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 Ce que nous sommes [Blanche]

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Roderik de Wenden
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MessageSujet: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeSam 2 Juil 2016 - 15:19


L'An Neuf du onzième cycle
Première ennéade de Karfias
Le sixième jour...

Une pluie fine s'était abattue sur le pays, cinglant les toits du palais Séraphin et se déversant dans les gouttières. L'atmosphère lourde annonçait un orage qui n'avait pas éclaté mais que l'on devinait, tapi derrière d'épais nuages, attendant son heure. Ce temps gris, qui succédait à plusieurs journées de beau temps, était de mauvaise augure pour la mêlée prévue le lendemain, et les jardins d'ordinaire bondés avaient été désertés au profit des salons.

A l'intérieur, nombre de seigneurs tuaient le - mauvais - temps en jouant aux cartes. Il y avait là des gens de multiples horizons, bien que principalement des hommes issus des fiefs septentrionaux de la péninsule, et l'essentiel des conversations avait trait à la dernière guerre d'Oësgardie ; sur un ton gaillard, les chevaliers qui y avaient prit part évoquaient les uns après les autres les actes de bravoure que chacun s'attribuait sans modestie. Ecoutant les bavardages d'une oreille distraite, Roderik de Wenden, confortablement installé dans un fauteuil rembourré, profitait de la chaleur réconfortante d'un feu de cheminée. On entendait chanter un barde psalmodiant une comptine fort à propos, qui rappelait que le récent retour de l'Oësgardie dans le giron serramirois n'avait pas fait disparaître des mémoires leurs vieux et vains rêves d'indépendance.

Entendez-vous l'histoire de Goar le Hutin
Dans les bas-fonds d'Amblère il nâquit ce vaurien
Contemplant les marches du nord de ses yeux bovins
Sa folie érigea rêve d'un royaume sgardien.
Ainsi vint Goar le Fol et de bon matin
Jetant ses ennemis en pâture à ses chiens
Par l'épée pourfendit le Terrible d'une seule main
Et imposa son pouvoir par tous les moyens.
Mais courte victoire n'épargna son destin
Et dans l'Aduram devait périr Roy de Rien.

Roderik n'accorda qu'un mince sourire à ce pamphlet ; la mémoire du roi Goar lui importait peu, mais ce chant, bon enfant en apparence, sonnait comme une sorte d'avertissement : il vous rappelait que la différence entre le héros et le fol est peu de choses, et qu'une fois que Tyra vous attire en son royaume des morts, seuls les vivants ont encore prise sur votre nom et votre réputation. Il se demanda brièvement quel sort lui réserverait la postérité, puis jugea qu'il était un peu trop tôt pour se poser de pareilles questions. Après tout, quelle que soit la manière dont il quitterait le monde, la mort le saisirait un jour ; mais cela n'arriverait peut-être pas avant une vingtaine d'années, et il était difficile de prévoir quelles décisions il aurait à prendre d'ici-là. Mais peut-être mourais-je plus tôt, peut-être même mourais-je aujourd'hui, et alors je ne serais qu'un des nombreux comtes d'Arétria dont le règne court les condamne à disparaître prématurément des mémoires.
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Blanche d'Ancenis
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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeVen 29 Juil 2016 - 19:46


La Dame du Val s’était montrée discrète lors du tournoi. Et ce dernier attisait un peu plus chaque jour une humeur maussade, jouant dangereusement vers un mécontentement certain. Tout d’abord, pas l’ombre d’un chevalier n’avait souhaité sa bénédiction. Cette indifférence avait évidemment blessé son orgueil. Et des Dames bien moins renommées que son auguste personne avaient, elles, inspirés plus d’un jouteur. Blanche d’Ancenis avait tout simplement été niée. Du moins, le prit-elle ainsi. Et cette journée pluvieuse affectait davantage sa volonté à demeurer ici. Elle avait demandé à rencontrer le Marquis de Serramire et sa lettre fut pour l’instant restée sans réponse. Au départ, elle se fit une joie de pouvoir enfin rencontrer en personne Dame Maélyne d’Outremont mais cette dernière n’avait pas cherché à la contacter. Elle avait perdu la mémoire, parait-il. A cela, on pouvait ajouter l’absence de Madeleyne d’Odélian, sa cadette, qui venait parfaire son amertume. Tous ces événements empoisonnaient littéralement son séjour au sein de ces terres considérées comme inhospitalières. Son réconfort se trouvait dans l’attitude d’Adèle, sa sœur, qui avait fait route avec elle et qui paraissait s’amuser sans nul doute.

Afin de tuer le temps et surtout l’ennui, Blanche – celle qu’on avait plus communément l’habitude d’appeler « la catin » ou « la sorcière » en ces temps troubles – fit irruption dans la salle. Elle était accompagnée d’Odeline, son garde du corps. La Lieutenante était complètement vêtue de noir et cette fois-ci, son minois était dissimulé par un heaume à la visière davantage aux allures d’un masque.
La comptine prise au vol, sonnait de manière amère à ses oreilles. Au départ, sa fille était promise à l’héritier mais l’accord fut caduc. De plus ces fables moralisatrices faisaient échos aux dernières années qu’elle avait vécu. La Duchesse avait toujours un mal fou à supporter les ragots de ceux qui ne savent pas et se permettent d’émettre un jugement dévalorisant à son encontre. Elle leurs aurait arraché la langue afin qu’ils ne puissent plus émettre le moindre cancan. Elle s’efforçait donc faire l’impasse sur ce fardeau. Si Roderik, lui, était en plein questionnement intérieur vis-à-vis de sa postérité. Blanche, elle, avait au moins « la chance » - si on pût dire – d’avoir à sa charge une décennie de règne sur son pays. Et elle comptait bien se faire aussi vieille d’Arnoul de Stern. Nombres de choses demeuraient toujours à accomplir, à commencer par mettre ses filles sur le trône.

Après une sommaire œillade sur les divers protagonistes gorgeant la salle animée, la Baronne déplia machinalement son éventail pour dérober ses lippes carmines au regard de l’assemblée. Sa silhouette erra alors entre les tables et convives, cherchant un siège pour s’y laisser choir. Ses drapés d’un vert dit pin – tirant sur le bleu – ondulaient à la mesure de sa démarche gracieuse. Un col fait de plumes de calliste à tête verte couvrait ses épaules et un généreux décolleté en parti voilé la parait d’une menue pudeur. Le dos était du même acabit. Quelques plumes de paons s’égrenaient dans les pans de sa toilette, rappelant ainsi la parure de son buste. Après quelques minutes d’errance, Blanche jeta son dévolu sur le fauteuil faisant face au Comte d’Arétria qu’elle n’avait bien évidemment pas reconnu puisqu’elle ne l’avait jamais vu, ce pourquoi Odeline se chargea de chuchoter quelques mots à son oreille. Blanche haussa de surprise les sourcils pour finalement river ses saphirs sur le Seigneur de Wenden. Ce dernier était dans la lune, faisant face à des questions existentielles dont elle n’avait pas idée. Il ne l’avait pas remarqué.

Ses amandes plissées, elle jaugeait son homologue derrière les broderies de son éventail qu’elle finit par replier. Alors nous en étions là. Il était l’un des hommes du Nord du Médian qui n’appréciait que peu sa personne pour avoir causé la perte de leur marquise. Il est vrai que les derniers barons et comte de ce marquisat étaient, semble-t-il, des gens loyaux, qualité rare parmi la noblesse ces dernières années. Une fois qu’il l'eut remarqué, Blanche le salua respectueusement, n’osant pour l’instant pas prendre la parole. La sorcière paraissait d’une innocence et d’une timidité irréelle… pour l’instant.
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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeMer 17 Aoû 2016 - 22:58


Elle s'était glissée sans bruit telle une ombre, et pourtant Roderik la vit presque aussitôt qu'elle fut entrée dans le salon. Il n'aurait su dire ce qu'elle avait de si spécial pour qu'il la remarque, elle plutôt qu'une autre, car les dames élégantes étaient légion au palais Séraphin en ces jours de tournoi ; mais il y avait quelque chose dans sa démarche, dans sa manière d'être, qui était autre. Il la détailla avec discrétion d'abord, ignorant qui elle était, et lorsqu'il sentit qu'elle parcourait l'assistance du regard Roderik détourna les yeux, ne voulant pas paraître discourtois.


« Sus à l'ennemi ! » rugit le Lion à pleine gueule
Au son du tambour, ignorant qu'il cousait son linceul
Mais ses tripes au pays des ténèbres ne tinrent
Quand de toutes parts les sombres survinrent


Le hasard voulut pourtant qu'elle prenne place face à lui ; et alors qu'elle le fixait de ses beaux yeux bleus au regard pénétrant, Roderik releva la tête et observa son visage. Étrange éloquence dans l'expression de ses traits, où il lisait, derrière un masque de vigueur, un soupçon de tristesse que retenait son courage. Ils ne furent pas présentés ; et s'il devinait que la suivante de la dame la renseignait sur son identité, Roderik, lui, était incapable de mettre un nom sur ce visage, qu'il n'avait jamais vu - tout comme il en allait de la plupart des grands noms du royaume, car Roderik, avant de s'élever au rang de comte, n'avait guère quitté sa malelande natale.


« Sus à l'ennemi ! » disait le Lion, « me battrai oeil pour oeil »
Avant de tailler dans la pierre son propre cercueil
Oh ! Froid comme la mort et bleu comme sa peur
Il endura enfin son dernier malheur
Quand la gorge percée d'un cimeterre, il l'entrevit
Cet ennemi qui dans son fondement s'introduisit

En réponse au salut de la dame, Roderik esquissa un signe de tête poli assorti d'un sourire aimable. Il n'aurait su dire si sa timidité était réelle ou feinte, mais le silence qui régnait entre eux le mettait mal à l'aise. Evitant de loucher sur le décolleté qu'elle arborait probablement avec fierté, Roderik jugea utile de se présenter, quand bien même elle savait déjà qui il était ; grâce à ce stratagème, elle en ferait sans doute autant, et les cartes de chacun seraient ainsi posées.

- Je suis Roderik de Wenden, comte d'Arétria, madame. Je crois ne pas avoir le bonheur de vous connaître.
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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeVen 19 Aoû 2016 - 20:33


Elle ne pouvait que louer le talent du barde dans l’assistance mais malgré la beauté des vers, Blanche n’en appréciait pas l’essence.  Cependant ces belles paroles suintaient la moquerie et la violence. Elle ne souhaitait pas avoir le même sort si jamais elle passait de vie à trépas. Et Blanche était terrifiée par la mort.
Blanche savait qui il était, si bien qu’elle arqua un bref instant un sourcil lorsqu’il témoigna de son engouement à la connaître. Il déchanterait bien vite lorsqu’elle le lui aura annoncé. D’ailleurs, elle entrouvrit les lippes pour commencer à cracher son venin.


« Le bonheur… » Mais elle se tut. Elle préféra ravaler sa verve et se mordre la lèvre pour empêcher de croquer le Comte. Elle s’était longuement questionnée quant à son ‘’ paraitre ‘’ et la Dame avait conclu qu’elle se montrait trop souvent les griffes que pour inspirer de bons sentiments de prime à abord. Ainsi, elle avait décidé de changer de stratégie et tenter de se faire douceur pour pouvoir évoluer ensuite là où elle le désirait. C’est là que les mots de sa mère revinrent en tête : ‘’ si tous ceux à qui tu fais face, te croient faible et naïve, tire-en ton épingle du jeu car l’intelligence est une arme. Cependant, ne te pare pas d’orgueil à croire que tu as une longueur d’avance. Agis toujours comme si la partie n’était pas gagnée de prime abord ‘’. Sans doute, était-ce pour cela qu’Eugénie de Hautval en était là où elle en est et qu’elle avait su rendre fidèle, le plus coureur de la Péninsule, Raymond d’Ancenis. Blanche subtilisa ses premiers mots, les remplaçant par un simple sourire.

« C’est un honneur de pouvoir vous rencontre, Monsieur le Comte. Je suis Blanche d’Ancenis. La Baronne de Hautval. Je vous épargne la suite de mes titres. »

Volontairement, elle ne siffla pas à ses oreilles son statut de Duchesse qui était pour l’instant uniquement reconnu par la Ligue et le Sud. Elle avait eu écho qu’au nord de ses terres, sa légitimité était toute relative. Dans cette optique, elle préféra donc ménager Roderik, décortiquant plutôt la moindre de ses expressions.

« Puisque nous y sommes, sincères félicitations pour votre mariage. »

Elle marqua une courte pause pour se pencher légèrement vers lui en dépliant son éventail et murmurer. « Ne sachant pas si votre union est celle d’un amour, sachez que si ce n’est pas le cas… Avec le temps, un certain attachement prend forme… Du moins est-ce mon cas. Et pardonnez mon impolitesse si je vous ai froissé avec cette confidence. »
La Dame replia ses plumes et se redressa pour s’enfoncer dans son fauteuil en jetant un regard à la Dame en noire, Odeline qui ne manqua pas au passage de s’incliner bien bas face au Comte pour le saluer. Blanche ne profita pour la présenter.

« Voici Odeline, ma garde personnelle et plus grande confidente. »

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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeVen 19 Aoû 2016 - 22:22


Comme la dame du Val pouvait s'y attendre, Roderik tressaillit lorsqu'il comprit qui elle était ; et bien qu'il s'empressa de masquer son trouble, nul n'était dupe, car la légèreté de son expression s'était métamorphosée en une espèce de méfiance à peine voilée. Ainsi, voilà la baronne de Hautval, celle que l'on surnomme la sorcière du Médian, songea-t-il ; il était mal à l'aise, et ne savait pas vraiment pourquoi. Peut-être parce que la quiétude de cette soirée était tout à coup bouleversée par les circonvolutions de la politique, dont il était fatigué. Ou peut-être parce qu'elle lui avait plu de prime abord, et qu'il lui était désagréable de découvrir en elle une adversaire. Cela éveilla en lui un certain nombre d'interrogations existentielles : il ne lui avait jamais paru anormal d'éprouver rancune et défiance contre des hommes et femmes qu'il n'avait jamais rencontrés, mais dont il savait les actions condamnables ; pourtant, en cet instant, il ne ressentait ni rancune, ni haine, et une part de son esprit cherchait encore à se convaincre que cette femme n'était pas la Blanche d'Ancenis à laquelle il pensait.


« Sus à l'ennemi ! » disait le Lion, « combattrons du matin à la brune »
Mais les siens décimés dans la terre prennent racine
« Sus à l'ennemi ! » disait le Lion, « et plutôt deux fois qu'une »
Ne croyant si bien dire, car de sa chair l'ennemi fit rapine


Son malaise, étonnamment, se renforça lorsqu'elle le félicita pour son mariage. Étrange pour ce seigneur arétan qui avait longtemps vécu dans l'ombre d'hommes plus grands, que de savoir que la baronne de Hautval connaissait désormais son nom et entendait parler de lui. Car si le nom de Blanche d'Ancenis lui était connu depuis longtemps, celui de Roderik de Wenden sortait tout juste des méandres de la malelande. Rien d'étonnant à cela, après tout ; la chose allait de pair avec son ascension, et il devait s'en réjouir. Il reprit un peu de contenance, se redressa dans son fauteuil, et adopta l'air d'un homme plus sûr de lui qu'il ne l'était en réalité.

- Je vous remercie, madame la baronne, répondit-il poliment, tout en adressant un léger signe de tête à la suivante, Odeline. Il n'y a rien à pardonner : nous autres arétans sommes difficiles à choquer, dit-il, esquissant un sourire en coin. Du reste, vous n'avez pas tort, je n'ai pas été uni par l'amour, mais mon mariage me rend malgré tout très heureux. Mon épouse et moi nous entendons bien, et je ne doute pas, comme vous l'affirmez, que... l'attachement viendra. Après quelques instants, il réalisa qu'en évoquant son propre mariage Blanche avait évidemment fait allusion au comte de Velteroc, l'imberbe du Médian, le vil traître qu'elle avait épousé en troisièmes noces. Il eut la pensée fugitive d'un homme au teint blafard comme du lait, maigre et maladif - ainsi lui avait-on décrit Nimmio de Velteroc - grimpant sur le corps ferme et tout en rondeurs de la baronne. Décidément, il y a en ce bas-monde des hommes qui baisent au-dessus de leurs moyens, pensa-t-il avec écœurement. S'il était aussi laid que Roderik l'imaginait, alors ce ne fut certes pas l'amour qui avait conduit Blanche d'Ancenis à l'épouser ; et probablement s'était-elle forcée à l'accepter au fil du temps, en commençant par fermer les yeux pendant l'acte. Retenant une brusque envie de dégobiller, il songea que si la baronne avait su s'acclimater à cela, sa propre épouse devrait bien arriver à l'apprécier, lui. Subitement, il se demanda si Iselda le trouvait laid et repoussant. Il croyait que non, mais ne pouvait en être sûr.


Mais comme il nourrit les vers le Roy à Vil-Trogne
Et qu'à l'ombre du trône le lionceau son oncle déplore
Les sombres jusqu'à Amblère portèrent son odeur de charogne
Et le sang coula encore et encore


- Puisque nous parlons de cette merveilleuse chose qu'est le mariage, j'y pense... votre époux n'a donc point souhaité se joindre aux festivités ?
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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeLun 22 Aoû 2016 - 10:28


Les billes cérulées ne manquèrent pas une seule expression si bien que pour dissimuler son sourire, Blanche fit mine de déplier ses plumes pour s’éventer quelques secondes. La Dame du Val avait donc vu juste, les réminiscences du passé étaient tout aussi vives que la morsure du cuir contre la peau après une éprouvante et longue journée de marche en terrain désertique. Machinalement, les gambettes se croisèrent tandis que son pied encerclé en quelques lanières de cuir ondulait sous les quelques notes de musique accompagnant l’adresse du poète. La Duchesse mirait avec intérêt les fabuleux changements du Comte qui de légèreté mua en défiance – peut-être même mépris – pour enfin paraître sous un vain masque d’assurance. A sa seconde parole, la Splendeur Obsidienne y répondit par une question, gorgé de sous-entendus.

« Vraiment ? »

Ce simple mot en évoquait pourtant bien d’autres. Le dos s’enfonçait davantage dans les rondeurs des rembourrages. Elle vint même jusqu’à poser son coude sur l’un des accoudoirs afin d’y laisser choir sa joue. Sa dextre était, pour sa part, occupée à jouer habillement avec son éventail qui ne cessait de valser entre ses diverses phalanges et ce même sans y prêter la moindre once d’attention.

Blanche – pour être exact – faisait naturellement allusion à ses trois mariages. Aucun des trois n’avaient débuté sur le moindre prémices d’amour et étaient tous des arrangements politiques ni plus, ni moins.


« Pourtant… vous ne semblez pas vraiment y croire. Du moins est-ce l’impression que me donnez derrière cette affirmation. »

Elle marqua une pause lorsqu’elle vit se faufiler un serf en sa direction. Les yeux rivés sur les coupes de vin, il n’en fallut pas plus pour que sa garde personnelle comprenne. La lieutenante stoppa nette l’avancée du domestique. Deux godet y furent prélevés, l’un tendu au Comte, le second atterrissant entre la paume de la Dame.

« Je te remercie. »

Ce qui se dégageait des deux femmes pouvaient être dérangeant puisqu’en y regardant de plus près, la relation entre les deux femmes étaient presque fusionnelles… Roderik pouvait aisément se laisser porter à diverses divagations, même graveleuses… Mais soit, passons. Tandis qu’il posait sa question, Blanche humait tout d’abord les arômes que dégageaient le breuvage et ses lèvres en saisirent bientôt l’essence. Ses traits se crispèrent bientôt d’une vilaine grimace, non pas vis-à-vis de ces propos mais plutôt vis-à-vis de cette vinasse. Elle préférait de loin les saveurs des vignes de ses terres. Et ce n’était sans doute pas avec cette pisse qu’elle pourrait oublier. La seconde franche lampée vida aussi sec le verre qu’elle présentait à nouveau à Odeline. Boire vite pour mieux faire passer ce goût.

« Merveilleuse chose, en effet… »

Se faire piner par celui qu’on ne désirait pas n’avait rien de merveilleux pour une femme. Blanche avait une opinion bien arrêtée sur la chose. Le corps d’une femme était un objet et celui-ci en le maniant habillement pouvait se montrer utile. Donc, il était évident qu’avec cette ligne directrice, la baronne prenait soin d’elle afin d’être la plus désirable possible. Elle prit ‘’ relativement ‘’ son temps avant de répondre. Ils savaient tous deux pourquoi Nimmio ne s’était pas rendu au tournoi. La réponse est simple, il n’en serait sans doute pas sorti indemne. Un accident était si vite arrivé même si ce lopin de terres était conventionnellement un terrain neutre. Maintenant, fallait-il seulement trouver une réponse satisfaisante à fournir.

« Malheureusement mon époux n’a pu se rendre au tournoi, des affaires à peaufiner qui le retiennent. Le Baron Niklaus d’Altenberg n’est d’ailleurs pas présent pour cette même raison. Et je pense qu’en toute convenance, il aurait été mal venu qu’aucun de nous ne soit présent. Ce genre évènement est fait pour rassembler après tout. N’est-ce pas ? »

Ses lèvres vermillons s’ourlèrent d’un sourire simple qui faisait néanmoins tout son effet.

« Et vous, monseigneur le Comte où se trouve votre épouse ? Pourra-t-on nous conter bientôt un heureux événement ? »

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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeSam 15 Oct 2016 - 21:00


- Certes, Madame, vous avez raison... le temps est au, hum... rassemblement, dit-il d'un ton qui ne cacherait pas qu'il ne croyait guère, encore une fois, à ses propres paroles.

Bien évidemment, réconcilions-nous avec ceux qui ont détruit l'unité du royaume et ont usurpé des titres par la violence et sans la moindre once de légitimité, pensa-t-il sans exprimer son ressentiment à voix haute. Il ne comptait pas pousser l'hypocrisie à son paroxysme, mais il jugeait bon de ne pas accabler non plus la dame de paroles méchantes ; même si, après tout, son venin aurait probablement laissé de marbre la Dame d'Obsidienne, accoutumée depuis longtemps à subir le fiel de tous ceux qui dénonçaient les faits de son mari - voire l'accablaient elle, l'accusant d'avoir envoûté l'albinos et orchestré elle-même le désastre pour mieux se venger d'Arsinoé d'Olyssea. Ne disait-on pas que les deux femmes s'étaient disputé l'amour de l'Ivrey longtemps encore après la mort de ce dernier ?
Mais après tout, on disait bien des choses, et probablement beaucoup de conneries. Un océan de mensonges autour de quelques îlots de vérité. La vie de cour était ainsi. La rumeur, le faux-semblant et le fantasme se côtoyaient constamment, jouant une espèce de comédie obscène qui façonnait la réputation de chacun. Roderik avait conscience de ce que l'idée qu'il se faisait de Blanche d'Ancenis s'appuyait sans doute sur des informations en partie erronées ; mais il faisait avec, faute de mieux. Au moins pouvait-il, ce soir, s'en faire une idée par lui-même. Elle respectait les convenances, et ses confidences ne dépassaient pas le simple badinage, mais elle était en même temps étonnamment accessible et plus franche qu'on aurait pu, de prime abord, l'attendre d'une femme de son rang ; en cela, elle endossait aisément le costume de l'intrigante, cet habit dont on revêtait si aisément les femmes nobles dès lors qu'elles s'accordaient le moindre soupçon d'indépendance. Plus étonnante était la proximité que Roderik devinait entre la Dame du Val et sa suivante, qu'elle tutoyait avec une intimité qui dépassait celle du maître et du serviteur - mais peut-être n'était-ce là qu'une impression nourrie par les fantasmes du comte d'Arétria.

- Les Cinq savent où se trouve mon épouse en ce moment, Madame. Je dois vous avouer qu'elle peine à se sentir à l'aise en société. La foule l'impressionne facilement, et il est vrai que le palais Séraphin est bondé. D'après ce que m'a dit un clerc, elle ferait de... de l'agorapho... aégora... de l'aérophagie, je crois, si je me souviens bien du terme. Enfin bref. Elle est bien portante, et je ne doute pas que l'heureux événement dont vous parlez ne saurait tarder... cela étant dit, notre mariage est encore tout récent, et, je n'apprends rien à une mère accomplie comme vous l'êtes, il faut, hum, laisser le temps au temps.

Il esquissa un sourire aimable, tout en levant sa coupe en signe d'hommage à la Dame du Val pour ses exploits maternels. Il ignorait combien d'enfants elle avait eus au total, mais observa qu'elle demeurait encore fort désirable en dépit de ses grossesses passées ; on disait que cela pouvait beaucoup changer le corps d'une femme. Mais parfois, c'était une bénédiction ; n'avait-il pas aimé la silhouette de la Dame de Lourmel, son ancienne amante, avec ses formes, ses attraits comme ses imperfections ? Son épouse Iselda était fine, sans doute un peu trop à son goût, car il la trouvait davantage jeune fille que femme ; peut-être la grossesse donnerait à Iselda ce soupçon de féminité et de maturité qui lui manquait encore, si Néera bénissait leur union d'une progéniture nombreuse.
Au-delà de ces préoccupations fort inavouables, Roderik avait hâte, il est vrai, d'avoir un héritier. Il avait déjà été père, par le passé ; mais le destin lui avait prit son fils encore très jeune, de même que sa première épouse. Depuis, il avait survécu à l'Oësgardie, était devenu comte ; son devoir envers sa maison était de s'assurer désormais que ses exploits profitent à sa descendance et non à une branche cousine des Wenden. Cette nécessité, reposant sur des motivations politiques et patrimoniales, s'accompagnait de toutes les questions, les doutes, les craintes et les espoirs que suscitait la perspective d'être père. Quel genre d'hommes ou de femmes deviendraient ses enfants ? Serait-il un bon père ? Saurait-il leur inculquer les valeurs auxquelles il croyait, comme l'avait fait en son temps son propre père, Ganelon de Wenden ? Saurait-il les protéger, et saurait-il les préparer à se débrouiller seuls lorsque l'heure viendrait pour lui de rejoindre à son tour le royaume de Tyra ? Jugeant la confession innocente, il s'ouvrit de ces questions à son interlocutrice.

- J'ai mené des hommes à la guerre, j'ai combattu sur des champs de bataille où nombre de mes frères d'armes ont trouvé la mort. J'ai connu la défaite comme la victoire, et ai eu la chance de survivre à chaque fois. Et pourtant, je dois l'avouer, la perspective de devenir père m'effraie. J'imagine que nous passons tous par là : sommes-nous à la hauteur ? Sommes-nous capables de protéger nos enfants des dangers qui les guettent ? Nous, les grands de ce monde, sommes bien plus menacés que le commun des mortels. Nous vivons dans le confort, mais nous attisons les convoitises, et nos enfants, malgré leur innocence, et probablement à cause d'elle d'ailleurs... sont souvent en première ligne.

Son regard rencontra celui de la Dame du Val. Il n'évoqua pas le nom d'Alcyne, la fille de Blanche d'Ancenis, qu'il considérait aujourd'hui - malgré toute la méfiance qu'il éprouvait vis-à-vis de la mère - comme l'héritière légitime du Royaume, si l'enfant-roi Bohémond avait bel et bien trouvé la mort. Blanche comprendrait d'elle-même. Ne la quittez jamais des yeux, car vous seule voyez en elle autre-chose qu'une marionnette dont chacun voudra s'emparer pour régner. Sans vous, elle ne sera jamais en sécurité. Et brusquement, il ressentit un élan de pitié pour la Dame du Val, car jamais encore il ne s'était mis à sa place, et il découvrait subitement l'écrasante responsabilité qui était la sienne.
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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeMer 9 Nov 2016 - 17:10


A ce tressautement de voix, cette hésitation, il eut en retour un sourire qui en disait long sur ce qu’elle pensait. Les perles bleues le scannaient sans détours et sans doute une sensation oppressante l’envahissait à mesure qu’elle ne cillait pas d’un iota. Oh, il respirait toute cette méfiance, ce scepticisme. C’est d’ailleurs en cet instant que la baronne comprit. En effet, sa présence était vécue comme hostile. Voilà pourquoi sans doute, aucun chevalier ne désira défendre ses couleurs.
En son for intérieur, elle ruminait accusant d’ores et déjà son manchot de mari de l’empêcher de s’amuser comme elle l’aurait voulu. Elle appréciait les tournois. Elle aurait dû pousser quelqu’un de ses vassaux à participer. Une prochaine fois se dit-elle.
Un sourcil s’arqua à la réponse de Roderik.


« Aérophagie… Vous… êtes certain ? J’espère que ses flatulences ne sont pas trop incommodantes dans certaines circonstances. »

Cette remarque faite sur ce qu’elle déduit d’une ignorance à moins qu’il en soit réellement ainsi, elle ne tergiversa pas davantage. Peut-être l’aura-t-elle-même aider à ne pas commettre la même erreur à l’avenir. Bien que… dans le milieu grossier des mâles, les histoires de pipi-caca-vomi étaient monnaie courantes. Paraitrait même qu’en tant de guerres et en pénurie de donzelles, ils s’enculaient les uns les autres quand ce n’était pas des biquettes… Alors bon…

« Vous ne semblez pas plus engager que cela ? La paternité vous effraierait-elle ? »

A son tour, elle leva elle-même sa coupe conjointement. Il est vrai qu’après avoir mis au monde une telle marmaille, elle pouvait saluer ses prouesses. Bon, elle en avait perdu deux dans sa quête maternelle mais c’était toujours moins que la moitié et s’en tirait largement avec un 7/10. Et tant que ses ovaires seront de la partie, elle continuerait à peupler le médian de sa progéniture. A moins qu’un époux de plus meurt et qu’elle trouverait un nouveau parti. A force, elle pourrait conquérir le royaume si elle continuait à procréer.
Sa question trouva vite réponse. Blanche ne partageait pas le même avis et ne se pria pas de le partager. Pour se rapproche du Comte, elle faufila son fessier sur le bord de son siège et se pencha vers lui.


« Je peux vous dire que vous vous trompez… Enfin peut-être que vous ne vous trompez pas mais… je ne partage pas la même vision que la vôtre. »

Elle but une gorgée pour s’humecter les lèvres puis le tendit pour que Odeline le remplisse.

« Notre position est « privilégiée » … Certes cependant chacun à son lot de problème. Vous avez connu les guerres, les champs de batailles, combien d’enfants sont morts à cause de cela ? Et quand il n’y a pas de conflits, il y’a l’hiver ou alors les conséquences directes liées aux querelles armées : famine, maladie, champs dévastés et j’en passe. Nous avons l’argent pour nous prémunir des famines et du froid et des guerres, le peuple lui ne l’a pas. »

Heureusement qu’elle ne pouvait pas lire dans ses pensées, insuffler la pitié la rendrait littéralement malade et elle aurait volontiers régurgité son diner sur son pourpoint pour de tels propos.

« Là où je veux en venir c’est que… Chacun son lot de misères. Après il est vrai que je ferais tout pour protéger ma descendance et que ma fureur serait dévastatrice si on sait toucher à la chair de ma chair. Je pense que les hommes ont tendance à sous-estimer la colère des femmes. Qu’en pensez-vous ? »

Mise en garde ou non, le ton était donné.
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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeLun 14 Nov 2016 - 11:45


« Oh, oui, je connais cette théorie », lança Roderik en haussant nonchalament les épaules, comme pour montrer d'emblée ce qu'il pensait de cette vision du monde qui les désignait, eux, les nobles, comme des privilégiés à l'abri de tous les tracas propres aux petites gens.

Oh, bien sûr, il avait déjà eu l'occasion d'entendre ce genre de débat loufoque par le passé ; ça avait commencé quand des petits malins de basse extrace, enhardis par le fait de savoir lire, avaient peu à peu pris la grosse tête et s'étaient improvisés grands penseurs. Sous le règne de l'Aveugle - un handicap fort à propos - ces pseudo-intellectuels avaient répandu leurs idées soi-disant novatrices sur la condition des petites gens. Cela ne touchait pas grand-monde, heureusement, mais ils étaient quelques-uns dans les grandes familles à avoir cédé à ces thèses mortifères, et à se découvrir aujourd'hui un curieux sentiment de responsabilité à l'encontre du « peuple ». Roderik, on s'en doute, se serait volontiers torché avec ces idées nouvelles s'il n'avait craint de salir ses propres excréments. Tout ce qui était nouveau l'effrayait ; il croyait fermement que le monde ne pouvait être meilleur qu'il n'avait été, et qu'assurer l'avenir signifiait seulement remettre les choses dans leur état antérieur.
« Il est bien normal que le paysan nourrisse l'épée qui les protège, lui et sa famille. Ce n'est pas à coups de fourche qu'il repoussera l'envahisseur. Le confort est une chose, certes... mais nous, les gens de pouvoir, nous vivons avec le fardeau de nos responsabilités. Nos châteaux et nos réserves nous protègent sans doute du froid et de la famine, mais ce n'est pas le paysan qui peine à trouver le sommeil la nuit, ce n'est pas lui qui s'endort et se réveille avec la crainte d'avoir fait de mauvais choix. D'ailleurs, à part choisir entre deux variétés de céréales, je ne vois pas quelle décision un paysan peut bien avoir à prendre. Ce sont eux les plus heureux, en vérité : heureux les hommes qui peuvent se permettre de vivre sans réfléchir. »

Il but une gorgée de sa coupe, conscient que la Dame le fixait de ses yeux bleus pénétrants, probablement pour le mettre mal à l'aise ; et elle y arrivait. Sa mise en garde sur sa capacité à protéger ses enfants était-elle innocente, ou s'agissait-il d'une menace à peine voilée ? Roderik s'entendait encore suggérer au marquis Godfroy, quelque temps plus tôt, d'enlever Alcyne, la fille aînée de Blanche, pour la porter sur le trône tout en conservant la main sur la régence. Il ne faisait pas de doute que Blanche défendrait sa progéniture bec et ongle ; par chance, Godfroy de Saint-Aimé ne semblait pas privilégier l'option de l'enlèvement. Pour le moment.

« Je vous rejoins, néanmoins, sur ce point : jamais je ne me risquerais à provoquer la colère d'une femme. Je suis marié depuis assez longtemps pour savoir à quoi m'en tenir. » Il esquissa un sourire ; il plaisantait. Si les relations étaient plutôt tièdes avec sa jeune épouse, il ne vivait pas dans la peur, et ne lui cédait pas le pouvoir, qu'elle ne tentait - pour l'instant - pas de prendre. Il avait bien trop d'exemples de seigneurs et de rois en tête, qui s'étaient laissés gouverner par leurs bonnes femmes ; le résultat avait souvent été un désastre. Néanmoins, le cas de Blanche semblait différent : peut-être eut-il été plus salutaire pour toute la péninsule que Nimmio de Velteroc eût joué le rôle de la femme, et laissé Blanche prendre seule les décisions du couple. Ainsi le royaume ne serait pas sans roi, et bien des conflits sanglants auraient pu être évités.
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MessageSujet: Re: Ce que nous sommes [Blanche]   Ce que nous sommes [Blanche] I_icon_minitimeLun 28 Nov 2016 - 13:18


Les premiers mots du Comte furent aussi tranchant que la lame de rasoir. Certes, il n’en était sans doute pas conscient mais cela tintait comme tels aux oreilles de la Dame. Son apparente désinvolture éveillait bien des pensées en l’Ancenoise qui le jaugeait désormais d’un nouvel œil. Tantôt les sourcils se fronçaient autant que ses traits se crispaient pour ensuite se détendre tout simple et éclore en une expression d’une délicate douceur mensongère.

« Il m’est apparu que sous cet angle, vous avez entièrement raison. »

Enfin cela était la version officielle. Elle n’en pensait pas grand-chose à dire vrai, si ce n’est la confirmation qu’il était un fervent conservateur comme l’est toute la branche nordique. Il fallait donc évoluer à pas mesurés sans se compromettre comme elle le fut avec le Marquis de Serramire. La diplomatique n’était pas sa carte maitresse. Elle était une piètre politicienne et en avait conscience. A ce titre, elle se demandait comment elle avait échappé à la mort. Comment ne l’avait-on pas pendue à un arbre ? Ou bien ne l’avait-on pas brulé. Son côté paranoïaque avait ses bons côtés. Elle avait su s’entourer de bonnes personnes, loyales… fidèles. Elle leurs devait probablement son salut.
Si la vérité arborait bien des facettes dans la bouche de la Dame, Roderik ne faisait pas exception. Si bien qu’elle lui offrait un sourire trompeur. Il devait se douter qu’elle n’en croyait pas un mot. Tout comme Blanche estimait que ce n’était pas son épouse dont il craignait l’ire… ce qui présupposait à tort ou à raison, qu’il devait craindre celle d’une autre femme. Mais laquelle ?
Elle aurait bien voulu mettre sous le nez son ignorance vis de la vie maritale. Leur union était encore récente. Il n’en connaissait pas toute la mesure mise à part ce gout amer de partager son quotidien avec une personne que l’on n’aimait pas et que par devoir, on devait baiser chaque soir.
Brusquement, elle se redressa en refermant l’éventail qu’elle fourrait dans l’un des replis de sa robe. Ses amandes fixaient comme un diable le Comte.


« Ce fut un plaisir de pouvoir vous rencontrer, monseigneur le comte. J’espère à l’avenir pouvoir vous revoir et davantage pousser la conversation. »

La silhouette s’était avancée jusqu’à lui, se faufilant le long de l’accoudoir de son fauteuil. Simplement, Blanche se penchait vers lui, offrant en biais son décolleté. Il pouvait humer son parfum, savant mélange d’orchidée, de fleurs d’oranger et de lilas. Une main s’empara du muscle de son épaule.

« Je vous souhaite une agréable et douce nuit, savourez votre victoire. »

Elle le relâcha sans attendre et s’éclipsa ni plus ni moins de la grande salle.

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