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Sujet: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Dim 2 Oct 2016 - 15:13
Nom/Prénom : Gaston de Dens, Gaston de Ferre, Gaston d'Odélian, de la maison Berdevin. Âge/Date de naissance : Trente six-ans, né en Oglicos de la sixième ennéade de Karfias en l'an 974. Sexe : Fort. Race : Humaine. Faction : Péninsule. Particularité : Passion pour les chevaux.
Alignement : Neutre. Métier : Marquis d'Odélian Classe d'arme : Corps à corps.
Équipement : Frères et père lui ont laissé de nombreuses choses en héritage. En premier lieu, Odélian. Son frère Gaucelm lui refila la chevalière des Berdevin, qu'il tenait lui-même de leur père, ainsi qu'une chaîne d'or symbolisant le rang de comte d'Odélian, que lui avait légué leur oncle. Grégoire, en plus de nombreuses bosses et cicatrices, semble lui avoir offert Accalon la Pourfendeuse, épée et grande compagne de son frère. Plus tard, Gaston le petit frère décida avec la bénédiction des autres grands seigneurs du pays, de faire main basse sur la femme de Grégoire, Madeleyne d'Ancenis. Après ces objets hautement symboliques, à citer une belle armure, présent de Gaucelm lors de l'adoubement du benjamin des Berdevin. Une lyre, présent de son mentor, Cagmael d'Odélian.
Description physique : Il y avait quatre frères : deux gros et deux rocs. Gaucelm et Philinte faisaient partie de la première, Gaston, au côté de Grégoire, faisait partie de la seconde catégorie. Du plus tôt qu'il se souvienne, il s'est toujours bagarré avec le reste de ses frères, même lorsque Gaucelm fut appelé à des choses plus hautes. Son enfance ne fut, de son souvenir, qu'un vaste champ de bataille où la palme allait à qui mettait les gnons les plus épicés puis les estafilades les plus dégoulinantes. La race était batailleuse et les conflits aussi nombreux qu'éphémères. Ajouter à ça les chasses, les voyages infinis, les guerres et les réunions de famille. La vie somme toute rustique de Gaston trouve un reflet fidèle dans sa carrure. Le bougre n'était pas né petit, mais la mère Berdevin connaissait la musique depuis son premier, Gaucelm. Tous ses fils avaient pris de la place dès le départ, Gaston n'avait pas été l'exception. Il faillit la mettre en tombe en entrant dans le berceau, mais la fière femme, forte d'une résilience péniblement acquise, n'eut pas l'inconséquence de laisser ses quatre petits béliers sans pasteur. Elle ne prit pas encore son repos, tint bon et leur fit payer la vie qu'ils lui devaient tous.
Soyez lâches et je vous donnerai aux bêtes d'Arcam l'Ennemi à la lisière des champs, telle fut en une phrase l'éducation qu'inculqua Sichilde la blonde à ses enfants. La jeune mère, devant l'ampleur de sa tâche, décida d'élever ces petits boucs ombrageux avec un peu d'amour maternel et beaucoup de sévérité maternelle. Sa main de fer était gantée de soie et tenait une badine que les fils Berdevin redoutèrent vite. Aussi apprirent-ils très tôt, par les rivalités fraternelles et les sévices qui en résultaient, la valeur de la piété familiale, du mépris du confort, de la loyauté et, par dessus tout, d'une saine concurrence entre eux. Et malgré les coups et les corvées, ils ne pouvaient s'empêcher de se défier dans des épreuves de force et d'autres incartades systématiquement punies.
A peine sortis des jupes de leur maman qu'ils s'étaient déjà arrogés une réputation de dangereux petits cons, et quand ils joignirent la cour du comte, arène autrement plus peuplée que la halle de Dens, c'était parmi une armée de pages et d'écuyers qu'ils purent briller dans les rixes entre bandes de jeunes gens. L'enfance brouillonne laissa place à une adolescence bouillonnante : on s'affrontait à grand renfort de prétextes futiles, pour l'amour de la chose. On faisait grand cas du mérite guerrier, du courage physique et de la force morale dans la région d'Odélian, à la campagne et à la cour particulièrement, où on n'a que ça à foutre.
Les habitudes martiales de sa jeunesse lui restèrent, et il est rare qu'il se passe un seul jour sans que le marquis ne s'astreigne ou ne s'amuse à quelque exercice physique. Son corps est charpenté d'épaules larges qui abritent une taille épaisse. De ses bras bosselés à son cou de bœuf, le larron a un physique qui dégage quelque chose de robuste et de puissant. Sa hauteur, qu'il partage avec bien de ses frères, ajoute à cet effet de puissance corporelle qui auréole le grand blond. La carcasse toute en force détonne carrément avec le visage délicat du seigneur. Une mâchoire carrée, qui passe pour une crête menue face à son col bovin, forme le triangle qu'une barbe fournie habille. Encerclée par un poil blond et abondant, sa bouche, longue et fine, est surplombée par un nez droit, petit, qui incline vers l'aquilin. Lequel nez sépare en deux yeux un regard châtain qui n'est sauvé du quelconque que par le reste du visage, qui lui donne, en certaines circonstances, par la tendresse de son expression naturelle, une beauté aigre-douce, quelque chose de quiet et d'un peu triste.
Description mentale :
Il y avait, parmi les plus anciens camarades de Gaston, une anecdote dont la cause était encore bien mystérieuse. On avait tous dans les quinze ans, on se rendait aux joutes de Brochant ; ces quelques jours de route entre armures visqueuses de transpiration donnait à la troupe une atmosphère fanfaronne et des envies d'aventures. Quand, un jour qu'on tapait le carton en campant aux lisières des futaies de Pélanchon, Gaston se lève soudain, attrape sa lyre et la fracasse contre une roche. Raoul de Prademont voulut connaître le pourquoi du comment, essaya de tirer les vers du nez, insista, la chose s'envenima en bagarre et se conclut sur un bourre-pif de l'interrogé, qui promit au reste des compagnons un même marron si on cherchait à savoir ses affaires. L'accès de colère éclata rapidement, et le lendemain, Prademont eut sa revanche en démontant le massif Gaston lors des joutes. Raoul en resta donc là, mais le souvenir de ces gnons issus d'il ne savait trop quoi lui revenait de temps en temps, et ce n'est que bien des années plus tard, alors qu'ils étaient devenus beaux frères, qu'il put apprendre de Gaston le fameux pourquoi du comment. Le bougre avait reçu, quelques mois avant la bagarre, un billet de la sœur même de Raoul. Les deux jeunes gens avaient dès leur première rencontre lié une passion toute adolescente l'un pour l'autre, et une fresque d'événements aussi insignifiants que multiples firent et défirent leurs amours en dent de scie. Ce billet de la fille était un de ces énièmes adieux larmoyants dont le couple avait le secret. Cela plongeait les deux amants dans la plus terrible affliction jusqu'à ce qu'ils se remettent ensemble. Si Méroflède, la fille, laissait exploser son chagrin dans l'abri de ses appartements, Gaston, lui, avait tendance à garder ça en dedans, à refouler la chose le plus longtemps possible jusqu'à ce que son flegme se craquelle et qu'une colère torrentielle surgisse des brèches.
Ces surchauffes étaient d'autant plus surprenantes que Gaston bénéficiait d'une rare maîtrise sur lui-même. On l'avait astreint, dès son plus jeune âge, à exercer son corps et sa voix à exprimer ce qu'il souhaitait. Le miroir fut son plus lointain et sévère compagnon en ce qu'il jugeait sans fard le reflet de Gaston et semblait toujours trouver à redire sur ses gestes, ses mines, ses sourires, ses poses et ses regards. A la lueur des bougies, dans la lumière de l'aurore ou auréolé de la gloire du soleil de midi, le larron s'était échiné sans relâche à copier la démarche de son maître d'arme, la grâce de son maître de danse ou l'allure de son maître-barde. Il avait blanchi bien des nuits pour parfaire son regard courroucé, à la manière de son père, ou son air contrit, comme cette rouée de nourrice le faisait si bien.
Non pas qu'il était amoureux de lui-même plus qu'un autre, mais les expressions des humains éveillaient chez lui une fascination réelle tout comme les histoires qu'elles portaient. Chaque rencontre était l'occasion de dépecer une situation sociale ou de déchiffrer un masque plus ou moins volontairement endossé. Il singeait ensuite les expressions qu'il trouvait particulières, mimait et les timbres qu'il glanait au gré des conversations, répétait des discours retenus et ce avec des intonations drôlement ressemblantes. Cette curiosité pour les rôles et les faces fit de lui un genre de spectateur ultime. Déjà enfant, il ne semblait être que l'ombre silencieuse de ses frérots, et l'adolescence, où une voix en zigzag le rendit totalement taciturne, laissa place à un individu tout en discrétion. Il se réservait certaines choses et quand on l'interrogeait à un sujet auquel il ne voulait pas se mêler, il s'évadait avec une pirouette. Il préférait observer la plupart des conversations mondaines ou, quand les circonstances l'exigeaient, les orientait sur des plaisanteries, des lieux communs ou des questions. La situation familiale a également joué sur l'attitude expectative du jeune homme. Il a longtemps été un second couteau, le lieutenant de ses autres frères, leur témoin et leur exécutant ; lui s'effaçait jusqu'à ce que le champion d'Odélian ou le seigneur de Dens lui affecte un rôle. Il s'était habitué à cette situation de dépendance en s'apercevant qu'il existait un certain confort à incarner tel ou tel vêtement au gré des circonstances.
Il n'est pas non plus un mur. Certaines conversations le passionnent, mais ce sont souvent des discussions techniques, des spéculations de maître ou des cours d'érudits. Dans ces conférences, souvent en petit comité, il se plonge dans une profonde concentration et s'imbibe des enseignements qu'on peut lui apporter, rebondit sur les concepts par une question, une remarque. Il n'est pourtant pas très influençable ni même impressionnable, et lorsqu'on lui rapporte une chose, il demande des preuves ou du moins des faits tangibles pour étayer ce qui est avancé. Quand, au contraire, il a son mot à dire dans une dispute, ses talents d'orateur sont parfois mis à la disposition d'un entêtement que peu de gens, hors les cercles de savants qu'il fréquente, lui connaissent. Sa langue claque, des moqueries fusent, il persifle et déstabilise son adversaire. Sa mauvaise foi est diffuse, il la remâche souvent, la ressasse ; il peut s'y enfermer.
Cet entêtement se retrouve dans une véritable pugnacité. Le jeune blond n'est pas du genre à lâcher l'affaire. S'il ne fait pas régulièrement parler de lui par des coups d'éclat, il apprécie les labeurs de longue haleine, que ce soit l'exégèse intégrale des papyrus de Shéoth'Raept, l'apprentissage des douze mille pieds de chacun des cinq Cycles des guerres du Grand Unvan ou encore l'aménagement urbain d'un territoire. Sa patience se reflète le mieux avec ces œuvres de marathonien dans lequel son caractère excelle.
Histoire : On dit qu'il est né le même jour que le roi des elfes Telrunya est mort, mais onze plus tard. Certes, ça nous fait une belle jambe, mais c'est une amorce comme une autre. Ainsi Gaston naquit à Odelia, de sa mère Sichilde des Asovia et Hubert des Berdevin. C'avait fait un moment que ces deux puissants clans ne s'étaient pas retrouvés dans les liens du mariage. L'amitié entre le comte et Hubert aidèrent à la chose. Le nourrisson et la mère restèrent un temps à la cour avant de rejoindre Dens. La mère, toujours plus éprouvée à chaque nouvelle naissance, accusa le coup un sacré temps. Elle reprit vite le poil de la bête, comme on sait, et une fois la première éducation de ses enfants faits, elle laissa partir ses petits hommes vers Odélia pour qu'ils fassent leur pagerie. Chacun prit ensuite des chemins plus ou moins différents : Gaucelm resta auprès de leur père afin d'apprendre les arcanes du pouvoir, Grégoire fut pris sous l'aile du seigneur d'Odélian, Philinte fit quelque chose, Gaston devint l'écuyer du seigneur d'Assar, Jehan de Rochefort.
Sa chevalerie acquise en 990, sur ses seize ans, il accepte une proposition de son maître Cagmael qui lui fait entreprendre un voyage initiatique les menant dans les divers pays de la Péninsule et des royaumes voisins pendant près de deux ans.
En 993, à l'âge de dix huit ans, il épouse Méroflède de la maison Prademont, qui lui apporte une importante dot constituée de quelques villages du Pas-aux-Pradelles, la mince trouée qui perce la forêt du Pélanchon et relie les pays serramirois à Odélian. Aux limites des bois, les communautés ne demandaient qu'à croître sous la direction d'un seigneur. Celui-ci ne se fait pas prier. Le comté d'Odélian a toujours été une terre de pionniers, et il n'y a pas un propriétaire qui ne se gargarise pas d'avoir étendu les frontières de ses pâtures et donc les terres des humains. Néera bénit ses enfants en les multipliant, telle est la croyance locale, et les grands travaux de voirie de l'époque partagent cette idéologie civilisatrice. Les premières années des noces font passer au barde l'envie d'errer. Des enfants naissent, les essartages et les incendies prennent de l'ampleur. Une forêt clairsemée laisse place à de nouveaux villages. Le domaine s'agrandit.
Un nouveau voyage, en 996, pour assister au couronnement du roi des nains Garmin le sort une nouvelle fois de ses pénates pour quelques mois, et à peine est-il de retour que l'invasion eldéenne du printemps 997 le renvoie sur les chemins pour la guerre.
Les circonstances de 998 rappellent une fois encore le seigneur de Ferre à ses devoirs, et lorsque Gaucelm met en branle l'oste d'Odélian contre les parjures d'Etherna, il offre un commandement à son frère Gaston, qui sert d'avant-garde des troupes. Commandement, le mot est fort : Gaston se retrouva avec un fort parti de cavaliers et tâcha du mieux qu'il peut de donner l'avantage tactique aux gros des forces à venir. Les chevaux se déversent alors dans le pays éthernien et on compte les escarmouches par dizaines. La troupe, en fin de compte, parcourt un tel chemin qu'elle conclut sa campagne sur la prise d'Ack l'inexpugnable.
Etherna mise au pas, Gaston y séjourne un temps auprès de son frère Grégoire, qui y gouverne. Chargé de différentes missions, il jongle entre les sièges contre les derniers récalcitrants et l'organisation des travaux de voirie, tradition odélianne depuis les politiques d'Hubert Berdevin, qui relierait Etherna au reste du comté. L'affaire est intéressante et lucrative et Gaston prend ses aises. Il devient le truchement nécessaire entre les artisans et les juteux contrats de reconstruction d'Etherna. Curieux depuis ses projets de colonisation du Pélanchon sur les sujets d'architectures, cette occupation lui permet d'approfondir ses connaissances tout en ponctionnant les deniers publics.
Le Voile, en l'an 2, le détourna un temps des projets publics et, encore sur l'invitation de Cagmael, il se joignit à un groupe de bardes cherchant à célébrer Arcam au fin fond d'Aduram. Ce qui ne devait être qu'une éclipse millénaire se transforma en un mois étrange, très étrange. Trop étrange pour qu'il soit développé ici en bonne et due forme.
De nouveaux événements à Etherna interrompent sa quête mystique et ses errances forestières : les bourgeois de la ville, que les dernières infrastructures odéliannes enrichissent et qu'une poignée de nobles revanchards aiguillonnent vers de mauvais chemin, veulent profiter des dérèglements dus à la Malenuit pour rompre leurs serments. La réaction ne se fit pas attendre, et les Odélians, dirigés cette fois par le comte Grégoire, réinstaurent la loi, d'abord dans la cité, qui s'incline vite et accepte la punition, puis à travers les campagnes, où les derniers seigneurs rebelles à l'autorité des Béliers ont retraité. Les campagnes de siège durent des mois ; Gaston y fait ses armes en tant que quartier-maître des armées. D'abord affecté au fourrage, il organise rapidement les voies de communication entre les bases arrières et une multitude de sièges puis s'affaire à l'organisation concrète de nombreux dispositifs poliorcétiques. Les petites places fortes ne sont pas très garnies, mais cette fois-ci, on n'offre aux insurgés aucune reddition honorable. Quand ils se rendent, les barons révoltés sont menés pieds et poings liés à leur seigneur le comte, qui les juge avec sa cour et les condamne le plus souvent à la commise et la mort. Cette seconde phase de la répression, aussi sinon plus importante que la phase militaire, débute une fois le pays mis au pas. Gaston, ayant chassé tant des nobles félons, se fait un devoir de servir l'accusation. Plus d'une fois, il plaide auprès de son frère contre les rebelles avec une verve et un feu qui en émerveille plus d'un.
La saison des décapitations terminée, le comté redistribue la plupart des fiefs repris aux rebelles entre les Etherniens loyaux et les grandes familles odéliannes. Un domaine est donné à Gaston, mais ce dernier le vend vite à son beau-père le sire de Prademont afin de financer divers travaux qui lui tiennent à cœur.
Il avait trente ans et sa situation était bonne. Ses troupeaux avaient multiplié sous l'intendance efficace de sa dame, Méroflède. La coupe des forêts n'y était pas pour rien non plus. L'espace forestier transformé en prairies était minutieusement exploité par les colons. Enfin, des centaines de têtes, fruits des conquêtes d'Etherna, grossirent encore un peu les troupeaux de moutons, de bœufs et de chevaux dont jouissait déjà la seigneurie. Ces apports accélérèrent encore un peu la prospérité des petites bourgades naissantes, où chaque fermier avait ses propres animaux de traits. Hors son domaine, le jeune seigneur avait fait preuve de ses capacités tant auprès de Gaucelm que de Grégoire, où il avait servi d'exécutant, de constructeur, de capitaine et de prévôt. Sa vertu et son amour pour sa femme ajoutaient à la valeur de ce blond chevalier prometteur.
Les choses se stabilisant, il vaqua à ses affaires et celles du comté. Il alternait ses séjours entre le Pas-aux-Pradelles, où était son domaine, et les marches orientales du marquisat, où il supervisait sur commande de son frère l'établissement de L'Etau. La vie allait son train, comme d'habitude, les chasses laissaient place aux tournois qui laissaient place aux cercles bardiques qui laissaient place aux mariages. Il n'y avait qu'une poignée de monstres excités par la Malenuit qui maraudaient dans l'Aduram, mais on eut tôt raison d'eux. L'avenir paraissait reprendre une belle teinte.
La prospérité du marquisat d'Odélian n'était pourtant qu'une exception parmi les provinces de la Péninsule. Partout des lignées éternelles s'éteignaient, laissant place à des aventuriers sinon à de violentes purges et des guerre successorales. La disparition d'un autre Berdevin, Grégoire, laissa place à la régence de la mère de Christian, Madeleyne d'Ancenis. Le conseil et elle-même se cantonnèrent à la prudence, peu enclins à mettre le doigt de l'engrenage du chaos qui régnait dans leur voisinage. Mais c'était sans compter sur les appétits d'un des vassaux d'Odélian, Jérôme de Clairssac, seigneur d'Etherna, comme on sait (voir ici).
L'expédition de Diantra puis les Champs pourpres déterminèrent Gaston et le reste des seigneurs odélians à prendre les choses en main. Le marquisat ne pouvait se contenter de la direction d'une femme, qui leur avait au surplus tant pris ! Au retour de la marquise, on convint de la marier à Gaston, alors veuf depuis deux années pleines, et de l'acclamer marquis. Les noces furent suivies le jour même de l'hommage des Odélians à leur nouveau chef, qui jura qu'une fois dans le tombeau, le jeune Christian prendrait sa place légitime. Pendant ce temps, à Gaston de s'occuper des troubles qui menaçaient son domaine.
Et les troubles vinrent vite. A peine le bougre eut-il son cul posé sur le siège de son oncle et de ses frères qu'une nouvelle horde du Puy se forma pour prendre ce qu'ils n'avaient pu conquérir dix ans auparavant : Oësgard. Malgré les dissensions politiques qui existaient avec ses voisins, Odélian ne pouvait jeter l'éponge, et c'est à la tête de milliers de braves que le marquis Gaston joignit le seigneur de Brochant et ses alliés. Cette fois-ci, ils étaient seuls. Pas d'armées royales, ni de seigneurs suderons pour soutenir le courage du Nord. La guerre fit un grand effet sur le grand blond, tant pour sa violence que sa symbolique. Il redescendit avec ses armées avec bien des interrogations et bien des considérations sur l'état du royaume humain.
Des vieux chevaliers & des jeunes chevaliers Le 4ème jour de la 2ème ennéade de Bàrkios, 9ème année du 11ème cycle. Automne. A Dens.
De graves nouvelles arrivaient de l’ouest. A Sainte-Berthilde, le marquis Godfroy s’éteint, tandis qu’à Etherna, Jérôme de Clairssac abdique son titre de baron en faveur de son frère Guillaume. La situation déjà compliquée du nord devient explosive et amène Gaston à prendre des mesures. Pour clarifier la situation successorale d’Etherna en particulier et les positions du marquisat en général, il mande à tous ses vassaux de rejoindre la cour à la troisième ennéade du mois. Suspectant un empoisonnement du marquis de Sainte-Berthilde, il ordonne à ses espions d’enquêter sur la population de sa capitale Odelya, notamment les apothicaires, cache Christian au Gatthoron et envoie ses agents tisser des réseaux de renseignement à Olyssea, Sainte-Berthilde, Arétria, Serramire, Alonna et Isgaard.
"Lors de la tenue de la cour d’Odelya, Gaston reprend le titre de baron d’Etherna et reçoit l’hommage-lige de ses vassaux odélians et étherniens ; il restaure également les taxes que son frère avait retiré aux seigneurs étherniens. Il fait ensuite interroger les témoins ayant vu l’épave de la galère censée transporter le roi Bohémond et sa mère quand ils fuirent la capitale à l’arrivée des troupes du comte de Velteroc. Les témoignages le convainquent que le roi n’était pas à bord du dit navire ; le marquis Godfroy, qui avait prétendu recueillir Bohémond, lequel mourut peu de temps plus tard sous son toit, s’était donc livré à une supercherie visant à faire disparaître son roi et suzerain selon Odélian. Cette décision renforce l’hypothèse que le roi est bel et bien vivant à Merval, qui sera plus tard reconnu comme le véritable Bohémond. Quelques remous agitent cependant la session de la cour : lorsque Gaston déclare que Jérôme n’avait pas tenu les promesses qu’il lui avait faites mais qu’il était prêt cependant à l’entendre de vive voix et à être convaincu de sa bonne foi, la discorde se répand. Trois de ses vassaux étherniens nient devant la cour que Gaston est leur seigneur malgré leur hommage ; ils sont condamnés à la mort pour parjure et félonie. Un climat de sédition règne.
Titre provisoire Le 1er jour de la 6ème ennéade de Bàrkios, 9ème année du 11ème cycle. Au donjon d'Etherna.
La cour s’établit ensuite dans la ville d’Etherna. Pendant que le marquis, accompagné de quelques seigneurs et chevaliers, inspectait les bordures d’Aduram afin d’approfondir leur connaissance de cette terre, le seigneur de Caerlyn manigance avec les Berthildois pour ravir la baronnie d’Etherna à Gaston et emmène de nombreux seigneurs étherniens dans sa conspiration. Après l’adoubement de ses fils et neveu, respectivement Hubert Berdevin et Hadrien de Rochefort, Gaston accorde son pardon aux félons qui lui demandent en échange d’un pèlerinage et d’un fait de bravoure. L’un d’entre eux cependant, malgré les insistances de son père le seigneur d’Argon, persiste et signe. L’hostilité est palpable. Le seigneur de Caerlyn, que le marquis espère mettre à la tête de la baronnie, refuse l’hospitalité de son seigneur, suivi de nombreux autres Etherniens. Les paroles de Serramire, ainsi que des mouvements aux frontières, finit de mettre Odélian sur le pied de guerre. La garnison d’Etherna est supplantée par des Densois fidèles au marquis tandis que les milices sont envoyées à Odélian à la poursuite de brigands. A toutes les marches de son pays, Gaston renforce messagers et sentinelles, tandis que sa flotte croise dans le golfe afin de l’alerter de mouvements navals suspects.
Même les bourgeois d’Etherna, à qui est accordée une charte par le marquis élargissant leurs droits et devoirs, laissent déjà transparaître des velléités exorbitantes. Après une tension mortifère, l’orage arrive. Quelques jours après la revue des troupes du marquisat menée à l’occasion de la cour plénière réunie à Etherna, les armées des nobles étherniens se dispersent et se réassemblent à Caerlyn, venant soutenir des milliers de soldats arrivés d’Olyssea et de Sainte-Berthilde. Dans le même temps, des troupes transbordent le fleuve de la Siriliya ; débarquant des forêts d’Aduram, les guerriers mettent à sac les villages les plus isolés, forçant une moitié des Odélians mobilisés par la revue à rejoindre leur terre et à mettre les provisions du pays à l’abri.
En été, fais ce qu'il te plaît. En hiver, fais comme Fabienne. 1ère ennéade de Verimios, 9ème année du 11ème cycle. Hiver. Au donjon d'Odelya.
Un malheur n'arrive jamais seul. Entre les rebelles d'Etherna, enhardis à la sédition par le voisin berthildois, c'est l’hiver qui s'invite à la partie. Face à la tourmente, Gaston est contraint à une pénible guerre. On achève de rassembler les vivres en vue de sièges, la gueusaille s'amasse derrière les murs des bourgs. Le pays d'Odelian, épargné par les ravages de la guerre une décade durant, se claquemure contre des ennemis soudainement nombreux et vindicatifs. Quelles autres options ont les braves gens, sinon faire le dos rond face à la tempête ? Or, les Cinq ont fait de celle-ci un ouragan. Bientôt, c'est en creusant leur chemin à travers les congères que la roture s'en vient chercher l'abri des châteaux. Derrière les hautes murailles d'Odelya, on inventorie les vivres au son des hurlements des loups de la lande.
L'hiver, cependant, met également un frein aux ambitions des rebelles. Au pays de l'Etherne, le conflit s'est plongé dans la torpeur. Chacun se toise en chien de faïence, de ses remparts respectifs, à travers un autre mur de neige. Les ambassades restent lettres mortes. Comment leur en vouloir ? Seul un fol mènerait ses troupes à travers pareil hiver. Pourtant, à la veille de celui-ci, les Etherniens avaient bel et bien pris les armes. Gaston connaît désormais l'artifice derrière cette cabale ; il ne devine plus la main berthildoise, elle se révèle désormais. Puisque les rebelles ont fondé leur sédition sur un parrain puissant, le marquis se tourne alors en quête de son propre protecteur. Il envoie ses émissaires à Merval auprès du Chancelier Roderik, qui leur fait bon accueil et condamne les rebelles. La couronne, malgré son apparente faiblesse, a-t-elle encore le pouvoir de faire respecter la paix du Roy et ses édits ? Quelques ennéades après, le régent de Sainte-Berthilde met fin à son expédition en Etherna, laissant les rebelles seuls face à Gaston.
Au pays de Diantra où s'étendent les ombres. Le 1er jour de la 2ème ennéade de Karfias, 10ème année du 11ème cycle. Hiver. Au donjon d'Odelya.
L'hiver, qui avait mis un coup d'arrêt aux hostilités, redoubla de vigueur. Dans la lande éthernienne, on ne songe guère plus à s'affronter, mais l'on n'a pas signé la paix pour autant. C'est que chacun est livré à ses propres ennemis. Le froid et le brigandage ont pris le pays à la gorge. La guerre, ses fifres et ses bannières, ne sont point venus, en lieu et place de quoi s'est-on contenté de la neige et des rondes sans fin sous celle-ci. Les armées hivernent, le moral est mauvais. Dernier de ses voisins à ne pas s'être mêlé des affaires d'Odelian, le marquis de Serramire contacte Gaston, lui proposant une entraide contre les rigueurs de l'hiver. L'offre est inespérée : entouré d'ennemis, le Berdevin accepte la main tendue de son ancien rival. Il s'ensuit une purge conjointe des bandits ravageant le Nord, tandis que l'hiver, lui, se montre pour une fois utile en dératisant la vermine. Contre toute attente, en dépit de toutes les précautions de Gaston, la nourriture était venue à manquer. Du Nord parviennent les vivres nécessaires à Odelian pour la fin de l'hiver.
Les rebelles, au pays de l'Etherne, ont eux aussi joui de l'aide d'un voisin puissant. Approvisionnés par le Berthildois, ils ont patienté tout le long de l'hiver. C'est que les séditieux ont imité Gaston et pétitionné eux aussi la couronne, mais avec un temps de retard. Le Berdevin s'est d'ores et déjà acquis les faveurs du Chancelier, c'est lui qui mène la danse. Quand l'ambassade éthernienne s'en revient du Sud, elle revient avec de mauvaise nouvelle. Un vent d'abandon souffle sur la coterie rebelle.
Trahison et disgrâce À la 2ème ennéade de Karfias, 10ème année du 11ème cycle. Hiver. À Etherna.
Il n'en fallut guère plus. Des murailles d'Etherna, on voit ainsi le soufflé retomber sans qu'on ait eu rien à faire. Les rebelles se divisent d'abord, se poinçonnent ensuite. Motivée par le seul appui despuissances voisines, la cause éthernienne ne survit pas à son abandon. On se serine entre partisans de la reddition et derniers irréductibles ; ceux-là, finalement, sont livrés au donjon du marquis par les premiers. Gaston se garde bien de célébrer cette amère victoire. La cabale, certes, s’est éteinte, mais lui lèche encore ces plaies que l'hiver a causées. Bientôt son nouvel allié exigera en contrepartie de son soutien qu'il rejoigne la guerre dans le Médian, or Gaston ne triomphe que d'une maison branlante. Il lui faut temporiser : on annonce une cour de justice pour le printemps. Bien décidé à mettre à profit ce temps que la reddition des éthernien lui a octroyé.
L'expérience des précédentes cours a en effet appris à Gaston que la justice seule n'avait empire sur l’oreille de ses mauvais vassaux. Aux plus virulents séditieux, on montre le chemin des geôles, tandis que les modérés, à l'image du cadet des Clairssac, sont logés au château d'Etherna. On ordonne des questeurs et des justiciaires chargés de démêler le vrai du faux, de trouver les origines de la cabale. Il plairait au marquis d'étêter toute cette bande de traître indistinctement, mais l'entreprise de justice lui offre un surplus de temps. Il investit les places fortes des vaincus, démobilise les troupes ennemis. Dans les bourgs, la milice rend les armes, qu'on met sous bonne garde dans des arsenaux défendus par des hommes loyaux.
Appendice:
Ce texte n'a aucune valeur, il est ici par facilité de stockage.
Capacités magiques :
Akhyn et Moctarès, ces amis de longue date, ne se ressemblaient pas. Le premier était un moine de Mogar finissant la cinquième décade de son existence dans l'aigreur et les regrets ; autrefois fringant enfant du père des batailles, il avait juré son service perpétuel à un capitaine lors de sa révolte contre les magistrats de Thaar. Le chef rebelle avait accepté le guerrier avec une joie réelle. Trois mois plus tard, il acceptait avec un engouement égal un compromis proposé par ses rivaux, qui redevinrent ses amis.
Depuis, Akhyn payait son déraisonnable serment en vaquant aux courses de son patron le jour et en ressassant la nuit cette heure tragique où il eut la stupidité de se laisser séduire par le romantisme d'un révolté en mousse.
Il trompait l'ennui des années par quelques loisirs. D'abord, en prenant prétexte des diverses cérémonies et réunions du culte d'Othar pour se rendre sur la Péninsule de sa jeunesse et y battre nostalgiquement la campagne. Ensuite, en tentant de rompre son jurement dans l'honneur, c'est à dire par mort violente. Les sorciers, qui éveillaient en lui la plus saine répulsion et lui promettaient les meilleures chances de décès brutal, furent ses proies favorites. Si bien qu'au fil du temps et des duels emportés il se passionna pour leurs sorcelleries.
Moctarès eut un parcours inverse. En jeune mage thaari prometteur, il passa à l'ouest pour rejoindre la cour de Langehack dans l'espoir d'y briller. Sa carrière de coqueluche des salons amateurs d'illusions fit long feu mais il trouva une situation auprès d'un aristocrate admiratif, creusa son trou en tant qu'astrologue, précepteur et nombre d'autres arnaques érigées au rang de professions, fit un bon mariage et profita de ses rentes dans une oisiveté de bon aloi. Il cultivait notamment des amitiés épistolaires avec les hommes qui avaient retenu son attention durant ses voyages. Dont Akhyn.
Lequel, un jour, lui proposa de s'inviter chez lui. Quelle joie fut celle de Moctarès ! Le bougre se languissait de son cher ami, ce tueur de renom ! Il bénissait le pli qui lui apportait un tel projet. Un pareil guerrier en sa demeure, ô gloire, ô honneur ! Mais ne risquerait-il pas de faire tache, ce compagnon un peu âpre, parmi ses familiers ? Ce sévère ascète froncerait ses sourcils, c'est certain, face au sybarite sybrond cédé pour six sous au sorcier qui s'était surpris à succomber aux amours sacrilèges. Et que dirait madame Ursule, dame d'Errul, sa mortelle ennemie et voisine ? La bougresse n'attendait qu'un incident de la part du Thaari pour l'expulser et convertir son foyer en chenil pour ses monstres de toutous. Enfin, n'y aurait-il pas gêne de la part de son hôte devant le désordre de sa maison et l'embonpoint de ses servants ? Et puis surtout, une fois le bonheur des retrouvailles passé, n'allaient-ils pas finir par se regarder dans les blancs des yeux, sans mot dire, comme deux trous de balle ?
Moctarès saisissait l'importance que comportait la distance dans la belle amitié qui l'unissait à Akhyn. Il craignait aussi qu'une promiscuité toute inactive les brouillât durablement. Dès lors agit-il prudemment et proposa un voyage vers Odélia, où il avait une affaire. O.K., répondit en substance Akhyn, trop heureux de foutre le camp de Thaar pour quelques ennéades.
Voilà, en un mot ou deux, les vieux amis dans la demeure des comtes d'Odélian et participant, par la force des choses, aux libations célébrant la naissance d'on ne sait quel enfant d'un parent de leur hôte. Pour obscure qu'elle fût, la cause des réjouissances n'enleva rien à leur caractère festif. Une horde de jeunes gens rieurs, dansants, chantants, maraudeurs et fiers instillait peu à peu une atmosphère outrancière qui séduisit le reste de la maisonnée, dont les deux voyageurs. Et quand la nuit et les fûts de cervoise et de vin furent bien consommés, la foule s'égailla à travers le palais. Des silhouettes titubaient aux hasards des jardins, surprenaient des couples éphémères, s'écartaient des groupes de fiers-à-bras en mal de bagarre, chantaient à tue-tête une chansonnette à laquelle, dans la nuit, répondait un choeur de voix anonymes. Moctarès et Akhyn, assommés d'alcools, avaient décidé de faire comme tout le monde. Ils erraient, ranimés par la fraicheur et la marche, ils embrassaient d'un regard contemplatif les murs, les vergers et les filles, ils observaient les petites scènes des groupes, en spectateurs lointains et neutres, comme on regarde les braises d'un feu de joie mourant.
Ils emboîtèrent finalement le pas d'une jouvencelle qui, après leur avoir fait un signe, s'était rendue sans les attendre à l'intérieur du manoir. Malgré quelques torchères en fin de vie, ils perdirent sa trace dans les coursives encombrées de dormeurs. Mais alors qu'ils perdaient courage, le murmure d'un luth qu'on pinçait attira leurs pas jusqu'à un étroit escalier en colimaçon. Ils l'empruntèrent et la musique se fit moins indistincte. Une mélopée mielleuse se révéla. En haut de l'escalier, la voix et la mélodie prirent forme à leurs yeux. Un grand blond, les yeux plissés par la concentration ou la lassitude, couché plus qu'assis au fond d'une alcôve, caressait la lyre d'un main, et déclamait le lai de la Tisseuse Astell à Eudossys, son mari si longtemps disparu. Un parterre de jeunes gens alanguis formaient un cercle autour. Ils chuchotaient des phrases décousues ou ne disaient rien, ils buvaient distraitement, fumaient distraitement, hypnotisés. Une nymphe, au coeur, dansait mélancoliquement et donnait à l'épouse bafouée d'Eudossys une réincarnation terrestre. La donzelle faisait écho à la complainte et réverbérait les émotions qui traversaient la Tisseuse avec des expressions d'une invraisemblable réalité.
Le chant enlaça les nouveaux arrivants. Akhyn la voyait, cette pauvre fille, cette malheureuse Astell, protester de son honneur à ce mari perdu des décennies auparavant. Il ressentait son affliction avec une intensité qui le submergeait. Tout son être embrassait sa plaidoirie pathétique. Quand elle implorait qu'Eudossys la crût, le vieux moine était tordu de pitié, quand elle s'indignait qu'on l'accusa d'être déloyale envers son homme, ses poings à lui se serraient et il se jurait qu'il défendrait cette femme et sa cause contre les colères des Cinq réunis et plus encore s'il fallait. Puis vint le tour d'Eudossys. La lyre, dans un son sec, fit lever un des hommes du public. Il s'était dressé immédiatement, il s'était d'un seul coup débarrassé de ses oripeaux de spectateur passif pour entrer sur la scène. Une tension incroyable se dégageait de sa démarche et de ses gestes, qui tranchait sur la lente danse de la Tisseuse si bien qu'Akhyn crut qu'il allait massacrer la demoiselle dans son mouvement. Mais l'homme s'arrêta à grand peine, secoué par une colère que le chagrin battait en brèche. Le chant reprit sur un ton nouveau ; le rythme s'accéléra au début, manifestant les doutes du mari jaloux, puis retrouva une lenteur non plus pathétique mais sinistre. Le danseur avait les paumes sur son visage, la voix du chanteur, monocorde, commençait la liste des accusations et des témoignages et des preuves. A mesure que les charges s'amoncelaient sur les épaules d'Astell, les yeux d'Akhyn s'ouvrirent. Le doute n'était plus permis, elle était coupable. Elle avait trahi, elle était une méchante femme. Une fureur inhumaine enflait en lui, comprimée par sa cage thoracique. Il serait, et pour toujours, le plus farouche ennemi de la Tisseuse. Qu'on la tue ! Qu'on la tue ! Il n'avait jamais eu une personne plus antipathique que cette danseuse devant lui ! Qu'on la tue ! tout son esprit convergeait vers cette seule clameur. Son corps, sous le charme, refusait de lui obéir ; seuls des tremblements de colère le parcouraient.
Il fallut l'irruption d'un grand blond qui ressemblait fort au barde pour que l'envoûtement se dissipa peu à peu. Interrompant la mélopée et l'emprise qu'elle exerçait sur le public, l'apparition subite de Grégoire des Berdevin et de sa bande tira le lyrode de l'état second dans lequel il les avait tous plongé. Les deux frères s'embrassèrent et s'échangèrent des insultes, une conversation vive s'amorça avant d'emporter brusquement les Berdevin et leurs camarades vers d'autres lieux. Le brouhaha de la troupe criarde disparut et les restes du public se délitèrent. Akhyn et Moctarès partirent de leur côté. L'Estréventin souriait mystérieusement tandis que son ami essayait de comprendre comment il avait pu passer de la pitié à la haine aussi soudainement et aussi intensément. Quand il eut entièrement repris le contrôle de ses sens, il s'arrêta net et, stupéfait, proféra ce seul mot. « Magie ! » Le sourire de Moctarès s'élargit, visiblement heureux que ce moine illustre fut pris par le piège.
« Akhyn, te voilà bien eu ! Toi qui te gargarisais de ces sens tiens, trop alertes pour être piégés par les ensorcellements, tu as été la victime des illusions de ce barde comme je fus. » Mais le moine était trop absorbé par la scène qui ne voulait pas refluer de son esprit pour s'aigrir de la moquerie. Dans une curiosité panique, mille questions lui brûlaient les lèvres.
« Sa sensibilité est-elle plus ou moins grande ? Est-elle innée ou acquise ? »
« Akhyn, vois-tu, mon vieux, Hubert de Dens, le père de ces blonds que tu as vu, eut quatre fils, dont Gaston, qui t'as embobiné il y a un instant, était le benjamin. Dès le deuxième, il se promit qu'il offrirait l'un des enfants suivants au domaine du sacré. C'est qu'il en avait déjà eu deux : un pour diriger, un pour guerroyer. Au tour des choses de l'esprit et du mystère s'était-il dit. Ses aspirations décidèrent quelques savants à s'intéresser aux garçons ; car leur père était le seigneur de Dens et un puissant homme de la cour, beaucoup voyaient la belle occasion de renforcer leur temple, leur ordre ou leur cabale d'un allié. Une poignée vint dès la naissance et l'inclination du seigneur sues, et il y eut une belle dispute astrologique entre un divinateur des Wandres et un ermite adorant la sainte Deinéa. Mais les augures ne restent jamais longtemps au chevet des nourrissons ; une fois leur devis fait, ils donnent la date limite et s'en vont. La méthode a de tout temps fait des ravages : le client, fois pris par le temps, inspecte son fils avec attention, à l'affût de signes. Son esprit voit beaucoup des prédictions cryptiques que lui a fait l'aruspice, et n'aperçoit aucun progrès de la part des autres sages qui, eux, se sont installés dans sa demeure. Comme si, ne sachant pas encore ce que c'était de marcher, la chiure allait guérir les scrofules de tout l'Odélian ! Plus d'un bonhomme avait ainsi lâché sa progéniture à des coquins qui se prétendaient le don de prophétie. Mais je m'égare !
Les dieux soient loués, le subterfuge ne prit pas sur Hubert, il laissa séjourner près d'une douzaine d'entre nous sans songer à donner quoi que ce soit aux oracles. Les uns trouvèrent la concurrence trop nombreuse et partirent, d'autres décidèrent de courtiser le seigneur, les derniers, enfin, firent bloc contre les autres. Trois moines de je ne sais quelle sainte femme instiguèrent pour que leur hôte se défasse d'un mage soltaari ; le scandale prit tant d'ampleur que les Néerites durent prendre congé.
Je suivis rapidement leur chemin : le Soltaari était seul à avoir la faveur du père. Lui aussi s'en était aperçu, et ses séjours à la cour de Dens se firent plus courts et espacés. Il était sûr de pouvoir, l'âge venu, emporter l'enfant. Ses absences devinrent vite autant de brèches pour les rivaux, et il fallut que l'enfant ait quatre ans pour que l'affaire soit tranchée. Hubert, rendu circonspect par tous ces pratiquants d'arts dangereux un peu agités les uns par les autres, se tourna alors vers son beau frère, Cagmael d'Odélian. Il n'aimait pas cet homme, ou du moins l'avait-il entre la gorge ; frère du comte, barde accompli et bellâtre un peu enculé, il pouvait vous ficher un sourire moqueur au fond de la gorge. La rancune s'était accrue lorsque, malgré les nombreuses visites, le barde ne s'était jamais proposé de faire l'éducation du garnement. Hubert, révulsé qu'il doive lui-même inviter ce rogue beau-frère à enseigner à son fils, se résolut de ne pas le faire, sauf cas de force majeure.
L'incendie de Dens de 978 fut le cas de force majeure. Si j'ignore encore l'origine de ce feu, et ne peux rien affirmer positivement, sache que le Soltaari se fit de plus en plus absent et Cagmael toujours plus présent. Je ne peux pas non plus affirmer positivement que ce n'était pas qu'une histoire d'égo ou de situation qui avait mû tous ces savants à Dens, mais mon avis est que le petit avait quelque chose de spécial pour attrouper tous ces loups autour de lui. Mais importe-t-il vraiment que son esprit ait été plus ouvert aux doctrines et aux flux des arcanes ? Dès sa plus tendre enfance, on l'avait mêlé à la magie et, très tôt, il reçut les enseignements d'un maître-barde. »
« Si elle est innée, comment l'a-t-il découverte, si non comment lui est-il venus l'idée de l'entraîner ? »
« L'enfant n'eut guère de révélations quant à ses capacités lors des premières années. Son oncle Cagmael ne l'éprouvait que prudemment sur cela. Il se contenta d'abord d'entraîner son oeil à être alerte aux petits détails et aux trompent-l'oeil, d'exercer son oreille aux chants du monde et des hommes, d'habituer sa tête à la science des sons et de cultiver sa mémoire. Le petit jouvenceau rapportait le fruit de ses devoirs en récitant les textes qu'on lui avait chanté, en ramenant les petits présents que Cagmael plaçait en des lieux incongrus de la maison Berdevin, en l'alertant des fausses notes lors des veillées et en décrivant ses rêves tout en essayant de leur donner une explication. Maint jeux ponctuaient sa jeune existence et quand il excellait à un exercice, son pédagogue y substituait deux nouveaux. Ce dernier observait simplement : en bon éleveur, il inspectait la nature du poulain, sans brusquerie superflue, afin de saisir ses affinités et les exploiter au mieux.
L'enfant avait six ans quand on emmena à Dens un fougueux destrier. La superbe monture appartenait à un grand chevalier qui avait tourné brigand et qui en mourut. N'obéissant qu'à son maître, l'étalon ruait dans les brancards, et les palefreniers malmenés s'apprêtaient à demander au seigneur qu'on abatte la bête quand Gaston alla à sa rencontre. Eberlué, autant voire plus que les fils Berdevin, par l'immense cheval de guerre, il avait osé aller contre l'interdiction de leur père et approcher l'animal. Quand Hubert de Dens apprit la chose, il se rendit dans les étables où il trouva, assis près du terrible canasson, son fils. Le petit chantait une berceuse à l'animal, visiblement apaisé par la comptine. Cependant, la chansonnette finie, toute sa sauvagerie lui revint, et Gaston manqua perdre un œil lors de la ruade du gigantesque équidé. Ce fut le premier prodige que je lui connaisse. »
« Combien de temps a-t-il étudié la magie ? Où ? Auprès de qui ? était-il assidu ou plutôt cancre ? »
« Ne vas-tu pas t'arrêter avec tes questions, Akhyn ? Tu me fais perdre le fil de ma pensée. Son initiation commença vraiment à ce moment. Cagmael le prit en tant que son page, ce qui ne changea pas grand-chose à la vie familiale du gamin. Après tout, son tuteur était le premier barde de la cour d'Odélian et son père était du cercle rapproché du comte. Un petit monde en quelque sorte. Il y côtoya les adeptes des ordres bardiques comme ses frères et les autres rejetons de la noblesse odélianne. Une vie d'apprentissage tant des us locaux que des secrets des reflets et des sons débuta pour ne s'achever qu'à l'âge de ses quatorze ans. Quant à son assiduité, malgré quelques frasques dans laquelle il emporta ou fut emporté par la jeune génération d'Odelia, je ne crois pas que Cagmael ait bâclé l'éducation du jeune homme ou que celui-ci ait pris son sacerdoce à la légère. »
« Quel groupe (élémentaire, vie, immatériel) a-t-il étudié ? »
« Grande question, Akhyn, immense question ! Où s'arrête la puissance d'Arcam ? Le beau dieu connaît plus de secrets d'Aluthen que tous ses frères réunis, alors comment savoir quels chants, quels sortilèges il a mis au fond des rêves de ses disciples ?... Mais je te vois qui tiques devant ces considérations cosmologiques, aussi t'épargnerai-je : Gaston a appris les arcanes de l'esprit et de l'immanence. Son maître lui a enseigné les nombreuses disciplines qu'il maîtrisait, et certainement quelques-uns des secrets de son ordre bien que... »
« Sur quels domaines se sont centrées ses études ? Quels sont les choses qu'il réussit le mieux et celles qu'il réussit mal ou pas du tout ? »
« N'interromps pas, Akhyn, ta patience est-elle donc aussi mince que la vessie d'une jouvencelle ? J'y venais, vois-tu... Il apprit, déjà, à ne pas aller plus vite que la musique, ce qui est une chose rare dans ce monde, semblerait-il... Il brilla notamment dans l'art de l'envoûtement, par l'instrument et par la voix, comme tu as pu t'en apercevoir. Mais ses illusions n'ont jamais affecté autre chose que l'esprit et le coeur, et s'il peut déployer ses charmes pour faire mentir le touche ou la vue ou même l'ouïe, il aurait bien des difficultés à user massivement de cette tromperie. Il s'essaya également à l'ensorcellement des bêtes et des fantômes, mais ne put jamais mettre aucun esprit à son service, et les seuls animaux qui répondirent à ses ordres et ses chants furent les chevaux. Il ne commandait ni ne communiquait avec le reste des créatures de la mère des elfes. Tu te doutes donc bien que le bougre n'est pas un grand invocateur. Lui qui n'arrive pas à séduire la plus petite gerbille, il serait bien incapable de tromper les éléments, le temps et les autres choses du cosmos comme un grand mage des légendes ! Ni démons, ni tempêtes pour notre jeune barde.
Bien qu'il étudia la divination sous bien des aspects, ses prédictions, tant des rêves que des entrailles, restèrent aléatoires, pour ne pas dire nulles. Il sait reconnaître les présages dans le cours des oiseaux, des vents et des astres, autant de pratiques coincées entre superstition et pseudo-science, si tu demandes mon avis. Point de don de prophétie chez celui-ci, je le crains.
Ni invocateur, ni divinateur, il n'était pas non plus un malediseur. Je sais que les malédictions sont un art délicat, et que leur effet peut être discret ou intangible, mais, crois-moi, certaines satires des bardes nordiques peuvent avoir des conséquences qui se voient comme trois pustules au milieu du visage... Il y avait d'ailleurs un seigneur du cru qui avait offensé l'un de ceux-là, et l'Arcamant outragé plaça au fond de son oreille une hallucination pernicieuse. L'homme entendrait pour le restant de ses jours les pleurs et les cris de son nourrisson. Pas de manière continue ou bruyante, non, mais par touches, et fugacement. Le mauvais sort prit sans mal et des années après le chant du barde, le bougre avait une mine affreuse. Irascible, insomniaque, il n'était plus qu'une ombre ; seuls ses nerfs tyrannisés lui étaient restés. Il avait essayé, dans un premier temps, de dormir avec son enfant pour prouver à tous la réalité des cris, en vain. Il tenta ensuite de vivre à cent lieues de son fils, qui lui était devenu odieux. Rien ne fit l'affaire, jusqu'à ce qu'il confesse son mal à Gaston des Berdevin. Celui-ci tenta de produire divers hymnes pour défaire le charme et délivrer le seigneur, puis pour les apaiser seulement, mais sans succès. Il dut se résoudre à demander le renfort de son maître Cagmael, et tous deux chantèrent au pauvre homme la triste laie. La complainte le consola ; il pleura les cris hors de son âme. Le seigneur reprit sa vie en main, sans jamais pouvoir retenir une profonde et indicible haine pour son enfant. Voilà pourquoi, mon bon Akhyn, je ne pense pas notre bougre capable de jeter des malédictions par son talent et sa voix, car il ne fut pas même capable d'écarter seul la vilaine illusion qui assaillait le bonhomme.
Il y parvint, certes, mais aidé de Cagmael, et bien que je pense que le jeune homme fignolera bientôt ses qualités dans une telle discipline, il est encore loin de pouvoir produire les maux qu'il saura bientôt dissiper. Mais le larron, s'il n'ose guère sur l'offensive, en connaît assez long pour se prévenir de bien des sortilèges et, si tu me passes cette trivialité, comme un charcutier devant un amas de farce et du boyau saura dire "c'est une saucisse", un pratiquant de l'Art saura dire "c'est une saucisse magique". Ses sens ne peuvent pas être troublés par les illusions des arcanes, et son esprit, ouvert, s'avère aussi souple et robuste que l'acier-roi nain. On ne trompe pas aisément un adepte du dieu des tromperies.
Et s'il n'est pas capable par sa voix de retourner les boules de flamme et les tempêtes contre leurs instigateurs, s'il ne peut pas dissiper du seul son de son instrument les sorts qui sont jetés, il use un chemin plus pervers et, au lieu d'évanouir foudre et grêlons, il se contente d'enfoncer dans la caboche de son adversaire quelque air, quelque refrain. Trois notes bien appuyées, et l'on se retrouve avec une mélodie qui décontenance et brise la concentration de celui qui l'a attrapé.
Les autres écoles des illusions et des conjurations n'ont jamais trouvé leur place auprès de lui, bien qu'il les ait étudié. Aucune ombre n'est jamais née de ses fredonnements, ni aucune lumière, et les miroirs, s'il s'en méfie comme la peste, ne se sont jamais laissé pénétrer par ses regards. L'art de s'introduire dans l'esprit d'un autre homme d'un seul regard ne lui a jamais été accessible, malgré de nombreuses tentatives ; il ne peut pas forcer à connaître les idées d'un homme, juste à les instiller.
Quant aux Arts élémentaires et aux magies blanches, malgré un grand intérêt théorique dû à son cursus, un ou deux essais manqués l'ont détourné de ces disciplines. »
« Qu'est-ce qu'il aimerait apprendre ? Quels sont ses motivations et ses buts par rapport à la magie ? »
« Ce qu'il aimerait apprendre ? Tout ! Aucune magie ne l'ennuie, et il aimerait les saisir toutes. Elles sont pour lui autant de clefs qui permettent de passer outre l'obscurité et comprendre l'essence des lois du monde. Chaque discipline, qu'elle soit divine ou profane, est un fragment du miroir reflétant la divinité qui régit l'univers. Il n'en reste pas moins un fils du nord : pour lui, la magie n'a d'autre source que le divin, aussi malgré une fascination galopante, les écoles qui s'écartent d'une certaine vision des dieux n'ont pas sa faveur, voire écopent carrément de son inimitié. Mais il y a encore tant de choses qu'il aimerait savoir et maîtriser ! Des choses qui sont à sa portée, qui plus est ! Tromper les sens, les animaux, jeter de mauvais charmes ou les annuler sont autant de chemins sur lequel il ferait bien de persévérer. »
« Quelles sont ses capacités ? Est-il plutôt concentré ? Endurant ? Est-il du genre tête brûlé ou prudent ? » Elles sont grandes, Akhyn ! S'il n'est pas l'élu de tous les ordres bardiques de ce siècle, il est bien capable, ce petit, et d'une pugnacité à faire pâlir un nain ! Son Art est pour lui un style de vie, il semble toujours à l'écoute de ce monde, à l'affût d'une situation cocasse ou d'un paysage tragique. Le garnement est travailleur, et déterminé à en apprendre le plus possible avant d'aller aux Enfers ! Sa soif est inextinguible. Heureusement, l'occulte est intarissable. »
« Quel focaliseur utilise-t-il ? Préfère-t-il les rituels ou l'improvisation ? »
« Akhyn, Akhyn... n'ai-je pas répondu à assez de tes questions ? Il est tard, ma salive se fait rare... Soit. Je crois que c'est une lyre, sa lyre, qui focalise l'énergie qu'absorbe sa voix, et c'est le rythme qu'il impose à son instrument qui l'aide à confectionner ses charmes. Je l'ai pourtant déjà vu improviser, mais les résultats sont plus mineurs ; tandis qu'avec sa lyre... ma foi, il pousse de beaux et grands chants. »
« Quelles sont ses habitudes ? Ses incantations ? La gestuelle qu'il utilise ? »
« Allez ! Laisse-moi à la fin, vieux questionnaire ! Que veux-tu qu'elles soient, ses habitudes ? Ce sont celles de son cercle, de son ordre bardique, celles qui furent celles de son maître Cagmael auparavant. Et comment veux-tu que je les connaisse ? Les bardes sont des êtres secrets, bien rares sont les intrus qui ont pu rapporter leurs pratiques et leurs mystères. Quant aux incantations, quant aux gestes, que te faut-il de plus que sa voix qui psalmodie et sa main qui danse sur les cordes ? »
« Comment perçoit-il la magie ? A-t-il des théories, des avis particuliers ? »
Ca suffit à présent ! Je n'en peux plus, Akhyn ! Ce sont tes dernières questions car aux autres je n'y répondrai pas ! Et qu'est-ce que c'est que cette question ! Des théories, il en a mille, comme chaque sorcier ! Comme bien des hommes du nord, il conçoit avec une méfiance presque dégoûtée les magies profanes, bien que teintée de fascination. Ceux qui sortent du carcan des vieilles croyances locales entachent l'essence divine et courroucent les dieux. C'est du moins ce que leur mirent dans la tête les bardes. »
Dernière édition par Gaston Berdevin le Sam 18 Nov 2017 - 2:37, édité 2 fois
Ëninríl Il'Dolwen
Ancien
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Sujet: Re: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Mar 4 Oct 2016 - 18:48
Salutations et Bienvenue !
Tout d'abord, je tiens à signaler que ta fiche est de très bonne qualité ! Jouer un noble ne sera donc pas un problème ! Si je peux me permettre une remarque perso, je trouve que les marges desservent le texte, il se trouve qu'on a un peu de mal à lire... avis personnel ^^. Passons à la correction.
Quelques points mineurs :
Gaston Berdevin a écrit:
Sa chevalerie acquise en 990, sur ses seize ans
> Un écuyer ne peut-être adoubé avant ses 20 ans et seulement si son maître l'en juge digne.
Gaston Berdevin a écrit:
O.K., répondit en substance Akhyn
> Petit anachronisme, pas très gênant en soi, mais il faudra éviter de le placer régulièrement. C'est une expression très moderne qui n'a pas trop sa place dans un forum médiéval-fantastique.
A présent voyons le problème majeur : la magie de Gaston.
Gaston est un personnage autrefois joué (Fiche et RPs), qui depuis a été passé en prédéfini et joué en tant que PNJ par le staff où des joueurs ayant eu son accord. Le personnage de base n'a pas de capacités magiques et par conséquent tu ne peux pas non plus en avoir depuis si longtemps.
Voilà, j'espère que cela ne t'as pas découragé, nous sommes disponibles pour tes questions. Bon courage pour les corrections !
Gaston Berdevin
Humain
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Sujet: Re: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Mar 4 Oct 2016 - 19:46
Salut Ëninril, ô correcteur !
D'abord, merci pour tes remarques et ta diligence. Pour ce qui est de la forme, j'ai choisi de mettre une grosse marge pour avoir une impression plus "roman", mais c'est vrai que je n'en suis pas totalement satisfait non plus, je vais essayer de trouver quelque chose de meilleur. D'ailleurs, aux autres personnes qui ont survolé ma présentation, n'hésitez pas à commenter sur cette marge, comme ça je serai fixé (ou pas).
Entendu pour l'adoubement, je rectifierai ça. Je ne savais pas pour l'âge minimal.
Pour le point majeur : la magie. Comme tu as dû le constater, cette partie représente une grande part de la présentation et m'a coûté beaucoup de temps et d'efforts, elle me tient à coeur. Pas la magie en soi, mais le rapport que peut avoir Gaston avec Arcam et la barderie (oui j'invente des mots). Je comprends que le changement par rapport au premier Gaston puisse coincer, cependant je ne pense pas que cette modification contredise ce qui a déjà été joué à son propos. En effet, j'ai lu tout ce qu'a pu faire Gaston quand il était incarné par son joueur ou le staff, or la majeure partie du temps c'est Gaston l'homme politique qui est joué, et pas une autre facette de son individualité. De ce fait, Gaston en tant qu'amateur d'arts n'a jamais été développé, d'où l'intérêt que j'avais de partir sur ce côté-là de sa vie pour me l'approprier.
J'espère que tu me laisseras cette marge de manoeuvre, quitte à ce qu'on réduise au plus bas ses capacités en magie et à retirer la majorité de ce qu'il sait faire de ce côté, comme ça je pourrais essayer de développer ceci via le rp. Ainsi on ne supprimerait pas une importante dimension de sa personnalité et de ce que j'envisage pour lui, tout en gardant sa puissance de "sorcier" au plus strict minimum.
Gaston Berdevin
Humain
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Sujet: Re: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Jeu 6 Oct 2016 - 18:15
Comme requis par message privé, j'ai supprimé les capacités magiques et j'ai adoubé Gaston à l'âge de 20 ans.
Voilà pour les corrections.
Ëninríl Il'Dolwen
Ancien
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Sujet: Re: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Sam 8 Oct 2016 - 14:36
Ca me va, te voilà...
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[Métier] : Marquis d'Odélian
[Sexe] : Masculin & Humain
[Classe d'arme] : Corps à corps
[Alignement] : Neutre Strict
Foire au RP ~ Pour tout ce qui est recherche de compagnons RP. En bref, que du bonheur ! Journal de bord ~ Pour archiver tes liens de RP qui content l'histoire de ton personnage {Vivement conseillé}. Et enfin, si tu as des question, n'hésite surtout pas à demander l'aide d'un parrain, ou à tout simplement poser tes questions dans la partie créée à cet effet.
Halyalindë
Ancien
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 480ans (né en 531) Taille : 1m96 Niveau Magique : Non-Initié.
Sujet: Re: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Mar 31 Oct 2017 - 22:01
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Ancienne fiche:
[/size] Nom/Prénom : Gaston de Dens, Gaston de Ferre, Gaston d'Odélian, de la maison Berdevin. Âge/Date de naissance : Trente six-ans, né en Oglicos de la sixième ennéade de Karfias en l'an 974. Sexe : Fort. Race : Humaine. Faction : Péninsule. Particularité : Passion pour les chevaux.
Alignement : Neutre. Métier : Marquis d'Odélian Classe d'arme : Corps à corps.
Équipement : Frères et père lui ont laissé de nombreuses choses en héritage. En premier lieu, Odélian. Son frère Gaucelm lui refila la chevalière des Berdevin, qu'il tenait lui-même de leur père, ainsi qu'une chaîne d'or symbolisant le rang de comte d'Odélian, que lui avait légué leur oncle. Grégoire, en plus de nombreuses bosses et cicatrices, semble lui avoir offert Accalon la Pourfendeuse, épée et grande compagne de son frère. Plus tard, Gaston le petit frère décida avec la bénédiction des autres grands seigneurs du pays, de faire main basse sur la femme de Grégoire, Madeleyne d'Ancenis. Après ces objets hautement symboliques, à citer une belle armure, présent de Gaucelm lors de l'adoubement du benjamin des Berdevin. Une lyre, présent de son mentor, Cagmael d'Odélian.
Description physique : Il y avait quatre frères : deux gros et deux rocs. Gaucelm et Philinte faisaient partie de la première, Gaston, au côté de Grégoire, faisait partie de la seconde catégorie. Du plus tôt qu'il se souvienne, il s'est toujours bagarré avec le reste de ses frères, même lorsque Gaucelm fut appelé à des choses plus hautes. Son enfance ne fut, de son souvenir, qu'un vaste champ de bataille où la palme allait à qui mettait les gnons les plus épicés puis les estafilades les plus dégoulinantes. La race était batailleuse et les conflits aussi nombreux qu'éphémères. Ajouter à ça les chasses, les voyages infinis, les guerres et les réunions de famille. La vie somme toute rustique de Gaston trouve un reflet fidèle dans sa carrure. Le bougre n'était pas né petit, mais la mère Berdevin connaissait la musique depuis son premier, Gaucelm. Tous ses fils avaient pris de la place dès le départ, Gaston n'avait pas été l'exception. Il faillit la mettre en tombe en entrant dans le berceau, mais la fière femme, forte d'une résilience péniblement acquise, n'eut pas l'inconséquence de laisser ses quatre petits béliers sans pasteur. Elle ne prit pas encore son repos, tint bon et leur fit payer la vie qu'ils lui devaient tous.
Soyez lâches et je vous donnerai aux bêtes d'Arcam l'Ennemi à la lisière des champs, telle fut en une phrase l'éducation qu'inculqua Sichilde la blonde à ses enfants. La jeune mère, devant l'ampleur de sa tâche, décida d'élever ces petits boucs ombrageux avec un peu d'amour maternel et beaucoup de sévérité maternelle. Sa main de fer était gantée de soie et tenait une badine que les fils Berdevin redoutèrent vite. Aussi apprirent-ils très tôt, par les rivalités fraternelles et les sévices qui en résultaient, la valeur de la piété familiale, du mépris du confort, de la loyauté et, par dessus tout, d'une saine concurrence entre eux. Et malgré les coups et les corvées, ils ne pouvaient s'empêcher de se défier dans des épreuves de force et d'autres incartades systématiquement punies.
A peine sortis des jupes de leur maman qu'ils s'étaient déjà arrogés une réputation de dangereux petits cons, et quand ils joignirent la cour du comte, arène autrement plus peuplée que la halle de Dens, c'était parmi une armée de pages et d'écuyers qu'ils purent briller dans les rixes entre bandes de jeunes gens. L'enfance brouillonne laissa place à une adolescence bouillonnante : on s'affrontait à grand renfort de prétextes futiles, pour l'amour de la chose. On faisait grand cas du mérite guerrier, du courage physique et de la force morale dans la région d'Odélian, à la campagne et à la cour particulièrement, où on n'a que ça à foutre.
Les habitudes martiales de sa jeunesse lui restèrent, et il est rare qu'il se passe un seul jour sans que le marquis ne s'astreigne ou ne s'amuse à quelque exercice physique. Son corps est charpenté d'épaules larges qui abritent une taille épaisse. De ses bras bosselés à son cou de bœuf, le larron a un physique qui dégage quelque chose de robuste et de puissant. Sa hauteur, qu'il partage avec bien de ses frères, ajoute à cet effet de puissance corporelle qui auréole le grand blond. La carcasse toute en force détonne carrément avec le visage délicat du seigneur. Une mâchoire carrée, qui passe pour une crête menue face à son col bovin, forme le triangle qu'une barbe fournie habille. Encerclée par un poil blond et abondant, sa bouche, longue et fine, est surplombée par un nez droit, petit, qui incline vers l'aquilin. Lequel nez sépare en deux yeux un regard châtain qui n'est sauvé du quelconque que par le reste du visage, qui lui donne, en certaines circonstances, par la tendresse de son expression naturelle, une beauté aigre-douce, quelque chose de quiet et d'un peu triste.
Description mentale :
Il y avait, parmi les plus anciens camarades de Gaston, une anecdote dont la cause était encore bien mystérieuse. On avait tous dans les quinze ans, on se rendait aux joutes de Brochant ; ces quelques jours de route entre armures visqueuses de transpiration donnait à la troupe une atmosphère fanfaronne et des envies d'aventures. Quand, un jour qu'on tapait le carton en campant aux lisières des futaies de Pélanchon, Gaston se lève soudain, attrape sa lyre et la fracasse contre une roche. Raoul de Prademont voulut connaître le pourquoi du comment, essaya de tirer les vers du nez, insista, la chose s'envenima en bagarre et se conclut sur un bourre-pif de l'interrogé, qui promit au reste des compagnons un même marron si on cherchait à savoir ses affaires. L'accès de colère éclata rapidement, et le lendemain, Prademont eut sa revanche en démontant le massif Gaston lors des joutes. Raoul en resta donc là, mais le souvenir de ces gnons issus d'il ne savait trop quoi lui revenait de temps en temps, et ce n'est que bien des années plus tard, alors qu'ils étaient devenus beaux frères, qu'il put apprendre de Gaston le fameux pourquoi du comment. Le bougre avait reçu, quelques mois avant la bagarre, un billet de la sœur même de Raoul. Les deux jeunes gens avaient dès leur première rencontre lié une passion toute adolescente l'un pour l'autre, et une fresque d'événements aussi insignifiants que multiples firent et défirent leurs amours en dent de scie. Ce billet de la fille était un de ces énièmes adieux larmoyants dont le couple avait le secret. Cela plongeait les deux amants dans la plus terrible affliction jusqu'à ce qu'ils se remettent ensemble. Si Méroflède, la fille, laissait exploser son chagrin dans l'abri de ses appartements, Gaston, lui, avait tendance à garder ça en dedans, à refouler la chose le plus longtemps possible jusqu'à ce que son flegme se craquelle et qu'une colère torrentielle surgisse des brèches.
Ces surchauffes étaient d'autant plus surprenantes que Gaston bénéficiait d'une rare maîtrise sur lui-même. On l'avait astreint, dès son plus jeune âge, à exercer son corps et sa voix à exprimer ce qu'il souhaitait. Le miroir fut son plus lointain et sévère compagnon en ce qu'il jugeait sans fard le reflet de Gaston et semblait toujours trouver à redire sur ses gestes, ses mines, ses sourires, ses poses et ses regards. A la lueur des bougies, dans la lumière de l'aurore ou auréolé de la gloire du soleil de midi, le larron s'était échiné sans relâche à copier la démarche de son maître d'arme, la grâce de son maître de danse ou l'allure de son maître-barde. Il avait blanchi bien des nuits pour parfaire son regard courroucé, à la manière de son père, ou son air contrit, comme cette rouée de nourrice le faisait si bien.
Non pas qu'il était amoureux de lui-même plus qu'un autre, mais les expressions des humains éveillaient chez lui une fascination réelle tout comme les histoires qu'elles portaient. Chaque rencontre était l'occasion de dépecer une situation sociale ou de déchiffrer un masque plus ou moins volontairement endossé. Il singeait ensuite les expressions qu'il trouvait particulières, mimait et les timbres qu'il glanait au gré des conversations, répétait des discours retenus et ce avec des intonations drôlement ressemblantes. Cette curiosité pour les rôles et les faces fit de lui un genre de spectateur ultime. Déjà enfant, il ne semblait être que l'ombre silencieuse de ses frérots, et l'adolescence, où une voix en zigzag le rendit totalement taciturne, laissa place à un individu tout en discrétion. Il se réservait certaines choses et quand on l'interrogeait à un sujet auquel il ne voulait pas se mêler, il s'évadait avec une pirouette. Il préférait observer la plupart des conversations mondaines ou, quand les circonstances l'exigeaient, les orientait sur des plaisanteries, des lieux communs ou des questions. La situation familiale a également joué sur l'attitude expectative du jeune homme. Il a longtemps été un second couteau, le lieutenant de ses autres frères, leur témoin et leur exécutant ; lui s'effaçait jusqu'à ce que le champion d'Odélian ou le seigneur de Dens lui affecte un rôle. Il s'était habitué à cette situation de dépendance en s'apercevant qu'il existait un certain confort à incarner tel ou tel vêtement au gré des circonstances.
Il n'est pas non plus un mur. Certaines conversations le passionnent, mais ce sont souvent des discussions techniques, des spéculations de maître ou des cours d'érudits. Dans ces conférences, souvent en petit comité, il se plonge dans une profonde concentration et s'imbibe des enseignements qu'on peut lui apporter, rebondit sur les concepts par une question, une remarque. Il n'est pourtant pas très influençable ni même impressionnable, et lorsqu'on lui rapporte une chose, il demande des preuves ou du moins des faits tangibles pour étayer ce qui est avancé. Quand, au contraire, il a son mot à dire dans une dispute, ses talents d'orateur sont parfois mis à la disposition d'un entêtement que peu de gens, hors les cercles de savants qu'il fréquente, lui connaissent. Sa langue claque, des moqueries fusent, il persifle et déstabilise son adversaire. Sa mauvaise foi est diffuse, il la remâche souvent, la ressasse ; il peut s'y enfermer.
Cet entêtement se retrouve dans une véritable pugnacité. Le jeune blond n'est pas du genre à lâcher l'affaire. S'il ne fait pas régulièrement parler de lui par des coups d'éclat, il apprécie les labeurs de longue haleine, que ce soit l'exégèse intégrale des papyrus de Shéoth'Raept, l'apprentissage des douze mille pieds de chacun des cinq Cycles des guerres du Grand Unvan ou encore l'aménagement urbain d'un territoire. Sa patience se reflète le mieux avec ces œuvres de marathonien dans lequel son caractère excelle.
Histoire : On dit qu'il est né le même jour que le roi des elfes Telrunya est mort, mais onze plus tard. Certes, ça nous fait une belle jambe, mais c'est une amorce comme une autre. Ainsi Gaston naquit à Odelia, de sa mère Sichilde des Asovia et Hubert des Berdevin. C'avait fait un moment que ces deux puissants clans ne s'étaient pas retrouvés dans les liens du mariage. L'amitié entre le comte et Hubert aidèrent à la chose. Le nourrisson et la mère restèrent un temps à la cour avant de rejoindre Dens. La mère, toujours plus éprouvée à chaque nouvelle naissance, accusa le coup un sacré temps. Elle reprit vite le poil de la bête, comme on sait, et une fois la première éducation de ses enfants faits, elle laissa partir ses petits hommes vers Odélia pour qu'ils fassent leur pagerie. Chacun prit ensuite des chemins plus ou moins différents : Gaucelm resta auprès de leur père afin d'apprendre les arcanes du pouvoir, Grégoire fut pris sous l'aile du seigneur d'Odélian, Philinte fit quelque chose, Gaston devint l'écuyer du seigneur d'Assar, Jehan de Rochefort.
Sa chevalerie acquise en 990, sur ses seize ans, il accepte une proposition de son maître Cagmael qui lui fait entreprendre un voyage initiatique les menant dans les divers pays de la Péninsule et des royaumes voisins pendant près de deux ans.
En 993, à l'âge de dix huit ans, il épouse Méroflède de la maison Prademont, qui lui apporte une importante dot constituée de quelques villages du Pas-aux-Pradelles, la mince trouée qui perce la forêt du Pélanchon et relie les pays serramirois à Odélian. Aux limites des bois, les communautés ne demandaient qu'à croître sous la direction d'un seigneur. Celui-ci ne se fait pas prier. Le comté d'Odélian a toujours été une terre de pionniers, et il n'y a pas un propriétaire qui ne se gargarise pas d'avoir étendu les frontières de ses pâtures et donc les terres des humains. Néera bénit ses enfants en les multipliant, telle est la croyance locale, et les grands travaux de voirie de l'époque partagent cette idéologie civilisatrice. Les premières années des noces font passer au barde l'envie d'errer. Des enfants naissent, les essartages et les incendies prennent de l'ampleur. Une forêt clairsemée laisse place à de nouveaux villages. Le domaine s'agrandit.
Un nouveau voyage, en 996, pour assister au couronnement du roi des nains Garmin le sort une nouvelle fois de ses pénates pour quelques mois, et à peine est-il de retour que l'invasion eldéenne du printemps 997 le renvoie sur les chemins pour la guerre.
Les circonstances de 998 rappellent une fois encore le seigneur de Ferre à ses devoirs, et lorsque Gaucelm met en branle l'oste d'Odélian contre les parjures d'Etherna, il offre un commandement à son frère Gaston, qui sert d'avant-garde des troupes. Commandement, le mot est fort : Gaston se retrouva avec un fort parti de cavaliers et tâcha du mieux qu'il peut de donner l'avantage tactique aux gros des forces à venir. Les chevaux se déversent alors dans le pays éthernien et on compte les escarmouches par dizaines. La troupe, en fin de compte, parcourt un tel chemin qu'elle conclut sa campagne sur la prise d'Ack l'inexpugnable.
Etherna mise au pas, Gaston y séjourne un temps auprès de son frère Grégoire, qui y gouverne. Chargé de différentes missions, il jongle entre les sièges contre les derniers récalcitrants et l'organisation des travaux de voirie, tradition odélianne depuis les politiques d'Hubert Berdevin, qui relierait Etherna au reste du comté. L'affaire est intéressante et lucrative et Gaston prend ses aises. Il devient le truchement nécessaire entre les artisans et les juteux contrats de reconstruction d'Etherna. Curieux depuis ses projets de colonisation du Pélanchon sur les sujets d'architectures, cette occupation lui permet d'approfondir ses connaissances tout en ponctionnant les deniers publics.
Le Voile, en l'an 2, le détourna un temps des projets publics et, encore sur l'invitation de Cagmael, il se joignit à un groupe de bardes cherchant à célébrer Arcam au fin fond d'Aduram. Ce qui ne devait être qu'une éclipse millénaire se transforma en un mois étrange, très étrange. Trop étrange pour qu'il soit développé ici en bonne et due forme.
De nouveaux événements à Etherna interrompent sa quête mystique et ses errances forestières : les bourgeois de la ville, que les dernières infrastructures odéliannes enrichissent et qu'une poignée de nobles revanchards aiguillonnent vers de mauvais chemin, veulent profiter des dérèglements dus à la Malenuit pour rompre leurs serments. La réaction ne se fit pas attendre, et les Odélians, dirigés cette fois par le comte Grégoire, réinstaurent la loi, d'abord dans la cité, qui s'incline vite et accepte la punition, puis à travers les campagnes, où les derniers seigneurs rebelles à l'autorité des Béliers ont retraité. Les campagnes de siège durent des mois ; Gaston y fait ses armes en tant que quartier-maître des armées. D'abord affecté au fourrage, il organise rapidement les voies de communication entre les bases arrières et une multitude de sièges puis s'affaire à l'organisation concrète de nombreux dispositifs poliorcétiques. Les petites places fortes ne sont pas très garnies, mais cette fois-ci, on n'offre aux insurgés aucune reddition honorable. Quand ils se rendent, les barons révoltés sont menés pieds et poings liés à leur seigneur le comte, qui les juge avec sa cour et les condamne le plus souvent à la commise et la mort. Cette seconde phase de la répression, aussi sinon plus importante que la phase militaire, débute une fois le pays mis au pas. Gaston, ayant chassé tant des nobles félons, se fait un devoir de servir l'accusation. Plus d'une fois, il plaide auprès de son frère contre les rebelles avec une verve et un feu qui en émerveille plus d'un.
La saison des décapitations terminée, le comté redistribue la plupart des fiefs repris aux rebelles entre les Etherniens loyaux et les grandes familles odéliannes. Un domaine est donné à Gaston, mais ce dernier le vend vite à son beau-père le sire de Prademont afin de financer divers travaux qui lui tiennent à cœur.
Il avait trente ans et sa situation était bonne. Ses troupeaux avaient multiplié sous l'intendance efficace de sa dame, Méroflède. La coupe des forêts n'y était pas pour rien non plus. L'espace forestier transformé en prairies était minutieusement exploité par les colons. Enfin, des centaines de têtes, fruits des conquêtes d'Etherna, grossirent encore un peu les troupeaux de moutons, de bœufs et de chevaux dont jouissait déjà la seigneurie. Ces apports accélérèrent encore un peu la prospérité des petites bourgades naissantes, où chaque fermier avait ses propres animaux de traits. Hors son domaine, le jeune seigneur avait fait preuve de ses capacités tant auprès de Gaucelm que de Grégoire, où il avait servi d'exécutant, de constructeur, de capitaine et de prévôt. Sa vertu et son amour pour sa femme ajoutaient à la valeur de ce blond chevalier prometteur.
Les choses se stabilisant, il vaqua à ses affaires et celles du comté. Il alternait ses séjours entre le Pas-aux-Pradelles, où était son domaine, et les marches orientales du marquisat, où il supervisait sur commande de son frère l'établissement de L'Etau. La vie allait son train, comme d'habitude, les chasses laissaient place aux tournois qui laissaient place aux cercles bardiques qui laissaient place aux mariages. Il n'y avait qu'une poignée de monstres excités par la Malenuit qui maraudaient dans l'Aduram, mais on eut tôt raison d'eux. L'avenir paraissait reprendre une belle teinte.
La prospérité du marquisat d'Odélian n'était pourtant qu'une exception parmi les provinces de la Péninsule. Partout des lignées éternelles s'éteignaient, laissant place à des aventuriers sinon à de violentes purges et des guerre successorales. La disparition d'un autre Berdevin, Grégoire, laissa place à la régence de la mère de Christian, Madeleyne d'Ancenis. Le conseil et elle-même se cantonnèrent à la prudence, peu enclins à mettre le doigt de l'engrenage du chaos qui régnait dans leur voisinage. Mais c'était sans compter sur les appétits d'un des vassaux d'Odélian, Jérôme de Clairssac, seigneur d'Etherna, comme on sait (voir ici).
L'expédition de Diantra puis les Champs pourpres déterminèrent Gaston et le reste des seigneurs odélians à prendre les choses en main. Le marquisat ne pouvait se contenter de la direction d'une femme, qui leur avait au surplus tant pris ! Au retour de la marquise, on convint de la marier à Gaston, alors veuf depuis deux années pleines, et de l'acclamer marquis. Les noces furent suivies le jour même de l'hommage des Odélians à leur nouveau chef, qui jura qu'une fois dans le tombeau, le jeune Christian prendrait sa place légitime. Pendant ce temps, à Gaston de s'occuper des troubles qui menaçaient son domaine.
Et les troubles vinrent vite. A peine le bougre eut-il son cul posé sur le siège de son oncle et de ses frères qu'une nouvelle horde du Puy se forma pour prendre ce qu'ils n'avaient pu conquérir dix ans auparavant : Oësgard. Malgré les dissensions politiques qui existaient avec ses voisins, Odélian ne pouvait jeter l'éponge, et c'est à la tête de milliers de braves que le marquis Gaston joignit le seigneur de Brochant et ses alliés. Cette fois-ci, ils étaient seuls. Pas d'armées royales, ni de seigneurs suderons pour soutenir le courage du Nord. La guerre fit un grand effet sur le grand blond, tant pour sa violence que sa symbolique. Il redescendit avec ses armées avec bien des interrogations et bien des considérations sur l'état du royaume humain.
Appendice:
Ce texte n'a aucune valeur, il est ici par facilité de stockage.
Capacités magiques :
Akhyn et Moctarès, ces amis de longue date, ne se ressemblaient pas. Le premier était un moine de Mogar finissant la cinquième décade de son existence dans l'aigreur et les regrets ; autrefois fringant enfant du père des batailles, il avait juré son service perpétuel à un capitaine lors de sa révolte contre les magistrats de Thaar. Le chef rebelle avait accepté le guerrier avec une joie réelle. Trois mois plus tard, il acceptait avec un engouement égal un compromis proposé par ses rivaux, qui redevinrent ses amis.
Depuis, Akhyn payait son déraisonnable serment en vaquant aux courses de son patron le jour et en ressassant la nuit cette heure tragique où il eut la stupidité de se laisser séduire par le romantisme d'un révolté en mousse.
Il trompait l'ennui des années par quelques loisirs. D'abord, en prenant prétexte des diverses cérémonies et réunions du culte d'Othar pour se rendre sur la Péninsule de sa jeunesse et y battre nostalgiquement la campagne. Ensuite, en tentant de rompre son jurement dans l'honneur, c'est à dire par mort violente. Les sorciers, qui éveillaient en lui la plus saine répulsion et lui promettaient les meilleures chances de décès brutal, furent ses proies favorites. Si bien qu'au fil du temps et des duels emportés il se passionna pour leurs sorcelleries.
Moctarès eut un parcours inverse. En jeune mage thaari prometteur, il passa à l'ouest pour rejoindre la cour de Langehack dans l'espoir d'y briller. Sa carrière de coqueluche des salons amateurs d'illusions fit long feu mais il trouva une situation auprès d'un aristocrate admiratif, creusa son trou en tant qu'astrologue, précepteur et nombre d'autres arnaques érigées au rang de professions, fit un bon mariage et profita de ses rentes dans une oisiveté de bon aloi. Il cultivait notamment des amitiés épistolaires avec les hommes qui avaient retenu son attention durant ses voyages. Dont Akhyn.
Lequel, un jour, lui proposa de s'inviter chez lui. Quelle joie fut celle de Moctarès ! Le bougre se languissait de son cher ami, ce tueur de renom ! Il bénissait le pli qui lui apportait un tel projet. Un pareil guerrier en sa demeure, ô gloire, ô honneur ! Mais ne risquerait-il pas de faire tache, ce compagnon un peu âpre, parmi ses familiers ? Ce sévère ascète froncerait ses sourcils, c'est certain, face au sybarite sybrond cédé pour six sous au sorcier qui s'était surpris à succomber aux amours sacrilèges. Et que dirait madame Ursule, dame d'Errul, sa mortelle ennemie et voisine ? La bougresse n'attendait qu'un incident de la part du Thaari pour l'expulser et convertir son foyer en chenil pour ses monstres de toutous. Enfin, n'y aurait-il pas gêne de la part de son hôte devant le désordre de sa maison et l'embonpoint de ses servants ? Et puis surtout, une fois le bonheur des retrouvailles passé, n'allaient-ils pas finir par se regarder dans les blancs des yeux, sans mot dire, comme deux trous de balle ?
Moctarès saisissait l'importance que comportait la distance dans la belle amitié qui l'unissait à Akhyn. Il craignait aussi qu'une promiscuité toute inactive les brouillât durablement. Dès lors agit-il prudemment et proposa un voyage vers Odélia, où il avait une affaire. O.K., répondit en substance Akhyn, trop heureux de foutre le camp de Thaar pour quelques ennéades.
Voilà, en un mot ou deux, les vieux amis dans la demeure des comtes d'Odélian et participant, par la force des choses, aux libations célébrant la naissance d'on ne sait quel enfant d'un parent de leur hôte. Pour obscure qu'elle fût, la cause des réjouissances n'enleva rien à leur caractère festif. Une horde de jeunes gens rieurs, dansants, chantants, maraudeurs et fiers instillait peu à peu une atmosphère outrancière qui séduisit le reste de la maisonnée, dont les deux voyageurs. Et quand la nuit et les fûts de cervoise et de vin furent bien consommés, la foule s'égailla à travers le palais. Des silhouettes titubaient aux hasards des jardins, surprenaient des couples éphémères, s'écartaient des groupes de fiers-à-bras en mal de bagarre, chantaient à tue-tête une chansonnette à laquelle, dans la nuit, répondait un choeur de voix anonymes. Moctarès et Akhyn, assommés d'alcools, avaient décidé de faire comme tout le monde. Ils erraient, ranimés par la fraicheur et la marche, ils embrassaient d'un regard contemplatif les murs, les vergers et les filles, ils observaient les petites scènes des groupes, en spectateurs lointains et neutres, comme on regarde les braises d'un feu de joie mourant.
Ils emboîtèrent finalement le pas d'une jouvencelle qui, après leur avoir fait un signe, s'était rendue sans les attendre à l'intérieur du manoir. Malgré quelques torchères en fin de vie, ils perdirent sa trace dans les coursives encombrées de dormeurs. Mais alors qu'ils perdaient courage, le murmure d'un luth qu'on pinçait attira leurs pas jusqu'à un étroit escalier en colimaçon. Ils l'empruntèrent et la musique se fit moins indistincte. Une mélopée mielleuse se révéla. En haut de l'escalier, la voix et la mélodie prirent forme à leurs yeux. Un grand blond, les yeux plissés par la concentration ou la lassitude, couché plus qu'assis au fond d'une alcôve, caressait la lyre d'un main, et déclamait le lai de la Tisseuse Astell à Eudossys, son mari si longtemps disparu. Un parterre de jeunes gens alanguis formaient un cercle autour. Ils chuchotaient des phrases décousues ou ne disaient rien, ils buvaient distraitement, fumaient distraitement, hypnotisés. Une nymphe, au coeur, dansait mélancoliquement et donnait à l'épouse bafouée d'Eudossys une réincarnation terrestre. La donzelle faisait écho à la complainte et réverbérait les émotions qui traversaient la Tisseuse avec des expressions d'une invraisemblable réalité.
Le chant enlaça les nouveaux arrivants. Akhyn la voyait, cette pauvre fille, cette malheureuse Astell, protester de son honneur à ce mari perdu des décennies auparavant. Il ressentait son affliction avec une intensité qui le submergeait. Tout son être embrassait sa plaidoirie pathétique. Quand elle implorait qu'Eudossys la crût, le vieux moine était tordu de pitié, quand elle s'indignait qu'on l'accusa d'être déloyale envers son homme, ses poings à lui se serraient et il se jurait qu'il défendrait cette femme et sa cause contre les colères des Cinq réunis et plus encore s'il fallait. Puis vint le tour d'Eudossys. La lyre, dans un son sec, fit lever un des hommes du public. Il s'était dressé immédiatement, il s'était d'un seul coup débarrassé de ses oripeaux de spectateur passif pour entrer sur la scène. Une tension incroyable se dégageait de sa démarche et de ses gestes, qui tranchait sur la lente danse de la Tisseuse si bien qu'Akhyn crut qu'il allait massacrer la demoiselle dans son mouvement. Mais l'homme s'arrêta à grand peine, secoué par une colère que le chagrin battait en brèche. Le chant reprit sur un ton nouveau ; le rythme s'accéléra au début, manifestant les doutes du mari jaloux, puis retrouva une lenteur non plus pathétique mais sinistre. Le danseur avait les paumes sur son visage, la voix du chanteur, monocorde, commençait la liste des accusations et des témoignages et des preuves. A mesure que les charges s'amoncelaient sur les épaules d'Astell, les yeux d'Akhyn s'ouvrirent. Le doute n'était plus permis, elle était coupable. Elle avait trahi, elle était une méchante femme. Une fureur inhumaine enflait en lui, comprimée par sa cage thoracique. Il serait, et pour toujours, le plus farouche ennemi de la Tisseuse. Qu'on la tue ! Qu'on la tue ! Il n'avait jamais eu une personne plus antipathique que cette danseuse devant lui ! Qu'on la tue ! tout son esprit convergeait vers cette seule clameur. Son corps, sous le charme, refusait de lui obéir ; seuls des tremblements de colère le parcouraient.
Il fallut l'irruption d'un grand blond qui ressemblait fort au barde pour que l'envoûtement se dissipa peu à peu. Interrompant la mélopée et l'emprise qu'elle exerçait sur le public, l'apparition subite de Grégoire des Berdevin et de sa bande tira le lyrode de l'état second dans lequel il les avait tous plongé. Les deux frères s'embrassèrent et s'échangèrent des insultes, une conversation vive s'amorça avant d'emporter brusquement les Berdevin et leurs camarades vers d'autres lieux. Le brouhaha de la troupe criarde disparut et les restes du public se délitèrent. Akhyn et Moctarès partirent de leur côté. L'Estréventin souriait mystérieusement tandis que son ami essayait de comprendre comment il avait pu passer de la pitié à la haine aussi soudainement et aussi intensément. Quand il eut entièrement repris le contrôle de ses sens, il s'arrêta net et, stupéfait, proféra ce seul mot. « Magie ! » Le sourire de Moctarès s'élargit, visiblement heureux que ce moine illustre fut pris par le piège.
« Akhyn, te voilà bien eu ! Toi qui te gargarisais de ces sens tiens, trop alertes pour être piégés par les ensorcellements, tu as été la victime des illusions de ce barde comme je fus. » Mais le moine était trop absorbé par la scène qui ne voulait pas refluer de son esprit pour s'aigrir de la moquerie. Dans une curiosité panique, mille questions lui brûlaient les lèvres.
« Sa sensibilité est-elle plus ou moins grande ? Est-elle innée ou acquise ? »
« Akhyn, vois-tu, mon vieux, Hubert de Dens, le père de ces blonds que tu as vu, eut quatre fils, dont Gaston, qui t'as embobiné il y a un instant, était le benjamin. Dès le deuxième, il se promit qu'il offrirait l'un des enfants suivants au domaine du sacré. C'est qu'il en avait déjà eu deux : un pour diriger, un pour guerroyer. Au tour des choses de l'esprit et du mystère s'était-il dit. Ses aspirations décidèrent quelques savants à s'intéresser aux garçons ; car leur père était le seigneur de Dens et un puissant homme de la cour, beaucoup voyaient la belle occasion de renforcer leur temple, leur ordre ou leur cabale d'un allié. Une poignée vint dès la naissance et l'inclination du seigneur sues, et il y eut une belle dispute astrologique entre un divinateur des Wandres et un ermite adorant la sainte Deinéa. Mais les augures ne restent jamais longtemps au chevet des nourrissons ; une fois leur devis fait, ils donnent la date limite et s'en vont. La méthode a de tout temps fait des ravages : le client, fois pris par le temps, inspecte son fils avec attention, à l'affût de signes. Son esprit voit beaucoup des prédictions cryptiques que lui a fait l'aruspice, et n'aperçoit aucun progrès de la part des autres sages qui, eux, se sont installés dans sa demeure. Comme si, ne sachant pas encore ce que c'était de marcher, la chiure allait guérir les scrofules de tout l'Odélian ! Plus d'un bonhomme avait ainsi lâché sa progéniture à des coquins qui se prétendaient le don de prophétie. Mais je m'égare !
Les dieux soient loués, le subterfuge ne prit pas sur Hubert, il laissa séjourner près d'une douzaine d'entre nous sans songer à donner quoi que ce soit aux oracles. Les uns trouvèrent la concurrence trop nombreuse et partirent, d'autres décidèrent de courtiser le seigneur, les derniers, enfin, firent bloc contre les autres. Trois moines de je ne sais quelle sainte femme instiguèrent pour que leur hôte se défasse d'un mage soltaari ; le scandale prit tant d'ampleur que les Néerites durent prendre congé.
Je suivis rapidement leur chemin : le Soltaari était seul à avoir la faveur du père. Lui aussi s'en était aperçu, et ses séjours à la cour de Dens se firent plus courts et espacés. Il était sûr de pouvoir, l'âge venu, emporter l'enfant. Ses absences devinrent vite autant de brèches pour les rivaux, et il fallut que l'enfant ait quatre ans pour que l'affaire soit tranchée. Hubert, rendu circonspect par tous ces pratiquants d'arts dangereux un peu agités les uns par les autres, se tourna alors vers son beau frère, Cagmael d'Odélian. Il n'aimait pas cet homme, ou du moins l'avait-il entre la gorge ; frère du comte, barde accompli et bellâtre un peu enculé, il pouvait vous ficher un sourire moqueur au fond de la gorge. La rancune s'était accrue lorsque, malgré les nombreuses visites, le barde ne s'était jamais proposé de faire l'éducation du garnement. Hubert, révulsé qu'il doive lui-même inviter ce rogue beau-frère à enseigner à son fils, se résolut de ne pas le faire, sauf cas de force majeure.
L'incendie de Dens de 978 fut le cas de force majeure. Si j'ignore encore l'origine de ce feu, et ne peux rien affirmer positivement, sache que le Soltaari se fit de plus en plus absent et Cagmael toujours plus présent. Je ne peux pas non plus affirmer positivement que ce n'était pas qu'une histoire d'égo ou de situation qui avait mû tous ces savants à Dens, mais mon avis est que le petit avait quelque chose de spécial pour attrouper tous ces loups autour de lui. Mais importe-t-il vraiment que son esprit ait été plus ouvert aux doctrines et aux flux des arcanes ? Dès sa plus tendre enfance, on l'avait mêlé à la magie et, très tôt, il reçut les enseignements d'un maître-barde. »
« Si elle est innée, comment l'a-t-il découverte, si non comment lui est-il venus l'idée de l'entraîner ? »
« L'enfant n'eut guère de révélations quant à ses capacités lors des premières années. Son oncle Cagmael ne l'éprouvait que prudemment sur cela. Il se contenta d'abord d'entraîner son oeil à être alerte aux petits détails et aux trompent-l'oeil, d'exercer son oreille aux chants du monde et des hommes, d'habituer sa tête à la science des sons et de cultiver sa mémoire. Le petit jouvenceau rapportait le fruit de ses devoirs en récitant les textes qu'on lui avait chanté, en ramenant les petits présents que Cagmael plaçait en des lieux incongrus de la maison Berdevin, en l'alertant des fausses notes lors des veillées et en décrivant ses rêves tout en essayant de leur donner une explication. Maint jeux ponctuaient sa jeune existence et quand il excellait à un exercice, son pédagogue y substituait deux nouveaux. Ce dernier observait simplement : en bon éleveur, il inspectait la nature du poulain, sans brusquerie superflue, afin de saisir ses affinités et les exploiter au mieux.
L'enfant avait six ans quand on emmena à Dens un fougueux destrier. La superbe monture appartenait à un grand chevalier qui avait tourné brigand et qui en mourut. N'obéissant qu'à son maître, l'étalon ruait dans les brancards, et les palefreniers malmenés s'apprêtaient à demander au seigneur qu'on abatte la bête quand Gaston alla à sa rencontre. Eberlué, autant voire plus que les fils Berdevin, par l'immense cheval de guerre, il avait osé aller contre l'interdiction de leur père et approcher l'animal. Quand Hubert de Dens apprit la chose, il se rendit dans les étables où il trouva, assis près du terrible canasson, son fils. Le petit chantait une berceuse à l'animal, visiblement apaisé par la comptine. Cependant, la chansonnette finie, toute sa sauvagerie lui revint, et Gaston manqua perdre un œil lors de la ruade du gigantesque équidé. Ce fut le premier prodige que je lui connaisse. »
« Combien de temps a-t-il étudié la magie ? Où ? Auprès de qui ? était-il assidu ou plutôt cancre ? »
« Ne vas-tu pas t'arrêter avec tes questions, Akhyn ? Tu me fais perdre le fil de ma pensée. Son initiation commença vraiment à ce moment. Cagmael le prit en tant que son page, ce qui ne changea pas grand-chose à la vie familiale du gamin. Après tout, son tuteur était le premier barde de la cour d'Odélian et son père était du cercle rapproché du comte. Un petit monde en quelque sorte. Il y côtoya les adeptes des ordres bardiques comme ses frères et les autres rejetons de la noblesse odélianne. Une vie d'apprentissage tant des us locaux que des secrets des reflets et des sons débuta pour ne s'achever qu'à l'âge de ses quatorze ans. Quant à son assiduité, malgré quelques frasques dans laquelle il emporta ou fut emporté par la jeune génération d'Odelia, je ne crois pas que Cagmael ait bâclé l'éducation du jeune homme ou que celui-ci ait pris son sacerdoce à la légère. »
« Quel groupe (élémentaire, vie, immatériel) a-t-il étudié ? »
« Grande question, Akhyn, immense question ! Où s'arrête la puissance d'Arcam ? Le beau dieu connaît plus de secrets d'Aluthen que tous ses frères réunis, alors comment savoir quels chants, quels sortilèges il a mis au fond des rêves de ses disciples ?... Mais je te vois qui tiques devant ces considérations cosmologiques, aussi t'épargnerai-je : Gaston a appris les arcanes de l'esprit et de l'immanence. Son maître lui a enseigné les nombreuses disciplines qu'il maîtrisait, et certainement quelques-uns des secrets de son ordre bien que... »
« Sur quels domaines se sont centrées ses études ? Quels sont les choses qu'il réussit le mieux et celles qu'il réussit mal ou pas du tout ? »
« N'interromps pas, Akhyn, ta patience est-elle donc aussi mince que la vessie d'une jouvencelle ? J'y venais, vois-tu... Il apprit, déjà, à ne pas aller plus vite que la musique, ce qui est une chose rare dans ce monde, semblerait-il... Il brilla notamment dans l'art de l'envoûtement, par l'instrument et par la voix, comme tu as pu t'en apercevoir. Mais ses illusions n'ont jamais affecté autre chose que l'esprit et le coeur, et s'il peut déployer ses charmes pour faire mentir le touche ou la vue ou même l'ouïe, il aurait bien des difficultés à user massivement de cette tromperie. Il s'essaya également à l'ensorcellement des bêtes et des fantômes, mais ne put jamais mettre aucun esprit à son service, et les seuls animaux qui répondirent à ses ordres et ses chants furent les chevaux. Il ne commandait ni ne communiquait avec le reste des créatures de la mère des elfes. Tu te doutes donc bien que le bougre n'est pas un grand invocateur. Lui qui n'arrive pas à séduire la plus petite gerbille, il serait bien incapable de tromper les éléments, le temps et les autres choses du cosmos comme un grand mage des légendes ! Ni démons, ni tempêtes pour notre jeune barde.
Bien qu'il étudia la divination sous bien des aspects, ses prédictions, tant des rêves que des entrailles, restèrent aléatoires, pour ne pas dire nulles. Il sait reconnaître les présages dans le cours des oiseaux, des vents et des astres, autant de pratiques coincées entre superstition et pseudo-science, si tu demandes mon avis. Point de don de prophétie chez celui-ci, je le crains.
Ni invocateur, ni divinateur, il n'était pas non plus un malediseur. Je sais que les malédictions sont un art délicat, et que leur effet peut être discret ou intangible, mais, crois-moi, certaines satires des bardes nordiques peuvent avoir des conséquences qui se voient comme trois pustules au milieu du visage... Il y avait d'ailleurs un seigneur du cru qui avait offensé l'un de ceux-là, et l'Arcamant outragé plaça au fond de son oreille une hallucination pernicieuse. L'homme entendrait pour le restant de ses jours les pleurs et les cris de son nourrisson. Pas de manière continue ou bruyante, non, mais par touches, et fugacement. Le mauvais sort prit sans mal et des années après le chant du barde, le bougre avait une mine affreuse. Irascible, insomniaque, il n'était plus qu'une ombre ; seuls ses nerfs tyrannisés lui étaient restés. Il avait essayé, dans un premier temps, de dormir avec son enfant pour prouver à tous la réalité des cris, en vain. Il tenta ensuite de vivre à cent lieues de son fils, qui lui était devenu odieux. Rien ne fit l'affaire, jusqu'à ce qu'il confesse son mal à Gaston des Berdevin. Celui-ci tenta de produire divers hymnes pour défaire le charme et délivrer le seigneur, puis pour les apaiser seulement, mais sans succès. Il dut se résoudre à demander le renfort de son maître Cagmael, et tous deux chantèrent au pauvre homme la triste laie. La complainte le consola ; il pleura les cris hors de son âme. Le seigneur reprit sa vie en main, sans jamais pouvoir retenir une profonde et indicible haine pour son enfant. Voilà pourquoi, mon bon Akhyn, je ne pense pas notre bougre capable de jeter des malédictions par son talent et sa voix, car il ne fut pas même capable d'écarter seul la vilaine illusion qui assaillait le bonhomme.
Il y parvint, certes, mais aidé de Cagmael, et bien que je pense que le jeune homme fignolera bientôt ses qualités dans une telle discipline, il est encore loin de pouvoir produire les maux qu'il saura bientôt dissiper. Mais le larron, s'il n'ose guère sur l'offensive, en connaît assez long pour se prévenir de bien des sortilèges et, si tu me passes cette trivialité, comme un charcutier devant un amas de farce et du boyau saura dire "c'est une saucisse", un pratiquant de l'Art saura dire "c'est une saucisse magique". Ses sens ne peuvent pas être troublés par les illusions des arcanes, et son esprit, ouvert, s'avère aussi souple et robuste que l'acier-roi nain. On ne trompe pas aisément un adepte du dieu des tromperies.
Et s'il n'est pas capable par sa voix de retourner les boules de flamme et les tempêtes contre leurs instigateurs, s'il ne peut pas dissiper du seul son de son instrument les sorts qui sont jetés, il use un chemin plus pervers et, au lieu d'évanouir foudre et grêlons, il se contente d'enfoncer dans la caboche de son adversaire quelque air, quelque refrain. Trois notes bien appuyées, et l'on se retrouve avec une mélodie qui décontenance et brise la concentration de celui qui l'a attrapé.
Les autres écoles des illusions et des conjurations n'ont jamais trouvé leur place auprès de lui, bien qu'il les ait étudié. Aucune ombre n'est jamais née de ses fredonnements, ni aucune lumière, et les miroirs, s'il s'en méfie comme la peste, ne se sont jamais laissé pénétrer par ses regards. L'art de s'introduire dans l'esprit d'un autre homme d'un seul regard ne lui a jamais été accessible, malgré de nombreuses tentatives ; il ne peut pas forcer à connaître les idées d'un homme, juste à les instiller.
Quant aux Arts élémentaires et aux magies blanches, malgré un grand intérêt théorique dû à son cursus, un ou deux essais manqués l'ont détourné de ces disciplines. »
« Qu'est-ce qu'il aimerait apprendre ? Quels sont ses motivations et ses buts par rapport à la magie ? »
« Ce qu'il aimerait apprendre ? Tout ! Aucune magie ne l'ennuie, et il aimerait les saisir toutes. Elles sont pour lui autant de clefs qui permettent de passer outre l'obscurité et comprendre l'essence des lois du monde. Chaque discipline, qu'elle soit divine ou profane, est un fragment du miroir reflétant la divinité qui régit l'univers. Il n'en reste pas moins un fils du nord : pour lui, la magie n'a d'autre source que le divin, aussi malgré une fascination galopante, les écoles qui s'écartent d'une certaine vision des dieux n'ont pas sa faveur, voire écopent carrément de son inimitié. Mais il y a encore tant de choses qu'il aimerait savoir et maîtriser ! Des choses qui sont à sa portée, qui plus est ! Tromper les sens, les animaux, jeter de mauvais charmes ou les annuler sont autant de chemins sur lequel il ferait bien de persévérer. »
« Quelles sont ses capacités ? Est-il plutôt concentré ? Endurant ? Est-il du genre tête brûlé ou prudent ? » Elles sont grandes, Akhyn ! S'il n'est pas l'élu de tous les ordres bardiques de ce siècle, il est bien capable, ce petit, et d'une pugnacité à faire pâlir un nain ! Son Art est pour lui un style de vie, il semble toujours à l'écoute de ce monde, à l'affût d'une situation cocasse ou d'un paysage tragique. Le garnement est travailleur, et déterminé à en apprendre le plus possible avant d'aller aux Enfers ! Sa soif est inextinguible. Heureusement, l'occulte est intarissable. »
« Quel focaliseur utilise-t-il ? Préfère-t-il les rituels ou l'improvisation ? »
« Akhyn, Akhyn... n'ai-je pas répondu à assez de tes questions ? Il est tard, ma salive se fait rare... Soit. Je crois que c'est une lyre, sa lyre, qui focalise l'énergie qu'absorbe sa voix, et c'est le rythme qu'il impose à son instrument qui l'aide à confectionner ses charmes. Je l'ai pourtant déjà vu improviser, mais les résultats sont plus mineurs ; tandis qu'avec sa lyre... ma foi, il pousse de beaux et grands chants. »
« Quelles sont ses habitudes ? Ses incantations ? La gestuelle qu'il utilise ? »
« Allez ! Laisse-moi à la fin, vieux questionnaire ! Que veux-tu qu'elles soient, ses habitudes ? Ce sont celles de son cercle, de son ordre bardique, celles qui furent celles de son maître Cagmael auparavant. Et comment veux-tu que je les connaisse ? Les bardes sont des êtres secrets, bien rares sont les intrus qui ont pu rapporter leurs pratiques et leurs mystères. Quant aux incantations, quant aux gestes, que te faut-il de plus que sa voix qui psalmodie et sa main qui danse sur les cordes ? »
« Comment perçoit-il la magie ? A-t-il des théories, des avis particuliers ? »
Ca suffit à présent ! Je n'en peux plus, Akhyn ! Ce sont tes dernières questions car aux autres je n'y répondrai pas ! Et qu'est-ce que c'est que cette question ! Des théories, il en a mille, comme chaque sorcier ! Comme bien des hommes du nord, il conçoit avec une méfiance presque dégoûtée les magies profanes, bien que teintée de fascination. Ceux qui sortent du carcan des vieilles croyances locales entachent l'essence divine et courroucent les dieux. C'est du moins ce que leur mirent dans la tête les bardes. »
Lœthwil
Ancien
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Sujet: Re: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Mar 21 Nov 2017 - 20:29
Petit passage pour savoir si notre tête blonde est satisfaite de sa MAJ ou s'il lui reste encore à écrire o/
Gaston Berdevin
Humain
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Sujet: Re: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Mer 22 Nov 2017 - 3:16
Yep, c'est mis à jour.
Lœthwil
Ancien
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Sujet: Re: Gaston Berdevin, marquis d'Odélian [Misajouret] Jeu 23 Nov 2017 - 9:57
Du coup, c'est reparti !
Victoria di Maldi
Ancien
Nombre de messages : 954 Âge : 124 Date d'inscription : 26/06/2016
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 31 ans Taille : 1m75 Niveau Magique : Arcaniste.
Nous t'invitons à écrire la manière dont Gaston perd/donne ses titres.
Ancienne fiche:
Gaston Berdevin a écrit:
Nom/Prénom : Gaston de Dens, Gaston de Ferre, Gaston d'Odélian, de la maison Berdevin. Âge/Date de naissance : Trente six-ans, né en Oglicos de la sixième ennéade de Karfias en l'an 974. Sexe : Fort. Race : Humaine. Faction : Péninsule. Particularité : Passion pour les chevaux.
Alignement : Neutre. Métier : Marquis d'Odélian Classe d'arme : Corps à corps.
Équipement : Frères et père lui ont laissé de nombreuses choses en héritage. En premier lieu, Odélian. Son frère Gaucelm lui refila la chevalière des Berdevin, qu'il tenait lui-même de leur père, ainsi qu'une chaîne d'or symbolisant le rang de comte d'Odélian, que lui avait légué leur oncle. Grégoire, en plus de nombreuses bosses et cicatrices, semble lui avoir offert Accalon la Pourfendeuse, épée et grande compagne de son frère. Plus tard, Gaston le petit frère décida avec la bénédiction des autres grands seigneurs du pays, de faire main basse sur la femme de Grégoire, Madeleyne d'Ancenis. Après ces objets hautement symboliques, à citer une belle armure, présent de Gaucelm lors de l'adoubement du benjamin des Berdevin. Une lyre, présent de son mentor, Cagmael d'Odélian.
Description physique : Il y avait quatre frères : deux gros et deux rocs. Gaucelm et Philinte faisaient partie de la première, Gaston, au côté de Grégoire, faisait partie de la seconde catégorie. Du plus tôt qu'il se souvienne, il s'est toujours bagarré avec le reste de ses frères, même lorsque Gaucelm fut appelé à des choses plus hautes. Son enfance ne fut, de son souvenir, qu'un vaste champ de bataille où la palme allait à qui mettait les gnons les plus épicés puis les estafilades les plus dégoulinantes. La race était batailleuse et les conflits aussi nombreux qu'éphémères. Ajouter à ça les chasses, les voyages infinis, les guerres et les réunions de famille. La vie somme toute rustique de Gaston trouve un reflet fidèle dans sa carrure. Le bougre n'était pas né petit, mais la mère Berdevin connaissait la musique depuis son premier, Gaucelm. Tous ses fils avaient pris de la place dès le départ, Gaston n'avait pas été l'exception. Il faillit la mettre en tombe en entrant dans le berceau, mais la fière femme, forte d'une résilience péniblement acquise, n'eut pas l'inconséquence de laisser ses quatre petits béliers sans pasteur. Elle ne prit pas encore son repos, tint bon et leur fit payer la vie qu'ils lui devaient tous.
Soyez lâches et je vous donnerai aux bêtes d'Arcam l'Ennemi à la lisière des champs, telle fut en une phrase l'éducation qu'inculqua Sichilde la blonde à ses enfants. La jeune mère, devant l'ampleur de sa tâche, décida d'élever ces petits boucs ombrageux avec un peu d'amour maternel et beaucoup de sévérité maternelle. Sa main de fer était gantée de soie et tenait une badine que les fils Berdevin redoutèrent vite. Aussi apprirent-ils très tôt, par les rivalités fraternelles et les sévices qui en résultaient, la valeur de la piété familiale, du mépris du confort, de la loyauté et, par dessus tout, d'une saine concurrence entre eux. Et malgré les coups et les corvées, ils ne pouvaient s'empêcher de se défier dans des épreuves de force et d'autres incartades systématiquement punies.
A peine sortis des jupes de leur maman qu'ils s'étaient déjà arrogés une réputation de dangereux petits cons, et quand ils joignirent la cour du comte, arène autrement plus peuplée que la halle de Dens, c'était parmi une armée de pages et d'écuyers qu'ils purent briller dans les rixes entre bandes de jeunes gens. L'enfance brouillonne laissa place à une adolescence bouillonnante : on s'affrontait à grand renfort de prétextes futiles, pour l'amour de la chose. On faisait grand cas du mérite guerrier, du courage physique et de la force morale dans la région d'Odélian, à la campagne et à la cour particulièrement, où on n'a que ça à foutre.
Les habitudes martiales de sa jeunesse lui restèrent, et il est rare qu'il se passe un seul jour sans que le marquis ne s'astreigne ou ne s'amuse à quelque exercice physique. Son corps est charpenté d'épaules larges qui abritent une taille épaisse. De ses bras bosselés à son cou de bœuf, le larron a un physique qui dégage quelque chose de robuste et de puissant. Sa hauteur, qu'il partage avec bien de ses frères, ajoute à cet effet de puissance corporelle qui auréole le grand blond. La carcasse toute en force détonne carrément avec le visage délicat du seigneur. Une mâchoire carrée, qui passe pour une crête menue face à son col bovin, forme le triangle qu'une barbe fournie habille. Encerclée par un poil blond et abondant, sa bouche, longue et fine, est surplombée par un nez droit, petit, qui incline vers l'aquilin. Lequel nez sépare en deux yeux un regard châtain qui n'est sauvé du quelconque que par le reste du visage, qui lui donne, en certaines circonstances, par la tendresse de son expression naturelle, une beauté aigre-douce, quelque chose de quiet et d'un peu triste.
Description mentale :
Il y avait, parmi les plus anciens camarades de Gaston, une anecdote dont la cause était encore bien mystérieuse. On avait tous dans les quinze ans, on se rendait aux joutes de Brochant ; ces quelques jours de route entre armures visqueuses de transpiration donnait à la troupe une atmosphère fanfaronne et des envies d'aventures. Quand, un jour qu'on tapait le carton en campant aux lisières des futaies de Pélanchon, Gaston se lève soudain, attrape sa lyre et la fracasse contre une roche. Raoul de Prademont voulut connaître le pourquoi du comment, essaya de tirer les vers du nez, insista, la chose s'envenima en bagarre et se conclut sur un bourre-pif de l'interrogé, qui promit au reste des compagnons un même marron si on cherchait à savoir ses affaires. L'accès de colère éclata rapidement, et le lendemain, Prademont eut sa revanche en démontant le massif Gaston lors des joutes. Raoul en resta donc là, mais le souvenir de ces gnons issus d'il ne savait trop quoi lui revenait de temps en temps, et ce n'est que bien des années plus tard, alors qu'ils étaient devenus beaux frères, qu'il put apprendre de Gaston le fameux pourquoi du comment. Le bougre avait reçu, quelques mois avant la bagarre, un billet de la sœur même de Raoul. Les deux jeunes gens avaient dès leur première rencontre lié une passion toute adolescente l'un pour l'autre, et une fresque d'événements aussi insignifiants que multiples firent et défirent leurs amours en dent de scie. Ce billet de la fille était un de ces énièmes adieux larmoyants dont le couple avait le secret. Cela plongeait les deux amants dans la plus terrible affliction jusqu'à ce qu'ils se remettent ensemble. Si Méroflède, la fille, laissait exploser son chagrin dans l'abri de ses appartements, Gaston, lui, avait tendance à garder ça en dedans, à refouler la chose le plus longtemps possible jusqu'à ce que son flegme se craquelle et qu'une colère torrentielle surgisse des brèches.
Ces surchauffes étaient d'autant plus surprenantes que Gaston bénéficiait d'une rare maîtrise sur lui-même. On l'avait astreint, dès son plus jeune âge, à exercer son corps et sa voix à exprimer ce qu'il souhaitait. Le miroir fut son plus lointain et sévère compagnon en ce qu'il jugeait sans fard le reflet de Gaston et semblait toujours trouver à redire sur ses gestes, ses mines, ses sourires, ses poses et ses regards. A la lueur des bougies, dans la lumière de l'aurore ou auréolé de la gloire du soleil de midi, le larron s'était échiné sans relâche à copier la démarche de son maître d'arme, la grâce de son maître de danse ou l'allure de son maître-barde. Il avait blanchi bien des nuits pour parfaire son regard courroucé, à la manière de son père, ou son air contrit, comme cette rouée de nourrice le faisait si bien.
Non pas qu'il était amoureux de lui-même plus qu'un autre, mais les expressions des humains éveillaient chez lui une fascination réelle tout comme les histoires qu'elles portaient. Chaque rencontre était l'occasion de dépecer une situation sociale ou de déchiffrer un masque plus ou moins volontairement endossé. Il singeait ensuite les expressions qu'il trouvait particulières, mimait et les timbres qu'il glanait au gré des conversations, répétait des discours retenus et ce avec des intonations drôlement ressemblantes. Cette curiosité pour les rôles et les faces fit de lui un genre de spectateur ultime. Déjà enfant, il ne semblait être que l'ombre silencieuse de ses frérots, et l'adolescence, où une voix en zigzag le rendit totalement taciturne, laissa place à un individu tout en discrétion. Il se réservait certaines choses et quand on l'interrogeait à un sujet auquel il ne voulait pas se mêler, il s'évadait avec une pirouette. Il préférait observer la plupart des conversations mondaines ou, quand les circonstances l'exigeaient, les orientait sur des plaisanteries, des lieux communs ou des questions. La situation familiale a également joué sur l'attitude expectative du jeune homme. Il a longtemps été un second couteau, le lieutenant de ses autres frères, leur témoin et leur exécutant ; lui s'effaçait jusqu'à ce que le champion d'Odélian ou le seigneur de Dens lui affecte un rôle. Il s'était habitué à cette situation de dépendance en s'apercevant qu'il existait un certain confort à incarner tel ou tel vêtement au gré des circonstances.
Il n'est pas non plus un mur. Certaines conversations le passionnent, mais ce sont souvent des discussions techniques, des spéculations de maître ou des cours d'érudits. Dans ces conférences, souvent en petit comité, il se plonge dans une profonde concentration et s'imbibe des enseignements qu'on peut lui apporter, rebondit sur les concepts par une question, une remarque. Il n'est pourtant pas très influençable ni même impressionnable, et lorsqu'on lui rapporte une chose, il demande des preuves ou du moins des faits tangibles pour étayer ce qui est avancé. Quand, au contraire, il a son mot à dire dans une dispute, ses talents d'orateur sont parfois mis à la disposition d'un entêtement que peu de gens, hors les cercles de savants qu'il fréquente, lui connaissent. Sa langue claque, des moqueries fusent, il persifle et déstabilise son adversaire. Sa mauvaise foi est diffuse, il la remâche souvent, la ressasse ; il peut s'y enfermer.
Cet entêtement se retrouve dans une véritable pugnacité. Le jeune blond n'est pas du genre à lâcher l'affaire. S'il ne fait pas régulièrement parler de lui par des coups d'éclat, il apprécie les labeurs de longue haleine, que ce soit l'exégèse intégrale des papyrus de Shéoth'Raept, l'apprentissage des douze mille pieds de chacun des cinq Cycles des guerres du Grand Unvan ou encore l'aménagement urbain d'un territoire. Sa patience se reflète le mieux avec ces œuvres de marathonien dans lequel son caractère excelle.
Histoire : On dit qu'il est né le même jour que le roi des elfes Telrunya est mort, mais onze plus tard. Certes, ça nous fait une belle jambe, mais c'est une amorce comme une autre. Ainsi Gaston naquit à Odelia, de sa mère Sichilde des Asovia et Hubert des Berdevin. C'avait fait un moment que ces deux puissants clans ne s'étaient pas retrouvés dans les liens du mariage. L'amitié entre le comte et Hubert aidèrent à la chose. Le nourrisson et la mère restèrent un temps à la cour avant de rejoindre Dens. La mère, toujours plus éprouvée à chaque nouvelle naissance, accusa le coup un sacré temps. Elle reprit vite le poil de la bête, comme on sait, et une fois la première éducation de ses enfants faits, elle laissa partir ses petits hommes vers Odélia pour qu'ils fassent leur pagerie. Chacun prit ensuite des chemins plus ou moins différents : Gaucelm resta auprès de leur père afin d'apprendre les arcanes du pouvoir, Grégoire fut pris sous l'aile du seigneur d'Odélian, Philinte fit quelque chose, Gaston devint l'écuyer du seigneur d'Assar, Jehan de Rochefort.
Sa chevalerie acquise en 990, sur ses seize ans, il accepte une proposition de son maître Cagmael qui lui fait entreprendre un voyage initiatique les menant dans les divers pays de la Péninsule et des royaumes voisins pendant près de deux ans.
En 993, à l'âge de dix huit ans, il épouse Méroflède de la maison Prademont, qui lui apporte une importante dot constituée de quelques villages du Pas-aux-Pradelles, la mince trouée qui perce la forêt du Pélanchon et relie les pays serramirois à Odélian. Aux limites des bois, les communautés ne demandaient qu'à croître sous la direction d'un seigneur. Celui-ci ne se fait pas prier. Le comté d'Odélian a toujours été une terre de pionniers, et il n'y a pas un propriétaire qui ne se gargarise pas d'avoir étendu les frontières de ses pâtures et donc les terres des humains. Néera bénit ses enfants en les multipliant, telle est la croyance locale, et les grands travaux de voirie de l'époque partagent cette idéologie civilisatrice. Les premières années des noces font passer au barde l'envie d'errer. Des enfants naissent, les essartages et les incendies prennent de l'ampleur. Une forêt clairsemée laisse place à de nouveaux villages. Le domaine s'agrandit.
Un nouveau voyage, en 996, pour assister au couronnement du roi des nains Garmin le sort une nouvelle fois de ses pénates pour quelques mois, et à peine est-il de retour que l'invasion eldéenne du printemps 997 le renvoie sur les chemins pour la guerre.
Les circonstances de 998 rappellent une fois encore le seigneur de Ferre à ses devoirs, et lorsque Gaucelm met en branle l'oste d'Odélian contre les parjures d'Etherna, il offre un commandement à son frère Gaston, qui sert d'avant-garde des troupes. Commandement, le mot est fort : Gaston se retrouva avec un fort parti de cavaliers et tâcha du mieux qu'il peut de donner l'avantage tactique aux gros des forces à venir. Les chevaux se déversent alors dans le pays éthernien et on compte les escarmouches par dizaines. La troupe, en fin de compte, parcourt un tel chemin qu'elle conclut sa campagne sur la prise d'Ack l'inexpugnable.
Etherna mise au pas, Gaston y séjourne un temps auprès de son frère Grégoire, qui y gouverne. Chargé de différentes missions, il jongle entre les sièges contre les derniers récalcitrants et l'organisation des travaux de voirie, tradition odélianne depuis les politiques d'Hubert Berdevin, qui relierait Etherna au reste du comté. L'affaire est intéressante et lucrative et Gaston prend ses aises. Il devient le truchement nécessaire entre les artisans et les juteux contrats de reconstruction d'Etherna. Curieux depuis ses projets de colonisation du Pélanchon sur les sujets d'architectures, cette occupation lui permet d'approfondir ses connaissances tout en ponctionnant les deniers publics.
Le Voile, en l'an 2, le détourna un temps des projets publics et, encore sur l'invitation de Cagmael, il se joignit à un groupe de bardes cherchant à célébrer Arcam au fin fond d'Aduram. Ce qui ne devait être qu'une éclipse millénaire se transforma en un mois étrange, très étrange. Trop étrange pour qu'il soit développé ici en bonne et due forme.
De nouveaux événements à Etherna interrompent sa quête mystique et ses errances forestières : les bourgeois de la ville, que les dernières infrastructures odéliannes enrichissent et qu'une poignée de nobles revanchards aiguillonnent vers de mauvais chemin, veulent profiter des dérèglements dus à la Malenuit pour rompre leurs serments. La réaction ne se fit pas attendre, et les Odélians, dirigés cette fois par le comte Grégoire, réinstaurent la loi, d'abord dans la cité, qui s'incline vite et accepte la punition, puis à travers les campagnes, où les derniers seigneurs rebelles à l'autorité des Béliers ont retraité. Les campagnes de siège durent des mois ; Gaston y fait ses armes en tant que quartier-maître des armées. D'abord affecté au fourrage, il organise rapidement les voies de communication entre les bases arrières et une multitude de sièges puis s'affaire à l'organisation concrète de nombreux dispositifs poliorcétiques. Les petites places fortes ne sont pas très garnies, mais cette fois-ci, on n'offre aux insurgés aucune reddition honorable. Quand ils se rendent, les barons révoltés sont menés pieds et poings liés à leur seigneur le comte, qui les juge avec sa cour et les condamne le plus souvent à la commise et la mort. Cette seconde phase de la répression, aussi sinon plus importante que la phase militaire, débute une fois le pays mis au pas. Gaston, ayant chassé tant des nobles félons, se fait un devoir de servir l'accusation. Plus d'une fois, il plaide auprès de son frère contre les rebelles avec une verve et un feu qui en émerveille plus d'un.
La saison des décapitations terminée, le comté redistribue la plupart des fiefs repris aux rebelles entre les Etherniens loyaux et les grandes familles odéliannes. Un domaine est donné à Gaston, mais ce dernier le vend vite à son beau-père le sire de Prademont afin de financer divers travaux qui lui tiennent à cœur.
Il avait trente ans et sa situation était bonne. Ses troupeaux avaient multiplié sous l'intendance efficace de sa dame, Méroflède. La coupe des forêts n'y était pas pour rien non plus. L'espace forestier transformé en prairies était minutieusement exploité par les colons. Enfin, des centaines de têtes, fruits des conquêtes d'Etherna, grossirent encore un peu les troupeaux de moutons, de bœufs et de chevaux dont jouissait déjà la seigneurie. Ces apports accélérèrent encore un peu la prospérité des petites bourgades naissantes, où chaque fermier avait ses propres animaux de traits. Hors son domaine, le jeune seigneur avait fait preuve de ses capacités tant auprès de Gaucelm que de Grégoire, où il avait servi d'exécutant, de constructeur, de capitaine et de prévôt. Sa vertu et son amour pour sa femme ajoutaient à la valeur de ce blond chevalier prometteur.
Les choses se stabilisant, il vaqua à ses affaires et celles du comté. Il alternait ses séjours entre le Pas-aux-Pradelles, où était son domaine, et les marches orientales du marquisat, où il supervisait sur commande de son frère l'établissement de L'Etau. La vie allait son train, comme d'habitude, les chasses laissaient place aux tournois qui laissaient place aux cercles bardiques qui laissaient place aux mariages. Il n'y avait qu'une poignée de monstres excités par la Malenuit qui maraudaient dans l'Aduram, mais on eut tôt raison d'eux. L'avenir paraissait reprendre une belle teinte.
La prospérité du marquisat d'Odélian n'était pourtant qu'une exception parmi les provinces de la Péninsule. Partout des lignées éternelles s'éteignaient, laissant place à des aventuriers sinon à de violentes purges et des guerre successorales. La disparition d'un autre Berdevin, Grégoire, laissa place à la régence de la mère de Christian, Madeleyne d'Ancenis. Le conseil et elle-même se cantonnèrent à la prudence, peu enclins à mettre le doigt de l'engrenage du chaos qui régnait dans leur voisinage. Mais c'était sans compter sur les appétits d'un des vassaux d'Odélian, Jérôme de Clairssac, seigneur d'Etherna, comme on sait (voir ici).
L'expédition de Diantra puis les Champs pourpres déterminèrent Gaston et le reste des seigneurs odélians à prendre les choses en main. Le marquisat ne pouvait se contenter de la direction d'une femme, qui leur avait au surplus tant pris ! Au retour de la marquise, on convint de la marier à Gaston, alors veuf depuis deux années pleines, et de l'acclamer marquis. Les noces furent suivies le jour même de l'hommage des Odélians à leur nouveau chef, qui jura qu'une fois dans le tombeau, le jeune Christian prendrait sa place légitime. Pendant ce temps, à Gaston de s'occuper des troubles qui menaçaient son domaine.
Et les troubles vinrent vite. A peine le bougre eut-il son cul posé sur le siège de son oncle et de ses frères qu'une nouvelle horde du Puy se forma pour prendre ce qu'ils n'avaient pu conquérir dix ans auparavant : Oësgard. Malgré les dissensions politiques qui existaient avec ses voisins, Odélian ne pouvait jeter l'éponge, et c'est à la tête de milliers de braves que le marquis Gaston joignit le seigneur de Brochant et ses alliés. Cette fois-ci, ils étaient seuls. Pas d'armées royales, ni de seigneurs suderons pour soutenir le courage du Nord. La guerre fit un grand effet sur le grand blond, tant pour sa violence que sa symbolique. Il redescendit avec ses armées avec bien des interrogations et bien des considérations sur l'état du royaume humain.
Des vieux chevaliers & des jeunes chevaliers Le 4ème jour de la 2ème ennéade de Bàrkios, 9ème année du 11ème cycle. Automne. A Dens.
De graves nouvelles arrivaient de l’ouest. A Sainte-Berthilde, le marquis Godfroy s’éteint, tandis qu’à Etherna, Jérôme de Clairssac abdique son titre de baron en faveur de son frère Guillaume. La situation déjà compliquée du nord devient explosive et amène Gaston à prendre des mesures. Pour clarifier la situation successorale d’Etherna en particulier et les positions du marquisat en général, il mande à tous ses vassaux de rejoindre la cour à la troisième ennéade du mois. Suspectant un empoisonnement du marquis de Sainte-Berthilde, il ordonne à ses espions d’enquêter sur la population de sa capitale Odelya, notamment les apothicaires, cache Christian au Gatthoron et envoie ses agents tisser des réseaux de renseignement à Olyssea, Sainte-Berthilde, Arétria, Serramire, Alonna et Isgaard.
"Lors de la tenue de la cour d’Odelya, Gaston reprend le titre de baron d’Etherna et reçoit l’hommage-lige de ses vassaux odélians et étherniens ; il restaure également les taxes que son frère avait retiré aux seigneurs étherniens. Il fait ensuite interroger les témoins ayant vu l’épave de la galère censée transporter le roi Bohémond et sa mère quand ils fuirent la capitale à l’arrivée des troupes du comte de Velteroc. Les témoignages le convainquent que le roi n’était pas à bord du dit navire ; le marquis Godfroy, qui avait prétendu recueillir Bohémond, lequel mourut peu de temps plus tard sous son toit, s’était donc livré à une supercherie visant à faire disparaître son roi et suzerain selon Odélian. Cette décision renforce l’hypothèse que le roi est bel et bien vivant à Merval, qui sera plus tard reconnu comme le véritable Bohémond. Quelques remous agitent cependant la session de la cour : lorsque Gaston déclare que Jérôme n’avait pas tenu les promesses qu’il lui avait faites mais qu’il était prêt cependant à l’entendre de vive voix et à être convaincu de sa bonne foi, la discorde se répand. Trois de ses vassaux étherniens nient devant la cour que Gaston est leur seigneur malgré leur hommage ; ils sont condamnés à la mort pour parjure et félonie. Un climat de sédition règne.
Titre provisoire Le 1er jour de la 6ème ennéade de Bàrkios, 9ème année du 11ème cycle. Au donjon d'Etherna.
La cour s’établit ensuite dans la ville d’Etherna. Pendant que le marquis, accompagné de quelques seigneurs et chevaliers, inspectait les bordures d’Aduram afin d’approfondir leur connaissance de cette terre, le seigneur de Caerlyn manigance avec les Berthildois pour ravir la baronnie d’Etherna à Gaston et emmène de nombreux seigneurs étherniens dans sa conspiration. Après l’adoubement de ses fils et neveu, respectivement Hubert Berdevin et Hadrien de Rochefort, Gaston accorde son pardon aux félons qui lui demandent en échange d’un pèlerinage et d’un fait de bravoure. L’un d’entre eux cependant, malgré les insistances de son père le seigneur d’Argon, persiste et signe. L’hostilité est palpable. Le seigneur de Caerlyn, que le marquis espère mettre à la tête de la baronnie, refuse l’hospitalité de son seigneur, suivi de nombreux autres Etherniens. Les paroles de Serramire, ainsi que des mouvements aux frontières, finit de mettre Odélian sur le pied de guerre. La garnison d’Etherna est supplantée par des Densois fidèles au marquis tandis que les milices sont envoyées à Odélian à la poursuite de brigands. A toutes les marches de son pays, Gaston renforce messagers et sentinelles, tandis que sa flotte croise dans le golfe afin de l’alerter de mouvements navals suspects.
Même les bourgeois d’Etherna, à qui est accordée une charte par le marquis élargissant leurs droits et devoirs, laissent déjà transparaître des velléités exorbitantes. Après une tension mortifère, l’orage arrive. Quelques jours après la revue des troupes du marquisat menée à l’occasion de la cour plénière réunie à Etherna, les armées des nobles étherniens se dispersent et se réassemblent à Caerlyn, venant soutenir des milliers de soldats arrivés d’Olyssea et de Sainte-Berthilde. Dans le même temps, des troupes transbordent le fleuve de la Siriliya ; débarquant des forêts d’Aduram, les guerriers mettent à sac les villages les plus isolés, forçant une moitié des Odélians mobilisés par la revue à rejoindre leur terre et à mettre les provisions du pays à l’abri.
En été, fais ce qu'il te plaît. En hiver, fais comme Fabienne. 1ère ennéade de Verimios, 9ème année du 11ème cycle. Hiver. Au donjon d'Odelya.
Un malheur n'arrive jamais seul. Entre les rebelles d'Etherna, enhardis à la sédition par le voisin berthildois, c'est l’hiver qui s'invite à la partie. Face à la tourmente, Gaston est contraint à une pénible guerre. On achève de rassembler les vivres en vue de sièges, la gueusaille s'amasse derrière les murs des bourgs. Le pays d'Odelian, épargné par les ravages de la guerre une décade durant, se claquemure contre des ennemis soudainement nombreux et vindicatifs. Quelles autres options ont les braves gens, sinon faire le dos rond face à la tempête ? Or, les Cinq ont fait de celle-ci un ouragan. Bientôt, c'est en creusant leur chemin à travers les congères que la roture s'en vient chercher l'abri des châteaux. Derrière les hautes murailles d'Odelya, on inventorie les vivres au son des hurlements des loups de la lande.
L'hiver, cependant, met également un frein aux ambitions des rebelles. Au pays de l'Etherne, le conflit s'est plongé dans la torpeur. Chacun se toise en chien de faïence, de ses remparts respectifs, à travers un autre mur de neige. Les ambassades restent lettres mortes. Comment leur en vouloir ? Seul un fol mènerait ses troupes à travers pareil hiver. Pourtant, à la veille de celui-ci, les Etherniens avaient bel et bien pris les armes. Gaston connaît désormais l'artifice derrière cette cabale ; il ne devine plus la main berthildoise, elle se révèle désormais. Puisque les rebelles ont fondé leur sédition sur un parrain puissant, le marquis se tourne alors en quête de son propre protecteur. Il envoie ses émissaires à Merval auprès du Chancelier Roderik, qui leur fait bon accueil et condamne les rebelles. La couronne, malgré son apparente faiblesse, a-t-elle encore le pouvoir de faire respecter la paix du Roy et ses édits ? Quelques ennéades après, le régent de Sainte-Berthilde met fin à son expédition en Etherna, laissant les rebelles seuls face à Gaston.
Au pays de Diantra où s'étendent les ombres. Le 1er jour de la 2ème ennéade de Karfias, 10ème année du 11ème cycle. Hiver. Au donjon d'Odelya.
L'hiver, qui avait mis un coup d'arrêt aux hostilités, redoubla de vigueur. Dans la lande éthernienne, on ne songe guère plus à s'affronter, mais l'on n'a pas signé la paix pour autant. C'est que chacun est livré à ses propres ennemis. Le froid et le brigandage ont pris le pays à la gorge. La guerre, ses fifres et ses bannières, ne sont point venus, en lieu et place de quoi s'est-on contenté de la neige et des rondes sans fin sous celle-ci. Les armées hivernent, le moral est mauvais. Dernier de ses voisins à ne pas s'être mêlé des affaires d'Odelian, le marquis de Serramire contacte Gaston, lui proposant une entraide contre les rigueurs de l'hiver. L'offre est inespérée : entouré d'ennemis, le Berdevin accepte la main tendue de son ancien rival. Il s'ensuit une purge conjointe des bandits ravageant le Nord, tandis que l'hiver, lui, se montre pour une fois utile en dératisant la vermine. Contre toute attente, en dépit de toutes les précautions de Gaston, la nourriture était venue à manquer. Du Nord parviennent les vivres nécessaires à Odelian pour la fin de l'hiver.
Les rebelles, au pays de l'Etherne, ont eux aussi joui de l'aide d'un voisin puissant. Approvisionnés par le Berthildois, ils ont patienté tout le long de l'hiver. C'est que les séditieux ont imité Gaston et pétitionné eux aussi la couronne, mais avec un temps de retard. Le Berdevin s'est d'ores et déjà acquis les faveurs du Chancelier, c'est lui qui mène la danse. Quand l'ambassade éthernienne s'en revient du Sud, elle revient avec de mauvaise nouvelle. Un vent d'abandon souffle sur la coterie rebelle.
Trahison et disgrâce À la 2ème ennéade de Karfias, 10ème année du 11ème cycle. Hiver. À Etherna.
Il n'en fallut guère plus. Des murailles d'Etherna, on voit ainsi le soufflé retomber sans qu'on ait eu rien à faire. Les rebelles se divisent d'abord, se poinçonnent ensuite. Motivée par le seul appui despuissances voisines, la cause éthernienne ne survit pas à son abandon. On se serine entre partisans de la reddition et derniers irréductibles ; ceux-là, finalement, sont livrés au donjon du marquis par les premiers. Gaston se garde bien de célébrer cette amère victoire. La cabale, certes, s’est éteinte, mais lui lèche encore ces plaies que l'hiver a causées. Bientôt son nouvel allié exigera en contrepartie de son soutien qu'il rejoigne la guerre dans le Médian, or Gaston ne triomphe que d'une maison branlante. Il lui faut temporiser : on annonce une cour de justice pour le printemps. Bien décidé à mettre à profit ce temps que la reddition des éthernien lui a octroyé.
L'expérience des précédentes cours a en effet appris à Gaston que la justice seule n'avait empire sur l’oreille de ses mauvais vassaux. Aux plus virulents séditieux, on montre le chemin des geôles, tandis que les modérés, à l'image du cadet des Clairssac, sont logés au château d'Etherna. On ordonne des questeurs et des justiciaires chargés de démêler le vrai du faux, de trouver les origines de la cabale. Il plairait au marquis d'étêter toute cette bande de traître indistinctement, mais l'entreprise de justice lui offre un surplus de temps. Il investit les places fortes des vaincus, démobilise les troupes ennemis. Dans les bourgs, la milice rend les armes, qu'on met sous bonne garde dans des arsenaux défendus par des hommes loyaux.
Appendice:
Ce texte n'a aucune valeur, il est ici par facilité de stockage.
Capacités magiques :
Akhyn et Moctarès, ces amis de longue date, ne se ressemblaient pas. Le premier était un moine de Mogar finissant la cinquième décade de son existence dans l'aigreur et les regrets ; autrefois fringant enfant du père des batailles, il avait juré son service perpétuel à un capitaine lors de sa révolte contre les magistrats de Thaar. Le chef rebelle avait accepté le guerrier avec une joie réelle. Trois mois plus tard, il acceptait avec un engouement égal un compromis proposé par ses rivaux, qui redevinrent ses amis.
Depuis, Akhyn payait son déraisonnable serment en vaquant aux courses de son patron le jour et en ressassant la nuit cette heure tragique où il eut la stupidité de se laisser séduire par le romantisme d'un révolté en mousse.
Il trompait l'ennui des années par quelques loisirs. D'abord, en prenant prétexte des diverses cérémonies et réunions du culte d'Othar pour se rendre sur la Péninsule de sa jeunesse et y battre nostalgiquement la campagne. Ensuite, en tentant de rompre son jurement dans l'honneur, c'est à dire par mort violente. Les sorciers, qui éveillaient en lui la plus saine répulsion et lui promettaient les meilleures chances de décès brutal, furent ses proies favorites. Si bien qu'au fil du temps et des duels emportés il se passionna pour leurs sorcelleries.
Moctarès eut un parcours inverse. En jeune mage thaari prometteur, il passa à l'ouest pour rejoindre la cour de Langehack dans l'espoir d'y briller. Sa carrière de coqueluche des salons amateurs d'illusions fit long feu mais il trouva une situation auprès d'un aristocrate admiratif, creusa son trou en tant qu'astrologue, précepteur et nombre d'autres arnaques érigées au rang de professions, fit un bon mariage et profita de ses rentes dans une oisiveté de bon aloi. Il cultivait notamment des amitiés épistolaires avec les hommes qui avaient retenu son attention durant ses voyages. Dont Akhyn.
Lequel, un jour, lui proposa de s'inviter chez lui. Quelle joie fut celle de Moctarès ! Le bougre se languissait de son cher ami, ce tueur de renom ! Il bénissait le pli qui lui apportait un tel projet. Un pareil guerrier en sa demeure, ô gloire, ô honneur ! Mais ne risquerait-il pas de faire tache, ce compagnon un peu âpre, parmi ses familiers ? Ce sévère ascète froncerait ses sourcils, c'est certain, face au sybarite sybrond cédé pour six sous au sorcier qui s'était surpris à succomber aux amours sacrilèges. Et que dirait madame Ursule, dame d'Errul, sa mortelle ennemie et voisine ? La bougresse n'attendait qu'un incident de la part du Thaari pour l'expulser et convertir son foyer en chenil pour ses monstres de toutous. Enfin, n'y aurait-il pas gêne de la part de son hôte devant le désordre de sa maison et l'embonpoint de ses servants ? Et puis surtout, une fois le bonheur des retrouvailles passé, n'allaient-ils pas finir par se regarder dans les blancs des yeux, sans mot dire, comme deux trous de balle ?
Moctarès saisissait l'importance que comportait la distance dans la belle amitié qui l'unissait à Akhyn. Il craignait aussi qu'une promiscuité toute inactive les brouillât durablement. Dès lors agit-il prudemment et proposa un voyage vers Odélia, où il avait une affaire. O.K., répondit en substance Akhyn, trop heureux de foutre le camp de Thaar pour quelques ennéades.
Voilà, en un mot ou deux, les vieux amis dans la demeure des comtes d'Odélian et participant, par la force des choses, aux libations célébrant la naissance d'on ne sait quel enfant d'un parent de leur hôte. Pour obscure qu'elle fût, la cause des réjouissances n'enleva rien à leur caractère festif. Une horde de jeunes gens rieurs, dansants, chantants, maraudeurs et fiers instillait peu à peu une atmosphère outrancière qui séduisit le reste de la maisonnée, dont les deux voyageurs. Et quand la nuit et les fûts de cervoise et de vin furent bien consommés, la foule s'égailla à travers le palais. Des silhouettes titubaient aux hasards des jardins, surprenaient des couples éphémères, s'écartaient des groupes de fiers-à-bras en mal de bagarre, chantaient à tue-tête une chansonnette à laquelle, dans la nuit, répondait un choeur de voix anonymes. Moctarès et Akhyn, assommés d'alcools, avaient décidé de faire comme tout le monde. Ils erraient, ranimés par la fraicheur et la marche, ils embrassaient d'un regard contemplatif les murs, les vergers et les filles, ils observaient les petites scènes des groupes, en spectateurs lointains et neutres, comme on regarde les braises d'un feu de joie mourant.
Ils emboîtèrent finalement le pas d'une jouvencelle qui, après leur avoir fait un signe, s'était rendue sans les attendre à l'intérieur du manoir. Malgré quelques torchères en fin de vie, ils perdirent sa trace dans les coursives encombrées de dormeurs. Mais alors qu'ils perdaient courage, le murmure d'un luth qu'on pinçait attira leurs pas jusqu'à un étroit escalier en colimaçon. Ils l'empruntèrent et la musique se fit moins indistincte. Une mélopée mielleuse se révéla. En haut de l'escalier, la voix et la mélodie prirent forme à leurs yeux. Un grand blond, les yeux plissés par la concentration ou la lassitude, couché plus qu'assis au fond d'une alcôve, caressait la lyre d'un main, et déclamait le lai de la Tisseuse Astell à Eudossys, son mari si longtemps disparu. Un parterre de jeunes gens alanguis formaient un cercle autour. Ils chuchotaient des phrases décousues ou ne disaient rien, ils buvaient distraitement, fumaient distraitement, hypnotisés. Une nymphe, au coeur, dansait mélancoliquement et donnait à l'épouse bafouée d'Eudossys une réincarnation terrestre. La donzelle faisait écho à la complainte et réverbérait les émotions qui traversaient la Tisseuse avec des expressions d'une invraisemblable réalité.
Le chant enlaça les nouveaux arrivants. Akhyn la voyait, cette pauvre fille, cette malheureuse Astell, protester de son honneur à ce mari perdu des décennies auparavant. Il ressentait son affliction avec une intensité qui le submergeait. Tout son être embrassait sa plaidoirie pathétique. Quand elle implorait qu'Eudossys la crût, le vieux moine était tordu de pitié, quand elle s'indignait qu'on l'accusa d'être déloyale envers son homme, ses poings à lui se serraient et il se jurait qu'il défendrait cette femme et sa cause contre les colères des Cinq réunis et plus encore s'il fallait. Puis vint le tour d'Eudossys. La lyre, dans un son sec, fit lever un des hommes du public. Il s'était dressé immédiatement, il s'était d'un seul coup débarrassé de ses oripeaux de spectateur passif pour entrer sur la scène. Une tension incroyable se dégageait de sa démarche et de ses gestes, qui tranchait sur la lente danse de la Tisseuse si bien qu'Akhyn crut qu'il allait massacrer la demoiselle dans son mouvement. Mais l'homme s'arrêta à grand peine, secoué par une colère que le chagrin battait en brèche. Le chant reprit sur un ton nouveau ; le rythme s'accéléra au début, manifestant les doutes du mari jaloux, puis retrouva une lenteur non plus pathétique mais sinistre. Le danseur avait les paumes sur son visage, la voix du chanteur, monocorde, commençait la liste des accusations et des témoignages et des preuves. A mesure que les charges s'amoncelaient sur les épaules d'Astell, les yeux d'Akhyn s'ouvrirent. Le doute n'était plus permis, elle était coupable. Elle avait trahi, elle était une méchante femme. Une fureur inhumaine enflait en lui, comprimée par sa cage thoracique. Il serait, et pour toujours, le plus farouche ennemi de la Tisseuse. Qu'on la tue ! Qu'on la tue ! Il n'avait jamais eu une personne plus antipathique que cette danseuse devant lui ! Qu'on la tue ! tout son esprit convergeait vers cette seule clameur. Son corps, sous le charme, refusait de lui obéir ; seuls des tremblements de colère le parcouraient.
Il fallut l'irruption d'un grand blond qui ressemblait fort au barde pour que l'envoûtement se dissipa peu à peu. Interrompant la mélopée et l'emprise qu'elle exerçait sur le public, l'apparition subite de Grégoire des Berdevin et de sa bande tira le lyrode de l'état second dans lequel il les avait tous plongé. Les deux frères s'embrassèrent et s'échangèrent des insultes, une conversation vive s'amorça avant d'emporter brusquement les Berdevin et leurs camarades vers d'autres lieux. Le brouhaha de la troupe criarde disparut et les restes du public se délitèrent. Akhyn et Moctarès partirent de leur côté. L'Estréventin souriait mystérieusement tandis que son ami essayait de comprendre comment il avait pu passer de la pitié à la haine aussi soudainement et aussi intensément. Quand il eut entièrement repris le contrôle de ses sens, il s'arrêta net et, stupéfait, proféra ce seul mot. « Magie ! » Le sourire de Moctarès s'élargit, visiblement heureux que ce moine illustre fut pris par le piège.
« Akhyn, te voilà bien eu ! Toi qui te gargarisais de ces sens tiens, trop alertes pour être piégés par les ensorcellements, tu as été la victime des illusions de ce barde comme je fus. » Mais le moine était trop absorbé par la scène qui ne voulait pas refluer de son esprit pour s'aigrir de la moquerie. Dans une curiosité panique, mille questions lui brûlaient les lèvres.
« Sa sensibilité est-elle plus ou moins grande ? Est-elle innée ou acquise ? »
« Akhyn, vois-tu, mon vieux, Hubert de Dens, le père de ces blonds que tu as vu, eut quatre fils, dont Gaston, qui t'as embobiné il y a un instant, était le benjamin. Dès le deuxième, il se promit qu'il offrirait l'un des enfants suivants au domaine du sacré. C'est qu'il en avait déjà eu deux : un pour diriger, un pour guerroyer. Au tour des choses de l'esprit et du mystère s'était-il dit. Ses aspirations décidèrent quelques savants à s'intéresser aux garçons ; car leur père était le seigneur de Dens et un puissant homme de la cour, beaucoup voyaient la belle occasion de renforcer leur temple, leur ordre ou leur cabale d'un allié. Une poignée vint dès la naissance et l'inclination du seigneur sues, et il y eut une belle dispute astrologique entre un divinateur des Wandres et un ermite adorant la sainte Deinéa. Mais les augures ne restent jamais longtemps au chevet des nourrissons ; une fois leur devis fait, ils donnent la date limite et s'en vont. La méthode a de tout temps fait des ravages : le client, fois pris par le temps, inspecte son fils avec attention, à l'affût de signes. Son esprit voit beaucoup des prédictions cryptiques que lui a fait l'aruspice, et n'aperçoit aucun progrès de la part des autres sages qui, eux, se sont installés dans sa demeure. Comme si, ne sachant pas encore ce que c'était de marcher, la chiure allait guérir les scrofules de tout l'Odélian ! Plus d'un bonhomme avait ainsi lâché sa progéniture à des coquins qui se prétendaient le don de prophétie. Mais je m'égare !
Les dieux soient loués, le subterfuge ne prit pas sur Hubert, il laissa séjourner près d'une douzaine d'entre nous sans songer à donner quoi que ce soit aux oracles. Les uns trouvèrent la concurrence trop nombreuse et partirent, d'autres décidèrent de courtiser le seigneur, les derniers, enfin, firent bloc contre les autres. Trois moines de je ne sais quelle sainte femme instiguèrent pour que leur hôte se défasse d'un mage soltaari ; le scandale prit tant d'ampleur que les Néerites durent prendre congé.
Je suivis rapidement leur chemin : le Soltaari était seul à avoir la faveur du père. Lui aussi s'en était aperçu, et ses séjours à la cour de Dens se firent plus courts et espacés. Il était sûr de pouvoir, l'âge venu, emporter l'enfant. Ses absences devinrent vite autant de brèches pour les rivaux, et il fallut que l'enfant ait quatre ans pour que l'affaire soit tranchée. Hubert, rendu circonspect par tous ces pratiquants d'arts dangereux un peu agités les uns par les autres, se tourna alors vers son beau frère, Cagmael d'Odélian. Il n'aimait pas cet homme, ou du moins l'avait-il entre la gorge ; frère du comte, barde accompli et bellâtre un peu enculé, il pouvait vous ficher un sourire moqueur au fond de la gorge. La rancune s'était accrue lorsque, malgré les nombreuses visites, le barde ne s'était jamais proposé de faire l'éducation du garnement. Hubert, révulsé qu'il doive lui-même inviter ce rogue beau-frère à enseigner à son fils, se résolut de ne pas le faire, sauf cas de force majeure.
L'incendie de Dens de 978 fut le cas de force majeure. Si j'ignore encore l'origine de ce feu, et ne peux rien affirmer positivement, sache que le Soltaari se fit de plus en plus absent et Cagmael toujours plus présent. Je ne peux pas non plus affirmer positivement que ce n'était pas qu'une histoire d'égo ou de situation qui avait mû tous ces savants à Dens, mais mon avis est que le petit avait quelque chose de spécial pour attrouper tous ces loups autour de lui. Mais importe-t-il vraiment que son esprit ait été plus ouvert aux doctrines et aux flux des arcanes ? Dès sa plus tendre enfance, on l'avait mêlé à la magie et, très tôt, il reçut les enseignements d'un maître-barde. »
« Si elle est innée, comment l'a-t-il découverte, si non comment lui est-il venus l'idée de l'entraîner ? »
« L'enfant n'eut guère de révélations quant à ses capacités lors des premières années. Son oncle Cagmael ne l'éprouvait que prudemment sur cela. Il se contenta d'abord d'entraîner son oeil à être alerte aux petits détails et aux trompent-l'oeil, d'exercer son oreille aux chants du monde et des hommes, d'habituer sa tête à la science des sons et de cultiver sa mémoire. Le petit jouvenceau rapportait le fruit de ses devoirs en récitant les textes qu'on lui avait chanté, en ramenant les petits présents que Cagmael plaçait en des lieux incongrus de la maison Berdevin, en l'alertant des fausses notes lors des veillées et en décrivant ses rêves tout en essayant de leur donner une explication. Maint jeux ponctuaient sa jeune existence et quand il excellait à un exercice, son pédagogue y substituait deux nouveaux. Ce dernier observait simplement : en bon éleveur, il inspectait la nature du poulain, sans brusquerie superflue, afin de saisir ses affinités et les exploiter au mieux.
L'enfant avait six ans quand on emmena à Dens un fougueux destrier. La superbe monture appartenait à un grand chevalier qui avait tourné brigand et qui en mourut. N'obéissant qu'à son maître, l'étalon ruait dans les brancards, et les palefreniers malmenés s'apprêtaient à demander au seigneur qu'on abatte la bête quand Gaston alla à sa rencontre. Eberlué, autant voire plus que les fils Berdevin, par l'immense cheval de guerre, il avait osé aller contre l'interdiction de leur père et approcher l'animal. Quand Hubert de Dens apprit la chose, il se rendit dans les étables où il trouva, assis près du terrible canasson, son fils. Le petit chantait une berceuse à l'animal, visiblement apaisé par la comptine. Cependant, la chansonnette finie, toute sa sauvagerie lui revint, et Gaston manqua perdre un œil lors de la ruade du gigantesque équidé. Ce fut le premier prodige que je lui connaisse. »
« Combien de temps a-t-il étudié la magie ? Où ? Auprès de qui ? était-il assidu ou plutôt cancre ? »
« Ne vas-tu pas t'arrêter avec tes questions, Akhyn ? Tu me fais perdre le fil de ma pensée. Son initiation commença vraiment à ce moment. Cagmael le prit en tant que son page, ce qui ne changea pas grand-chose à la vie familiale du gamin. Après tout, son tuteur était le premier barde de la cour d'Odélian et son père était du cercle rapproché du comte. Un petit monde en quelque sorte. Il y côtoya les adeptes des ordres bardiques comme ses frères et les autres rejetons de la noblesse odélianne. Une vie d'apprentissage tant des us locaux que des secrets des reflets et des sons débuta pour ne s'achever qu'à l'âge de ses quatorze ans. Quant à son assiduité, malgré quelques frasques dans laquelle il emporta ou fut emporté par la jeune génération d'Odelia, je ne crois pas que Cagmael ait bâclé l'éducation du jeune homme ou que celui-ci ait pris son sacerdoce à la légère. »
« Quel groupe (élémentaire, vie, immatériel) a-t-il étudié ? »
« Grande question, Akhyn, immense question ! Où s'arrête la puissance d'Arcam ? Le beau dieu connaît plus de secrets d'Aluthen que tous ses frères réunis, alors comment savoir quels chants, quels sortilèges il a mis au fond des rêves de ses disciples ?... Mais je te vois qui tiques devant ces considérations cosmologiques, aussi t'épargnerai-je : Gaston a appris les arcanes de l'esprit et de l'immanence. Son maître lui a enseigné les nombreuses disciplines qu'il maîtrisait, et certainement quelques-uns des secrets de son ordre bien que... »
« Sur quels domaines se sont centrées ses études ? Quels sont les choses qu'il réussit le mieux et celles qu'il réussit mal ou pas du tout ? »
« N'interromps pas, Akhyn, ta patience est-elle donc aussi mince que la vessie d'une jouvencelle ? J'y venais, vois-tu... Il apprit, déjà, à ne pas aller plus vite que la musique, ce qui est une chose rare dans ce monde, semblerait-il... Il brilla notamment dans l'art de l'envoûtement, par l'instrument et par la voix, comme tu as pu t'en apercevoir. Mais ses illusions n'ont jamais affecté autre chose que l'esprit et le coeur, et s'il peut déployer ses charmes pour faire mentir le touche ou la vue ou même l'ouïe, il aurait bien des difficultés à user massivement de cette tromperie. Il s'essaya également à l'ensorcellement des bêtes et des fantômes, mais ne put jamais mettre aucun esprit à son service, et les seuls animaux qui répondirent à ses ordres et ses chants furent les chevaux. Il ne commandait ni ne communiquait avec le reste des créatures de la mère des elfes. Tu te doutes donc bien que le bougre n'est pas un grand invocateur. Lui qui n'arrive pas à séduire la plus petite gerbille, il serait bien incapable de tromper les éléments, le temps et les autres choses du cosmos comme un grand mage des légendes ! Ni démons, ni tempêtes pour notre jeune barde.
Bien qu'il étudia la divination sous bien des aspects, ses prédictions, tant des rêves que des entrailles, restèrent aléatoires, pour ne pas dire nulles. Il sait reconnaître les présages dans le cours des oiseaux, des vents et des astres, autant de pratiques coincées entre superstition et pseudo-science, si tu demandes mon avis. Point de don de prophétie chez celui-ci, je le crains.
Ni invocateur, ni divinateur, il n'était pas non plus un malediseur. Je sais que les malédictions sont un art délicat, et que leur effet peut être discret ou intangible, mais, crois-moi, certaines satires des bardes nordiques peuvent avoir des conséquences qui se voient comme trois pustules au milieu du visage... Il y avait d'ailleurs un seigneur du cru qui avait offensé l'un de ceux-là, et l'Arcamant outragé plaça au fond de son oreille une hallucination pernicieuse. L'homme entendrait pour le restant de ses jours les pleurs et les cris de son nourrisson. Pas de manière continue ou bruyante, non, mais par touches, et fugacement. Le mauvais sort prit sans mal et des années après le chant du barde, le bougre avait une mine affreuse. Irascible, insomniaque, il n'était plus qu'une ombre ; seuls ses nerfs tyrannisés lui étaient restés. Il avait essayé, dans un premier temps, de dormir avec son enfant pour prouver à tous la réalité des cris, en vain. Il tenta ensuite de vivre à cent lieues de son fils, qui lui était devenu odieux. Rien ne fit l'affaire, jusqu'à ce qu'il confesse son mal à Gaston des Berdevin. Celui-ci tenta de produire divers hymnes pour défaire le charme et délivrer le seigneur, puis pour les apaiser seulement, mais sans succès. Il dut se résoudre à demander le renfort de son maître Cagmael, et tous deux chantèrent au pauvre homme la triste laie. La complainte le consola ; il pleura les cris hors de son âme. Le seigneur reprit sa vie en main, sans jamais pouvoir retenir une profonde et indicible haine pour son enfant. Voilà pourquoi, mon bon Akhyn, je ne pense pas notre bougre capable de jeter des malédictions par son talent et sa voix, car il ne fut pas même capable d'écarter seul la vilaine illusion qui assaillait le bonhomme.
Il y parvint, certes, mais aidé de Cagmael, et bien que je pense que le jeune homme fignolera bientôt ses qualités dans une telle discipline, il est encore loin de pouvoir produire les maux qu'il saura bientôt dissiper. Mais le larron, s'il n'ose guère sur l'offensive, en connaît assez long pour se prévenir de bien des sortilèges et, si tu me passes cette trivialité, comme un charcutier devant un amas de farce et du boyau saura dire "c'est une saucisse", un pratiquant de l'Art saura dire "c'est une saucisse magique". Ses sens ne peuvent pas être troublés par les illusions des arcanes, et son esprit, ouvert, s'avère aussi souple et robuste que l'acier-roi nain. On ne trompe pas aisément un adepte du dieu des tromperies.
Et s'il n'est pas capable par sa voix de retourner les boules de flamme et les tempêtes contre leurs instigateurs, s'il ne peut pas dissiper du seul son de son instrument les sorts qui sont jetés, il use un chemin plus pervers et, au lieu d'évanouir foudre et grêlons, il se contente d'enfoncer dans la caboche de son adversaire quelque air, quelque refrain. Trois notes bien appuyées, et l'on se retrouve avec une mélodie qui décontenance et brise la concentration de celui qui l'a attrapé.
Les autres écoles des illusions et des conjurations n'ont jamais trouvé leur place auprès de lui, bien qu'il les ait étudié. Aucune ombre n'est jamais née de ses fredonnements, ni aucune lumière, et les miroirs, s'il s'en méfie comme la peste, ne se sont jamais laissé pénétrer par ses regards. L'art de s'introduire dans l'esprit d'un autre homme d'un seul regard ne lui a jamais été accessible, malgré de nombreuses tentatives ; il ne peut pas forcer à connaître les idées d'un homme, juste à les instiller.
Quant aux Arts élémentaires et aux magies blanches, malgré un grand intérêt théorique dû à son cursus, un ou deux essais manqués l'ont détourné de ces disciplines. »
« Qu'est-ce qu'il aimerait apprendre ? Quels sont ses motivations et ses buts par rapport à la magie ? »
« Ce qu'il aimerait apprendre ? Tout ! Aucune magie ne l'ennuie, et il aimerait les saisir toutes. Elles sont pour lui autant de clefs qui permettent de passer outre l'obscurité et comprendre l'essence des lois du monde. Chaque discipline, qu'elle soit divine ou profane, est un fragment du miroir reflétant la divinité qui régit l'univers. Il n'en reste pas moins un fils du nord : pour lui, la magie n'a d'autre source que le divin, aussi malgré une fascination galopante, les écoles qui s'écartent d'une certaine vision des dieux n'ont pas sa faveur, voire écopent carrément de son inimitié. Mais il y a encore tant de choses qu'il aimerait savoir et maîtriser ! Des choses qui sont à sa portée, qui plus est ! Tromper les sens, les animaux, jeter de mauvais charmes ou les annuler sont autant de chemins sur lequel il ferait bien de persévérer. »
« Quelles sont ses capacités ? Est-il plutôt concentré ? Endurant ? Est-il du genre tête brûlé ou prudent ? » Elles sont grandes, Akhyn ! S'il n'est pas l'élu de tous les ordres bardiques de ce siècle, il est bien capable, ce petit, et d'une pugnacité à faire pâlir un nain ! Son Art est pour lui un style de vie, il semble toujours à l'écoute de ce monde, à l'affût d'une situation cocasse ou d'un paysage tragique. Le garnement est travailleur, et déterminé à en apprendre le plus possible avant d'aller aux Enfers ! Sa soif est inextinguible. Heureusement, l'occulte est intarissable. »
« Quel focaliseur utilise-t-il ? Préfère-t-il les rituels ou l'improvisation ? »
« Akhyn, Akhyn... n'ai-je pas répondu à assez de tes questions ? Il est tard, ma salive se fait rare... Soit. Je crois que c'est une lyre, sa lyre, qui focalise l'énergie qu'absorbe sa voix, et c'est le rythme qu'il impose à son instrument qui l'aide à confectionner ses charmes. Je l'ai pourtant déjà vu improviser, mais les résultats sont plus mineurs ; tandis qu'avec sa lyre... ma foi, il pousse de beaux et grands chants. »
« Quelles sont ses habitudes ? Ses incantations ? La gestuelle qu'il utilise ? »
« Allez ! Laisse-moi à la fin, vieux questionnaire ! Que veux-tu qu'elles soient, ses habitudes ? Ce sont celles de son cercle, de son ordre bardique, celles qui furent celles de son maître Cagmael auparavant. Et comment veux-tu que je les connaisse ? Les bardes sont des êtres secrets, bien rares sont les intrus qui ont pu rapporter leurs pratiques et leurs mystères. Quant aux incantations, quant aux gestes, que te faut-il de plus que sa voix qui psalmodie et sa main qui danse sur les cordes ? »
« Comment perçoit-il la magie ? A-t-il des théories, des avis particuliers ? »
Ca suffit à présent ! Je n'en peux plus, Akhyn ! Ce sont tes dernières questions car aux autres je n'y répondrai pas ! Et qu'est-ce que c'est que cette question ! Des théories, il en a mille, comme chaque sorcier ! Comme bien des hommes du nord, il conçoit avec une méfiance presque dégoûtée les magies profanes, bien que teintée de fascination. Ceux qui sortent du carcan des vieilles croyances locales entachent l'essence divine et courroucent les dieux. C'est du moins ce que leur mirent dans la tête les bardes. »