attendant, les deux resquilleuses arrivaient dans le jardin.

« Tu penses que tu pourrais trouver un endroit tranquille pour manger tes fraises en profitant de l'air frais ?

Un gros troll… Pauvre cuisinière. Elle avait pourtant une jolie voix et elle avait toujours parue des plus raisonnables à Cécilie. Enfin… Les enfants avaient le don de forcer le trait, comme toujours.

« Et bien, vient me voir lorsque tu veux des fraises. Si tu promet d'être un peu raisonnable sur la quantité et de ne plus voler dans le garde-mangé, je devrais pouvoir m'arranger avec les cuisinières. Et personne ne viendra te tirer les oreilles. »

Lorsqu'elles arrivèrent dans les jardins et que la petite commença a émettre des suspicion sur les véritables intentions de Cécilie, cette dernière prit un air des plus sérieux. Presque offusqué.

« Moi en mission d'espionnage ? Sache qu'une Dame n'espionne jamais pour personne. Ce qu'elle sait, elle le garde pour elle. Et puis que voudrais-tu que j'espionne au juste ? Le bruit de tes pas ? … et puis je suis sûre que tu ne connais pas la moitié des passages dérobés que je connais dans ce château. »

Emprunter pour manger… Cette petite n'avait visiblement aucune conscience de la chance qu'elle avait… A son âge cela n'avait pas grande importance, mais c'était aussi à cet âge que l'on façonnait sa personnalité future.

« Tu n'as pas répondu à ma question. Tu viendras me voir ? »

Devant l'enthousiasme de l'enfant, elle ne put s'empêcher de demander avec un sourire jusqu'au oreille :

« tu ne veux pas manger tes fraises d'abord ? »

"Il est bien derrière une tapisserie oui."

Cécilie sourit de plus belle. Elle avait trouvé le passage en sentant un filet d'air s'en échapper. La petite devait vraiment avoir l'oeil car elle n'avait jamais trouvé de voyant qui tique sur cette tapisserie... En même temps elle n'avait jamais accueilli quelqu'un en lui certifiant qu'il y avait un passage dérobé dans la pièce.

"Si tu veux l'explorer libre a toi... mais tu devrais prendre garde à ce qui se trouve de l'autre côté..."

Cécilie étouffa un rire en imaginant sa cousine voir débouler Lyse dans son bureau par le couloir qui reliait leurs bureaux à toute les deux. Voilà qui devrait lui changer un peu les idées, même quelques secondes. Avoir une autre présence enfantine n'était décidément jamais un mal.

"Mais avant que j'oublie. Est-ce que tu voudras venir en ville avec moi demain? J'ai une visite a faire au temple de Néera et il me semble que tu n'as pas souvent l'occasion de sortir des murs du chateau avec tes gouvernantes..."