[Mariage]Les premières mesures d'un mariage se comptent en alcool ou en musique?

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Les contes de fée font rarement étalage de ce qui se passe entre le 'ils se marièrent' et le 'et eurent beaucoup d'enfant'. Mais en réfléchissant un peu, le prince charmant étant toujours, comme son nom l'indique, un prince, il devait bien avoir un château royal. Et le bal devait effectivement s'y passer. Dans ce cas, et aussi ironique que cela puisse paraître, Cécilie vivait un véritable conte de fée.

Sortie de la plus grande et la plus magnifique cathédrale de Péninsule, dans une robe confectionnée par l'un des tailleurs en vogue au Langehack, le cortège emmenait les jeunes mariés, non vers un quelconque château de province ou autre manoir, mais bien vers le château royal. Malheureusement, puisque l'ironie semblait être le mot d'ordre du jour, la mariée dut bien être l'une des seules personne à ne pas être éblouie par le passage de la Grande Porte... et la vue des ailes incendiées ou des restes de la tour de l'Arcanum.

Sous le soleil radieux de cette fin d'après-midi, c'est pourtant dans l'une des parties les moins touchées du palais, dans la grande salle de bal ou tant de rois avaient donné des fêtes somptueuses depuis l'avènement de Fiiram, que les invités furent reçus. Un buffet avait été dressé à la mode suderonne pour libérer assez d'espace pour que tous puissent danser.

Danser ! En voilà une bonne idée en des temps si sombres !

Enfin ça aurait put être une excellente idée si, perdu dans la masse, juste après les félicitations suivant l'arrivé des mariés, une voix inconnue aux accents ysari n'avait pas lancer :

« El prémiére danse aux yeunes mariés ! »

Le Chevalier de la Dame de Laval en ce jour devenue Di Montecale n'avait rien d'un gars aux apparences joyeuses, froid et particulièrement distant il donnait ses ordres à ces quelques gardes qu'il avait pensé bon de rassembler, les lieux n'avaient rien de bien accueillant sur la voie les amenants jusqu'ici, et puis il ne manquerait plus quelques gaillards trop avinés ne souhaitent taché ce jour de quelques empoignades aux couperets...

Alors il déplaça un nombre anecdotique d'hommes aux quatre coins de la salle, Anthoine en faisait partie comme lui même, les quelques gardes de la famille Laval se mélangeait ainsi à quelques hommes de la garde des Montecale. Un premier mixe qui ne laissait Jindanor que d'autant plus froid et sévère d'apparence... Cette allure d'Ours mal-léché ne l'ayant pas lâché depuis le début de cette journée. Le capitaine de la garde s'était ainsi permis de faire part de cette fête aux côtés des De Laval qu'il servait loyalement depuis des décennies. Il savait les hommes entres de bonnes mains, bien qu'il ne connaissait pas l'état psychologique de Jindanor en ce temps précis, mais c'était bien las et décidé à faire passer cette journée le plus vite possible pour lui même qu'il agissait, il évitait les groupes, les questions, les rencontres... Il s'autorisait une coupe de vin de tout ce banquet et s'assurait que tout était totalement sûr dans les environs.

Trahit une fois, pas deux.

Il n'avait pas même été éblouie par les grands fresques et décors de ce lieu légendaire, n'ayant posé qu'un regard intrigué dessus par simple déformation professionnels, cherchant les divers lieux pouvant donné un point de vue haut sur les mariés et les membres de la famille...

Rien qu'un travail comme un autre.

Enrico se souvenait avoir déjà été dans cette salle de bal, mais pas vraiment pour un bal. Il y a peu, l’endroit était encore sous étendard langecin. Et il ne comprenait toujours pas pourquoi la Duchesse l’avait cédé de bonne grâce au Médian. Tant de temps passé à se rapprocher de la cour royale, par des ambassades, des lettres, des apparitions à d’autres mariages… Enrico avait l’impression d’avoir fouetté un cheval mort. Tous ses efforts avaient été réduits à néant. Néanmoins, il continuerait. Car ce n’était pas dans sa nature d’abandonner. Fort heureusement, il avait rencontré la Dame de Hautval, qui lui avait donné l’autorisation d’user des salles du château pour son mariage, eu égard à la promesse faite par Oschide avant son trépas…

Le baron de Nelen, afin d’éviter de laisser sa frustration prendre le dessus, avait hanté le buffet. Armé d’un verre de vin, il avait reçu chaque félicitation avec un sourire forcé, et avait pris plus de plaisir à discuter de choses et d’autres que de parler de son avenir conjugal… Pourtant, ce grand échalas d’Arnaut s’était montré particulièrement prolifique en la matière, de même que son propre père Hernán, qui restait néanmoins en retrait, à cause de son étrange maladie. Les mondanités étaient encore supportables, surtout lorsqu’il discuta brièvement avec un homme venu d’Ithri’Vaan, et qu’il n’avait encore jamais vu. Un inconnu venu de la lointaine cité d’Ys, et qui avait émis le souhait de lui parler, un jour. Enrico, pris par le temps, lui avait proposé une entrevue sur Nelen, lorsqu’il serait rentré.

A côté de lui, durant tout ce temps, Cécilie avait peu parlé. Elle qui n’avait déjà pas la vue, avait-elle également perdu la langue ? Enrico soupira, mais n’y fit plus vraiment attention. Non, pour l’heure, un sadique venait de parler. Un homme parlant avec l’accent des plaines du sud de Soltariel… Danser… Ha, il avait deviné où il voulait en venir ! Laissons donc danser l’aveugle et l’unijambiste ! Ce sera une foutrement bonne idée pour décompresser ! Ce qu’il ignorait en revanche, c’était que malgré son handicap, Enrico avait appris la danse par nécessité, afin de retrouver son équilibre perdu quelques années auparavant, et de compléter ses talents de bretteur.

Il sentit tous les regards se poser sur lui, lorsqu’il attrapa Cécilie pour l’amener au centre de la salle. La suite risquait d’être amusante, pour certains. Il jeta un regard à son épouse. Il ne serait sûrement pas le plus ridicule des deux, c’était un fait. Par contre, il savait pertinemment qu’il ne pourrait pas danser l’une de ces vibrantes danses du sud, comme la tarentelle ydrilote, ou le saltarello du Bétis. Non, ici, il sera question d’une de ces danses nobles et lentes, que les sang-bleus semblaient autant apprécier que le bon vin. La bassedanse, à la mode des cours langecines…

Enrico salua sa partenaire, qui de toute façon ne pouvait pas vraiment le voir… Il lui attrapa la main, et avec d’infinies précautions, démarra la danse dès que les musiciens se lancèrent. Il leur jeta par ailleurs un dernier regard, pour voir si l’un d’eux se moquait, auquel cas il serait contraint de le faire passer au travers de son instrument, et ce même s’il s’agissait d’une flûte. La danse commença… étonnamment mieux qu’il ne s’y était attendu. Apparemment, Cécilie l’avait déjà fait… les dieux savaient comment ! Mais elle connaissait au moins les pas. Pas besoin de les lui souffler comme il le faisait au début, donc.

Son regard glissa sur quelques invités. Certains s’esclaffaient, et détournaient le regard pour ne pas être vu. Enrico sentit une pointe de colère l’envahir, et il murmura quelques noms. Puis, il vit son petit frère se retenir de rire. Il susurra à Cécilie.

« Êtes-vous vengeresse, Cécilie ? Auquel cas bon nombre de gens dans cette salle perdront leur tête dans les années à venir… »

Il l’empêcha de faire un mauvais pas, et vit que d’autres se joignaient à présent à la danse. Soupirant d’aise, Enrico fut soulagé que l’attention ne soit plus constamment portée sur lui, et sur son aveugle d’épouse…

Une aveugle et un boiteux... Ne formaient-ils pas un merveilleux couple?

La complaisance de son entourage n'avait réellement aucune limite.

Enfin cela ne les empêchaient pas de profiter de la fête.

Au côté de son… époux, elle avait reçu la longue file de félicitation. Dans l'esprit de beaucoup visiblement, une femme dans la situation ne pouvait pas avoir d'autre conversation que sa famille ou la tenue qu'elle portait, elle avait donc pris le parti de ne pas alimenter le moulin des remarques flagorneuses et des ricanements lointains… Parfois, elle détestait avoir l'ouïe fine, ce jour en faisait définitivement parti. Encore un peu et on ajouterait quelques mots sur leur magnifique progéniture… ce qui fut le cas en un rien de temps finalement.

Son père et sa mère n'en finissaient pas de jacasser avec tous les invités qu'ils croisaient… surtout sa mère. Ses jeune sœur étaient portées disparue dans la foule. Étrangement, elle se mis à espérer que Gaël soit là malgré tout… Elle désirait le voir, sincèrement. Quant à Jindanor, elle n'avait entendu sa voix que deux fois depuis le matin et ne préférait ne pas y penser.

Une danse pour couronner le tout. Quelle excellente idée pour éviter de continuer à recevoir mille félicitation qui venait du fond du cœur… Et pour amuser la galerie. Elle allait faire un pas pour s'excuser, évitant à son époux la première humiliation de la très longue liste qu'une femme tarée pourrait bien lui apporter, lorsqu'une mains se referma sur la sienne. En silence, elle se laissa guider jusqu'au centre de la salle, mal à l'aise de sentir le vide faire place autour d'eux. Elle allait demander quelle danse lorsque les musiciens entamèrent leur œuvre. Enrico la guida pas à pas avec une technique remarquable. Une bassedanse donc. La danse était lente au moins, elle pouvait facilement la suivre du moment que son cavalier connaisse les pas. Elle ne refusa pas l'aide que semblait vouloir lui donne le suderon, ne voulant pas risquer de le mettre dans l'embarras plus qu'il ne devait déjà l'être étant donnée les légers rires qu'elle percevait…

Il souffla plusieurs noms comme on note mentalement quelque chose à ne surtout pas oublié. La première phrase construite qu'il lui adressait directement...

-Je le suis seulement lorsqu'on s'en prend à mes proches. Et dans ce cas, cela ne prend pas plus de quelques mois. Si je devais écourter chaque personne qui trouve ma condition cocasse, Missède serait une ville fantôme.

Malgré la notoriété qu'elle pouvait y avoir en tant que chanteuse, pouvait-elle seulement certifier que l'un de ses spectateur n'avait jamais trouvé risible cette petite aveugle qui venait amuser son monde avant de l'entendre chanter ?

-Je me contente de ne pas oublier et de laisser dire. De ce que je sais, ce n'est qu'un piètre baume pour leur orgueil blessé, Baron.

Le flûtiste manqua la mesure presque imperceptiblement. Cécilie hésita, manquant de faire un mauvais pas que son cavalier rectifia sans interrompre leur danse. Si ce n'était en de telles circonstances, elle aurait peut-être pu trouver cette occasion agréable.

Une des idées de la mâtinée lui revint soudain en tête. Après tout, si leur relation devait commencer quelque part, c'était ici...

-Ma question va sûrement vous paraître idiote mais on m'avait dit que vous vous appeliez Henri, ce qui ne semble pas être le cas… J'ai peur que mon accent n'écorche vos oreilles mais je ne veux pas me montrer importune, aussi aimerais-je savoir comment vous préféreriez que je vous nomme.

Il n'avait plus ouvert sa grande babaille depuis le début des festivités, passant entre les invités en les dominant pour la plupart d'une bonne tête, si ce n'en était deux.. D'un pas léger et effaçant le son des cliquetis de son armure à un niveau soutenable par l'assistance, il observait chacun, sans laisser paraître une once de ressentis, placardant un air froid et parfois même malaisant sur tout ceux qu'il croisait et se laissait pousser par un léger sursaut ou rictus...

Il était peut-être là pour s'assurer que rien ne dérape étant donné les circonstances du royaume et ces péripéties permanentes, il n'en restait pas moins protecteur envers celle que l'on venait de lui voler... Alors lorsqu'un replet tonitruant et emmerdant personnage poussa sa voix pour quémander la danse des mariés, je puis vous assurer qu'il eut bien du mal à retenir ses battoirs de s'abattre sur le vieux bouc.

Mais il s'arrêta, entièrement, pour poser son regard sur le Baron et sa nouvelle épouse, d'un regard triste, placardé sur ce visage froid. Ils avaient ainsi acceptés de se lancer dans cette masquarade... Il avait un mal fou à ne pas laisser ses dents crisser les unes contre les autres, dans un bruits effroyable et tout sauf agréable. Il était baigné dans une colère elle-même noyée dans une mélancolie silencieuse, il se sentait plongé dans les bras de Tyra, alors qu'il se savait bien vivant, il entendait les dieux se rire de sa mésaventures, alors qu'il les avait tant loués...

Il détourna le regard pour le reposer sur le plafonds, tentant de s'abandonner à un moment de prière, trouver le calme... La sérénité... Le Calme.

-Jindanor. Vint lui murmurer une voix à proximité, le faisant sursauter. Je veux dire, Chevalier, j'aimerais que vous me suiviez.

C'était Anthoine, ce bon vieil Anthoine, qui lui faisait signe de le suivre, alors que le géant reposait un regard sur la danse au centre, voyant quelques personnes rejoindre les mariés, dans une danse calme et douce. Il vérifia l'emplacement de ses hommes, tous se tenant droit et fier, le regard sûr et dirigé sur tout convives.

-Hm. Lui répondit-il, dans un hochement de tête, se mettant à suivre son plus fidèle Ami. Il patienta quelques minutes avant de s'autoriser à parler, alors que les deux hommes s'étaient extirpés quelques instants de là, pour se diriger vers un balcon. Qu'est-ce qu'il y a Anthoine... ?

-Bon... Tu vas pas aimer ça encore, mais... Il faut que tu te détendes... T'es tendu comme une corde d'baliste, Vindieux, j'ai cru que tu allais les étriper lorsqu'ils se sont mit à danser.. Murmura-t'il vers l'Ours.

Il posa son regard sur l'horizon, observant ce qui se déroulait en contre-bas, alors que la danse s'autorisait à continuer avec plus d'entrain. Il posa une main sur l'épaule d'Anthoine, avant de retourner dans la salle... D'un pas plus lent.

-... Hmph. Soupira Anthoine, en le voyant se retourner dans cet attrape-couillon. Avant d'observer les alentours, les murs du palais, ce genre de choses. Bon dieux, faîtes que ça s'déroule correctement... J'voudrais pas encore une effusion de sang ce soir.

Pas lent, lui donnant un air d'autant plus imposant, carcasse lourde, mais droite et fière, il observait chaque invité d'un oeil plus embrasé que tantôt, cette simple remarque avait eu le don de lui chauffer les oreilles.

Tout en continuant sa lente et majestueuse danse, Enrico se demandait si le fait que son épouse le nomme par son titre était amusant ou de bon aloi. Il se voyait mal la nommer elle-même ‘baronne’, et trouvait cela un peu ridicule, à vrai dire. Mais elle pouvait l’appeler comme elle le voulait, ça n’allait pas changer grand-chose. En revanche, il y avait des noms qu’il ne souhaitait plus vraiment entendre, et qui lui hérissaient les poils rien qu’à les entendre…

Il s’éclaircit la gorge, alors que d’autres couples se joignaient enfin à la danse, dissipant peu à peu l’intérêt de la foule pour le premier couple de la soirée.

« Enrico. C’est Enrico. Je ne souhaite plus que vous m’appeliez Henri. C’est un peu comme si je vous appelais Cécilia… »

Il réfléchit un instant. Non, ce n’était pas aussi moche qu’Henri, en fait… bref.

« J’aimerais que ce soit la seule danse que nous effectuions ce soir. Je pense que ça ne devrait pas vous déranger. Il y a à table le tonnelet d’un excellent hautvalois, qui n’attend que moi. Mais je suis disposé à partager. Vous pourrez goûter. »

Il jeta un regard à son père. La fatigue semblait avoir légèrement abandonné ses traits, et pour la première fois de sa vie, il lui sourit sincèrement. Appuyé sur sa canne, il le regardait avec les yeux qu’il avait toujours voulu voir, ceux de la fierté. Pourtant, Enrico était en colère après cet homme. Il ne lui avait pas laissé le choix. Troublant de constater qu’il avait fallu qu’il se mette à haïr son père au moment même où celui-ci lui faisait la grâce de lui montrer son estime. Raúl, à côté, discutait encore avec ce minet diantrais qu’il s’était trouvé, dans la Ville Haute. Il l’avait vu rire lors de la cérémonie. Evidemment, il n’en attendait pas moins du vilain petit canard de la fratrie Montecale. Piezarre, lui, l’aurait soutenu, et Albano l’aurait réconforté.

Il lui jeta un regard noir, que le benjamin ne releva même pas.

Enrico continua de danser avec Cécilie, jusqu’à la dernière note. Une salve d’applaudissements, un salut, et tous se remettaient à parler, les danseurs les plus chevronnés attendant que les musiciens s’accordent sur la prochaine mélodie à jouer. Enrico lâcha la main de Cécilie.

« Je me rends au buffet. »

Et il la laissa là, seule au milieu du bal. En y repensant, alors qu’il se servait un verre de vin, c’était assez moche et cruel de sa part. Mais ce soir, il n’en avait royalement rien à carrer. Il devait déjà se farcir les discussions ennuyeuses avec le bourgmestre de Tevasque… Un homme aussi attrayant qu’un jour de pluie, et qui ne parlait que de production de céréales. Si bien qu’Enrico en était à son quatrième verre lorsque son père décida de venir le sauver de cet impudent. Hernán était accompagné d'un Mervalois souhaitant se mettre à son service, qu’il lui présenta. Jehannes, un jeune chevalier au visage encore adolescent. Le baron le regarda d’un œil assez désintéressé, mais prit tout de même la peine de discuter avec le candide jeune homme…

Pendant ce temps, Raúl s’en allait trouver Cécilie.

« Dame Cécilie ? Je suis Raúl Montecale, le frère de votre mari. Mes félicitations pour votre mariage… »

L'humour ne semblait pas être le fort de son nouvel époux... Les sous entendu non plus visiblement. La façon dont elle avait appuyé ses paroles du titre de baron ne lui avait pas même arraché un sourire. Pourtant c'était bien là ce que beaucoup de sang noble lui reprocherait : son ascension. Alors qu'elle espérait le détendre un peu, il lui semblait qu'elle enchaînait les faux pas...

« Alors Enrico ce sera. N'hésitez pas à me reprendre si je l'écorche. » ne put-elle s'empêcher d'ajouter, soucieuse de ne pas passer le restant de sa vie à prononcer de travers le nom de celui qu'elle devait désormais appeler son époux... La boule dans sa gorge lui pesait un peu plus à chaque mesure des musiciens, mais comme sa sœur lui répétait souvent : il fallait qu'elle fasse contre mauvaise fortune bon cœur.

Par deux fois, elle essaya de lancer une conversation. Quelques mots. Quelques choses. Mais rien de plus qu'une vague réponse qui fermait toute suite possible n'accueillit ses tentatives. Elle ne pouvait utiliser que les maigres connaissance qu'elle avait de lui, aussi tenta-t-elle de parler de Nelen et du Sud. Un échec à la fois. Et encore, elle s'était retenue de peu de mentionner le nom d'Oschide d'Anoszia, se disant que parler d'un mort n'était pas forcément du meilleur effet à un mariage... Même si ce dit mariage était ni plus ni moins qu'une formalité sociale.

Cette formule, elle se l'était sûrement répété un millier de fois depuis le matin. Ce n'était pas un mariage d'âme. Seulement une formalité sociale. Néera savait, elle.

Mais maintenant elle pouvait en être sûre. Ce mariage n'était désiré ni d'un côté ni de l'autre... Et cet homme le lui faisait bien sentir. Quelque part, cela apaisait son cœur autant que cela l'angoissait. Elle était si prise par ses ouragans intérieurs qu'elle n'avait même jamais imaginé que son futur mari ne se conduise pas avec un minimum de délicatesse... Et alors qu'elle prenait sur elle, son humeur du jour semblait assassine.

Mais l'angoisse, la vrai, la première de leur alliance, se tint en une phrase et en un mouvement rapide.

« Je vais au buffet. » et il la laissa là.

Alors que la première mesure de la danse suivante réorganisait la piste de danse en deux rangs face à face, elle resta là, tétanisée. Ce n'était pas la première fois qu'elle se retrouvait seule dans une soirée, mais en plein milieu de la piste de danse sans même savoir ou étaient la plus proche personne autour d'elle et en entendant deux murs se former, c'était une première... Et ce n'était certainement pas le moment de commettre une bévue !

Un an auparavant, elle aurait très certainement paniqué. Mais là, elle pris sur elle et respira profondément. Sur l'expiration, un voile se leva sur le monde,  laissant sa peau plus sensible, son ouïe attirée par des sons d'une finesse éthérée. Grâce à ses perceptions et aux bruits de la salle, pas après pas, elle se tourna dans le sens des rangées et remonta la piste de danse en espérant qu'aucun objet ni aucun mouvement soudain ne viendrait la surprendre.

Pourtant, elle n'avait pas fait trois pas qu'une main venait cueillir son poignet. Elle frissonna sous les gros doigts râpeux qu'elle reconnu sans peine. Sans une question, elle lui donna le bras et se laissa guider hors d'un danger tout relatif. Elle n'eut le temps que de quelques mots avant qu'il ne rende sa main à une femme qui n'était autre de Rose. La voix de sa mère coupa cours à toute discussion possible.

« Cécilie, enfin. Je voudrais te présenter Merilda. »

Elle revêtit donc son plus beau sourire pour rencontrer cette ô combien fameuse dame d'Apreplaine d'après ses propres dires. Charmante au demeurant... Tant que recevoir mille et une anecdotes sur l'éducation des enfant ne vous faisait pas fuir. Avant qu'elle ne soit réellement emportée par le flux de parole de la garnaadaise, elle avait tout de même réussit à souffler à Rose :

« Je t'en prie, trouve moi une coupe et fait en sorte qu'elle soit toujours pleine. »

Puis défilèrent plus rapidement d'autres voix. D'autres titres et d'autres noms. Elle devait en retenir déjà beaucoup trop à son goût lorsque l'un deux l'obligea à revoir sa cadence de boisson à la baisse.

« Vos félicitations me vont d'autant plus droit au cœur qu'étant de la famille, vous devez savoir à quel point Enrico et moi attendions cela avec impatiente. » répondit-elle avec le plus doux des sourires.

Malgré la forme angélique, le message n'en était pas moins clair... et elle le regretta aussitôt prononcer.

« Je digresse, pardonnez moi... J'ai cru comprendre que Enrico avait plusieurs frères... Raùl c'est cela ? Son frère cadet donc, si je ne me trompe pas ? Enchantée de vous rencontrer... même si j'avoue que ne pas avoir eu l'occasion de me présenter avant ce jour me rend un peu nerveuse... »

De toute la fratrie, c'était celui dont son père avait le moins encensé. Il ne l'avait même que nommé. Aussi se retrouvait-elle un peu courte sur les présentations. La bonne nouvelle dans tout cela ? Finalement, elle arrivait sans mal à prononcer le prénom de son époux à la perfection.

Il avait serré ses dent si forts lorsqu'il vit ce chien laisser Cécilie en plan en plein milieu d'un lieu qu'elle ne connaissait pas qu'il avait manqué de se trancher un morceau d'joue par inadvertance, le goût du sang vint se mêler à sa salive pendant quelques instants, alors qu'il avançait d'un pas calme et d'apparence serein vers sa Dame, venant doucement glisser sa main sur son poignet, l'invitant ainsi délicatement à passer son bras dans le sien, afin de l'emmener loin de tout problème et lui éviter la gêne que tout cela aurait pu occasionner.

D'un pas léger et habitué il la guida sans mal au travers des invités, l'amenant calmement là où peu se trouvaient, afin de lui faire passer quelques mots..

-N'hésitez pas à m'appeler ma Dame, je saurais accourir. Aussi, si l'un de ces cuistres de fils de chien ose vous manquer de respect... A vous... Ou à votre époux, sachez que je pourrais me charger de leurs départs. Aussi... J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop d'être si distant. Je ne peux pas être plus présent, le travail, je pense que vous comprendrez... Oh oui il espérait qu'elle comprenne... C'était certainement aussi compliqué pour elle que pour lui, mais lui en était d'autant plus forcé par les convenances. Si vous souhaitez quoi que ce soit, faîtes le savoir à l'un des gardes, nous saurons nous rendre utile autrement qu'à jouer les portes-armures. Quoi qu'au moins cela ajoute quelques... Couleurs au décors. Il rit légèrement. Entre l'or, les bijoux, et les toiles dorées... Il y à par ci par là des tâches de rouges... Des nappes. Il approcha ses lèvres de son oreille, venant lui susurrer quelque chose qu'elle serait la seule à entendre, jouant d'un écart léger afin de faire croire que cela n'avait rien de personnel. Vous êtes magnifique... Ma Dame.

Il ne pouvait mentir sur ce point, elle était resplendissante dans cette tenue, cela la mettait en valeur à un tel point qu'il n'avait pu détourner ses yeux d'elle que parcequ'elle se trouvait avec ce.... ce.... Ce Baron. Mais maintenant qu'il avait pu l'avoir à son bras, qu'il pouvait lui glisser quelques mots, qui ne voudraient rien dire en un jour pareil, mais qu'il voulait lui faire part, il n'avait pu retenir ceux-ci. Il se recula légèrement, l'observant avec un air plus aimable, ce qui se fit entendre dans sa voix, comme à l'habitude.

-J'espère que votre soirée saura être agréable, quoi qu'il s'y passe. Je vous amène à Rose.

Et il le fit, sans plus de cérémonie, l'amenant à celle-ci en ayant quelque douleurs à la poitrine lorsqu'il laissa glisser son bras vers Rose. Il posa un regard sur celle-ci, un regard assez neutre avant qu'il ne se glisse de nouveau vers les extérieurs, marchant alentours, vérifiant chaque recoins du castel... Oh bien sûr, il pouvait rater quelques opportuns, mais les hommes étaient tellement nombreux, et toujours par pairs, que s'en était certainement plus compliqué de s'en prendre à cette cérémonie que de s'en prendre aux coffres du royaumes en l'état actuel.

Alors il continuerait de marcher, essayant d'essuyer de ses pensées celles qui ne devaient pas se laisser voir, cette colère qui bouillonnait en lui, cette violence qu'il retenait... Il espérait que personne ne tenterait quoi que ce soit au soir... Autrement il ne donnait pas cher de ses principes.

Ahhhhhh les mariages. C’était là l’occasion d’afficher qui avait le plus gros poids en or pour les femmes, à savoir la plus belle robe, les plus beaux bijoux. Blanche aurait tant rêvé de s’afficher dans une belle robe au décolleté si généreux qu’il ferait pâlir les plus prudes. C’était là l’occasion aussi pour elle d’attirer des regards auxquels, elle n’avait plus droit ! Il était normal que les femmes désirent plaire aux hommes et qu’en retour, ceux-ci leurs servent leurs plus beaux compliments. C’était le devoir d’un époux. Malheureusement pour Blanche, son époux était absent et elle n’avait pas droit à cet intérêt.
Ce banquet était aussi l’occasion pour elle de se rappeler l’échec cuisant de son mariage. Qu’avait-elle gagné ? Un homme… Certes mais celui-ci était un albinos ce qui déjà amoindrissait son capital beauté. A cela s’ajoutait qu’il lui manquait un bras ! Un tue-l ’amour par excellence.  Son mari était en plus détesté par une bonne partie de la péninsule et de fait, elle avait hérité de sa réputation. Les rares fois où il avait visité sa couche, elle avait su pondre deux beaux héritiers… Et d’ailleurs, à ce titre… elle remercie Néera de lui avoir accorder la vie en son sein.
Sa vie sexuelle était aussi plate que les plaines d’Atral… En fait… Aussi inexistant que la vie au sein du désert nisétien. Et tout cela se vérifiait par l’absence total de grossesse en tant que poule pondeuse.
Face à ses questionnements existentielles, Blanche conclut tout cela par un énième verre de vin. Boire pour oublier cette satanée vie de merde !
Suite à son accident, elle ne pouvait même plus se faire plaisir en affichant des tenues extravagantes en mettant en valeur ses courbes généreuses et sa jeunesse retrouvée. Décidément, il y avait de quoi s’apitoyer sur son sort. D’ailleurs, c’est pour cela qu’elle se faufila aux côtés d’Enrico qui venait quérir le buffet. Lors de sa dernière rencontre, il n’avait pas été avare en compliment et elle vint donc chercher du réconfort. Loin d’elle, l’idée de voler l’époux de Cécilie. Non, la Missédoise devait voir cela d’une bonne œil… Enfin vu sa condition, c’était plutôt relatif. Disons qu’elle acceptait qu’ils occupent une partie du château pour leur festivité, en contrepartie, il fallait bien accepter que le baron de Nelen éveille un peu de joie chez la Dame du Val. C’était tout simplement payer son dû !

Habillée d’une robe dorée, les talons la menèrent jusqu’à la silhouette du Baron.

« Vu votre tête, je vais me passer des félicitations. Et je ne vous dirais pas non plus que le meilleur est à venir… » Elle faisait évidemment allusion à la nuit de noces.

Tandis qu’elle conversait, les billes se posaient sur sa jeune épouse. S’il lui manquait la vue, les yeux morts de la jeune femme ne lui retirait pas sa beauté. Elle avait su aussi fixer cet homme, ce chevalier qui transpirait le malaise et vu ses précautions avec Dame Cécilie, cela lui laissait une mauvaise impression.

« Hm qui est celui que je vois toujours accompagner votre épouse ? Il semble mettre tellement de ferveur à sa tâche… »

La première danse de la soirée déchira la poitrine de Maélyne. Lorsqu’ensuite, le nouvel époux de sa cousine la laissa plantée là, au beau milieu de la pièce, la jeune femme sentit son cœur s’arrêter. Mais qui était-il pour ainsi se permettre tel geste ? N’avait-il donc point reçu d’éducation ? C’est là qu’elle se souvint qu’Enrico di Montecale avait récemment été anoblit de par ses exploits à la guerre de Nelen.

On donne trop facilement le privilège du sang bleu de nos jours. Un paysan même anoblit reste un paysan et ce bougre vient de prouver qu’il ne vaut pas mieux que les bouseux des bas quartiers.

Maélyne se leva avec l’idée en tête de rejoindre sa cousine mais elle fut devancée par un beau et grand chevalier qui vint quérir la belle en détresse. Elle ne put s’empêcher de penser que Jindanor méritait bien plus un statut de nobliau plutôt que... l’autre.

Elle laissa un instant celui-ci profiter de la proximité de sa belle, avant de reprendre le pas et de le rattraper. Habillée d’une robe simple, parée d’un collier de famille et coiffée simplement, Maélyne interrompit la marche de l’ours :

« Jindanor ? Jindanor s’il-vous-plaît. J’ai à vous parler. » Dit-elle sur un ton solennelle pour ne pas éveiller les soupçons sur le contenu de la discussion qu’elle s’apprêtait à avoir avec lui.

Il marchait, et l'on l'interrompit, une énième fois, il s'apprêtait à répondre : Au fonds du couloiiiiiiiiiir... D'un ton insultant et vachement agaçé, mais eut la surprise d'entendre la voix de Maélyne de Lourmel, ce qui le fit sursauter et se tourner vivement vers elle, lui offrant les égards dû à son rang en s'inclinant bien bas devant elle... Avant d'enfin comprendre qu'elle souhaitait...Visiblement lui parler ? Vu le ton formel, c'était certainement pour lui glisser quelques conseils concernant la suite des festivités ? Peut-être faire mener un cadeau... ? Qu'en savait-il dans le fonds.

-Heu... Bien entendu, Ma Dame, je vous suis. Répondit-il simplement, avec un air plus calme et sérieux qu'il ne s'en serait cru capable, lui faisant agréablement signe de sa main gauche qu'il n'attendait qu'elle pour débuter la conversation demandée, ici, ou ailleurs.

Aussi allait-il la suivre... Ses idées noires se farfouillant dans un fatras de nécessités et de demandes faîtes tantôt, qu'il devait faire glisser à quelques hommes prévus à l'effet d'aller faire les commissions de fût de vins supplémentaire, de mets à échanger sur le buffet... Toutes ces bricoles qui dans le fond lui permettaient de se détendre...

C’est pendant un vide dans la conversation avec le timide jeune chevalier qu’Enrico remarqua une silhouette qu’il connaissait fort bien, et pourtant pas assez. Sa robe d’or exquise ne laissait peser aucun doute ni sur son statut, ni sur sa richesse. Un or digne de son rang. En la voyant approcher, Enrico était à la fois content et soulagé. Ce maudit bourgmestre ne viendrait sûrement pas le déranger dans une conversation mondaine avec la Dame de Hautval. Ce serait sûrement au tour de quelqu’un d’autre de subir la narration ô combien ennuyeuse des qualités du blé de Tevasque... Avec un léger sourire qui vint tinter son visage sérieux et résigné. Comme toujours, la noble dame avait les bons mots…

« Est-ce donc si flagrant ? Je pensais être plus fin comédien… »

La suite, néanmoins, lui parut légèrement étrange. Alors qu’elle parlait, Enrico suivit son regard afin de voir la personne qu’elle désignait. Ses yeux acier se posèrent sur cet homme, qu’il avait vu maintes et maintes fois ces derniers jours. Un homme grand comme une porte, et solide comme une armoire. Mais, ce n’était qu’un des chevaliers de la suite de son épouse… pourquoi s’en soucier ? Il lui répondit donc dans un haussement d’épaules.

« Un chevalier veillant à sa protection… Un certain Jindanor, je crois. Je ne connais pas encore bien toute la suite de ma noble épouse, Altesse. »

Il détailla à nouveau la baronne de Hautval.

« Votre tenue est ravissante, si je puis me permettre. »

Il dit, un peu plus bas.

« Heureusement d’ailleurs que la jalousie ne peut aveugler ma très chère épouse. »

Ho, ce qu’il s’en voulait… mais tant pis. Dans le fond, elle était drôle. Et Néera lui pardonnerait. Après avoir souri un peu plus franchement, Enrico se saisit d’un nouveau verre de vin.

« J’ai appris que vous aviez été atteinte d’un mal étrange, à Diantra. J’espère que vous vous en êtes bien remise, bien que votre aura rayonnante me dise que je n’ai point à m’inquiéter… »

Il porta son verre à ses lèvres, regardant Blanche dans les yeux.

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Raùl Montecale

Raúl avait encore envie de rire. Depuis la cérémonie, en fait. Il n’avait pas pu s’en empêcher… c’était…

Ho, c’était hilarant !

C’est pour cela qu’il n’avait pas pu s’empêcher de pouffer, regardant Cécilie droit dans les yeux, quand elle avait laissé son fiel et sa résignation s’échapper de ses lèvres fines. Le sourire avait fini de l’achever. C’était presque digne d’une pièce de théâtre… Un fripon de charmeur, forcé d’épouser une femme aveugle qui ne l’aime pas. Il avait soudainement envie d’écrire sur son pupitre, mais l’heure ne s’y prêtait pas vraiment… au lieu de cela, il continua sa discussion avec sa délicieuse nouvelle belle-sœur.

« Il n’y a pas à être désolée, madame. Je suis le mieux placé pour comprendre que mon frère ne soit pas un cadeau. »

Première pique. Dans les dents, frérot !

« Et, oui, je suis Raùl, enchanté de vous rencontrer également. Vous n’avez pas encore pu rencontrer mes deux autres frères, Piezarre et Albano. L’appel du devoir, malheureusement… et j’ai bien cru qu’il allait également happer le troisième. Mais, finalement, non. A la place, nous voilà tous ici… à célébrer. »

Il avait remarqué la consommation de Cécilie d’assez loin. Aussi, il arqua un sourcil.

« … A célébrer, ou à boire. »

Il se saisit d’un verre, et le fit tinter légèrement contre celui de Cécilie.

« A votre santé. Et à celle de mon frère. J’imagine. »

Il porta son verre à ses lèvres, regardant Cécilie dans les yeux... les trouvant assez perturbant, en fait.

La remarque aussi cinglante que fraternelle arracha un éclat de rire cristallin à la jeune femme. Au moins une personne dans sa belle famille semblait être pourvu du minimum d'humour. Il restait donc peut-être un espoir...

« Pour les quelques phrases que nous avons échangé je suis bien forcée de vous croire sur parole quant au ''Cadeau'' que représente sa merveilleuse compagnie. »

D'ailleurs, après toutes les rumeurs et les éclats de rire retenus qu'elle avait entendu de la part de suderonnes lors du tournois de Missède, elle s'attendait a avoir affaire à un charmeur... Il ne lui restait plus qu'à faire son deuil d'un mari agréable à vivre. Peut-être aurait-il un peu plus de conversation une fois de retour sur son îlot sauvage... ou au moins d'un peu moins de froideur... Quoi qu'elle n'était pas encore certaine que ce ne soit pas un bien. Après tout... Si cela pouvait en resté au mariage de convenance... n'était-il pas marin ? Avec un peu de chance ces rumeurs étaient montées de toutes pièces pour expliquer son célibat tardif... et il avait l'air aussi heureux qu'elle en ce jour béni.

Inconsciente du regard de Raul sur elle, elle joignit rapidement les main en coup comme on se signe pour faire le bon Choix.

'Néera, je sais que ce n'est pas une bonne raison de prier, mais dans votre toute Bonté, faites qu'il soit sodomite...'

Son interlocuteur se rappela pourtant à son bon souvenir et elle n'eut pas le signe divin escompter...

« Dite moi seulement que je ne suis pas la seule femme ici qu'il traite avec mépris et vous m'aurez offert plus que la santé... » répondit-elle a voix basse en profitant de l'occasion du toast pour descendre d'un trait le contenant de son verre. D'ordinaire elle aimait profiter du goût des choses. Le vin ne faisait pas exception. Mais là, elle aurait put ingérée la pire de piquettes qu'elle n'aurait pas fait la moindre grimasse.

Vraiment... La laisser comme ça au milieu de la piste... Rien qu'à l'idée ses doigts se raidissaient sur le pied du verre qu'elle tenait, son masque de bienséance légèrement craquelé par un froncement de sourcil à cause d'un agacement foudroyant. Quel goujat. Quel... Quel... !

« A votre santé également, Raùl. »

Une vague connaissance dont elle ne reconnu pas la voix passa par la et la complimenta sur sa tenue. La voix de Jindanor siffla dans sa mémoire. Le rouge lui vint aux joues. Elle ne pouvait pas continuer comme ça... Si elle ne voulait pas sombrer dans la boisson avant que qui de droit décide qu'il était tant pour les jeunes époux de conclure définitivement l'alliance, mieux valait qu'elle trouve à s'occuper...

« Mais peut-être êtes vous venu accompagné ? Et même si vous ne l'êtes pas, je vous en prie, ne laissez pas une nouvelle dame me parler de ses enfants pendant sept danses... »

Maélyne agrippa bien vite l’avant-bras du chevalier pour le tirer soudainement dans une autre pièce au moment où elle aperçut qu’il n’y avait plus qu’eux dans le couloir. Cela allait certainement paraitre étrange à Jindanor de se retrouver ainsi seul avec la cousine de la mariée même si la force employée pour le tirer serait sans doute plus impressionnante encore. Un effort qui se fit ressentir, la respiration de la dame était plutôt accélérée comme si elle venait de courir à une forte vitesse sur une grande distance.

« Ouf… Il va falloir que je refasse un peu d’exercices… Je m’empâte. » Se dit-elle à elle-même tout en essayant de reprendre son souffle.

« Bien… Alors… Jindanor… J’ai… Pfiouf… Faut que je m’asseye. » La jeune femme s’avança vers un fauteuil où elle s’y écrasa lourdement. La scène était plutôt cocasse pour le chevalier qui avait pour habitude de voir une Maélyne aussi droite qu’un i affichant un air froid et fermé. Pourtant il avait là une toute autre image de la cousine de Cécilie. Une image plus sereine, plus… accessible.

« Bon.. Je n’irais pas par quatre chemins. Evitons d’être absents trop longtemps, cela pourrait paraitre suspect. » La Dame se redressa un peu puis fit quelque grimaces. En réalité, elle cherchait comment délivrer le message de Cécilie. Après tout, elle lui avait demandé de rajouter une couche sur le merdier qu’était ce triangle amoureux, de remuer le couteau dans la plaie d’une ours sur les bords de la crise de nerfs. Comment allait-il réagir ? Allait-il fondre en larmes ? Auquel cas, la Dame n’avait pas prévu de parapluie. Allait-il se mettre en colère ? Elle espérait que non vu sa carrure et ses énormes pattes, on la retrouverait certainement en lambeaux. Allait-il désespérer au point de vouloir mettre fin à ses jours ? Hm… Non, là ça va trop loin.

« Cécilie m’a demandé de vous délivrer un message. Elle voulait que vous sachiez… » Zut, trou noir. « Fichtre… Qu’a-t-elle dit encore ? Je savais que je n’aurais pas dû boire autant de vin… Attendez, j’essaie de m’en rappeler ! » Ses deux mains vinrent se poser sur ses tempes et elle ferma les yeux, tout en essayant de se remémorer la scène. « Ah ! Ca y est ! Veuillez m’excuser, vous savez, le vin, tout ça, tout ça.. » Elle fit une légère pause, éclaircissant sa voix d’une légère toux. « Elle me dit de vous dire que la Damedieu saura à qui elle adresse ses mots. »

Il y eu un blanc et la Dame se rendit compte que son message n’était peut-être pas correctement délivrée si on situation pas un minimum le contexte. « Et, euh… C’était avant la cérémonie… Enfin. Vous voyez… »

Il ne restait plus qu’à attendre sa réaction, en priant qu’elle ne venait pas de libérer l’ours en cage.

Il observa la dame qui l'avait traîné jusqu'ici, quelque peu dépité... Mais lorsqu'elle commença à galérer à trouver les mots il ne put s'empêcher de sourire légèrement, sans vouloir se moquer d'elle, c'était juste hilarant à voir, il était tellement habitué à une femme droite comme un I, ne pliant jamais et se trouvant particulièrement respectueuse des convenances.

Mais lorsqu'elle sut enfin lui faire part du message... Il se figea. Perdant toute trace de joie, ou même d'expression.

Il la regardait, simplement vide.. Une coquille sans rien à l'intérieur, et cela dura bien cinq minutes, installant une atmosphère froide et gênée à la scène... Avant qu'il ne laisse un sourire, furtif, quasiment inutile, s'installer sur son visage...

-... Merci de vous être donnée ce mal..

La réaction de Jindanor avait de quoi surprendre Maélyne, elle qui s’attendait à tout autre chose que ce simple remerciement. La pitié l’envahit alors, le voyant afficher cette mine déconfite. Elle ne put s’empêcher à sa propre situation, celle où Roderik lui avait promis de revenir après lui avoir avoué son amour avant de trahir sa parole et de s’unir à la comtesse. Elle sentit une certaine injustice pour Cécilie qui aimait cet homme qui lui rendait son amour au centuple. Eux n’avait pas été séparée à cause de l’ambition d’un seul et c’est cela qui fit prendre conscience à Maélyne à quel point Roderik s’était joué d’elle.

« Sire Jindanor… » Dit-elle simplement, tout en essayant de reprendre une posture plus présentable, luttant contre ce début d’état de d’ébriété dans laquelle elle n’avait pas l’habitude d’être.

« Je suis certaine d’être une piètre consolatrice. Mais si vous avez besoin de quoi que ce soit… Surtout n’hésitez pas. » La Dame fit une pause puis reprit lentement.  « Ne voyez plus en moi la Dame de Lourmel, cousine de votre aimée, mais une… simple amie. Je serais prête à tout pour Cécilie et je sais combien elle tient à vous et... »

Elle s'arrêta, se trouvant tout d'un coup trop ridicule pour continuer. Ce n'était pas simple pour elle d'exprimer ce qu'elle ressentait envers leurs histoire qu'elle trouva au début bien bancale de par le manque de statut de Jindanor. Mais après avoir été elle-même volontairement mise de côté par un homme de noble lignée, comment pouvait-elle encore le juger ?

Blanche lui offrit un sourire torve.

« Allons, n’oubliez pas que j’ai déjà subis trois mariages arrangés. Nous savons nous reconnaitre, nous les mariés-politiques. »

Blanche prit une nouvelle gorgée de vin. Cela devait être son troisième godet ? Et la fête ne faisait que commencer. Il était certain que la Dame du Val serait ivre à la fin. La subtilité était simplement de ne point le montrer.

« Je vois. »

Le premier compliment lui fit relever un œil intéressé vers le Baron de Nelen. Oui, qu’il continue. A sa blague, elle éclata de rire. Ce n’était vraiment pas méchant. D’ailleurs, elle lui donna un petit coup de coude au niveau de son bas ajoutant, en faisant mine d’être outrée.

« Mon cher, vous êtes un bien vilain fripon. »

Subitement son sourire disparut. Les sourcils se froncèrent et ses perles bleues-nuits se plantèrent dans celles du suderon. Son apparente bonne-humeur s’était désormais envolée. L’air était grave. Il ne savait dire si cela était de la colère ou de l’agacement… Ou encore un mélange des deux. Et pas même sa dernière louange anesthésia ce ressentiment nouveau. Elle vida son verre en guise d'interlude, prenant le temps de réfléchir à ce qu’elle allait dire.

« Un mal étrange, dites-vous ? Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par mal étrange ? »

Il avait certainement remarqué cette mèche blanche qui trônait en plein milieu de sa chevelure.