Après le beau temps, le déluge

mi 8e ennéade de Karfias
an 9 du XIe Cycle
Lün

-Je ne veux pas savoir. Il est absolument hors de question que je prenne la mer !
-Mais le…
-QUE VOULEZ VOUS QUE CA ME FOUTE ?! ALLEZ DIRE A VOTRE AVORTON DE MAITRE QU'AUCUN DE MES BATEAUX NE QUITTERA LE PORT JUSQU'A CE QUE J'EN AI DECIDE AUTREMENT !

Sur ces entrefaites, le messager fut jeté dehors à coups de pieds dans le fondement. Marcucio, le Capitaine de la Mamie Gudule,  frotta ses mains caleuse avec un air satisfait. On voulait rejeter son convoie à la baille en refusant de croire que la mer serait déchaînée d'ici le lendemain matin ? Ça n'allait certainement pas se passer comme ça ! Il n'avait aucun doute après tout : son épaule était grippée. Et il finissait toujours par arriver une catastrophe quand son épaule était grippée. Alors la traversée de Lün à Eyroles attendrait.

Écrire une missive  à Soltariel pour prévenir de sa situation… oui cela pouvait être une bonne idée pour ne pas perdre son job…

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A bord du Niffer, navire nain en provenance de Thaar

Le soleil se couchait à l'horizon mais pas question de relâcher son effort. Le vent tendait les voiles… Tendait bien trop les voiles.

-Repliez cette foutue grand voile ! Hurla Keta, les deux mains cramponnées à la barre.

Les vagues se creusaient de plus en plus. D'ici quelques heures, ils seraient au milieu de la tempête, elle le savait. Comme elle savait depuis l'aube qu'ils ne pourraient pas la contourner. Hélas pour elle, ils étaient au milieu de la traversé des wandres. Ou elle allait de l'avant et affrontait la tempête. Ou elle se ferait rattraper avant de retourner à sa dernière escale. Ou son navire serait désossé sur les côtes wandraises. Alors elle avait dirigé la Niffer droit sur les nuages qui encombraient l'horizon. S'il y avait une petite chance qu'elle accomplisse son contrat et atteigne Thanor au jour dit, cela devait être tenté !

-Capitaine ! Je viens de vérifier que la cargaison était bien arrimée. Tout est paré !
-Bien Thror ! Va…

La Capitaine interrompit sa phrase, regardant en tout sens, l'oreille aux aguets. Par dessus les saccades du vent et des vagues, un vrombissement sourd se faisait entendre. Le Quartier maître hésita à l'interrompre tant elle avait l'air préoccupée… Puis il resta bouche bée devant le spectacle qui apparut.

Le gréement venait de s'illuminer d'un millier d'étoiles… Le bout des cordes, les extrémités des Mâts, chaque morceau de matière se terminant en pointe relativement fine… Était couronné d'une légère étincelle violette. De sa place sur le pont supérieur, Keta pouvait même voir la pointe de la javeline que Mirdwin, leur meilleur homme préposé à la vigie transportait tout le temps avec lui.

-Les farfadets… murmura la capitaine.

Elle en avait les cheveux et la barbe dressés… Se cramponnant plus encore à la barre, elle se tourna d'un seul bloque vers son second.

-Une fois que les cordages seront en place, je ne veux personne près des mats. Va prévenir les autres ! Ça va secouer !

Et cela ne manqua pas. Si les lumières étaient à peine visibles, le vrombissement se fit plus présent encore .En quelques minutes, une pluie torrentielle s'était abattue sur l'embarcation. En une heure, les vagues étaient devenues si haute que l'équipage avait commencé à s’amarrer à ce qu'ils pouvaient à l'aide de cordages. Les chutes étaient si longues qu'ils avaient l'impression de glisser jusqu'à la demeure de Mogar. Au bout d'une nuit, l'un des cordage du foc lâcha. Le mat de Beaupré manqua de se rompre. La voile du être sacrifiée pour sauver le reste.

L'Eris se déchaîna en continu. Des nuages si épais qu'il était impossible de savoir si l'aube était enfin passé par là. L'ombre était intacte et l'océan finirait par déborder s'il ne s'arrêtait pas bientôt de pleuvoir !

Et les côtes Wandraises n'étaient pas les seules à être touchées…

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A bord de l'Oracle, navire de commerce Soltari

-U... om... e... ir....
-COMMENT ?!
-TROMBES A BABORD !!!! s'égosilla le vieux canonnier en pointant le doigt vers des amas gris et opaque plus blanc et mouvant que les autres.

Les voix passaient à peine par dessus le tonnerre des éléments déchaînés. Plusieurs hommes étaient déjà passés par dessus bord quelques heures auparavant, heureusement, si le ciel ne se dégageait pas, la mer semblait être un peu plus calme depuis un petit bout de temps... Et le Capitaine venait de découvrir pourquoi... Le barreur regarda le canonnier avec les yeux emplis de terreur. Les suderons avaient beau être de courageux marins, il y avaient des choses qui ne pouvaient être affrontées sans dommage...

Les hommes se cramponnèrent soudain au bastingage alors que bateau manquait de se retourné à cause d'une vague prise presque par le travers.

-CONCENTREZ VOUS PAR TYRA !
-OUI CAPITAINE !

Le chapeau de l'officier disparu dans la masse sombre qui les entouraient de tout bord... Il n'aurait jamais du levé les yeux... Maintenant, les trombes étaient bien plus visibles... Bien trop visibles. Trois longue tornade semblaient emporter le ciel lui même au contacte de la mer en furie... Mais il savait que la vérité était toute autre... La vérité, c'était que la mer était emporté dans le ciel avec la légèreté d'une plume... Et que leur navire le serait tout autant si ces choses continuaient à s'approcher...

Un instant, il eut une pensée amère pour ce type au port qui lui avait dit que le mauvais temps ne passerait pas... Et dans cette tempête, nul n'aurait put savoir où était leur but... Le Port d'Ydril aurait put se trouvé à cent mètres qu'ils n'en auraient rien su...

Pour la toute première fois de sa vie, Luciano pria sincèrement. Ce qui était un peu dommage c'est que cette fois là fut aussi la dernière.

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1er jour de la 1ere ennéade de Favriüs
an 9 du XIe Cycle
Lün

Un soleil timide éclaircissait le ciel derrière de petits moutons blancs. Marcucio inspira à fond l'air marin. Enfin il allait pouvoir quitté ce fichu port. Son épaule était de nouveau en pleine forme et il avait hâte de se libérer de cette cargaison vieillissante. Mais plus que tout, cette fois, il n'avait pas perdu un seul homme d'équipage… L'expérience était décidément irremplaçable.

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Dans les jours qui suivirent, et après quinze jours d'un blocage total, les traversées de l'Eris reprirent peu à peu, mais les équipages restaient tendus et les capitaines buvaient plus que d'ordinaire. Tout le long de la côte, des morceaux de coques et de voiles avaient été rabattus sur le rivages, détruisant plusieurs quais, abîmant quelques bâtiment. Les inondations étaient légions dans les villes portuaires, d'Ydril à Lün et même jusqu'à Thanor, protégée par ses falaises. Les vieux dockers murmuraient que cette tempêtes était surnaturelle. D'autres se rappelaient de la tempête du printemps 952 qui avait battue les flancs de la Péninsule pendant plus de vingt jours disait-on. Des bateaux qui n'avaient pas réussi à trouvé refuge dans un port, aucun n'avait été retrouvé. Des pavions nordiens, suderons, tharii et même mécans avaient été retrouvés de façon aléatoires.

On se consolait en se disant que les pertes auraient put être bien plus lourdes et c'était en effet le cas, après tout, aucune flotte importante n'avait pris la mer avant cette catastrophe grâce aux capitaines qui avaient réussis à prévoir l'événement malgré la nature capricieuse du temps sur le côté de la péninsule. Cependant, la tempête n'avait épargné personne...

Telle était la fureur d'Eris, changeante et imprévisible.

Telle était la colère de Tyra.