S'assurer la fidélité de ses vassaux. | Amaury di Castelli [Terminé]

Jour 5
6ème ennéade de Karfias
an 9 du 11ème cycle.

Une voix plutôt mélodieuse, calme, sincère et douce se fit entendre derrière une porte.
« Camille ? » Se permit Victoria, évitant ainsi de toquer.
« Entre donc, Victoria. » Eu-t-elle comme réponse. La porte s’ouvrit, laissant entrer la Baronne, sourire réconfortant aux lèvres.
« Comment te portes-tu dis-moi ? »
« On ne peut mieux. » peu convaincante au vue de la moue qu’elle affichait. Assise sur son lit, mains croisées sur ses genoux ainsi que la tête baissée, la jeune femme fut bien vite rejointe par Victoria.
« J’en ai pas l’impression. Que se passe-t-il donc ? » Sa voix restait douce, imitant à la perfection la douceur d’une mère qui s’adressait à son enfant.
« Je souhaiterais retourner à Soltariel… Tu as gagné, tu es Baronne, pourquoi ne puis-je donc pas rentrer ? »
« Allons Camille, je ne te retiens pas ici contre ton grès, tu le sais bien. Mais… à Soltariel tu risques de tomber sur certaines personnes qui te veulent du mal, et je me refuse de te laisser partir si c’est pour te retrouver en mauvaise position ou même pire ! »
« Pire ? »
« Oui, tu pourrais être capturée par les opposants, ceux qui ne veulent pas te voir comme Duchesse. »
« Je ne suis pas dupe Victoria, et je vois clair dans ton jeu. Après tout, comment puis-je être capturée à Soltariel si je suis prisonnière ici ? »
Un léger sourire s’afficha sur le visage de la Baronne.
« Il est hors de question que la famille perde un nouveau membre. Tu as déjà fait tant d’erreurs, alors le mieux, pour nous tous, c’est que tu fasses ce que je te dis. »

Se relevant, sa main vint offrir une légère caresse sur la joue de sa bien-aimée cousine, avant de quitter la chambre, gardée par plusieurs gardes. La jeune femme se disait prisonnière, c’était à moitié vrai.

Une fois de retour au rez-de-chaussée, on vint la quérir pour lui annoncer l’arrivée du Vicomte d’Euphémion. D’un pas empreint d’assurance, Victoria se dirigea vers la salle du trône, attendant de pied ferme que le dernier de ses vassaux ne lui prête serment.

Amaury était revenu du banquet d'Ydril pour retrouver les terres qui étaient désormais les siennes. Aquila était acquise et c'est donc à Euphémion qu'il s'était rendu afin de retrouver, par la même occasion, son jumeau, Rafaël. Une fois arrivé, on lui donna les nouvelles qu'il avait manqué et l'un d'elle n'était pas des moindres. En effet il s'avérait qu'enfin, un membre de la famille de Maciste avait prit l'ascendant, et en l’occurrence, Victoria, l'une de ses sœurs. Etant géré par son père durant le règne de Maciste, Amaury n'avait pas prit le temps d'apprendre à connaitre tout ce qu'il aurait dû. Il peinait à récupérer son retard, surtout que ce n'était pas ce qui l’intéressait le plus. Il préférait naviguer et son nouveau rôle ne lui plaisait pas mais il l'assumerait, en temps qu'héritier, surtout après le travail de titan de sa famille pour se hisser la ou ils étaient.

Ainsi donc, Victoria avait réussit à réunir une bonne partie de la noblesse sous sa coupe, en commençant par les cités libres, ce qui n'était pas une mince affaire. Les vassaux directs d'Amaury étaient pratiquement tous d'accord pour dire que le jeu était plié et qu'il fallait se décider et la rejoindre. Toutefois, la fin alla étonnement vite et Amaury n'eut pas le temps de revenir d'Ydril qu'elle était couronnée baronne de Sybrondil. Ses gens le pressait donc d'aller rendre serment. Amaury craignait un peu cet instant, le doute avait toujours plané sur le Vicomté qui était dans sa famille depuis peux d'années, encore plus alors qu'il était le neveu et non un fils direct de l'ancien vicomte. Une missive l'attendait pourtant, lui expliquant que la nouvelle baronne le convoquait dans la capitale. La baronnie n'étant composé que de deux Vicomtés, nul doute qu'elle avait besoin de son serment afin d'être pleinement investit de son pouvoir et écraser les derniers récalcitrants. Encore plus du fait de la position importante d'Euphémion et aussi parce qu'il était seigneur d'Aquila, deux possessions de poids. Ayant discuté du pour et du contre durant la journée et n'ayant même pas pu se reposer de son voyage, il fut naturellement décidé de faire diligence et de rendre ce serment. Après tout, si elle le voulait, autant le faire, par cet acte, elle confirmait Amaury dans ses titres et consolidait sa position envers ses vassaux dont certains étaient, eux aussi, récalcitrants. Cela permettrait donc peut être à la baronnie de retrouver une intégrité qu'elle n'avait plus depuis quelques temps.

Amaury décida de passer par Aquila afin de récupérer quelques vassaux acquis à sa cause et digne de confiance afin de faire une entrée digne de son rang. Son frère l'accompagnait, il n'avait pas voulu le laisser pour cette occasion. La petite troupe arriva donc en fin de matinée à Sybrondil et on demanda aux principaux intéressés d'annoncer l'arrivée, prévue bien entendu, du Vicomte. Après l'avoir fait un peu patienter, on l'amena avec sa suite dans la salle du trône. Amaury aurait préféré débuter par une rencontre plus intime pour discuter mais ce ne fut pas le cas. Après avoir été annoncé en tant que Seigneur d'Aquila et Vicomte d'Euphémion, il entra dans la pièce, avec la prestance de son rang, vêtu d'une chemise de soie rouge vif avec des crevées de couleur dorée et portant des bijoux tels une chaine en or, ornée d'un pendentif en forme d'ancre, de la même matière ou encore quelques bagues, il s'avança fièrement vers la nouvelle baronne qu'il ne manqua pas de détailler du regard, encore plus en s'apercevant de sa beauté.

Un léger sourire apparu sur son visage lorsqu’elle vit le vicomte arriver avec sa petite clique. Craignait il quoi que ce soit pour s’assurer un certain soutient ? Qu’avait-il en tête pour débarquer ainsi en compagnie de son frère et de quelques vassaux ? Le petit sourire de Victoria se transforma en un petit rire discret, puis, elle se leva de son siège pour se rendre au plus près de ses invités.

« Je vois que vous aimez voyager accompagné, Messire di Castelli. » Elle avança sa main en sa direction pour y recevoir son baiser avant de s’attarder sur l’assemblée. Son regard se posa sur le portrait craché du vicomte, puis, elle se demanda si l’homme qu’elle avait en face d’elle était bien Amaury. Victoria en avait horreur de ces jumeaux qui se ressemblaient comme deux goûtes d’eau et qui, de surcroit, pouvait se confondre facilement.

« Avez-vous fait bon voyage ? Le sud vous a-t-il sied comme vous l’attendiez ? » Le ton emprunté resta doux même si Victoria était toujours aussi amer de savoir que le vicomte avait préféré se rendre à des festivités en Ydril alors que la Baronnie était en proie à une forte instabilité. « Je dois toutefois vous avouer être assez peiné de ne point vous avoir vu lors du couronnement, que ce soit vous ou un quelconque représentant. Pourtant… » Elle jeta à nouveau son regard sur la petite troupe de gais-lurons.  « vous ne semblez pas en manquer... de représentants. » La Dame s’en retourna sur son siège. Il était temps de passer aux choses sérieuses. « Et donc, Messire. Vous n’êtes pas sans savoir que Sybrondil a enfin récupéré une certaine stabilité, qu’en pensez-vous ? »

Le jeu de la politique ne tarda pas, mais après tout, cette entrevue était totalement politique. A peine arrivé, voila que la nouvelle Baronne piquait son plus puissant vassal. Sourire aux lèvres, Amaury prit la main de Victoria et y déposa le baiser souhaité sans sourciller.

"Les routes ne sont pas encore sures comme elles l'étaient auparavant, et puis cela démontre mon investissement à votre encontre avec autant de témoins qui ne sont pas directement sous votre emprise"

Une phrase à double sens, bien entendu, puisqu'il disait vrai, son serment serait renforcé auprès de ses propres vassaux mais en même temps, il annonçait qu'ils étaient les siens (de vassaux). Il savait qu'elle n'ignorait pas sa position et sa puissance et qu'il serait mieux de jouer ensemble, plutôt que l'un contre l'autre. Amaury ne désirait nullement le conflit, bien au contraire et elle serait sage de le comprendre rapidement au lieu de chercher à s'en faire un ennemi. Rafaël, quand à lui, ne manqua pas la façon dont elle le dévisageait et il soutint son regard sans la moindre difficulté. Pourtant, la baronne n'hésita à aucun moment pour continuer de porter des estocades cinglantes sous un ton enrobé de douceur mais non sincère. Amaury ne la lâchait pas du regard, cherchant à analyser les moindres détails

"Ydril est très jolie et ces gens charmants, mais Sybrondil n'a pas à rougir et je suis certain, qu'ensemble, nous parviendrons à surpasser le Comté dans tous les domaines"

L'ainé des jumeaux était tout de même étonné des mots acerbes dont il faisait l'objet même s'il ne montra à aucun moment son malaise et qu'il garda la prestance dû à son rang

"Votre couronnement à été une surprise, je vous l'avoue, non que nous ne pensions pas que vous deviendriez baronne, mais il à été mis en place très rapidement. Je suis navré de ne point avoir pu envoyer de représentants, c'est fâcheux, je l'entends bien. Mais ne suis je pas justement ici pour clore cet incident et vous apporter ce que vous attendez ?"

La "suite" du Vicomte s'éparpilla dans l'assemblée, n'étant pas concernée par le serment que leur suzerain allait rendre à la Baronne et le face à face qui était en train de se passer

"Je pense qu'il était temps que la stabilité revienne au sein de la baronnie. Cela fait trop longtemps que l'on ne sait pas ou l'on va. C'est avec joie que j'ai appris qu'une nouvelle baronne allait prendre les rennes. L'union fait la force et maintenant que tout le monde suit la même personne, sur le même chemin, je n'ai plus aucun doute sur l'avenir de notre belle Sybrondil. De concert, nous la mèneront vers les plus hauts sommets."

Amaury avait bien noté la montée en puissance de Victoria et il ne comptait pas se mettre en travers de son chemin tant qu'elle ne lui chercherait pas à lui causer des problèmes. Se faire couronner Baronne n'avait pas été facile et il ne doutait pas de sa ruse pour parvenir à ses fins. Maintenant, il espérait qu'elle comprendrait que ça irait plus vite ensemble que se elle faisait de son Vicomte un ennemi. Rafaël avait bien briefé son frère sur la situation actuelle et sur ce qu'il avait apprit sur la Baronne et les deux hommes étaient d'accord sur le fait qu'en la soutenant, la baronnie s'en porterait mieux, et par la même, leurs affaires aussi. Restait à savoir si elle avait des projets ou si la seule ambition la menait et qu'elle n'avait rien à proposer.

"Et vous, votre honneur, maintenant que vous avez unifié Sybrondil derrière vous, quels projets envisagez vous pour la baronnie ?"

Il savait que lui même n'avait pas encore prêté le serment attendu mais il le ferait de toute façon.

« Soit. » Répondit-elle lorsque le vicomte énonça l’excuse de son absence. La Baronne n’en était pas vraiment convaincue. Un couronnement trop précipité ? Alors que cela faisait huit ennéades qu’elle se battait pour la baronnie ? Sottise que tout cela. S’il se permettait ainsi de pareilles excuses, il fallait être certain que la méfiance qu’elle ressentait déjà à son encontre allait doubler.

« Je pourrais aisément votre mettre dans la confidence Messire… Mes projets pour Sybrondil sont à la hauteur des attentes de bons nombre de mes vassaux. Mais… Pour cela, je me dois me vous connaitre un peu plus. Il nous faut discuter, et forger une confiance qui sera digne des futurs projets pour la Baronnie. »

Ses yeux se tournèrent à nouveau sur le frère, qui ne l’avait pas lâché du regard et ce, depuis le début de l’audience. Puis elle se leva à nouveau, offrant un grand sourire à ses invités.

« Mais nous verrons tout cela une autre fois, lorsque vous aurez prêté serment. Je vais demander à ce qu’on prépare la cérémonie, cela ne devrait pas durer bien longtemps et vu qu’il ne manque que votre vœu Messire, nous pourrons nous permettre de festoyer l’unité de Sybrondil, et ce, dès ce soir ! »

La jeune femme s’excusa ensuite de ses invités pour se retirer dans un petit salon où elle prit ses aises. Puis elle fit quémander le Vicomte. Seul cette fois-ci. Il restait assez de temps pour entretenir une petite conversation avant que celui-ci ne ploie le genou devant sa Baronne.

La baronne semblait dubitative sur la réponse donnée par Amaury, et pourtant, c'était le cas. Elle s'était battue un certain temps pour avoir la baronnie mais justement, pendant un moment, personne ne pouvait encore savoir clairement qui deviendrait baron, ou en l’occurrence baronne. Amaury avait préféré resté neutre pour deux raisons, la première parce qu'il avait déjà bien du travail pour s'assurer du serment des vassaux de son père et surtout, surtout, de son oncle pour le Vicomté. La seconde, justement parce qu'il se méfiait du prochain baron et des prétentions qu'il pourrait mettre sur celui-ci, bien que cela serait mal vu de revenir sur la parole du défunt baron de Sybrondil. Et lorsque Victoria avait prit l'ascendant, son couronnement avait été étonnement rapide. Et voila que maintenant, après l'avoir alléché de ses projets, elle remettait en cause sa confiance, et en plus, lui faisait un affront ouvertement devant toute l'assemblée. D'ailleurs, plusieurs murmures s'élevèrent pour marquer cet événement majeur. Etait ce intentionné ou une maladresse , la question était levée. Victoria regarda une nouvelle fois par dessus l'épaule du Vicomte, ce qui le fit sourire car il savait parfaitement que c'était son jumeau qu'elle fixait. Rafaël, pour sa part, gardait une expression totalement neutre, avec, toutefois, la réplique exacte du sourire d'Amaury sur ses propres lèvres. Amaury saisit une pique au vol pour la détourner un peu à sa façon

"Je suis à votre ENTIERE disposition si vous voulez apprendre à mieux me connaitre. J'espère que la confiance entre nous s'installera rapidement, il serait fâcheux que nous ne nous entendions pas, et cela, pour le bien de la baronnie"

En entendant qu'elle allait demander la préparation de la cérémonie pour son serment, il se retint de rire. Il ne doutait pas un instant que dès l'instant ou il avait annoncé sa venue, tout avait été préparé pour que cela se fasse vite. Même en étant couronnée baronne, Victoria avait besoin du soutien du second Vicomte de la baronnie, celui qui détenait les clés pour verrouiller la baronnie par l'ouest, ce qui n'était pas rien.

"Ce sera un plaisir de vous rendre ce serment et de festoyer pour l'unité retrouvée. Il me restera à me tenir prêt pour les grands projets qui sont les vôtres."

Un brin taquin sur cette dernière parole, il s'inclina respectueusement et recula avant de se retourner et de quitter la salle, suivit de sa petite troupe de loyaux vassaux et de son jumeau, collé à ses pas.

Plus tard, alors qu'il était négligemment assit sur un fauteuil dans le petit salon juste avant la chambre mise à sa disposition, Rafaël en face de lui, un messager vint lui annoncer que la baronne le convoquait. Il demanda au serviteur de l'attendre dehors avant de se tourner vers son jumeau

"J'y vais ou c'est toi ?"

Rafaël avait un sourire franc sur ses lèvres

"J'ai déjà donné en politique pendant que tu profitais de l'hospitalité d'Ydril. Cette fois, c'est moi qui profite, débrouille toi avec la baronne"

"Ma foi elle est plutôt jolie, pense tu qu'elle a saisie l'allusion"

"Sans nul doute, pourtant elle est plus rusée que tu ne semble le penser. Elle n'a pas éclipsé tout le monde pour devenir baronne par chance, méfie toi"

"Bon, j'y vais alors, à tout à l'heure"

Amaury était joueur mais il faudrait qu'il apprenne à se tenir. Il sortit de la pièce et il invita le serviteur à le guider jusqu'au lieu prévu. Une fois sur place, il entra dans la salon ou la baronne l'attendait. Amaury était toujours vêtu de la même façon mais sa chemise était plus ouverte, oubliant de la refermer et pas suffisamment pointilleux sur certains "détails" qui pouvaient avoir de l'importance pour d'autres. Il regarda autour de lui, s'apercevant qu'ils étaient seuls

"Votre honneur, vous m'avez fait demander, me voici. Que puis je pour vous ?"

« Prenez place et rhabillez-vous je vous prie, un peu de tenue serait fort appréciable. »

Ces mots furent prononcés sur un ton des plus froids et cassant. La Baronne n’avait déjà pas apprécié sa précédente remarque qu’il s’était permis d’émettre devant l’entièreté de ses convives mais elle avait décidé sur le coup, de passer l’éponge, estimant que l’unité de la Baronnie était plus importante que les dérives d’un débauché.

« Je vous ai convoqué pour vous parler des premiers projets que j’espère réaliser pour Sybrondil. »

Continua-t-elle après qu’il ait pris place dans le fauteuil de l’autre côté du bureau.

« Premièrement, je compte élargir les horizons de la compagnie des quatre saisons. Et pour cela, rien de tel que d’envoyer des émissaires chargés de trouver et de négocier de nouveaux accords commerciaux. Pour cela, je compte sur votre frère. Votre famille à un riche passé commercial et son récent titre de noblesse ne pourra que lui donner plus de poids dans ses futures négociations. Je tiens donc à ce qu’il sillonne le Royaume et au-delà. En contrepartie, ses dépenses et ses voyages seront assurés par la compagnie et il recevra cinq pourcent de parts sur chaque contrat qu’il nous ramènera. »

Le ton employé voulait tout dire ; c’était plus un ordre qu’une proposition même si celle-ci était plus qu’alléchante. Quoi de mieux pour un marin dans l’âme que de naviguer de pays en pays aux frais de la princesse pour négocier des contrats qui lui sera tout aussi gratifiants ?

« Il nous faut aussi se diversifier dans la marchandise que nous proposons. L’estrévent s’accapare de plus en plus tous les marchés et il nous faut sortir notre épingle du jeu. Sur ce point, c’est à vous que je m’en réfère. »

La Baronne se recula, pour s’adosser dans son siège tout en plaçant ses bras sur les accoudoirs.

« Mais avant cela je tiens absolument à unifier la Baronnie. Je veux que Sybrondil soit forte, stable et indestructible. » Elle fit une pause. « La force, nous l’aurons bientôt. » Continua-t-elle sur un air mystérieux. « Mais la stabilité et l’indestructibilité, je ne peux l’avoir sans vous et vous le savez très bien. C’est pour cela que je vous propose que l’on s’unisse. Les deux vicomtes réunit sur le trône ne pourra que renforcer nos positions internes et nous garantir une meilleure sécurité quant aux éventuels problèmes que nous causeraient l’extérieur. »

Victoria se redressa légèrement sans que son regard ne quitte celui du Vicomte.

« Mais n’oubliez pas, la légitimité du trône Baronniale m’est acquise. »

Amaury était négligé mais il ne s'en moquait un peu, ce n'était pas le cas de la baronne qui lui demanda plus de tenue. Il s'exécuta, soudainement conscient de son laxisme en présence de la baronne en titre. Victoria semblait s'être décidé à parler des projets qu'elle avait pour la baronnie, retenant toute l'attention de son futur vassal

"Fort bien, je vous écoute"

En premier lieu, ce fut l'économie qui fut énoncé mais la nouvelle le doucha sérieusement. Victoria, prenant les talents pour le commerce des Di Castelli, venait d'annoncer au Vicomte qu'elle envoyait son frère négocier de nouveaux contrats pour la compagnie des quatre saisons. L'idée était bonne et voyager tous frais payés était une aubaine à saisir, encore plus avec le pourcentage prit sur chaque contrat, mais Amaury voyait la un long voyage, voir plusieurs, qui éloigneraient son frère loin de lui pour une période assez importante. Lui qui n'avait jamais été séparé de son jumeau avant quelques ennéades et qui l'avait mal supporté lorsqu'il avait du le laisser sur place pour se rendre à Ydril, voila qu'une nouvelle épreuve se présentait. Il trouvait étonnant aussi, vu le ton employé qui était plus un ordre qu'une requête, si c'était vraiment aux talents familiaux qu'elle voulait faire appel ou si son intention était justement de séparer les deux jumeaux. Il n'avait pas loupé les regards qu'elle avait jeté à Rafaël lors de leur arrivée. Il n'appréciait pas beaucoup non plus qu'on lui impose des choses. Alors certes elle était baronne mais c'était plus d'un climat de confiance qu'une relation inamicale entre les deux Vicomtés qui serait le mieux pour la baronnie. Amaury garda tout cela pour lui et il répondit sur un ton neutre

"Lutter contre l'Estrevent ne sera pas facile, surtout en dehors du royaume. Augmenter l'influence de la compagnie des quatre saisons et montrer que nous sommes présent est important, c'est indéniable, si vous le désirez, je peux m'en charger en personne ?"

S'il partait lui, après avoir le soutien de la baronne suite à son serment, il pourrait sans doute emmener son frère et dès lors, ne pas être séparé de lui. Toutefois, la suite éclipsa ce qu'elle venait de dire, la tirade de la baronne laissa le Vicomte pantois, ce qu'il ne put dissimuler, son visage montrant bien son sentiment d'étonnement. Voila qu'elle lui proposait un mariage, d'arrangement bien entendu, alors qu'ils ne connaissaient pas et avec un naturel déconcertant. Il devait bien s'avouer que celle la, il ne s'y était pas attendu. Il reprit contenance difficilement, enregistrant l'implicite dans ses mots

"Unir les deux Vicomtés serait sans nul doute une bonne chose pour la baronnie, je comprends votre démarche et l'intérêt que vous prenez à diriger Sybrondil, c'est intéressant. Que la baronie vous soit acquise aussi. Toutefois, permettez moi une question...me proposez vous un mariage matrilinéaire votre honneur ?"

Il se demandait si elle avait perçu toute l'étendue de sa demande. Il la savait rusée, on l'avait prévenu et son frère lui avait rappelé juste avant mais avait elle essayé de l'embrouiller ? Essayait elle de détruire sa famille et de l'enfouir ?

« Je préfèrerais fortement que ce soit plutôt votre frère qui s’en occupe. Vous êtes Vicomte, votre place est à Euphémion ou à Aquila, pas à sillonner le monde sur un bateau. Je prendrais les dispositions nécessaires pour qu’il puisse partir sereinement et ce rapidement. »

Victoria avait un énorme doute, quelque chose lui disait de se méfier de ses jumeaux. Bien plus que de ses autres vassaux.

« Pas d’entourloupes. » Dit-elle alors plus sèchement. « Il me serait aisée de reprendre ce que mon frère à confié. » Finit-elle sur un ton plus doux alors que le message était tout autre.

« Concernant le mariage, bien évidemment qu’il s’agit ici d’un mariage matrilinéaire. Je ne prendrais aucun risque quant à ma succession. »

Je ne perdrais pas Sybrondil comme j’ai perdu Soltariel, il en est hors de question.

Victoria regarda longuement son vassal, épiant les moindre de ses faits et gestes. Chaque sursaut de sourcil, chaque ride apparaissant à cause d’une énième émotion. L’étudier lui était nécessaire au vu des doutes qui s’emparaient d’elle à chaque instant. De ce frère jumeaux qui lui ressemblait tant.

« Suis-je bien en face du véritable Vicomte ? » Demanda-t-elle aussi naturellement que possible. Son visage affichant un air tout aussi curieux qu’incertain.

La Baronne insista sur le fait que ce soit Rafaël qui parte et non lui, soulevant ses devoirs de Vicomte. Il savait foutrement bien qu'il était plus avisé de rester, particulièrement pour veiller sur ses biens et titres. Toutefois, son interlocutrice ne savait pas que les jumeaux avaient reçu exactement la même éducation et qu'ils étaient aussi capable l'un que l'autre. A moins qu'elle ne le sache finalement puisqu'à chaque phrase, il semblait de plus en plus évident qu'elle n'appréciait pas le fait qu'Amaury ait un jumeau, voir qu'elle s'en méfiait comme la peste et que le doute s'était ancré en elle. Au fur et à mesure qu'elle parla, le Vicomte se redressa dans son fauteuil, perdant son attitude débraillée et laxiste pour reprendre celle que son titre demandait. Droit comme tout noble se devait, un sourcil interrogateur sur le visage, il feignit l'outrage. Peut être qu'au final elle n'était pas si brillante que cela, à moins qu'elle ne désire que sa baronnie se déchire. Le ton était étrangement neutre par rapport aux mots qu'il prononça

"Votre honneur, est ce un test que vous me faites passer ? parce que je m'interroge sur vos dires. J'ai du mal à comprendre ou vous voulez en venir. D'abord vous me dites vouloir unifier et fortifier Sybrondil, la stabiliser et la rendre indestructible et l'instant d'après vous me menacez et m'insulter alors que notre entente est ce que la Baronnie à le plus besoin."

Il s'interrogeait vraiment car reprendre les titres d'Amaury ne serait clairement pas un message bien perçu pour les autres vassaux qui se poseraient à leurs tours des questions.

"Bien que je comprenne que vous ne vouliez pas perdre Sybrondil, je m'attendais plutôt à un accord sur les successions selon le nombre d'enfants qui découleraient de notre union. En me proposant un mariage matrilinéaire, nul besoin de me retirer mes titres puisque vous vous les accaparerez par l'héritage. A moins que vous m'ayez cru si naïf que je ne vois pas l'énormité que vous m'avez proposé. C'est insultant, personne de sain d'esprit ne pourrait accepter cela et vous le savez parfaitement"

Amaury parlait sur un ton neutre mais son débit était rapide

"Et quel message vous enverriez à vos vassaux en reprenant les titres qui ont été cédé. Je ne doute pas un instant de la vive réaction de vos autres vassaux. Et je ne vois pas en quoi cela unifiera la Baronnie alors que vos derniers mots montre que le chemin que vous empruntez est plutôt celui de la rupture. Je comprends que vous vous posiez des questions sur moi vu que nous n'avions pas pris position lors de votre querelle familiale, mais justement, nous n'étions pas non plus dans vos opposants"

Amaury inspira et souffla légèrement avant de reprendre, avec un débit normal et d'un calme des plus étrange après ce qu'il venait de dire. Une lueur au fond de ses yeux indiquait que les réponses de la Baronne à ce qu'il disait seraient capitaux

"Alors, soit vous me testez, soit vous avez autre chose derrière la tête. Je pense qu'il serait temps de les partager avec moi et de me prouver que vous cherchez réellement à unifier la Baronnie. Dans le cas contraire, je repartirais juste après vous avoir fait mon serment, et vous comprendrez que nos rapports seront alors limités au stricte nécessaire"

Il n'était pas question d'aller au conflit, Amaury détestait cela et ça ne menait jamais à rien de bon, surtout lorsque vous étiez l'un des protagonistes, mais il ne se laisserait pas faire, ni humilier de la sorte. La balle était maintenant dans le camp de Victoria, Amaury attendait de voir l'habilité et la ruse dont on avait affublé la Baronne. Il était à noté qu'il n'avait pas répondu à la question sur son identité bien que ce soit le vrai Vicomte.

Il y eu d’abord un léger silence. Victoria toisa son vassal d’un regard littéralement brulant. Ses mains se crispèrent et elle tenta tant bien que mal de se contenir de ne pas l’incendier sur place. Quelques secondes de plus, des secondes pesantes, pour qu’elle finisse par reprendre le contrôle.

Puis, elle se mit à parler, optant pour un ton calme mais autoritaire.

« Je ne me pose aucune question. Je ne suis pas étonnée de voir que les Castelli, une fois de plus, n’ont pas pris position vous qui avez pour habitude de toujours rester neutre. Mais voyez-vous Amaury, vous ne faites plus partie de cette noblesse sans terres qui pouvait se permettre de rester les bras croisés quand l’avenir de la baronnie était en jeu. C’est fini le temps où vous ne deviez que vous préoccuper de vos petits bateaux, où l’unique devoir était de faire fructifier le commerce familiale et où la seule chose qui vous préoccupait était de posséder encore plus de parts de marchés.

Ce temps est révolu, vous avez d’autres responsabilités maintenant.

Responsabilités que vous avez décidé de ne pas assumer lorsque la baronnie en avait le plus besoin. Et c’est vous qui me parlez d’insultes et de menaces ? Est-ce une blague ?

Dois-je vous rappeler que votre famille possède ces terres depuis seulement moins de deux ans ? Et même moins d’une année vous concernant particulièrement ? Que vous les avez obtenus de la main généreuse de mon frère ? Pensez-vous réellement me faire peur avec vos menaces à peine voilées ?

N’oubliez pas à qui vous vous adressez. Je ne suis pas seulement la Baronne de Sybrondil ou la vicomtesse d’Aphel. »

Elle se leva.

« Je suis une Maldi. Une famille bien plus prestigieuse et respectée que la vôtre Amaury. Je n’ai eu aucun obstacle sur la route qui m’a menée jusqu’au trône baronniale et ce n’est certainement pas les caprices d’un jeune vicomte qui va m’empêcher d’atteindre mes prochains objectifs.

Vous vous retrouvez seul. N’oubliez pas que Sybrondil est peuplé d’une vieille noblesse qui détient leurs terres depuis plusieurs générations maintenant. Sur qui allez-vous compter ? Sur la noblesse des cités libres ? Celle qui envie votre place et n’hésiteront pas à me soutenir si je la leurs promet ? Allez-vous vous reposer sur la noblesse de terres intérieures ? Celle qui s’est opposé au choix de Maciste quant au fait de léguer des terres à une noblesse marchande qui n’a, semblerait il plus aucune autre valeur que la neutralité en cas de conflit ? Soyez réaliste. Vous estimez mal la proposition que je viens de vous faire. Vous estimez mal les soutiens que je possède sans compter ceux dont vous ne soupçonnez même pas l’existence. Je vous conseille de ne pas me mettre à dos et de respecter un minimum les propositions que je vous fait plutôt que de me faire la morale. »

Elle fit une pause, gardant toujours le même ton.

« Mais soit. Si vous portez plus de valeur au fait que vos enfants portent votre nom plutôt que l’avenir de ceux-ci alors je ne vous forcerais point la main. Plutôt que de m’épouser, vous épouserez l'une de mes cousines. Je ne vous retiens plus. »

Victoria frappa dans ses mains et deux gardes accompagnés d’un serviteur entrèrent, invitant ainsi le vicomte à quitter la pièce.

Le silence qui suivit les propos d'Amaury était des plus pesant. Le Vicomte attendait les réponses pour savoir ce qu'il en était mais on lui avait dit qu'elle était rusée, il espérait qu'elle verrait l'énormité de sa proposition et qu'elle reviendrait à des choses plus facile à mettre en place pour œuvrer de concert et que tout cela soit bénéfique pour la baronnie. Toutefois, le regard que lui lançait Victoria n'était pas des plus sympathique, loin de la. Amaury résista, la regardant lui aussi dans les yeux afin de marquer sa détermination et ne pas céder, ce qui l'abaisserait sans nul doute. Il ne pu pas interrompre la Baronne tellement ce qu'il entendait l'ahurissait. Bien entendu, rien ne perça dans son maintien mais il était abasourdit par ce qu'elle lui disait. Lorsqu'elle eut finit, il eut énormément de mal à se retenir de trembler tellement il était en colère. Il allait essayer une dernière fois de jouer l'apaisement mais il ne comprenait pas du tout à quel jeu elle jouait en ce moment. Toutefois, joignant le geste à la parole, il se leva et posa son indexe sur le bureau qui était entre Victoria et lui

"Je sais parfaitement que ma famille ne fait plus partit de la noblesse marchande, votre honneur" il appuya particulièrement ce mot "Je gage que vous êtes parfaitement au courant que les Di Castelli ne sont pas restés neutre dans l'accession de votre frère, sinon il n'aurait pas fait d'aussi prestigieux dons aux miens.

Votre querelle était familiale et c'est pourquoi nous sommes restés neutre, vous deviez régler vos soucis entre vous et il n'était pas question de s'immiscer dans vos histoires internes, cela ne regardait que vous"

C'était faux, il aurait pu prendre part et l'appuyer contre ses frères et sœurs, mais il avait choisit de ne pas le faire pour voir qui sortirait de la mêlée. Mais bon, il était impossible de prouver qu'il mentait ou disait vrai et ce qu'il avançait été très recevable.

"C'est également parce que je connais toute l'ampleur d'avoir reçu des terres qu'il m'ait impossible d'accepter un mariage matrilinéaire, et vous le savez très bien, votre honneur. Je n'oublie absolument pas qui vous êtes, la preuve en est que je suis ici pour vous apporter mon soutien. Si vous avez vu des menaces dans mes propos, ce n'était pas le cas"

Non, il était surtout sur la défensive et pointait du doigts certaines choses, il n'avait pas menacé. Et si les Maldi était une famille plus prestigieuse, c'était certain puisque c'était la famille baronniale, les Di Castelli n'en étaient pas moins très respectés aussi en pays Sybrond, elle le savait parfaitement.

"J'estime très bien votre proposition, votre honneur, et je vous garantis que j'en suis très honoré et que j'en comprends l'ampleur. Je ne me repose, ni ne compte sur personne, si ce n'est votre famille avec laquelle la mienne à entretenu d'excellentes relations jusque maintenant. Il semble que nous soyons partis tous les deux sur de mauvaises bases, alors je vous en conjure, reprenons depuis le début et ne voyez pas en moi un ennemi mais plutôt un ami, un allié et quelqu'un avec qui il sera bon de travailler pour consolider la baronnie. Ne me considérez pas comme un esclave ou un sous-fifre de bas étage"

Amaury avait puisé profondément en lui pour garder son calme et le sang-froid nécessaire pour dire cela. La balle était maintenant dans le camp de la Baronne, allait elle s'aliéner son principal vassal ou allait elle comprendre ou était son intérêt ?

Méprisable.

Voilà ce qu’elle pensait actuellement d’Amaury qui ne prêtait aucun sérieux à cette discussion. Que pouvait-elle bien faire de plus ? L’enfermer ? L’idée lui avait traversé l’esprit, mais ce serait trop facile et Victoria aimait jouer. Elle voulait le voir sombrer petit à petit sans aucune sortie de secours.

Elle sourit, poliment puis lui répondit sur un ton tout aussi polit : « Sortez. »

Le vicomte fut raccompagné dans les appartements qui furent mit à sa disposition. Les préparatifs pour la cérémonie d’hommage avançaient à grands pas et les festivités qui auraient lieu au soir se préparèrent petit à petit. Victoria de son côté, resta cloîtrée dans son bureau, se préparant à ses nombreux projets.

L’heure de la cérémonie avait sonné. La Baronne s’était apprêtée pour l’occasion et attendit, assise sur son trône, que son dernier vassal vienne lui prêter allégeance.

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