5e jour de la 1ère ennéade de Karfias
9e année du XIe Cycle
Missède (quartier des abattoirs)
En quête de quelques visages connus, une barbe blanche traînait ses guêtres dans les ruelles de Missèdes. Sa caleuse dextre posée sur son pommeau, il sifflotait dans l'air du soir tout en croisant le regard des coquins pillards qui auraient sans nulle doute voulus le détrousser... s'il n'était pas aussi assuré.
Il ne venait pas souvent dans le quartier des tanneurs. L'odeur y était fétides d'ailleurs. Mais il ne pouvait oublier l'étrange colifichet qu'un
ami lui avait envoyé. La marque dans le bout de cuir qui entourait la peau de vipère posée avec délicatesse sur sa couste était sans nulle doute faite par un de ces artisans... encore fallait-il trouver quelqu'un de consentant. Il aurait sans nul doute put envoyer quelqu'un d'autre, mais l'affaire se serait ébruitée et dans des temps aussi troublés, Missède ne devait pas être divisé. Enfin... Pas officiellement tout du moins. Parce que pour recevoir des menaces de cette teneur, c'était qu'il y avait serpent sous gravier...
A cette pensé, le bon sire laissa échapper quelques éclats de rire. Voilà que ses bons mots le faisait lui même rire! Il était décidément irrécupérable... et il n'avait toujours aucune idée de la tannerie ou chercher l'information qui lui faisait tant défaut.
Qu'à cela ne tienne!
Il avisa la porte la plus proche et entra. Un nuage de parfum nauséabond lui sauta au visage. A l'intérieur, c'était plus faut encore que dans la rue... Une fosse à merde aurait sentit meilleur après un banquet de chou farci aux fayots ! Soufflant un grand coup par le nez, il fit le tour de la pièce d'un œil intrigué. C'était la première fois qu'il entrait dans un tel lieu. Des peau neuves et de larmes pans de cuir trônaient sur différente pile. Quelques petits objets semblaient abandonnés sur une table. Personne en vue.
« Hola ! Tanneur ! » appela sa voix de stentor.
Aussitôt un petit être chenu arriva par la porte du fond. Après avoir ouverts des yeux d'une taille respectable étant donné les circonstances, il pencha sa noble calvitie vers le noble client... Ou plutôt devrait-on dire qu'il se plia en deux... voire en trois.
« Bonsoir Messire ! Quel honneur de vous recevoir dans mon humble atelier. Je suis absolument désolé que vous ayez à supporter cette odeur mais voyez-vous le cuir requière...
-Du calme. Du calme, mon ami, sourit le barbu. Inutile d'être aussi obséquieux. »
La mine hébétée du bougre était facile à comprendre... Il fallait utiliser un vocabulaire simple. Alors le chercheur de vérité reprit.
« Détendez-vous. Je viens seulement vous poser une question sur un travail qui j'ai beaucoup apprécié et dont je ne connais pas le créateur. Pourriez-vous m'éclairer ? »
Le bonhomme fronça de suite un sourcil intrigué.
« Faut voir... montrez toujours que je lorgne. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le barbu sortit de d'intérieur de sa riche veste un carré de cuir de près d'un bras de long. Assez résistant pour contenir la bête, il était également marqué en son cente d'un entrelacs de lignes sinueuse embossés. Le tanneur approcha ses mains couturées, tâchées, caleuses et déformées par les produits qu'il utilisait. Il testa l'épaisseur, chercha sur le tour de l'ouvrage. L'endroit, l'envers. Il en tira avec étonnement une petite écaille et lança un regard étonné à son client. Mais rien de concluant pour lui visiblement.
« J'suis bien désolé mon sire. C'est pas moi qu'ai fait ce travail et je connais personne qui utilise un tel signe. Demandez autour. Peut-être qu'un autre pourra vous répondre. »
Il y comptait bien ! Il remercia l'expert inutile et repris sa traversée du désert. Tannerie après tannerie, les réponses étaient globalement les mêmes. Non je sais pas ce que c'est merci au revoir. Dans l'une, une fillette aux mains teintes en bleues. Dans une autre un apprentis aux doigts bandés. Parfois pas de réponse, parfois des coups d’œil suspicieux ou chaleureux. Mais jamais une réponde positive. Il ressortait de la millième tannerie lui semblait-il, lorsque son esprit si décidé à trouver le coupable renonça. L'ennui et la nuit l'avaient vaincu... et dieux il savait qu'il mettrait des jours pour se débarrasser de cette odeur.
Pas a pas, il ne lui restait plus qu'à rebrousser chemin. Il repassa devant la tannerie à l'apprenti maladroit, continua vers... Il plissa soudain les yeux. Dans l'ombre à quelques mètres de lui, la petite fille aux mains colorées qu'il avait croisé un peu plus tôt venait de détaler à toute jambe en manquant de lui rentrer dedans. Elle fit un pas de côté... et loucha sur l'épée qui lui battait le flanc.
« Donnez-moi pardon, mon sire ! » sursauta-t-elle en se jetant à genoux.
En si peu de temps, il n'aurait su dire si elle était surprise, terrifiée ou les deux... Ses cheveux noirs étaient vaguement tressés mais restés d'un aspect sauvage et mal entretenu. Dans l'éclairage de son atelier, elle semblait avoir les formes naissantes d'une jeune femme d'une quinzaine d'année, mais elle était si menue qu'à présent il ne lui aurait pas donné plus de dix ou douze ans. Dans tous les cas, elle respiraient forcement.
« relève-toi fillette. Tu ne devrais pas courir les rues à cette heure. Rentre chez ton maître. »
Elle se redressa prudemment, croisant le regard imposant du grand homme en arme qui lui faisait face, acquiesça et déguerpit en sens inverse sans demander son reste. Elle disparut en un battement de cil. Il secoua la tête. Cette petite ne devaient pas avoir une vie facile... Comme tant d'autres enfants dans cette ville... et il savait qu'en plus, Missède n'était pas la pire des cités de ce côté là.
Sur le chemin du retour, comme lorsqu'il était descendu jusqu'à la rue qu'il avait arpentée de long en large, des yeux l'observaient depuis des recoins obscurs sans s'approcher. Quelques silhouettes plus ou moins discrètes filaient dans des passages latéraux de moins en moins dangereux alors qu'il remontait vers la haute ville. Soudain, un profile attira son œil. Un nez aquilin. Des cheveux poivres et sel tirés en arrière avec précaution. Un balais dans le cul pour être bien sûr d'avoir le dos le plus droit possible.
Il ne l'avait vu qu'une seconde avant que l'homme ne rabatte son capuchon. Il fronça ses sourcils broussailleux. Il devait avoir fait erreur...
6e jour de la 1ère ennéade de Karfias
9e année du XIe Cycle
Palais de Missède (aile de Jusice)
Richard referma la porte derrière lui, perdant son visage calme et serein pour pousser un soupire à fendre l'âme.
« Néera, puisses-tu veiller sur tes enfants. Ils en ont désespérément besoin. »
Avisant son bureau croulant sous les parchemins, ses deux grandes plumes d'oie trônant devant dans leur encrier respectifs, sa bibliothèque personnelle... Tout cela pour en arriver à une telle situation. Il se dirigea d'un pas lent vers son petit havre de travail et posa les deux rouleaux qu'il avait sous le coude sur la pile de ceux qu'il avait encore à recopier et archiver. Deux rouleaux de plus que le jeune Comte avait dicté depuis sa couche. Même malade au point de ne plus pouvoir se lever, il tenait à garder un œil sur tout ce qui se passait et principalement la justice. Lui qui n'avait jamais été connu pour sa compassion tenait son rôle de garant de la loi en si haute estime qu'il appelait à lui son Juge dès que son esprit était assez clair pour mettre le nez dans les affaires nobiliaires. Avec application, Richard s'escrimait à lui amener les affaires les plus importantes et a prendre en note toutes ses décisions jusqu'à ce que l'énergie manque de nouveau au jeune homme ou que les médecins lui demande de sortir.
Ce matin, ils avaient choisi ensemble d'accéder à la requête du fils de Laval qui voulait affronter un chevalier en duel officiel. Le Comte avait rit en pensant au jour ou il devrait assister à ce combat, se rappelant des entraînement peu concluant de Gaël de Laval, de deux ans son cadet, alors qu'il était écuyer à la cour. Le vieux Juge en avait eut le cœur serré. Après avoir enterrer les deux derniers hommes de la famille de Missède, il voyait à grand pas arriver le jour ou il devrait enterrer le dernier homme des de la Courcelle... et ce jour ou cela se produirait, il ne pourrait que prier pour que les Quatre Terres ne se déchirent pas une nouvelle fois dans une guerre de succession.
Missède et Ybaen privées de leurs lignées traditionnelles, elles étaient aussi privées de pouvoir stable et vulnérable à potentielle attaque de leurs voisins. Sans Comte pour empêcher ses vassaux de s'entre tuer, les vieilles querelles seraient rapidement remises au goût du jour et il ne doutait pas que plusieurs seigneurs soient déjà en train de placer leurs pions. On murmurait déjà dans les couloirs. On prenait la température... et les paris. Des quatre familles qui avaient participé à la guerre fondatrice de la Baronnie, il ne restaient plus que les d'Ethin et les de Laval à présent. Les dernières représentantes des de la Courcelle et des de Missède étant soient disparues, soit hors d'atteinte. Mais certains voyaient également venir la grandeur des familles de Chiard grâce à leur poids commerciale et à la confiance que le Comte leur avait témoigné. En tant que lignées plus jeunes, elles pouvaient faire office de terrain neutre pour tous ceux qui ne voudraient pas choisir l'un des deux camps qu'on leur proposaient. L'une des oreilles que le vieil homme laissait traîné avait même cru entendre que certains projetaient de proposer à l'une de ces trois familles de reprendre Ybaen à la suite des de la Courcelle, ce qui chamboulerait les forces en place dans une mesure qu'il n'arrivait pas encore à évaluer...
Dieux que la politique pouvait être complexe... et impitoyable.
Il était trop vieux pour ce genres de choses... être juge demandait de n'avoir aucun réel ami, aucun réel appui dont il n'aurait put se défaire dans l'instant... Cela lui pesait tellement... mais il ne pouvait pas se résoudre à abandonner un navire en perdition. Dans le palais, il passait pour être un homme a l'intégrité parfaite et à l'objectivité d'une grande valeur, aussi beaucoup comptaient sur lui en tant qu'arbitre en ces temps troublés... Mais surtout, il ne se sentait pas capable d'abandonner le jeune Comte à son sort. Il avait beau ne pas être en place depuis longtemps, aucun jeune homme ne méritait de finir ainsi... Alors Richard attendait en espérant que les choses se calmeraient, que la santé de Théobald s'améliorerait avant de demander à être relever de ses fonctions pour prendre un retraite bien mérité dans un petit monastère de Chiard.
Pris dans ses pensées, ses regrets, ses espoirs et ses attentes, il entendit à peine quelques coups qui retentirent à sa porte. Aussitôt, le vieux Juge réajusta son air serein et avenant pour laisser entrer son visiteur. Voyant apparaître la blanche barbe de Charles d'Ethin, l'ascète se leva pour venir lui serrer vigoureusement la paluche.
« Charles ! Quel bon vent vous amène de si bon matin ?
-Un problème épineux, j'en ai bien peur...
-Comme toujours quand quelqu'un vient me voir avant le déjeuner. Vous avez de la chance, je n'ai pas encore faim. » sourit Richard
La pointe d'humour, n'eut pas l'air de dérider le front soucieux du seigneur. Connaissant la bonhomie de l'homme, ne serait-ce que ce détail en disait long. Si cette entrevue ne pouvait attendre la séance du Consil Exceptionnel de l'après midi, c'était forcément qu'il s'agissait soit d'un problème grave, soit d'une affaire personnelle. D'un geste, le juge invita son hôte à avancer jusqu'au bureau et l'y suivit pour couvrir avec le plus grand flegme quelques documents confidentiels qu'il avait oublié sur le côté en venant ouvrir.
« Je suis tout à vous pour une grosse heure, allez-y, je vous écoute. »
Charles se gratta intensément le crâne et se tâta la barbe avant de réussir à décoincer un mot.
« Tout d'abord, je voulais vous prévenir qu'un homme malveillant rôde dans le Palais.
-S'il n'y en avait qu'un... » répondit Richard en versant deux verres de vin rouge assez minutieusement pour qu'aucun de ses vélins n'en pâtissent.
« Hier matin, en retournant dans mes appartements, j'ai trouvé un pâque sur mon lit. A l'intérieur, il y avait une vipère morte.
-Oh...
-Comme vous dites... »
Avec moult détails, Charles raconta sa journée de la veille, sa recherche auprès des serviteurs puis sa descente en ville... Ainsi que l'homme qu'il y avait aperçut.
« Vous êtes sûr de vous ?
-Pour dire vrai, absolument pas. Mais je voulais que quelqu'un soit au courant en dehors de tout soupçon.
-Vous m'honorez.
-Je dis vrai et vous le savez. Ne vous faites pas plus humble que vous ne l'êtes, vieux briscard. »
Et bien voilà un homme bien plus léger ! Charles retrouvait peu à peu son mordant. L'épine était toujours profondément enfoncé dans son fondement mais elle était moins douloureuse.
Pour faire bonne mesure, les deux hommes échangèrent encore quelques mots, vidèrent leur coupettes et finir par se séparer pour prendre un déjeuner bien mérité avant de se rendre en séance du Consil qui depuis plusieurs ennéades déjà, palliait les incapacité de leur suzerain. En plus des habituels conseillers du Comte, du Juge Richard de Chantelune et des vassaux de la châtelainie de Missède, le Seigneur Charles d'Ethin et le Seigneur Arnaut de Laval ne quittaient plus la cour sans être représentés depuis les festivités du début d'année. Encore une fois, l'ordre courant était le maintient des réserves de céréale. Avec les ravages de Sgardie et les tensions qui existaient entre le Marquis de Saint-Berthilde et le Duché de Langehack, suzerain de Missède, des pénuries commençaient à être craintes sur le long terme. Arnaut fut chaudement remercier pour les efforts diplomatiques de ses deux aînés et les importantes cargaisons de blé d'origine Serramiroise qu'il avait réussit à obtenir à des prix préférentiels compte tenu de la conjoncture du Nord. Cependant, comme elles avaient jusque là été entièrement remises à Diantra pour reconstituer des réserves après la politique de terre brûlée, les greniers du Comte n'était pas particulièrement pleins.
Après une longue discussion, il fut décidé que la prochaine cargaison de grain serait la dernière envoyée jusqu'à Diantra jusqu'à ce que les greniers de Missède soient entièrement remplis... ce qui prendrait un bon moment. L'Emissaire de Chiard serait également envoyé à Thaar pour trouver des ressources supplémentaires pour ne plus être aussi dépendant du Nord pendant la durée des troubles. Les affaires courantes furent traités avec attention. L’État d'Edelys passé en revu.
Tous pensaient que le Consil touchait à sa fin lorsque le sénéchal se leva, rappelant instantanément les esprits qui commençaient à vagabonder. Il déglutit, cherchant à percer les mystères de chaque paire d'yeux qui lui faisait face.
« Excusez-moi messieurs. J'ai encore une affaire importante à aborder ici. Le problème de l’importation de céréales me semblait assez sérieux, c'est pourquoi je n'ai pas voulu vous troubler avec cela plus tôt. »
Richard le regarda avec insistance alors que le militaire prenait ostensiblement le temps de croiser le regard de tout un chacun. Il était rare qu'un problème lui éclate à la figure sans qu'il n'est rien vu venir mais c'était visiblement le cas aujourd'hui...
« Ce midi, le chef des gardes en faction dans la ville m'a averti d'un meurtre dans le quartier des boucherie. Un des tanneurs a été retrouvé ce matin noyé dans les produits qu'il utilise pour son travail. On aurait sans aucun doute conclu à un accident si l'apprentie teinturière qui loge chez lui n'avait pas vu la scène. Elle certifie avoir vu un grand homme assommer son maître avant de le jeter dans le bassin.
-Les meurtres dans la basse ville sont hélas monnaie courante...
-mais pas ceux faisant état de la présence d'un grand homme à la grande barbe blanche portant une épée au pommeau ornée d'une rose quelques minutes avant et après le meurtre. »
Un a un, les regards dévièrent du sénéchal pour se poser sur un certain seigneur. Charles sentit tous les poils de son dos et de ses bras se hérissés. Non... On ne pouvait pas sous entendre que...
Son sang ne fit qu'un tour.
« Comment pouvez-vous croire que j'ai assassiner cet homme ?! »
Sa voix puissante avait du être entendue à l'autre bout du palais. Son visage avait tourné au rouge en une seconde. Il serrait les poings, prêt à se défendre. C'était un complot, c'était évident. Lui qui avait donné toute sa vie à cette fichue terre et dont la famille n'avait jamais rien réclamé à personne malgré sa place ingrate de terre agricole peu estimée de ses voisins ! Il sentit à peine la main de Richard se poser sur son épaule.
« Calmez-vous. Personne ne vous accuse. Je tiens d'ailleurs à dire, Sénéchal, que Charles est venu me voir ce matin pour me parler de sa journée d'hier et qu'il me paraît peu probable qu'il ait perpétré un quelconque cri...
-Peu probable ?!
-Si vous êtes innocent dites nous ce que vous faisiez dans un tel endroit.
-J'ai été menacé ! J'ai trouvé une vipère égorgée dans mes draps, enveloppée dans un bout de cuir marqué d'un symbole. Je cherchais l'origine de ceci ! Et je ne devrait pas avoir à me justifier ! »
Il pointa un doigt accusateur vers un regard de glace, ses propres yeux lançant des éclairs de rages. Ce qui le connaissaient savaient qu'il était à deux doigts de retourner la table massive à la force des bras.
« Demandez plutôt à ce cher Arnaut si vous voulez poser des questions ! Demandez-lui donc ce qu'il faisait dans la ville basse hier soir ! »
Un brouhaha infâme éclata. Les uns protestants sur les autres qui criaient.
« SILENCE !!! »
Le rugissement de Charles trancha net. Richard avait sursauté. Le sénéchal ouvraient de grands yeux. Arnaut de Laval, l'un des rares encore assis, regardait le barbare qui venait de faire éclater le scandale. Son visage était d'une neutralité presque effrayante... Mais Charles pouvait voir une once d'orgueil meurti brûlé dans son iris marine. Il allait attaqué de nouveau lorsque la voix du Juge rabougri s'éleva.
« Cela aussi je pense pouvoir y répondre. Après m'être entretenu avec vous ce matin, je suis allé déjeuné avec Arnaut. Je ne pensais pas que cette affaire prendrait de telles proportions. Hier matin, Les Seigneurs d'Ethin et de Beaurivages ont tout deux trouvé une sorte de menace dans leur lit. Même méthode. Même symbole sur le cuir d'après ce que j'ai cru comprendre. »
Peu a peu, les membres du Consil se rassirent, concentré sur les mots du vieil homme.
« J'en ai parlé avec sa Grandeur Théobald juste avant de venir et il est d'accord avec moi. Nous éviterons une cour de justice officielle, cependant une enquête sera lancée et si le coupable de ces menaces est retrouvée, il sera condamné en conséquence. Nous sommes tous à cran mais en ces temps plus qu'en tout autre, le Comte ne saura toléré que ses vassaux se montent les uns contre les autres. Il m'a aussi demandé de vous rappeler que si l'un de vous essaie de se faire justice seul, il sera jugé également pour application de la loi du Talion. »
Le silence certifia une chose : ils avaient entendus et compris. Richard hocha donc la tête plusieurs fois en baladant son regard. Il appuya particulièrement le contacte avec Arnaut et Charles, mais lorsque les conseillers et autres seigneurs commencèrent à sortir, il ne passa pas à côté de l'échange à la fois glacial et volcanique qui eu lieu entre les deux hommes.
« Ne comptez pas sur moi pour croire à vos fariboles, Arnaut. Tentez de m'atteindre de quelque façon que ce soit et je jure que même nos vieilles lois ne me retiendront pas.
-Vous êtes paranoïaque... »
Arnaut vaquait à travers les couloirs. Un rouleau de compte à la main. La dernière cargaisons de grain destiné à Diantra ne tarderait pas à arriver à Beaurivages... Et la décision du Consil l'ennuyait profondément. Ces affaires avec la capitales étaient absolument prolifiques. Un arrêt si brutal de toute vente lui ferait perdre non seulement des contrats mais également la sympathie de beaucoup. Sans compter l'administration de son fief, l'état du fief de Lourmel sur lequel sa femme avait visiblement quelques réserves, les menaces de mort qu'il avait reçu, cet étrange vipère morte qui avait engendré la paranoïa de Charles d'Ethin et la préparation du mariage de sa fille... Par les miches de Tyra, qu'elle laisse au petit Théobald toute la clémence dont elle pouvait faire preuve ! Il ne supporterait décidément pas une guerre civile maintenant.
Dans l'état actuel des choses, le mieux qu'il pouvait faire, c'était rentrer à Beaurivages pour mettre ses affaires au clair, demander à sa sœur de venir le représenter à la cour Comtale et fairele voyage jusqu'à Diantra avec la cargaison pour prouver sa bonne foi à ses relations. Cela lui permettrait également de voir Hernan et de se rendre compte de l'avancement de la réhabilitation de la ville.
7e jour de la 1ère ennéade de Karfias
9e année du XIe Cycle
Palais de Missède (cour d'accueil)
Charles se caressa la barbe en regardant le messager qu'il venait de mandaté partir à vive allure à travers la grand-rue. Bientôt ses deux fils seraient auprès de lui. Son épouse, leur petit de trois ans et son propre frère resteraient au domaine pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Mais si ce serpent fuyant d'Arnaut de Laval voulait établir le plateau de jeu, il ne serait certainement pas le dernier à rassembler ses pièces !
1e jour de la 2ère ennéade de Karfias
9e année du XIe Cycle
Palais de Missède (appartements du Seigneur d'Ethin)
Trois coups résonnèrent sur le battant de bois. Charles leva pesamment le nez de... sa sieste pour inviter ses visiteurs à entrer d'une voix un peu hésitante. Il se passa une main sur le visage pour diminuer la fatigue, mais le résultat n'était pas vraiment concluant. Par contre, les visages qui apparurent dans l'interstice eurent, eux, le don de tracer un immense sourire dans sa barbe drue.
« Hector ! Viens là mon garçon ! »
Le jeune homme ne se fit pas prier pour venir donner l'accolade à son grand-père. Le voyage avait paru long mais ils avaient à parler et le plus tôt serait le mieux!
3e jour de la 2ère ennéade de Karfias
9e année du XIe Cycle
Palais de Missède (cour d'accueil)
Renard sauta lestement à terre, remettant de suite les rennes de son cheval entre les mains d'un homme de son escorte pour se diriger lui-même vers la portière de la diligence. Avec un sourire charmeur, il tira lui-même sur la poignée pour redécouvrir la silhouette de sa tendre épouse, assise sur la banquette. Eulalie rendit son sourire au grand blond mal rasé qui lui servait de mari et accepta volontiers sa main pour se dégager du véhicule.
Le soupire d'aise qu'elle poussa en posant pied à terre valait tous les longs discours du monde.
« Ne t'inquiète pas, tu pourras bientôt te détendre dans nos appartements. » lui glissa Renard alors qu'un serviteur venait à leur rencontre.
Elle sourit mais ne répondit rien jusqu'à ce que le serviteur les aient menés jusqu'aux dis appartements. Une fois la porte refermé sur eux, ils soupirèrent de concert en échangeant un regard complice. Renard embrassa doucement sa femme avant de se perdre une seconde dans ses yeux clairs. Après plus de vingt ans de mariage, il se disait encore que les mariages arrangés étaient loin d'être l'ignominie que les contes décrivaient.
« Tyra me pardonne, passé du temps ensemble ici loin de la mer, cela ressemble à de splendides vacances.
-Vil flatteur. Tu ne diras plus ça dans quelques jours lorsque Arnaut te bombardera de lettre pour savoir comment tu t'en sors, ricana-t-elle, son nez aquilin se retroussant légèrement comme a chaque fois qu'elle souriait.
-Je t'en prie, ton frère sait être raisonnable. Et puis il a bien trop de choses à penser pour être embêtant à ce point. »
La grimace d'Eulalie en disait long sur ce qu'elle pensait de la possibilité d'embêtement que représentait son frère, ce qui eu le don de faire rire l'Emissaire de Chiard dont la femme devait officiellement représenter les intérêt au Consil.
« Allons, femme, défait donc nos bagages au lieu d'être médisante. »
Elle sourit de toutes ses dents avant de se mettre au travail. Lui s'attarda quelques instants devant la grande fenêtre pour s'étirer, passant en revue ce qui lui restait comme monceau de présentation à faire avant la fin de l'après-midi. Son dos émit un craquement sonore. La navigation lui réussissait décidément bien plus que les voyages à pied...
Missive ducale
8ère ennéade de Karfias
9e année du XIe Cycle
Palais de Missède (salle d'audience – réunion du Consil)
Peu après l'enlèvement du Duc Oschide Sur son pupitre Richard retranscrivait toutes les décisions, portant de temps à autre un œil aguerrit sur la petite assemblée. Depuis déjà quelques ennéades, Charles siégeait avec son fils aîné et Arnaut avec sa sœur et son beau frère et Emissaire de Chiard représentait la ville sans terre... Mais cela ne saurait durer.
Cela faisait quelques heures déjà que la nouvelle était tombée. Les navire portant le drapeau de Sainte Berthilde que Missède avait reçu l'ordre de laisser passé dans un sens puis dans l'autre avaient été assez fourbes pour repartir avec un son bord un otage de poids : Oscide d'Anoszia, mari de Méliane de Lancrais et par conséquent Duc de Langehack. Leur technique de surveillance avait été parfaite, ils avaient eut tous les rapports possibles concernant les allés et venus des vaisseaux. Mais conformément aux ordres, ils étaient restés loin du lieu de rendez-vous. Plus jamais ils ne feraient confiance à ces chiens de Berthilois.
Mais en attendant : le mal était fait.
La réunion de ce jour était particulièrement sombre. Les premières décisions avaient déjà été prises. Le Seigneur d'Ethin retournerai en Edelys pour s'assurer de sa sécurité et mettre en ordre la protection des frontières. Le Seigneur de Beaurivages, ainsi que l'Emissaire de Chiard feraient cause commune pour participer au siège de Sharas... Et pendant ce temps, le Consil s'arrogeait de plus en plus de pouvoir alors que le jeune Comte n'avait pas ouvert les yeux depuis bientôt trois jours.
En reposant sa plume à la fin de la réunion, Richard soupira. Les dernières heures de son service risquaient d'être bien sombres...