[Elévation] Quel avenir pour nous ? [Irys]

La cérémonie de l’Elevation était terminée. Après avoir brièvement saluée Irys, je m’étais éclipsée pour la laisser savourer le moment. Frère Ulrich m’avait retrouvé alors que je me faufilais à travers la foule. Il me prit le bras sans un mot et se permit de me guider jusqu’à la porte menant vers au sein de la Cathédrale. Il n’y avait personne dans les couloirs et nos pas résonnaient tandis que nous avançions vers le petit jardin. Il faisait chaud mais l’endroit était à l’ombre et l’air était respirable à cet endroit.

- Vous pouvez me laisser. Je vais prier un peu. Essayez juste de prévenir Irys que je suis ici. J’aimerai la voir avant le banquet.

Je savais qu’il avait hoché la tête pour me répondre et je souris, amusée qu’il ne soit pas outré par son manque de sollicitude à mon égard. Lorsque je fus totalement seule, je m’installais sur le banc de pierre, près de la fontaine. Je savais qu’une statue de la Damedieu trônait dans ce jardin, je pouvais l’imaginer clairement. Mais rien ne valait la véritable image que j’avais d’Elle. Celle qu’Elle me laissait entrevoir parfois et qui réchauffait mon âme et mon coeur.
- Tu as vécu des choses éprouvantes dans le Nord. Voir les Portes du Royaume de ma Soeur n’est pas une expérience anodine. Tu as été au bout de tes forces.
Cette fois c’était la voix d’une jeune femme qui soufflait à mes oreilles. J’aurais pu l’imaginer, là, assise près de moi, berçant un enfant dans ses bras, un fin sourire rempli de mystère accroché aux lèvres.
- Si tu décides de rentrer chez toi aujourd’hui, ta vie sera heureuse. Tu retrouveras ce que tu as perdu et tu vivras de longues années. Mais la Paix est fragile dans ce monde et la tranquillité à laquelle tu aspires n’est qu’un mot écrit dans le sable.
Elle fit une pause, comme pour me laisser le temps de réfléchir à ses premières paroles.
- Les Hommes ont besoin de croire à nouveau. Cela fait trop longtemps qu’ils se sont détournés, ils ont besoin d’être guidé. Tu es ma Voix, Jena. T’en sens-tu capable ?

Je restais silencieuse. Réfléchissant encore et encore. Je pouvais retourner auprès des miens. Je pouvais retrouver une vie normale avec mes enfants et mon mari. Nous aurions vécu heureux à Val Néera… Mais combien de temps avant qu’un nouveau conflit ravage la Péninsule ? Je ressentais toute la confiance que Néera cherchait à m’insuffler, Elle m’avait choisi moi parmi tant d’autres… J’avais foi en Elle, mais le plus important c’est qu’elle semblait avoir foi en moi.

- Oui. murmurais-je doucement Je porterai votre Voix aux oreilles des Hommes.

Un vent frais balaya mes longs cheveux bruns, rafraîchissant mes joues comme sous l’effet d’un baiser. Je poussais un soupir.
- Je veillerai sur toi, Gardienne.
Sa présence, jusqu’alors très forte, venait de s’atténuer. Elle n’était plus totalement avec moi, mais Elle n’était pas loin non plus. Cette sensation était difficile à décrire. C’était comme si l’instant d’avant Elle s’était tenue près de moi et qu’à présent Elle marchait sous les alcôves pour rejoindre le coeur de la Cathédrale.
Je respirais enfin profondément.
Je restais seule un long moment, récitant les prières, pensant à mes enfants, pensant à Hanegard, que je laissais à nouveau seul. J’allais me lever pour rejoindre Frère Ulrich et lui dicter une lettre pour ma famille mais j’entendis des bruits de pas résonner sur les dalles de la petite cour et je tournais mon regard en direction de celle qui me rejoignait.

Est-ce Sa présence ? Bien sûr. Mais avais-je réellement besoin de le confirmer. Un sourire étira mes lèvres tandis que la Haute Prêtresse prenait conscience de l’instant qu’elle venait de vivre. Il était rare que Néera se manifeste ainsi. Pour moi c’était différent, depuis que j’étais devenue sa Gardienne, je m’étais habituée à sa présence. Certes j’étais toujours émerveillée lorsque je la sentais aussi près de moi, ou que j’entendais sa voix mais je ne tombais plus à genoux depuis longtemps. J’étais heureuse de savoir que ce bref moment avait bouleversé la toute nouvelle Haute Prêtresse du Culte.

« - Je pense qu’Elle vous apprécie beaucoup. Vous ne l’avez peut-être pas ressenti, mais Elle était là durant la cérémonie. »

La main de mon amie se posa sur moi et je souris un peu plus. La lumière qui irradiait de son âme était un réel apaisement pour moi. Je ne pouvais pas douter d’elle et visiblement Néera non plus. Elle m’avait murmuré son nom bien avant le Conclave, Elle avait été présente lors du vote et aujourd’hui encore Elle n’avait rien raté.
Je me relevais et la suivit lentement jusqu’au banc où elle nous fit asseoir. Je sentais en Irys cette volonté, ce désir ardent de rendre la foi. Je n’aurais jamais pu douter de sa sincérité. Je tournais mon regard voilé vers elle et lui adressait un sourire.

« - Je suis prête à entendre toutes les solutions que l’on voudra bien proposer mais avant cela, je vais vous confier ce qu’Elle m’a dit plus tôt, lorsque j’étais assise au milieu des fidèles rassemblés dans la cathédrale.»

Je laissais quelques secondes s’écouler, le temps de peser les mots que j’allais prononcer. Je me tournais un peu plus vers elle et je tendis mes mains vers elle, en coupe comme si je priais. Elle posa les siennes au creux de mes paumes et je gardais mon regard rivé dans le sien.

« - Elle m’a dit que vous allez avoir besoin d’aide… Alors, avant que vous prononciez le moindre mot, sachez qu’elle vous est toute acquise. Je serai avec vous aussi longtemps que vous aurez besoin de moi pour mener à bien votre projet. Maintenant, allez-y, je vous écoute. »