[MdO2017] La Lice - Spectateurs.

La mêlée qui avait eu lieu la veille a apporté son lot de surprises. La pluie qui était tombé en abondance durant l’épreuve n’a apporté que plus de difficulté. Durant la nuit, des orages avaient également éclatés rendant le terrain sur lequel les joutes auront lieu assez boueux. Cela n’empêcherait en rien les chevaliers de s’affronter. Les servants étaient au travail dès l’aube, nettoyant les gradins et sièges, tout avait été construit à l’extérieur de la ville, permettant ainsi de disposer d’un plus grand espace. Le peuple s’amassa doucement, s’installant dans les différentes parties qui leurs étaient réservés alors que d’autres s’alignèrent dans les rues et ruelles attendant le passage des divers concurrents. La tradition voulait que les participants parcourent la ville avant de se rendre sur le lieu de la joute.

Les nobles s’installèrent petit à petit dans l’un des gradins, bénéficiant d’un confort augmenté. Le ciel semblait toujours menaçant mais bien moins que la veille. Les différents étendards des invités d’Aymeric frottèrent au-dessus des tribunes prouvant ainsi la présence d’un vent assez fort. Les chevaliers sortirent de la ville puis vint l’heure du discours du Marquis, écouté de tous. Le défilé pouvait alors commencer.

Ce sujet est ouvert à tous, nobles comme roturiers.
Tous ceux qui souhaitent assister aux joutes.
Pas de règles concernant d'éventuels tours.
Si ce sujet vous paraît trop encombrant, rien ne vous empêche
d'ouvrir un RP privé pour commenter les joutes.

Le temps maussade n’était pas pour déplaire au vieil Arnoul. Assis tranquillement sur les gradins, il regardait les sombres nuages s’amonceler au-dessus de sa tête, alors qu’hier déjà, la pluie avait battu sans merci la campagne serramiroise, et par conséquent les lieux du tournoi. De la gadoue s’était formée sur la lice, une boue conséquente qui laissait présager, selon le vieux Stern, la victoire de sir Roderik. Pour sûr, il parierait sur Hudgar le Pieux, même si ce dernier n’avait pas jouté depuis quelques temps. Mais en bon interprétateur des signes, qui de mieux qu’un Roi de la Boue pour concurrencer les freluquets du Sud et moucher ces prétentieux de Serramire, d’Oësgard et d’Etherna ? Ici, la mélasse serait déterminante pour savoir qui vaincrait. Ha, qu’il regrettait le temps où il faisait encore partie des participants…

Entouré de quelques de ses chevaliers, et assis à côté du seigneur de Saint-Cyril, dont la fille avait marié son défunt fils Yvard, Arnoul regardait l’entrée en lice des jouteurs. Le premier à arriver en lice était un pur et typique Suderon. Francesco d’Anoszia… Tiens, il connaissait les Anoszia. L’on disait d’eux qu’ils ne juraient que par l’or, et qu’ils ne regardaient pas les gens dans les yeux, préférant mirer le ciel duquel ils aspiraient un jour à fouler le sommet. Le fringant chevalier, tout de fierté ou d’arrogance, avait demandé les faveurs d’une Dame. Une Suderonne, évidemment. Après tout, que le Sud embrasse le Sud, et que le Nord garde ses belles damoiselles ! Néanmoins, il ne pouvait que valider le choix de l’Ydrilote. La Dame de Solaria était fort belle, et paraissait plus digne que le commun des femmes méridionales.

Le second à rentrer était un géant. A dire vrai, même Gothor de Welm, son plus grand gaillard, était loin d’être à la taille de celui que le héraut appelait déjà l’Ours d’Oësgard. Pas étonnant que cette terre produise des monuments, avec tous les ennuis qu’elle traversait depuis des années… Sir Jorgen Bauer, à côté d’Arnoul, se pencha pour lui susurrer :

« On dirait un bœuf monté sur un cheval. Vous pensez qu’il ait une chance ? »

Le vieillard ricana.

« J’ai vu bien des tournois, Jorgen. Les grands costauds ne sont pas forcément les meilleurs. Trop lents, ou trop grands. Même si son cheval est un mastodonte qui a dû lui coûter bien cher, je doute qu’il soit plus efficace qu’un autre. De toute façon, dans la boue, n’est-ce pas Arétria qui remporte le mieux la victoire ? »

Le chevalier gloussa à son tour, avant de reprendre sa place. Le fameux Jindanor, d’une maison Numanor qu’il ne connaissait guère, avait décidé de demander sa faveur uniquement à la Damedieu. Arnoul haussa un sourcil, puis rit un peu en compagnie de ses amis chevaliers.

« Voilà qui devrait plaire à Hudgar, vous ne pensez pas ? »

Jorgen acquiesça. Il était vrai que le représentant du fief de Stern était renommé pour sa piété, qui lui avait valu un titre en lieu et place de son nom de famille, cachant ainsi sa basse origine, comme le maquillage occultait un visage ingrat. Le Seigneur de Saint-Cyril se pencha vers Arnoul :

« Sir Arnoul, comment se porte votre fils, dites-moi ? A-t-il recouvré de ses blessures ? »

Le vieil homme fit la moue un instant, avant de se reprendre.

« Non. Il est toujours dans un état précaire, il ne se réveille toujours pas. Mais, merci de vous en soucier… »

L’humeur un peu plus sombre, Arnoul se concentra à nouveau sur l’entrée des jouteurs, tapotant l’accoudoir de son siège en rythme, ses yeux fatigués rivés sur les jouteurs.

Les averses allaient et venaient depuis le matin, mais elles n'étaient rien en comparaison de ce qu'avait été l'orage de la nuit. Il aurait été aisé de croire que le tout aurait rafraîchie la journée, mais il n'en était rien ou du moins cela n'était pas suffisant quand vous portiez une cape. Ce qui était le cas D'Angelina de Solaria. Elle était arrivée au matin, pile a temps pour le début des Lices, mais ayant ainsi manquée les festivités précédentes. Certaines choses l'ayant retenues plus que nécessaire a Soltariel, puis sur la route. Qu'importe, nul doute que personne n'avait remarqué son absence, elle avait été inviter pour la forme, au meme titre que toute la noblesse. Cachée sous l'épaisse étoffe de velours, n'était apparent que son visage et sa chevelure d’ébène. Cette dernière qu'elle n'avait guère eu le temps de discipliner en une tresse ou un chignon habituel, pendait librement le long de son dos et de ses épaules, retenue simplement sur les cotés par quelques rubans. Rubans, du meme bleu profond que le vêtement qui la dissimulait présentement.

Son regard parcourait distraitement, mais avec assiduité la foule, elle était a la recherche de quelqu'un en particulier. Quelqu'un qui n'avait pas donné de nouvelles depuis bien trop longtemps et pour qui elle commençait a avoir de sérieuses inquiétudes. Elle n'accordait que peu d’intérêt a la Lice qui allait débutée sous peu. Et pour cause, elle n'avait jamais compris l'attrait des gens pour ce genre de "jeux". Une histoire d'honneur qu'ils disaient. Quel honneur y'avait t'il a finir ventre a terre, blessé, voir possiblement mort, juste pour avoir voulut prouver un pseudo courage dans une épreuve qui n'en avait que le nom. A ses yeux l'honneur d'un homme se définissait dans des actions réelles, tout comme son courage. Un homme qui se battait pour sauver parfait inconnu, un homme qui retroussait ses manches pour nourrir sa famille, la étaient de vrais comportements honorables. Mourir, sur un cheval, la lance a la main, juste pour avoir voulut épaté la galerie, n'avait a son sens rien qui ne mérite de s'en souvenir.

Pourtant bientôt l'événement capta son attention avec l'entrée en Lice d'un chevalier portant le nom des Anoszia. Un cousin d'Oschide qu'elle avait croisée jadis lors d’événements officiels. Elle se souvenait vaguement de lui et pour sur lui ne l'avait point oublié vu qu'il en vint a mander ses faveurs. La seconde de mortification passée, Ange les lui avait accordée. Entendons nous bien, par faveurs accordées, il fallait comprendre que l'un des rubans bleus qui retenait sa chevelure, avait désormais trouvé nouvelle demeure en la présence de la lance de l'homme. De par ce geste, elle espérait bien obtenir quelques informations sur Oschide, ça et le fait aussi qu'elle avait eu pitié du pauvre bougre, n'ayant pas a cœur de l'humilier avant meme le début du tournoi. Il n'y'avait plus qu'a espérer que le pauvre homme ne s'était pas porté malheur en la choisissant, après tout un instant plus tot, en pensées elle méprisait justement le fait que ses chevaliers risquent blessures et plus pour le simple plaisir de parader. Bon sang, il ne manquerait plus qu'il meurt et voila que ce serait pour ainsi dire sa faute, les dieux ayant un curieux sens de la répartie.

Délaissant la vue de la Lice, elle laissa a nouveau son regard vagabondait parmi les spectateurs. Si un Anoszia était présent, il y'avait des chances que d'autres le soient aussi. Cornelia serait t'elle parmi les dames a accordée leurs faveurs ? Elle serait sans doute rapidement fixée. En attendant rester a supporter la chaleur et les averses jusqu'a la fin de cette journée. Un sourire se dessina sur ses traits tandis qu'elle se demandait qu'elle tete aurait fait le brave chevalier d'Anoszia, si il avait vu que la dame dont il avait mandé les faveurs portait une tenue qui bien que féminine n'avait rien des belles robes d'apparat qu’affectionnaient les dames du sud.

Sous sa cape, elle portait encore sa tenue de voyage. Ses jambes étaient recouvertes d'un pantalon a la coupe serrée, bien que pudique, d'un marron clair qui contrastait joliment avec les bottes qui lui montaient jusqu’à mi cuisse. Bottes oscillant entre le marron foncé et le noir. Le haut de son corps était couvert d'une fine chemise, qu'elle était souvent a essayer de remonter le plus haut possible afin que nul décolleté ne subsiste.Les manches du vêtement dépassaient d'une veste trois quart d'un marron d'une autre nuance, un peu plus prononcée que celle du pantalon et aux broderies délicates. Quoi que difficile d’appeler cela une veste. En effet le vêtement ne descendait guère plus bas que sa poitrine, un petit bout de tissu ajusté qui mettait son dos et ses courbes un peu trop en valeurs, du moins a son gout. Elle avait eu grand mal a se faire a ce genre de tenue, bien loin des amples pantalons et chemises qu'elle avait affectionnée depuis l'adolescence. Néanmoins cette tenue, bien que loin des standards de la noblesse du sud était plus appropriée a son rang. Elle s'était dont finalement convaincue de la porter, se disant que les gens se focaliseraient sans doute bien plus sur ce qui se dessinait sous la veste et au dessus de la chemise, plutôt qu'au corps dissimulé en dessous. Un morceau de cuir épais, finement gravé de jolis motifs prenant naissance sous sa poitrine et allant prendre sa chute au dessus de ses cuisses. Bien que n'ayant pas le but de s'ajuster a la tenue, mais plutôt d'offrir une protection a sa porteuse, il faisait néanmoins merveille avec le reste. Elle n'était d'ailleurs pas mécontente de le porter, se sentant un peu trop a nue, sans son épée trônant habituellement a sa taille, enfin restait toujours les quelques poignards dissimulés sur elle. Le passé avait beau etre le passé, les vieilles habitudes étaient tenaces.

Ramenant distraitement derrière ses oreilles une mèche rebelle, d'un brun d'un contraste saisissant au vue de la pâleur de sa peau qui ne portait nuls artifices, elle se concentra tant bien que mal sur le reste des présentations, non sans que son regard continu de parcourir les spectateurs en quête de visages familiers. La journée promettait d’être longue, mais elle ne serait sans doute rien en comparaison du lendemain et de la soirée pendant laquelle se déroulerait le banquet en l'honneur du vainqueur. Diantre, pourquoi avait t'il fallut qu'elle vienne ?! Elle se sermonna une fois de plus, comme souvent ces derniers mois. Ayant repris sa place au domaine familial, elle ne pouvait décemment pas continuée d'ignorer la noblesse et de refuser les invitations. Il fallait faire honneur a son sang et a son rang, ne serait qu'en mémoire de sa regrettée Ambre. Cette dernière pour sur, elle aurait appréciée les épreuves du jour. Elle aurait sans doute fait des pieds et des mains pour participer a quelques épreuves et elle aurait probablement traînée Ange jusqu'ici. Probable que si les choses avaient étés ainsi, elle aurait éprouvée plus de plaisir a se trouver ici, pour l'heure elle laissa ses souvenirs au passé et se concentra sur le présent.

Alanya avait gravit les quelques marches des tribunes avec précaution. La pluie de la veille et le temps tout aussi maussade de la journée rendait le sol meuble et il n’était pas impossible de se ramasser les fesses dans la boue en glissant sur une planche de bois ou une flaque un peu cachée. Presque tous avait déjà pris place, les annonces n’allaient pas tarder à commencer. Son retard, elle le devait à son frère qu’elle était allé soutenir un peu plus tôt. Et pour cause ! C’était là son premier tournoi et sa première apparition mondaine depuis le couronnement de sa sœur. Elle voulait lui assurer son soutien, et la sainte Néera en était témoin, il en aurait sacrément besoin. Face à lui se trouvait de sacrés escrimeurs, certains au nom reconnaissable qui n’avait plus rien à prouver à personne. Elle se doutait que passer le premier tour serait un exploit pour le jeune homme mais s’il ne gagnait pas, elle entendait qu’il participe à la joute avec honneur et qu’il en sorte la tête haute. La honte n’était pas celle de perdre mais celle de gagner sans gloire. La baronne espérait réellement y voir un beau jeu, loin des magouilles qui l’éreintait depuis des énnéades.
C’était d’ailleurs avec soulagement qu’elle avait rejoint le palais des Séraphins. Les derniers temps avaient été durs en Alonnan et si à présent elle pouvait se vanter d’être confortablement installée au trône, ce n’était qu’au détriment de ceux qui avaient péris pour sa cause et ses ambitions. La mort précipitée du Lys avait fini d’achever son moral et si elle avait trouvé du réconfort auprès de ces proches, il n’en restait pas moins qu’un cadavre de plus jonchant sa route. De plus la venue plus que malvenue du régent d’Ydril avait tôt fait d’assécher encore un peu plus son cœur. Elle n’avait plus de larmes à pleurer et si elle n’était pas sotte, elle avait préféré s’abandonner encore une fois aux bras de l’homme qui lui avait enlevé sa sœur. Pire encore, l’Anoszia avait brisé son engagement avant de revenir dessus. La belle d’Alonna avait un temps pensé à nourrir ses geôles de suderons – rien n’aurait été plus facile que de les cueillir un à un alors qu’ils se trouvaient dans la tanière du loup. Mais à quoi cela aurait-il été utile, sinon à perdre la seule personne qui pouvait encore servir ses projets ? Oschide malade et Aymeric loin d’être serein avec sa petite vassale, elle ne pouvait compter que sur l’appui quoi qu’incertain de l’Ydrilote. Bien sûr, elle ne trichait pas en sa présence. Elle avait une profonde affection pour le patriarche et elle ne pouvait nier leur entente corporelle pour autant elle ne perdait pas de vu qu’il n’était pas différent d’elle. Leur idylle n’était peut-être pas uniquement politique et manipulation mais elle n’en restait pas moins qu’un moyen de plus. Peut-être qu’au royaume de Tyra, le jour venu, elle saurait être heureuse…
Assise dans la tribune d’honneur, tout près du marquis, la suzeraine de l’Alonnan avait laissé les siens s’installer à leur guise. Sa suite était l’une des plus restreinte et pourtant, elle n’avait amené avec elle que des gens qui lui ferait honneur et qu’elle savait apte à évoluer dans un pareil rassemblement. Il n’était pas bon de faire une faute diplomatique alors même que le royaume tissait lentement les fils de la réconciliation. Elle n’avait pas peur de croire qu’un jour prochain la plupart de la noblesse s’entendrait pour reformer à nouveau une Péninsule unie sous un roi légitime, laissant derrière eux leurs petites revendications personnelles pour le bien commun. Par les Cinq que cela était naïf ! Pourtant elle œuvrerait en sorte d’unir ce qui a été brisé. Elle avait vécu assez d’horreur pour que le peuple se déchire encore. La guerre était finie et c’était bien mieux comme cela. Il faudrait certainement des mois voire des années pour que tous puissent s’en remettre et que les gens qui peuplaient les régions ne viennent plus à manquer de rien. Un pincement au cœur la pris lorsqu’elle repensa aux prévisions alarmantes qui avaient été faite à son retour d’Oësgard. Sa terre devrait subir un hiver de vache maigre et il serait difficile sans la construction des ports d’investir dans la nourriture. Elle savait les Alonnais fort et ensemble, ils trouveraient certainement une solution. La baronne tourna légèrement la tête pour observer le Corbeau de Serramire. Il avait toujours cet air austère des gens du Nord… Elle devrait s’entretenir avec lui avant son départ et avant que tout deux ne s’avine de trop. Le temps ne pouvait arroser d’avantage les festivités que l’alcool qui s’écoulait chaque jour durant. Cela faisait partit des plaisirs offerts pour la nouvelle année. Il fallait dire que les Serramirois avaient mis du cœur à l’ouvrage. Il ne manquait de rien et chaque demande était traitée en temps record, si bien que personne n’avait le temps de s’ennuyer tout à fait. La ville vibrait le jour et la nuit, comme si rien ne pouvait interrompre la liesse qui s’était éprise du peuple.
Les premiers chevaliers furent annoncés et ce n’est que lorsque le champion de Stern posa sa lance en direction de la tribune que la baronne aperçu la Fleur de Velmonè. Deuxième fille d’Arichis, ce dernier n’avait pas fait mention de sa venue. Pourquoi n’était-elle pas avec son géniteur, en route pour Diantra ? Elle avait reçu une lettre de son aîné malade et il n’était pas dans les coutumes de la famille de se séparer durant les temps durs. Ses pensées furent vite coupées par l’apparition de Fulcran. Il était de loin le plus bel homme qui s’était présenté jusqu’alors. De fière allure sur son destrier, elle ne put s’empêcher de lui sourire. Qui aurait pensé qu’il aurait un jour porté avec tant de dignité les couleurs de sa famille ? Et lorsqu’il demanda les faveurs de Jena, elle n’en fut que plus émue. Il avait tant appris en si peu de temps que parfois, elle n’arrivait à se détacher du petit garçon qu’il était il y a quelques années à peine. Le temps filait sous ses yeux. Il était à présent un noble chevalier et l’Alonna ne pouvait être qu’honorée de porter en son sein de pareils guerriers. Lorsqu’il se retira pour se ranger auprès des autres prétendants au titre, Alanya se leva pour rejoindre la petite Azénor.
Elle ne put ignorer quelques regards flatteurs de messieurs venus assister à la joute. Il fallait avouer qu’elle avait mis du temps à se mettre autant en beauté. Portant une robe de voile rouge, le tissu laissait deviner les formes de son corps avec délicatesse et son port de tête dégagée n’en faisait que sa silhouette plus grande. Le front orné de sa couronne aux ailes déployées – cadeau de son époux lors de leur montée au trône de la baronnie – elle avait récupéré de son voyage éprouvant en Sgarde. Elle n’était certes pas la plus belle de l’assemblée mais elle dégageait quelque chose d’indéniable. La jeune Anoszia applaudissait les concurrents lorsqu’elle arriva à sa portée. La baronne tapa sur l’épaule de sa voisine qui d’abord mécontente d’être dérangée durant le spectacle, maugréa quelques jurons. Le regard sévère d’Alanya se posa sur elle. Il s’agissait certainement d’une de ses dames de compagnie qui, comprenant qu’elle n’était plus à sa place, se leva d’un bond, la tête bêche.
« Je ne pensais pas vous revoir ici Azénor ». La belle esquissa un franc sourire. Elle appréciait beaucoup la petite, autant que sa jeune sœur Cécyllia. Arichis les avait bien éduquées, elles étaient des femmes intrépides et de bonne compagnie. « Il semblerait que vous ayez déjà un admirateur parmi les champions… Puis-je me joindre à vous pour le spectacle ? ». Elle faisait référence au baron d’Olyssea qui avait un peu plus tôt demandé ses faveurs. Elle ne pouvait lui en vouloir, comme chaque membre de cette famille, Azénor était fort jolie et pleine fleur de l’âge. Il était d’ailleurs étonnant que son père n’ait encore trouvé de bon parti pour la marier, elle était aussi agréable à l’œil que dans la vie, faisant d’elle une femme parfaite pour une union. Au loin, elle entendit la voix sucrée d'un bonimenteur du sud. Il semblait vendre les cotes des jouteurs. « Allez-vous parier sur l'Olysséan ? »

Revoir Serramire avait constitué pour Hanegard une véritable madeleine de Proust, tant la nostalgie de ses années passées en ces lieux le submergeait. Certes il n’aurait pour rien au monde échangé sa situation actuelle, avec une femme aimante et des enfants adorables, contre son ancien rôle de mercenaire wandrais au service du Duc Merwyn Séraphin pour lequel il avait risqué quasi-quotidiennement sa vie. Mais l’ambiance simple et spartiate au sein des légions noires lui paraissait avec le recul moins dure, la mémoire sachant admirablement bien ne conserver que les meilleurs souvenirs. La fraternité d’armes avec ses soldats, les luttes contre les raids drow sur la frontière, les troubles politiques ayant suivi la chute brutale de son bienfaiteur… avec le temps cela devenait presque une geste héroïque pouvant être chantée par les troubadours. Sans doute fallait-il y voir également l’effet des récits qu’Hanegard en faisait à ses chères têtes blondes durant les longues soirées d’hiver, desquels il expurgeait soigneusement les parties les moins « racontables ».

Revenant au présent, l’ancien baron regardait les chevaliers venir quérir les faveurs des dames en prévision de la joute, souriant légèrement lorsque Fulcran d’Entiane sollicita celle de Jena. Le jouvenceau ne manquait pas de toupet en osant ainsi tenter sa chance auprès de la Gardienne de Néera, qui plus est en présence d’un mari notoirement colérique dès lors que son honneur se trouvait entaché. Mais demander une faveur en tournoi restait aisément dans les limites du raisonnable, ce d’autant plus qu’il s’agissait de son ancienne suzeraine. L’espace d’un instant, Hanegard se demanda si la faveur divine aiderait d’une quelconque manière Fulcran, avant d’estimer que cela serait improbable. Néera n’intervenait que rarement dans les affaires des mortels, d’autant moins s’agissant d’une compétition aussi triviale qu’une joute.

Il ne faisait guère de doute pour Hanegard que bien des évènements allaient survenir dans les prochains jours, ouvertement ou en coulisses, mais le châtelain ne prévoyait pas de s’en mêler. S’il faisait partie des rares représentants du Médian et devait donc se comporter comme tel, ce tournoi demeurait pour lui et sa famille une occasion de se distraire et d’oublier les orages accumulés durant leur séjour à Diantra.

Si le temps maussade du Marquisat de Serramire ne l'enchantait guère, la liesse ambiante dans le public avait de quoi égayer n'importer quel esprit réfractaire. C'était exactement ce qu'Azénor était venue chercher en ces lieux ; la distraction d'un événement de grande ampleur. L'occasion était trop belle de rencontrer de nouvelles gens et se lier par delà les frontières du royaume méridional. La jeune femme avait quitté Diantra avec regrets, pour une nouvelle fois se livrer au goût envoûtant de l'aventure et de l'évasion.

Les remparts de Serramire-Ville annonçaient la fin du voyage, du moins, d'une première épopée venant aboutir à ce rassemblement unique qu'il ne fallait point rater. Le grand tournoi allait bientôt débuter, l'audience était en ébullition, tout comme les fiers destriers qui renâclaient avec impatience, prompts à se lancer dans des galops furieux. La présentation des participants et leur tour de l’assemblée vint mener à sa rencontre un grand démon roux lui demandant ses faveurs avec humilité, chose qu'elle concéda sans résistance particulière tant elle se plaisait à se prendre au jeu. Emportée par la joie contagieuse des tribunes, elle laissa ses mains tambouriner vigoureusement tandis que d'autres prestants jouteurs faisaient leur tournée d'honneur.
Une voix anciennement familière vint la rappeler à l'ordre alors qu'elle se laissait entraîner. Se retournant vers la détentrice de ce timbre suave, elle constata avec plaisir qu'Alanya de Broissieux avait prit place à ses côtés.
« A..a...Dame Alanya ! » S'exclama t-elle, décontenancée par la surprise. « Quel plaisir de vous revoir. Certes oui, c'est un honneur que de partager votre assise. » Aussi heureuse d'être en sa compagnie, Azénor se sentait en partie honteuse. Son projet initial de rejoindre la Baronne était tombé en désuétude à l'annonce de l’existence du tournoi, pour autant la jeune femme se doutait que sa décision lui permettrait tout de même de côtoyer cette admirable compagne. « Nous verrons bien si mon aide lui sera bénéfique ! Par Néera, je n'ai jamais vraiment donné de crédit aux promesses de ce genre, mais je dois vous avouer quel amusement c'est que de voir de mes propres yeux un tel attroupement de seigneurs, de vivre ce que je n'ai que pu lire dans les récits du royaume ! »
Alanya semblait plus … distante quant à l'exaltation de la petite Anoszia. Elle avait sûrement déjà assisté à ce genre d’événement et prenait probablement la scène à venir avec plus de mesure.

« A présent, faisons place à la première joute ! Sire de Saint-Aimé et Sire d’Outremont sont appelés sur le terrain ! » Tonna de son estrade l'arbitre des affrontements après avoir brièvement expliqué les règles imposées sur les lices.

« Je pense m'en tenir à un simple visionnage ainsi qu'aux discussions animées. Il s'agit de mon premier tournoi, Dame Alanya, je n'ai encore jamais vu de joute équestre. Je pense me tromper à la première certitude que énoncerai avec véhémence alors.... Non, ce ne serait point raisonnable. » Répondit-elle en reportant son attention sur le terrain où se préparaient les deux chevaliers appelés à ouvrir les hostilités. Le damoiseau ayant pour emblème un cerf émeraude sur champ beige, couleurs du Marquisat de Sainte-Berthilde, qui avait réclamé les faveurs de la Baronne d'Alonna lors de son introduction, s’élança contre un autre jeunot qu'il frappa en plein écu lors de leur premier passage. Les applaudissements de la foule reprirent au décompte des points et s'estompèrent aussi rapidement lorsque les adversaires se lancèrent à nouveau sur la piste. Cette fois les deux lances touchèrent au même point, sans pour autant leur faire vider la selle. Un troisième passage vint égaliser les scores et une ultime cavalcade les départager. Louis de Saint-Aimé toucha une nouvelle fois son concurrent au casque et se révéla vainqueur de la première joute.
«  Et bien ! Voilà qui semble de bonne augure ! » Lança Azénor à sa voisine tandis qu'elles se joignaient au vacarme de l'assistance.

"Voilà, il ne manque plus que votre collier maintenant.
-Merci Julia."

Aline laissa la jeune dame de compagnie aller chercher le fameux collier dans le coffret à bijoux et le placer délicatement autour du cou de la noble. Assise face à un miroir, la montagnarde ne pouvait s'empêcher de fixer ses propres yeux, attendant avec anxiété les joutes qui allaient bientôt avoir lieu et la foule qui irait avec. Parce que depuis son enfance la pauvre était agoraphobe et que sa capture par un mage drow ne l'avait pas aidée en ce sens. Mais y aller était un devoir, du moins de la façon dont elle voyait les choses. Parce que son frère serait lui-même présent dans les gradins ; parce qu'il serait bien vu qu'elle soit là ; et parce qu'elle voulait montrer au suzerain de Jared qu'elle le supportait de tout coeur. Et ce pour plusieurs raisons : tout d'abord parce qu'il avait été celui qui l'avait sauvée, mais également parce qu'elle avait enfin compris quels étaient les sentiments qui habitaient son coeur le concernant. Elle ne put s'emêcher d'avoir un petit sourire à cette pensée, sourire que la dénommée Julia ne vit pas ou fit mine de ne pas remarquer.

"Et voilà ! Vous êtes magnifique ma dame.
- C'est grâce à toi. J'ai l'impression d'aller à un bal !
- Oh vous savez... ici les gens font bien plus attention à tout ce qui relève de l'apparence physique que chez vous, où vous semblez porter moins facilement de bijoux.
- C'est différent..."

Aline ne dit plus rien. Julia avait raison, entre les Monts d'Or et Serramire il y avait un monde, il ne s'agissait pas tout à fait du même peuple. Enfin, cela n'avait aucune importance. Julia avait été nommée pour être sa dame de chambre lorsqu'elle était restée à Froissart, le temps que la guerre se termine et que sa santé aille mieux. Depuis, Aline étant rapidement rentrée avec son frère à Montévlin, la jeune femme aux longs cheveux bruns et aux yeux verts avait pu découvrir les montagnes et ceux qui y habitaient. Même s'ils n'y étaient restés que peu à cause des festivités organisées à Serramire, elle avait déjà pu apercevoir nombre de différences avec sa ville natale.

Enfin, celle surnommée depuis qu'elle était jeune la Pieuse d'Or fit vraiment attention à la façon dont elle était accoutrée. Une longue robe d'un bleu très clair aux manches longues mais faites d'un tissu fin, ornementée de diverses broderies et galons, une parure relativement simple mais montrant tout de même quel pouvait le rang de la jeune femme, une cape du même bleu que celui de la robe, un maquillage discret relevant ses lèvres ainsi que son regard et, pour finir, une coiffure ramenant quelque peu ses cheveux vers l'arrière et les ondulant. Oui, elle allait être belle ce jour-ci... et dans le fond ce n'était pas pour lui déplaire.

Son frère vint la chercher, eut un regard étonné en voyant sa cadette puis l'emmena jusqu'au lieu où se tiendraient les joutes. Si Aline voulait être placée assez près de la lice pour avoir moins l'impression de foule et pouvoir se concentrer uniquement sur les combattants, il lui fallait arriver fort tôt. Et ils firent bien parce que déjà nombre de personnes étaient présentes, dont le frère et la soeur de Jérôme de Clairssac. Ils les saluèrent, s'assirent à leurs côtés et attendirent que les chevaliers arrivent tout en discutant. Lorsque ces derniers furent appelés un à un, Aline eut tout loisir de faire attention aux différentes réactions que les concurrents suscitaient, même si elle ne s'aidait pratiquement que de son ouïe pour cela.

Alors fut appelé Jérôme de Clairssac, baron d'Etherna, régent d'Oësgard et seigneur de Froissart. Vêtu de son armure de parade gravée d'une licorne, le noble regarda quelques hommes en particulier avant de se tourner dans la direction de sa famille et des Montévlin. Il abaissa alors sa lance en direction d'Aline et s'adressa à elle afin de lui faire la surprise et l'honneur de lui accorder ses faveurs pour ce tournoi. La jeune femme se leva donc, essayant malgré sa surprise et le fait qu'elle savait désormais que bien des yeux étaient braqués sur elle de ne pas perdre pied et de garder un port des plus nobles. Avec un regard doux envers Jérôme, elle lui répondit en faisant en sorte que sa voix porte assez pour qu'il puisse entendre.

"Sire Jérôme de Clairssac, c'est vous qui me faites l'honneur en demandant mes faveurs pour ce tournoi. C'est avec plaisir que je vous les accorde ; puisse notre Mère vous porter chance, guider votre lance et vous préserver des mauvais coups."

Elle avait envie de rajouter une phrase comme "Bonne chance", mais ses lèvres refusèrent de se séparer. Alors elle se rassit et sur les derniers centimètres se laissa tomber, tremblante. Elle détestait les foules, le monde, donc supportait mal l'idée que tant de gens puissent la regarder... Jared posa une main sur son avant-bras et lui souffla doucement de respirer, que tout allait bien. Aline lui sourit faiblement et se força à respirer normalement, reportant son attention sur les cavaliers qui terminaient d'arrivaient et qui laissaient bientôt place à la première joute. Plus rien autour d'elle n'existait. Juste le terrain boueux, les cheveaux et ceux qui les montaient.

C'était sensé être divertissant, mais Maélyne avait du mal à ressentir de l'amusement. Cécilie l'avait abandonnée, pour une bonne raison du moins, elle semblait malade... Refusant toutefois que la Dame ne l'accompagne, la voilà bien vite seule. En fait, pas si seule que ça mais c'était tout comme. Scrutant les chevaliers, elle repéra bien vite, et ce grâce aux hurlements de l'arbitre, l'homme dont elle fit connaissance quelques jours auparavant. l'homme qui n'avait point hésité à s'interposer dans un conflit déqiquilibré sans connaitre ne serait-ce que le rang sociale de la "demoiselle en détresse". L'homme qui, malgré une lèvre tranchée, lui proposa l'un des plus beau sourires qu'elle eut l'opportunité de voir. Cet homme n'était autre que Tancrède de Léjante, dit le Hardi, qui gagna sa joute, non sans mal, mais qui la gagna. Au son de l'arbite qui scanda son nom, celui du vainqueur, Maélyne se leva, tout sourire pour applaudir celui qu'elle estimait être digne de cette victoire. Au fond, malgré le mal qu'elle avait à se l'avouer, ce Tancrède ne l'avait pas laissée indifférente. Et c'est avec un petit sourire en coin, que la Dame reprit place, rêvant à je-ne-sais-quoi.

Vint le tour de Roland, l'un de ses vassaux, mais aussi l'un de ses amis. Un ami, qui, selon certains, était si proche, qu'il se distinguait comme un frère pour la Dame. Mais celle-ci n'en avait aucun souvenir, et la froideur qu'affichait cette tête blonde ne l'avait point menée à essayer de le connaître d'avantage depuis "l'accident". Pourtant, elle ressenti une grande tristesse lorsque celui-ci chuta, et ce, dès la première manche. Le sourire que Tancrède su lui offrir disparu aussi tôt, laissant place à une mignonne petite moue qu'elle aurait du mal à effacer.

L'arbitre scanda le nom des deux concurrents suivants. Il n'en fallut pas plus que glacer Maélyne. Sigvald, le baron d'Olyssea, était celui qui lui avait demandé sa faveur. Faveur qu'elle avait acceptée de donner malgré le fait qu'elle aurait préférée la donner à un tout autre homme... Mais ce qui la glaça encore plus était d'entendre le nom du Comte d'Arétria. Oui, LE Comte. Celui qui lui avait fixé rendez-vous sans même s'y présenter, celui dont elle n'obtint encore aucune réponse à sa missive envoyée... Bref, l'homme qu'elle cherchait à éviter en réalité. C'est alors qu'une irrisistible envie de se cacher ou même de disparaître s'emparra d'elle, mais Maélyne ne pouvait partir, Maélyne se devait de rester et de soutenir le baron, de sourire pour le baron, d'encourager le baron.

En aurait-elle toutefois la force?

La main sur son oreille gauche, la Dame essaya tant bien que mal d'entendre ce que l'arbitre était en train d'annoncer. Quel malheureux hasard l'a poussé à s'installer non loin des Arétans qui donnaient de la voix pour soutenir leur Comte, leur champion. son regard se porta sur cette foule avant de tomber sur la Comtesse mais le mouvement des hommes qui l'entouraient l'empêchait de voir quelconque réaction de sa part. Pourtant, un exemple aurait été fort plaisant, elle qui avait tout oublié sur le comportement à adopter dans ce genre de cas. Fort heureusement, elle pouvait compter sur sa cousine, Thenala, toujours assise à ses côtés pour lui chuchotter le résultat mais également pour la pousser, d'un sourire légèrement taquin, à soutenir Sigvald. Ce fameux petit sourire s'effaca bien assez vite lorsque la jolie rousse se rendit compte que sa cousine ne fixait pas le bon concurrent. Un coup de coude vint rapirement ramener la Dame de Lourmel, rappelant une ennième fois ce qu'elle devait faire.

Dans un murmure, suivit d'un soupire, Maélyne finit par lâcher un simple : "Les deux jouteurs sont donc ainsi à égalité."

Son regard se porta sur le Baron, et malgré sa proximité avec les Arétans dont elle ne craigna point le courroux, de sa main, de son sourire et de sa voix, Maélyne l'encouragea ce qui eut pour effet de ravir au plus haut point sa voisine. Il avait toutes les chances de l'emporter et elle espérait sincèrement qu'il en resorte vainqueur comme elle espérait qu'aucun des deux hommes ne subirrait quelconque blessure. Le comte méritait également la victoire comme tout chevalier participant à ce tournoi mais elle se devait d'encourager celui à qui elle offrit son collier.

Lorsque la silhouette lourdement armée du Baron d’Olysséa toucha le sol boueux dans un bruit de succion et de ferraille bringuebalante, tous les Arétans des gradins se levèrent. Un immense cri résonna, et tous se réjouirent de voir leur Comte ainsi triomphant ! Arnoul s’était relevé à une vitesse surprenante, levant les bras en l’air, et hurlant sa joie comme un forcené. Il regarda les autres seigneurs du Comté, passant l’accolade à certains, serrant quelques avant-bras de chevaliers. Puis, il regarda ses compagnons, et se mit à frapper du pied sur les gradins. Après quelques tapages seulement, une grande partie des gradins se mit à fracasser les planches avec vigueur, et même le vieil Arnoul y donnait de sa personne, malgré ses jambes d’ancien.

Lorsque le Comte passa à proximité, les Arétans saluèrent Roderik, et Arnoul entonna :

« Le Bouclier ! Le Bouclier ! Le Bouclier ! »

Tous reprirent le cri. Après une guerre gagnée et une joute remportée, on pouvait aisément dire que la popularité du Comte montait en flèche. Arnoul l’applaudit encore, se rasseyant bien vite dans son siège lorsque la clameur baissa un peu. Néanmoins, la petite fête dans les gradins avait bien duré cinq bonnes minutes, finissant par déranger les autres spectateurs. Une fois rassis, le Vieux Bouc regarda son ami le seigneur de Rimbert.

« Héhé… le Bouclier a frappé l’écu ! »

Le sire de Rimbert, qui avait bu une gorgée de vin, recracha le tout en se balançant vers l’avant. Ce furent les chevaliers de la Forêt d’Hedda qui reçurent tout dans leur dos, et se retournèrent pour insulter copieusement le gros Rimbert. Néanmoins, ce dernier ne semblait pas prendre la mouche, trop occupé qu’il était à rire du trait d’esprit d’Arnoul. Lui-même avait ri à gorge déployée, avant de faire passer la vanne à tous ses compatriotes. Dans peu de temps, peut-être le Comte lui-même entendrait cette phrase…

Arnoul était également persuadé que la victoire de son suzerain était due en partie à son nouveau cheval, Tonnerre d’Ivoire. Après tout, n’était-ce pas lui qui lui avait offert ? Fier comme un coq, il leva son calice pour le porter à sa bouche, afin d’y prendre une petite gorgée de vin. Il regarda l’un de ses chevaliers, Jorgen Bauer.

« Hudgar nous a peut-être laissé sur notre faim, mais je payerais cher pour revoir la chute du Baron dans la mélasse encore une fois ! »

Les Arétans se gaussèrent un instant, leurs rires se mêlant aux discussions. Le vieil Arnoul se rappela alors qu’il avait parié sur le Comte ! Pris d’un éclair de lucidité, il envoya dès lors un affidé récupérer sa monnaie clinquante.

Le souffle coupé, la main de Maélyne vint, en un instant, agripper fermement celle de Thenala. Ces jeux pouvaient être dangeureux, brutales et les jouteurs pouvaient aisément se blesser. Ce fut alors un soulagement lorsqu'elle vit le baron se relever, non sans peine à cause de ce terrain boueux qu'était devenu la lice. Les traits de son visage se détendirent et sa respiration pu reprendre sa course.

Il avait perdu.

Oui, il ne l'avait pas emporté, mais qu'importe, il allait bien et c'est tout ce qui importait aux yeux de la Dame. Ils ne se connaissaient pas, ne s'étaient jamais rencontrés, connaissait il seulement son nom? Au fond, cela n'avait aucune importance. Ses faveurs lui étaient acquises et elle se devait de le supporter, dans la victoire tout comme dans la défaite.

Le comte ne reçu qu'un léger applaudissement de sa part, après tout, les Arétans en faisait assez pour tout le monde. Lorsque ce fut au baron de traverser la lice, les Olysséens, tout comme certains Berthildois, Serramirois, et d'autres gens du nord, se levèrent avec toutefois moins de brutalité que les supporteurs du Comte. Des applaudissements résonnèrent ensuite à l'encontre de Sigvald.

Il avait perdu, mais il avait bien combattu.

Maélyne s'était également levée, applaudissant plus chaleureusement tout en affichant un léger sourire. D'une geste de la main, elle le salua une dernière fois, le soutenant jusqu'à la dernière seconde.

La joute opposant le Seigneur de Dorour et le frère de son amie Cécilie avait été plus rapide que prévu. Et quelle surprise que de voir celui qui avait demandé sa faveur, être désarçonner. Si le sang de la Dame se glaça s’était surtout parce qu’elle s’inquiétait des blessures du chevalier. Lors de son passage sur les terres de Roland, ils avaient vécu ensemble une mésaventure durant laquelle il lui avait laissé paraître que certaines blessures qu’il ramenait de la guerre n’étaient pas totalement guéries. Peut-être était-ce là la cause de sa chute… A moins que le jeune Gaël de Laval ait si bien caché son jeu que même sa sœur ne l’aurait cru capable de gagner cette joute.
Malgré la réaction de la foule acclamant le jeune homme à grands cris, la jeune De Clairssac se contenta de l’applaudir tout en adressant une prière à Néera pour que Roland n’ait pas à souffrir d’autre chose que de son orgueil blessé.

Vint bientôt son frère, Jérôme. Fier et beau sur son destrier. La jeune femme se sentit sourire à le voir se tenir ainsi, droit comme un i, près à impressionner sa belle. Cette dernière se tenait près d’elle et n’avait d’yeux que pour lui.
Au premier coup, Mathilde ferma les yeux. Elle craignait pour la vie de son frère… ces jeux pouvaient être très divertissants mais les accidents n’étaient pas rares. Guillaume lui prit la main pour la rassurer et elle se força à regarder le second duel. Qu’il remporta cette fois en renversant son adversaire. Suivant le mouvement de son aîné, Mathilde se leva d’un bond et acclama Jérôme. Un immense sourire se peignit sur ses lèvres tandis qu’elle le regardait passer devant la tribune.

Lorsque l’arbitre annonça qu’il était censé concourir à nouveau, Mathilde se tourna vers Guillaume, légèrement inquiète.

« - Il ne va tout de même pas accepter… Il va … il va se reposer n’est-ce pas ? »

Mais déjà la réponse de son frère lui parvenait. Il aurait été étonnant d’ailleurs qu’il agisse autrement. Une vraie tête brûlée, voilà ce qu’il était.

« - Par Néera… Evidemment qu’il va jouter tout de suite… Il n’a jamais été du genre patient ! »

Le rire de Guillaume lui parvint alors tandis qu’ils s’installaient à nouveau, prêt à regarder le nouveau duel.

La joute qui opposa Tancrède à son cousin ne l’avait pas laisse de marbre. Evidemment, la jeune femme se devait de soutenir Gaël, son cousin, mais quelque chose au fond d’elle ne voulait que la victoire de Tancrède, ce qui finit par arriver. Se retenant de sauter de joie, la Dame ne put cependant point retenir un sourire. Non loin, sa tante applaudit gracieusement son fils, ayant joué aussi fairplay que possible. Il était allé loin pour un premier tournoi, et c’est ce qu’il fallait retenir de cette rencontre.

La joute suivante fut bien courte, malgré les spectateurs prompts à encourager le jeune Saint-Aimé. Sa chute en étonna plus d’un… maudit soit ce cheval ! Ses parents auraient dû lui offrir un bien plus docile. Une prière fut toutefois prononcée pour le jeune chevalier. Que ses blessures soient guéries, et ce au plus tôt. Une joute se devait être divertissant, non handicapante.

La dernière joute de la journée allait enfin commencer. Celle-ci opposa Jindanor Numanor, l’un des gardes de Cécilie ainsi que le comte d’Arétria. Voilà qu’il était de retour sur la lice. Maélyne jeta un regard à sa droite, souhaitant parler de ce géant à la principale personne qui le connaissait ; Cécilie. Malheureusement, elle n’était toujours pas revenue. La jeune femme demanda alors à toutes les personnes qui l’entouraient s’ils avaient aperçu la belle brune mais personne ne sut lui répondre.

Totalement désintéressée par la joute en cours, Maélyne n’avait pas vue les coups utilisés par les deux chevaliers. Son regard fut attiré par l’ours, toujours en selle, puis instinctivement, elle regarda le Comte, le cul toujours sur sa mule. De faibles applaudissements furent émises pour le garde, Maélyne y prit part, quant au comte, on ne pouvait plus s’entendre tellement les Arétans beuglaient. Ils en faisaient assez, même de trop, alors autant rester de marbre, pour changer.

Les vivats n’avaient sans doute jamais été aussi exubérants. Ni jamais aussi bruyant. Car, alors que la troisième et dernière passe de la joute se terminait, un coin des gradins explosa dans la joie et la bonne humeur. Tout le monde les regardait, mais ils n’en avaient franchement rien à foutre ; les seigneurs de la Malelande savaient fêter une victoire comme personne, ici dans le Nord. Les effusions étaient nombreuses, dans un brouhaha et une cacophonie digne d’une charge de cavalerie lourde. Tous se donnaient des grandes claques dans le dos, ou levaient leurs bras pour louer les Cinq, ainsi que leur nouveau Comte, qui venait de leur donner une autre victoire ! Ils vivaient la lice à travers leur suzerain, et ce dernier venait de se hisser en demi-finales. Les pieds des nobles d’Arétria secouaient les planches de bois avec tant de ferveur, que beaucoup de leurs voisins de droite reculaient, de peur que l’estrade ne s’effondre.

Au milieu de ce tumulte, Arnoul semblait être le plus vivant de tous, paradoxalement. Après avoir prouvé à tous que sous ses airs de petit vieux, il avait encore de l’énergie à revendre, c’était en scandant le nom des Wenden qu’il menait le ballet des réjouissances. Aux yeux de tous, ils se comportaient comme si Roderik avait déjà gagné. Et dans leur cœur, il en était ainsi depuis la première passe. Juché sur sa chaise désormais salie par ses bottes, Arnoul leva son calice rempli de vin en direction de son suzerain. Les chevaliers de Stern essayaient de faire redescendre leur suzerain, mais Arnoul ne voulait absolument pas. Il enguirlanda Almun, qui partit en arrière, percutant le dos d’un seigneur occupé à faire la fête.

Lorsque le gros lard bousculé tomba, il emporta avec lui quelques planches de l’estrade, la faisant un peu s’affaisser sur le côté. Les chevaliers et nobles arétans, ne s’y attendant pas, furent pour la plupart secoués. Quelques-uns tombèrent, sous les éclats de rire de leurs congénères, qui se gaussaient de les voir se traînailler dans la boue. Arnoul, lui, manqua tomber, mais fut rattrapé de justesse par le vaillant Gothor de Welm, qui le remit sur ses guibolles avec un franc sourire. Le Vieux Bouc ricana.

« Voilà tout ce qu’il manquait à la victoire du Comte ! Un bain de boue pour ses vassaux ! »

Il déclencha l’hilarité générale, qui se communiquait à présent aux quelques seigneurs non-arétans qui assistaient à la scène. Fier de son petit effet, Arnoul fut bon joueur, et ordonna à Gothor, Almun et Jorgen d’aller aider ses homologues à sortir de la mélasse. Il ricana un instant, suivant le mouvement général, avant de se rasseoir sur sa chaise, regardant le Comte passer triomphalement près des gradins. S’il continuait de gagner ainsi, ce ne serait pas seulement sur la lice qu’il triompherait, mais dans le cœur de ses vassaux. Et il en avait besoin, étant relativement nouveau. Le vieillard reprit un peu de vin, pensif. Roderik jouirait bientôt d’une popularité bien plus grande qu’il ne l’aurait imaginé la première fois qu’il l’avait revu, à son retour d’Oësgard. S’il arrivait à s’attirer ses faveurs, peut-être pourrait-il récupérer cet hectare sauvage de l’Hedda, terrain de chasse qui avait été confisqué à sa famille après le faide de Rittersgast.

Alors qu’il réfléchissait, les Arétans ne semblaient pas vouloir se calmer. Ce n’est qu’à l’annonce de la fin de la joute du jour que les gradins se calmèrent peu à peu, désireux de ne pas trop attirer l'attention de la gueusaille sur les extravagances des Malelandais…

Aucune chute n’était à déplorer durant cette rencontre et c’était tant mieux au vu de celle du Saint-Aimé qui cloua tout le monde sur place durant la joute précédente. Le géant avait perdu, le garde de sa cousine, tout fraichement adoubé chevalier. Mais il était allé loin pour une première fois et s’était vaillamment « battu » contre ce comte à l’égo surdimensionné. Aux côtés de Maélyne, les Arétans faisaient trembler l’entièreté des gradins, mais ils avaient le rire communicatif, surtout le petit vieux en couche-culotte.

Maélyne capta le regard de Roderik, ce qui fut également le cas de Thenala, toujours assise à ses côtés.

« Mais pourquoi se permit-il de te regarder de la sorte ? »
« Je lui dois sans doute quelques pièces d’or. »
Un petit rire se fit entendre.
« Il a une nouvelle fois gagné, et il semble en être heureux. »
« Tu crois vraiment qu’il y a de quoi se réjouir de gagner face à un débutant ? Aussi... imposant soit-il ? Sa grandeur devrait revenir un peu d’entre les nuages. On verra bien comment il s’en sortira face au champion de son excellence. »

Elle se rendit compte par la suite que pour que Roderik soit face à Evrard, il fallait que ce dernier remporte la joute face au chevalier de Léjante... Ce qui n’était pas pour lui plaire. Faites que Tancrède remporte ce tournoi, il le mérite tellement. Se permit elle de penser, gardant ainsi sa préférence cachée aux yeux de tous.

La finale, tant attendue. Un Serramirois, représentant de la baronne d’Alonna face au comte d’Arétria. Voilà qui promettait d’être intéressant et pas des moindres. Maélyne s’était installée aux côtés de sa cousine d’Outremont, auprès des Lourmellois, plutôt éloignés des Arétans cette fois-ci. On était en fin d’après-midi, le soleil était moins agressif mais avait toutefois bien asséché  la lice ce qui engendrerait beaucoup de poussière.

Le premier coup marqua l’avance de Tancrède, le deuxième marqua la remontée du Comte quant au troisième, personne ne s’y attendait.

Des huées se firent entendre alors que Maélyne, elle, resta de marbre. On lui chuchota à l’oreille que le coup utilisé par Roderik était déshonorant et que les huées étaient habituels lorsqu’un chevalier l’utilisait, surtout qu’il était rare de procéder ainsi durant une finale.

Malgré l’explication il lui était hors de question de huer qui que ce soit, malgré que son favori se retrouve à terre, dans la poussière. Quelque chose en elle se refusait de prendre part à ce tumulte.

Son regard était fixé sur Tancrède qui se releva alors que le Comte s’approcha avec sa monture. Bien vite celui-ci lui attrapa la main et le déclara vainqueur. La foule se calma et les huées cessèrent mais l’étonnement s’était accaparé de tout le monde. Personne ne semblait réagir au grand dam du geste que venait d’offrir le Comte.

La Dame décida donc de se lever  et d’applaudir.

« Qu’est-ce que tu fais ? Tout le monde te regarde. »
« Lèves toi et applaudit. »
« Mais… »
« Lèves-toi et applaudit. Levez-vous tous. » Continua-t-elle en tournant la tête pour s’adresser aux Lourmellois.

Une cinquantaine de personnes se leva alors sous l’ordre de la Dame et se mirent à applaudir. Bientôt suivit, par la totalité de la foule.

La conversation avec la belle du Sud était fort animé. Elle était loin de l'image sévère de son paternel et son esprit revêche lui plaisait beaucoup. C'était une jeune femme intelligente qui ne nourrissait aucune ambition sinon assurer les espoirs que l'on fondait en elle. Elle était le lac impavide tandis qu'Arichis semblait tenir de la tempête maritime. La baronne avait déjà pu faire sa connaissance lors de son voyage en Ydril et déjà lui avait-elle fait bonne impression : gentille et maligne, elle était la plus pétillante des sœurs Anoszia. Pourtant, le cœur d'Alanya se serrait toujours plus dans un étau. Il était près à éclater. Elle s'efforçait de rire encore, de parler plus, de sourire à la foule mais la mélancolie s'était éprise d'elle. Le Dragon planait comme une ombre dans son ciel sans nuages, prêt à l'attraper quand il en aurait l'occasion. Le frêle faucon ferait-il le poids face à ce géant aux crocs acérés et à la volonté sans faille ? Le doute s'installait depuis son départ de l'Alonnan. Une inquiétude grandissante qu'elle n'avait jamais eu à affronter auparavant. L'implacable baronne se fissurait comme ces statues d'un âge ancien. Ses convictions s'étiolaient à mesure que sa force faiblissait.
N'était-elle plus aussi intouchable qu'elle l'aurait voulu ?
Un regard vers son suzerain lui rappela avec amertume son entrevue de la veille. Lui non plus n'était pas sot et plutôt que de jouer au jeu de la Belle, il avait préféré la museler dès lors qu'elle ne pouvait refuser. Bientôt son cadet jouterait et fier comme un coq d'avoir vu l'expérimenté Evrard défaire ses concurrent, il ne doutait point de la victoire Serramiroise. Le Corbac était un homme plaisant, faisant abstraction de beaucoup de choses. Non obstant, Alanya s'en méfiait comme la peste. S'il était mielleux et compatissant, ce n'était que pour mieux endormir ennemis comme alliés. Il était un homme de peu de défaut et malgré sa sincérité quant à ses vues politiques, il arrivait tout de même à en faire oublier la teneur. Ainsi avait-il eu l'Alonna et bientôt le Corbeau volerait sur les champs Ethernan à n'en pas douter. Le Grand Nord serait alors rétablit et Brochant jouirait de la plus grande puissance militaire de tout le royaume. Il ne serait plus simplement un homme que l'on veut en ami, mais la pierre formant le socle du pouvoir. Sans son soutien nul ne pourrait prospérer dans ce monde. Le rusé renard avançait ses pions avec parcimonie et humble discrétion et tandis que tous gloussait devant ses flaterries, exécutant quelques courbettes polies, dans leur dos se mettait en place une machination politique qui dépassait certainement leur entendement.
Elle ne le quittait pas des yeux et pensant à cela, elle ne pouvait que concéder une forme d'admiration pour le beau marquis. Curieuse de savoir le prochain coup qu'il jouerait, elle se mit à imaginer tout les stratagèmes qui s'offrait à lui. Loin de se préoccuper de la joute qui se mettait en place, elle préférait de loin penser à quelque chose de plus grand. Et le Faucon, plus haut dans les cieux, accompagnerait le vol du Corbeau jusqu'à ce que plus rien ne le retienne. La foule cria et scanda tout à coup : le plus jeune des Brochant avait été battu par la Lance de Léjante. Un sourire torve naquit sur son visage clos.
S'excusant auprès de ses voisins de tribunes, elle se leva et rejoint tant bien que mal le beau Aymeric qui regardait d'un œil acerbe la scène à ses pieds. Elle était encore en beauté ce jour, même si le sommeil lui manquait un peu, et le rictus tranchant qui se dessinait au coin de ses lèvres était tout ce qui pouvait au mieux la définir. L'affrontement suivant allait bientôt prendre place quand elle arriva enfin près du marquis Serramirois. Autour de lui se trouvait quelques uns des membres de sa cour qu'elle n'aurait su nommer sinon Jaljen, son valet qui veillait toujours dans l'ombre du marquis. Elle remarqua aussi que son épouse – la ravissante Mahaut – manquait à l'appel. N'aimait-elle donc point les jeux pour s'en absenter alors même que ceux ci se déroule sur ses terres ?

« Mon bon suzerain, voilà une défaite dans les honneurs ! ». Elle avait parlé assez fort pour que sa voix surpasse le bruit des tribunes. Elle inclina respectueusement l'échine mais la désinvolture de son sourire aurait désarmé plus d'un preux chevalier. « Si mon cadet n'a su parvenir à la finale, je gage que mon cousin – sous mes couleurs – y parviendra ». Le revers de la médaille. Elle exultait à présent. « Je serais ravie de vous le présenter à l'occasion du banquet de ce soir, votre Excellence. Je gage qu'il vous plaira beaucoup ». Elle regarda les messieurs qui entourait le marquis avec dureté. « Puis-je trouver un siège près de vous ? Je crains que le mien n'ait été pris par quelqu'un d'autres ».