Après le choc des lances [Roland]

La première journée consacrée aux joutes se déroulaient dans une succession de cris, d'applaudissements et de rugissements. Les chevaliers se succédaient et la foule rassemblée dans les tribunes vibraient devant les exploits et les défaites des concurrents.
Pourtant pas d’humeur à apprécier un tel spectacle, Mathilde s’était tenue sur le banc de bois tout le long, conversant tantôt avec Guillaume, tantôt avec Aline. Si elle voulait être parfaitement honnête, il n’avait attentive qu’à très peu de passe. Pour la grande majorité, c’était parce que son frère se trouvait sur selle. Mais la joute qui avait provoqué la plus vive émotion chez elle, était celle qui avait vu s’affronter Messire de Laval au seigneur de Dorour. Le frère de son amie Cécilie n’était pas du tout donné gagnant et pourtant il avait réussi un coup incroyable, allant jusqu’à désarçonner son adversaire. Devant la violence du choc Mathilde avait fermé les yeux, priant Néera pour que personne ne soit blessé. En les rouvrant elle n’aurait jamais imaginé trouver un Gaël de Laval victorieux.

Mais bien vite les autres concurrents s’étaient succédé, elle avait regardé son frère combattre, deux fois, jusqu’à ce qu’il soit lui aussi désarçonné, mais son esprit était tourné vers le Chevalier à qui elle devait la vie depuis son dernier séjour à Lourmel. Une joute, peut-être deux se déroulèrent encore avant qu’elle ne se lève et que la main de Guillaume se pose sur son bras. Il lui jetait un regard interrogateur auquel elle répondit par un sourire.

« - Je vais faire quelques pas pour prendre l’air… et voir comment va Jérôme. Je reviens. »

Même s’il s’agissait d’un spectacle toujours très apprécié, les joutes avaient quelque chose de trop brutal, de trop violent.  Tant pis si elle devait passer pour une pauvre femme fragile. Le bruit des armures et la vue du sang n’était pas ce qu’elle préférait et elle l’assumait. Quittant la tribune, la jeune femme fit quelques pas aux alentours avant de prendre la direction des tentes réservées aux jouteurs. Certes elle n’avait rien à faire là, mais personne ne lui fit la moindre remarque tandis qu’elle cherchait du regard celle où elle avait vu Jérôme s’engouffrait plus tôt dans la journée. Elle voulait s’assurer qu’il allait bien, même si elle l’avait vu sortir sur ses jambes.

Les tentes se ressemblaient toutes et pour tout dire elle ne faisait guère attention à la présence d’écusson ou d’éléments qui auraient pu lui permettre d’être sûre que la tente dans laquelle elle s’apprêtait à entrer était celle du Baron d’Etherna. Pas besoin de ça, après tout elle se souvenait qu’il s’agissait de la troisième à droite en sortant des tribunes. A moins que ce soit à gauche…

« - Jérôme ? »

Alors qu’elle écartait la toile pour pénétrer dans la tente, Mathilde laissa quelques secondes à ses yeux pour s’habituer au changement de clarté. Et finalement, elle se rendit compte avec surprise, que l’homme qu’elle regardait à présent n’était pas son frère, mais Roland de Dorour. Le rouge lui monta aussitôt aux joues.
Qu’elle se soit trompée de tente, en soit cela n’était pas bien grave, mais il avait fallu qu’elle atterrisse dans Sa tente. Elle s'était inquiétée pour lui quelques minutes auparavant, priant pour qu'il n'ait rien et voilà qu'elle se trouvait face à lui, complètement prise au dépourvue.
Deux hommes se trouvaient également là, elle les avait vu plus tôt en sa compagnie alors qu’il s’apprêtait à jouter, ils ne firent aucun commentaire, se contentant de la regarder. Ils devaient probablement se demander d'où elle sortait.

« - Oh pardon… je ne voulais pas … ce n’est pas … Je suis désolée… Je cherchais Jérôme… et je croyais que… cette tente... »

Et voilà qu’en plus d’être rouge de honte, elle se mettait à bafouiller comme une adolescente prise en faute, oubliant même la plus simple des politesses. Mathilde tourna les talons s’apprêtant à partir mais elle s’arrêta. Elle ne pouvait pas s’enfuir aussi bêtement, certes elle cherchait son frère mais elle s’était également inquiétée pour lui. Après avoir pris une légère inspiration, en espérant ainsi effacer la gêne qui marquait son visage et reprendre un peu de contenance, elle se tourna à demi pour croiser le regard du chevalier à qui elle adressa un fin sourire.

« - Je suis navrée d’avoir fait irruption ainsi, je ne voulais pas vous déranger et je m’en vais de ce pas… Mais je m'inquiétais également pour vous Messire, j'espère que vous n'avez pas été blessé, je m'en voudrais d'autant plus de vous avoir si mal porté chance. »