Une visite presque officielle | Kodratos

Mi Karfias de l'an 9 du XIe Cycle

Le soleil tapait dure en cette fin d'été. La chaleur faisait rôtir les gardes dans leur armure comme dans un four constitué de milles écailles de métal argenté. Leurs capes blanches portant en noir l'épée flamboyante marquée de caractères drows ne les protégeaient que peu des rayons et même les poignées de leurs armes devaient être difficile à saisir après une si longue chevauchée. Au milieu de la formation rectangulaire, précédé par un porteur d’étendard aux couleurs de Thaar, une grande femme sèche aux cheveux poivre et sel dévoilant de longues oreilles chevauchait, le dos droit, le port altier. Ses yeux étaient clair comme de l'eau, sa robe raffinée au tissus exquis et ses traits extrêmement doux lui donnaient un air presque enfantin malgré la charge qui était visiblement la sienne.

Aux portes d'Hanning le groupe en arme s'arrêta sans mettre pied à terre. L'hybride s'exprima haut et clair.

« Nous sommes ici au nom de la Princesse Marchande Krish Al'Serat et par la soif de savoir du Conseil des Princes Marchands de Thaar. Nous souhaitons parler à Kodratos d'Hanning. »

Pas de titre. Pas de salutation. La vérité dans toue sa brutalité. Car c'était bien cela qu'ils étaient venus chercher : la vérité.  

L'été avançait peu à peu dans cette XIème année après le terrible cataclysme qui avait frappé l'ensemble du monde connu. Et comme pour fêter le passage d'une première décennie après les évènements le soleil frappait dans toute sa gloire céleste le sol de l'Estrévent. Toute élément de la terre, de la mer ou de l'air semblait brûlant. Même l'atmosphère miroitait dans l'enfer terrestre qui se créait sous les tourments de l'astre solaire. La terre sèche se craquelait là où le passage incessant des hommes l'avait fragilisé, et les bâtiments de briques rouges semblaient irradier un ardent brasier. Et pourtant cela n'empêchait l'Homme dans sa quête de domination, de machination et dans ses rêves les plus fous, ses fantasmes inavouées d'avancer, de braver la torpeur insensée qui s'emparait de lui et de continuer l'oeuvre de sa vie. Qu'était elle ? Cela dépendait. Mais cela allait toujours dans son sens. Même le plus désintéressé des hommes le faisait d'une certaine façon pour lui et la paix de son âme.

Mais en Estrévent de tels hommes étaient des perles chacun travaillait dans son but personnel, purement égoïste. Et Kodratos d'Hanning, Grand-Duc des Septmonts était de ceux là. Penché sur une table il écrivait un long texte concernant un nouvel édit mettant en place une circonscription des mendiants, des esclaves évadés et de ceux qui étaient éligibles à l'esclavage dû à des dettes et qui souhaitaient y échapper. L'Etat se devait d'être fort et ne plus être contrôler par une multitude de petits princes issu des classes d'affranchis comme il fut un temps. Une garde pénétra dans salle et se dirigea droit vers son seigneur qui leva un regard interrogateur. Torse nu, le seigneur des lieux remisa sa plume dans l'encrier et fit signe à son serviteur personnel de débarrasser la table. Il finirait cela plus tard. Enfilant une chemise, il laissa une de ses amantes lui tamponnait le visage avec un ligne mouillé puis se tourna vers la soldate, tandis qu'on le revêtait de différents vêtements légers.

"Mon Seigneur, une émissaire du Conseil de Thaar qui vient au nom de Krish Al'Serat, Princesse Marchande de son état, souhaite vous rencontrer."

Kodratos réfléchit quelques instants. Le moment était arrivé où il devait faire face à la vénalité de Thaar qui ne laissait jamais un des siens s'échapper. Depuis son arrivée au pouvoir il y'a un an, il avait réussi à éviter tout contact et à laisser le flou quant à l'avenir des Septmonts au sein de la Confédération mais il était désormais temps de leur faire face.

"Très bien. Faites les venir céans, préparez leur de quoi se rafraîchir et se nourrir. Traiter avec la plus grande distinction je vous prie.
- Monseigneur, leur émissaire... c'est une hybride."
- Voyons ne laissez pas votre préjugés vous dominer très chère et accompagnez les. Si vous n'avez pas confiance vous pourrez garder la salle si vous le souhaitez."

Kodratos congédia la garde qui s'inclina puis s'éloigna exécuter ses ordres. Se frottant le menton d'un air pensif, il prit doucement la couronne d'or qu'on lui tendit et s'en ceint le front avec une certaine délicatesse. Quelques instants plus tard, il pénétra dans une autre pièce, plus grande et décorée d'armures et d'armes ainsi que de tableaux de grands maîtres et autres richesses pour épater ses adversaires ou du moins pour étaler sa richesse. Les émissaires de la cité marchande étaient attablés ou debout, pendant que des serviteurs passaient entre eux, porteurs de plateaux chargés de boissons et de nourriture. Le Grand-Duc remarqua aussi l'hybride, chose unique dans la foule assemblée à cet instant et notant sa beauté et surtout ses yeux. Mais n'y prêtant guère plus attention, il s'avança à grand pas vers elle.

"Voici ainsi l'émissaire de la noble Krish Al'Serat ! Bienvenue en mon palais très chère. J'espère que vous avez pu reprendre vos forces avec grand plaisir et partager le sel et le pain en mes murs. C'est un plaisir - bien évidemment faux, Kodratos sentait la colère montait en lui après l'incendie de son port. - de vous avoir parmi nous. Que donc vous amène t'il en ma bonne ville d'Hanning ?"

Aux portes de la cité, les gardes n'avaient pas tardé à faire entrer la petite délégation dans les murs de la Cité. Les gardes lourdement armées dégoulinaient littéralement sur leur monture... tout en essayant de n'en rien laisser paraître... Mais le léger soupire que certains ne purent retenir en pénétrant dans les couloirs valaient tous les cris de joie du monde. DE L'OMBRE ! DU FRAIS ! MERCI LES CINQ ! MERCI LES DRAGONS ! MERCI LES SOMBRES ! MERCI A LA PERSONNE QUI AVAIT CONSTRUIT CET ÉDIFICE !

En hôtes civilisés, bien qu'ils refusèrent catégoriquement de quitter leur émissaire d'une demie semelle, ils acceptèrent sans broncher les modalités de l'endroit en matière d'autorisation de port d'arme, les gardant ou les laissant selon qu'on le leur demande ou non. Après tout, n'étaient-il pas en terre amie ?

…

Mouais... L'air extrêmement distant de l'hybride en robe blanche laissait présager que ce qu'elle avait n'était pas franchement agréable... A moins qu'elle soit toujours aussi neutre dans sa façon d’être ce qui, au vu de son comportement pendant la chevauché, n'était pas totalement impossible.

En tout cas, lorsque Kodratos entra dans la salle pour saluer la délégation, elle se leva, reposant le pain de miel qu'elle avait goûté, et attendit qu'il s'approche avec la même mine neutre qui tranchait étrangement avec son jeune minois.

« En effet, vous êtes bien accueillant et c'est un réel plaisir d'être reçu avec autant de civilité. » répondit-elle sur un ton totalement neutre. « Mais vous devinez que la raison de notre venue est toute autre que celle d'échanger des civilités. Son Altesse veut savoir si vous comptez quitter la Confédération qui a tant enrichie nos patries mutuelles. »

La belle hybride cherchait elle donc à le déstabiliser en se tenant de la sorte et de manière si neutre et éhontée tout en étant d'une politesse parfaite ? Peut être était ce simplement dû à sa condition si particulière qui pouvait mener aussi bien à sa mort qu'à une survie difficile et dangereuse. Kodratos ne savait pas ce qui était le plus souhaitable. Et à vrai dire il n'en avait que faire. Elle restai une émissaire de Thaar, aussi dangereuse que sournoise.

La preuve était qu'elle attaque directement avec le sujet qui fâchait : la question de la place qu'occupait les Septmonts au sein de la Confédération Thaari. Kodratos n'était pas encore prêt politiquement parlant à couper les ponts avec la cité mercantile. D'ailleurs il avait prévu de contacter d'une manière ou d'une autre les Princes Marchands exposant la raison de son silence depuis son arrivée au pouvoir. Le Grand-Duc prit une coupe de vin qu'il sirota doucement pendant quelques secondes avant de la reposer et de regarder droit dans les yeux l'hybride.

"Je vois que vous préférez attaquer directement les sujets sensibles avant même de vous reposer un tant soit peu. Très bien. Le Grand-Duché ne compte pas quitter la Confédération. Cependant, le peuple tient à garder son indépendance vis à vis de Thaar. Nous ne sommes qu'une simple Confédération d'Etats et Villes et aucun pouvoir ne se trouve au dessus de cela. J'aurais pensé que les Princes-Marchands auraient su respecter en principe la souveraineté internationale des Septmonts. Comme vous avait dû l'apprendre de nombreuses réformes ont secoué le Grand-Duché ainsi que des attaques contre un de mes ports. Tout ces événements combinés n'ont pas permis un déplacement à Thaar de ma personne ou d'un de mes conseillers et je n'aurais osé envoyé un vulgaire messager. Comprenez donc que les Septmonts font toujours à ce jour parti de la Confédération l'unissant à Thaar."

Pour l'instant. Cela prendrait des mois, des années et très certainement l'ensemble de son règne mais Kodratos réussirait à délivrer les Septmonts de la pernicieuse influence de Thaar.

La jeune hybride attendit que le maître des lieux finisse sa coupe sans sourciller. S'il voulait gagner du temps pour penser sa réponse, il en avait bien le droit après tout... Mais ses paroles arrachèrent une ombre de sourire au visage de la jeune femme.

« Rien n'est simple en ce monde à la place qui est maintenant la votre. J'espère que vous avez compris que votre position s'agrémente de quelques savoirs vivres des plus élémentaires... et bien que personne ne puisse vous blâmer de tels écarts étant donné votre éducation, vous ne devriez pas utiliser des mots que vous ne comprenez pas lors d'une discussion diplomatique. Quel que soit le sens de cette ''Souveraineté  Internationale'' que vous invoquez avec tant de passion, je crains qu'un tel terme n'ait jamais été familier au Conseil... qui est par ailleurs le pouvoir ''au-dessus'' des Principautés de Thaar que vous nommez ''Confédération'' avec tant de soin. »

Toujours sans se lever, elle toisa l'humain de son paisible œil clair.

« Ce n'est pas une visite que le Conseil réclame. C'est une explication concernant la venue discrète d'un éminent représentant d'une puissance étrangère. C'est une explication concernant les réformes récente. Une justification valable qui expliquerait que vous vous détourniez des commerces prolifiques que vous offrent les Princes de Thaar. Qui expliquerait pourquoi vous valorisez de plus en plus les producteurs et marchands étrangers ou méconnus sans la moindre considération pour la protection et les accords Thaarii. »

Elle se frotta les mains pour en décoller les quelques miettes qui engluaient ses paumes.

« Vos paroles sont aussi peu convaincantes que vos actes, Kodratos, et votre suffisance ne me donne pas envie d'y voir autre chose que le mépris que vous avez pour trois siècles de collaboration. »

Devant le silence de son hôte, l'hybride soupira. D'un signe, elle poussa les gardes à se tenir prêt à partir et tourna le dos au prince.

"Nulle besoin de me raccompagner. J'ai toutes les réponses que je suis venue cherchée."

Sans un mot de plus, elle retrouva la sortie, certaine de sa sécurité. La guerre n'était pas la panache des Princes marchands pour la simple et bonne raison que de meilleur profits sont à prévoir quand d'autres se font la guerre que lorsqu'on est soi-même impliqué. Les affres des jeux de pouvoirs Thaaris se faisaient sur un tout autre plan de complot, de chantage et d'assassinat. S'il lui arrivait quoi que ce soit à elle, seule émissaire ayant pour l'instant été envoyée pour enquêtée sur l'état et les souhaits des Sept-Monts, le message serait plus que clair alors elle n'avait rien à craindre...

C'est ce qu'elle aurait juré... Au détour d'un couloir, escortée vers la sortie par les gardes de son hôte en plus de sa propre escorte, les hurlements des habitants du palais se firent entendre haut et clairs...

L'Emissaire, immobile, droite comme un i, se tourna lentement. Au bord de sa lèvre, une goutte rouge perlait déjà, suivit de bien d'autre. Elle eut un sursaut en posant les yeux sur celui qui venait de lui planter un couteau dans le dos. Un garde du palais en livrée intégrale.

Dans le moment de flottement créé par cette ravissante créature qui tentait de tirer sur le pommeau de la lame fichée dans sa chair, avant même que ses frères d'armes ou l'escorte de la jeune femme ne se jette sur lui, il eut le temps d'avaler le contenue d'une bague en laiton ouvragée. Elle s'écroula sans un cri en quelques secondes, fatalement frappée au cœur. Il se mis à hurler de douleur alors que l’arsenic le dévorait de l'intérieur. Écumant et pris de convulsion, il ne tint pas beaucoup plus longtemps.

HRP: