Préparons-nous ! [Enrico]

Suite au départ du marquis, Oschide rassembla ses officiers pour un conseil de guerre annonçant les futurs préparatifs en cas d'attaque. Il n'y avait pas temps à perdre. Dès l'aube, il prendrait la route pour rejoindre Langehack et annoncer la nouvelle. Dans un calme tout relatif où était mêlé une certaine tension et quelques excitations d'avant la bataille, les hommes prirent place autour de la table. Là il y avait Ansaldo, Oscario et le sénéchal ysarains. Du côté langecin, Sire d'Olside, en sa qualité de sénéchal, était juste à ses côtés, l'air grave. Sigmund d'Olile, le capitaine des aigles, attendait les directives comme les autres dont faisait partie Hector de Tall, Augustor de Rasque et le capitaine du Trait, Pietro Colleoni. Tibérias de Roch, quant à lui, représentait le comte de Missède.

Avant que les discussions ne débutent, Enrico de Montecale, le nouveau baron de Nelen, entra discrètement dans la salle. En le voyant, il fut heureux de l'avoir une fois de plus à ses côtés dans un moment pareil. Pourtant, quelque chose ne semblait pas aller chez son ami soltaar. Depuis combien de temps ne lui avait-il pas parlé ? Trop, sans doute. Il lui montra sa place, à sa droite et le suderon s'exécuta dans la foulée. Après lui avoir adressé un bref regard amical, il regarda les hommes un à un autour de la table et prit soin de bien choisir ses mots pour le début du conseil.

-Messieurs, vous étiez tous présents au banquet et vous savez tout comme moi que le marquis n'en restera pas là. Je crains une guerre chez nous, ce pourquoi je vous ai tous demandé de venir. Demain dès l'aube, je prendrai la route de Langehack et lèverai le ban. Je ferais également parvenir la nouvelle au comte de Missède pour qu'il lève ses hommes et me rejoigne.

Il regarda son sénéchal.

-Sire d'Olside, j'ai besoin que vous assuriez la régence de la cité durant mon absence.

Le vieux chevalier sembla surprit par la nouvelle et du sûrement le maudire pour le fardeau qu'il lui léguait. Pourtant, il acquiesça non sans mal.

-Le sud doit être informé de notre situation, ce pourquoi j'irai prévenir Arichis d'Anoszia, mon père et lui demanderais de nous aider à protéger nos terres.

Oscario et Ansaldo hochèrent la tête simultanément. Il regarda par la suite le baron de Nelen.

-Baron, nous aurons de nouveau besoin de vous. Faites parvenir aux vôtres mes directives. Je veux que nos navires sillonnent l'Olienne et surtout le Golfe du médian.

Enrico avait un peu de retard à sa convocation par le Duc de Langehack. Et pour cause, il préparait son futur voyage à Ydril. Peut-être que la cité portuaire lui changerait les idées, et lui rappelleraient aussi cette fameuse nuit de purge, qu’il avait vécue avec un grand stress en sachant que la Duchesse de Soltariel s’était retrouvée dans les murs du château pendant le Banquet des Dragons. Refoulant ses souvenirs, le Baron pénétra dans la salle le plus discrètement possible. Il y avait déjà là nombre de têtes connues, tel que le sire d’Olside, Hector de Tall, ou Augustor de Rasque, entre autres. C’était une réunion très importante, et pour cause : le Berthildois avait menacé le Langecin. Conscient que son expertise maritime était requise, Enrico avait préparé quelques plans et pris en conscience les forces qu’il leur restait pour affronter le Marquisat si jamais il décidait de faire mouiller une flotte à Sharas, par l’intermédiaire de son vassal.

Il savait le Nord faible en matière navale, mais puissant en fantassins et cavaliers. Son objectif serait d’empêcher que cela ne puisse servir. Il prit place à la droite d’Oschide, se tenant droit et fier pendant que le Duc procédait à un rapide rappel des événements. Enrico avait toujours su qu’il fallait se méfier des gens du Nord, et en particulier de cet arriviste qui pensait pouvoir être Roi en un claquement de doigts. Le sang du Baron de Nelen lui criait son allégeance au Soltaar, et il n’avait pas vraiment eu le loisir d’en discuter avec son suzerain. Et pourtant, il devait le faire. Son père n’était-il pas Régent d’Ydril et Grand Argentier, après tout ? Il attendit que le Duc l’interpelle, pour prendre la parole.

« C’est messire d’Amderran qui dirige votre flotte à présent, votre Altesse. Néanmoins, je me proposerai comme vice-amiral afin de l’épauler, et je communiquerai avec les forces navales missédoises pour coordonner nos efforts. Tout cela ira plus rapidement par l’intermédiaire de mon futur beau-père, le seigneur de Beaurivages. »

Il appuya une main contre la table.

« Si vous voulez mon avis, Sharas court à sa perte si elle nous vomit une flotte sur l’Olienne. J’ai un plan que je vous communiquerai en privé, le cas échéant, mais rien ne pourra survivre à ce que j’ai en tête, croyez-moi. Pour cela, j’ai juste besoin de m’assurer que votre amiral ne prenne pas ombrage de mon aide et de mes plans. Je sais à quel point les lauriers sont importants pour la vieille noblesse. J’ai déjà les miens, il pourra garder ceux-ci. »

Enrico aimait parler comme si la victoire lui était déjà acquise. C’était plus stimulant, et il savait conserver les pieds (ou le pied, dans son cas) sur terre. Dans sa tête fourmillaient les possibilités. La flotte nordienne ne serait pas puissante, fort heureusement. Elle ne serait même pas équivalente. Néanmoins, elle ne serait pas à prendre à la légère, et serait combattue comme n’importe quelle autre armée. Les dromons fracasseraient leurs misérables galères dans un tonnerre et un fracas tout droit sortis du Royaume de Tyra. Il avait assez attendu ce moment, ce moment où il pourrait reprendre la mer, pour infliger à nouveau une défaite à ses ennemis. Car il ne vivait que pour cet instant, où, couvert de sang, il pouvait regarder les navires adverses couler dans l’eau salée, emportant avec elle des hommes hurlant et des feux crépitant sur les ponts et les grandes vergues… Un spectacle qu’il s’empresserait de voir se réaliser. Il pourrait festoyer sur le champ de la victoire, jonché de cadavres et d’épaves désarticulées. Il voulait voir le visage horrifié de son adversaire se poser sur lui, comme pour rendre les armes.

Le Baron sortit de ses sanglantes pensées, pour reposer son regard sur le Duc, attendant la suite de la réunion.