[Lourmel] Une épine dans le pied | Aymeric de Brochant. [Terminé]

Au jour 2
De la 1er ennéade
Barkios, mois d’automne
9ème année du 11ème cycle.

Le temps était maussade et le vent froid se faisait de plus en plus piquant. Au château les feux de cheminées étaient déjà garnis par de multiples flammes au vu du nombre de chambrées occupées. Le nouveau couple que formaient Maélyne et Guillaume festoyait encore leur union mais cette fois-ci à Lourmel. Une cérémonie eut lieu ainsi qu’une parade dans la cité, présentant ainsi le nouvel époux et celui qui sera le père de la prochaine Dame de la cité –du moins, espérons-le. –

Bon nombre de nobles ont été conviés. Jérôme, Aline et Mathilde l’étaient. Mais également les vassaux Lourmellois, les voisins ainsi que le Marquis en personne.

Celui-ci fit « l’agréable » surprise de sa présence mais Maélyne n’était pas réellement enchantée qu’il soit là. Effectivement, il y avait anguille sous roche et une épine à enlever du pied.  Il y a de cela plus de deux mois maintenant, son excellence avait présenté un projet de réorganisation de l’armée du Marquisat et Maélyne figurait parmi les récalcitrantes. Sans doute était-elle la dernière encore à s’opposer à ce projet.

La Dame savait que le Marquis n’en démordrait pas et qu’il fera tout pour obtenir ce qu’il désirait mais Maélyne était têtue comme toute bonne Lourmelloise qui se respectait.

C’est en fin de soirée, après un bon repas et quelques verres dans le nez que la jeune femme prit possession d’un petit salon. Le feu de cheminée y était maintenu depuis la fin de l’après-midi, rendant la pièce plutôt agréable à vivre. Seule dans un premier temps, une coupe à la main, la Dame scruta les moindres recoins. Tout semblait parfaitement rangé et nettoyé, elle fit donc quérir le Marquis.

Assise sur l’un des fauteuils à disposition, son regard se perdit quelque peu dans les flammes dansantes. Qu’allait-elle bien trouver d’autre qu’un simple « non » à lui répondre à sa requête ? Soupirant, Maélyne entendit la porte s’ouvrir et vit une silhouette s’engouffrer avec tant de prestance qu’elle reconnut Aymeric immédiatement. Se levant de son siège, elle s’approcha, offrant un baiser sur la bague ornant l’un des doigts de l’homme.

« Votre Excellence. » dit-elle simplement, sans aucune mauvaise intonation mais également sans aucune émotion ni de sourire. « Prenez place, je vous en prie. » Continua-t-elle, fixant les multiples fauteuils mit à disposition. La jeune femme s’installa en face de lui puis lui servit une coupe de vin.

Habillée de l'une de ses plus belles robes, Maélyne n'avait pas lésée sur sa présentation. Elle arborait une coiffure parfaitement exécutée et son cou abritait un collier familiale que Victoire avait pour habitude de bouder. Ses épaules quant à elles abritaient sa peau de vison blanc qu'elle avait pour habitude de porter en extérieur mais malgré le feu de cheminée qui chauffait amplement la pièce, elle frissonna tant l'atmosphère était glaciale.

Le marquis était-il si suspicieux à ce point quant à la tournure de cette discussion pour dès le départ faire appel à ce qu’il croyait être sa meilleure solution ? Guillaume n’était point présent et pour cause ; Maélyne lui a déjà fait part des projets du Marquis et la réaction de celui-ci poussa la Dame à croire qu’il serait sensiblement nécessaire de l’écarter de toute négociation. Guillaume fut très déçu du comportement qu’opta Jérôme lorsqu’Aymeric proposa imposa ses directives. Il donna sa désapprobation totale quant aux réformes proposées alors que Maélyne aurait cru qu’il suivrait la décision de son frère. Pourtant, Guillaume était de ceux qui ne s’opposeraient pas directement aux autres membres de la famille, préférant discuter posément avec lui en privé mais jusqu’à présent, ils en avaient pas eu le temps et Maélyne comptait bien en profiter pour conclure cette affaire toute seule.

« Tenez-vous absolument à sa présence votre excellence ? Cela ne regarde-t-il pas seulement Serramire et Lourmel ? » Aymeric pouvait aisément ressentir que sa demande –pourtant si anodine- avait fini par vexer la Dame. Maélyne comptait également faire comprendre que malgré son récent mariage, cela ne l'écarterait en rien des décisions à prendre pour Lourmel et Outremont. Sa réputation n’aidant pas, forcément, elle qu’on décrivait comme incompétente et certainement pas digne de son rang au vu de ses trop nombreux déboires de ces dernières années. Pour autant, était-ce nécessaire de la reléguer au simple rang d’épouse maintenant que les épousailles furent officielles ? Certainement pas.

« Vous avez proposé des réformes auxquelles je n'adhère pas spécifiquement, soit. Toutefois, je sais aisément tenir une conversation qui peut s’avérer être fructueuse sans avoir besoin de mon époux pour m’épauler. » Suite à cela, Aymeric pouvait dorénavant aisément comprendre que sa demande fut très mal accueillie par la Lourmelloise qui, dès le début de cette conversation se montrait déjà sur la défensive.

« Je me doute bien que ce que vous souhaitez c’est de me voir rentrer dans les rangs, et sachez-le que cela n’est nullement une partie de plaisir d’être autant réfractaire à une réforme tant je suis attachée à l’unité de Serramire, mais s’il a bien une chose que je respecte encore plus que le Marquisat votre excellence, c’est le choix de l’allégeance des hommes qui se sont mis à mon service. Comprenez-bien que je ne suis pas enjouée à l’idée de leurs faire rompre leurs serments. »

Toujours assise en face de Lui, Maélyne but une gorgée de sa coupe de vin avant de plonger son regard dans celui du Marquis. Il était doux et fatigué rejetant ainsi toute idée sur un mauvais comportement, prouvant que les paroles pourtant si innocents du marquis avaient blessées la jeune femme.

Maélyne l’avait écoutée attentivement. Pourtant ses mots ne la rassuraient point.

« Venez, suivez-moi je vous prie, j’ai une chose à vous montrer. » Dit-elle en se levant, invitant le Marquis à faire de même. La jeune femme se dirigea ensuite vers une porte en bois qui donnait sur un balcon. Lorsqu’elle l’ouvrit, un vent froid s’engouffra dans la pièce et elle se remercia intérieurement d’avoir gardé sa peau de vison sur les épaules. De ce balcon relativement grand, on pouvait apercevoir une partie de la ville haute constituée de ses maisons et de ses allées de pierres toutes aussi belles architecturalement les unes que les autres. Après le mur séparant la ville haute de la ville basse, la vue offrait un magnifique angle sur le restant de la cité. Des maisonnées de bois colorées de beige, d’orangé ou même d’un bleu nuit. La route principale aussi sinueuse qu’un serpent arpentait cette côte qui semblait les protéger de tout.

« Lourmel-la-belle. » se permit-elle de murmurer, perdant son regard dans ce paysage endormit par la nuit. « Permettez-moi de parler franchement. Certains se demandent pourquoi je suis tant attachée aux petites gens. Pourquoi je me permets de me fondre dans la masse parmi eux, d’entretenir des conversations avec eux et de leurs offrir compassion. Pourtant la réponse me parait limpide ; ils me rendent au centuple ce que je leurs donne et pourtant, la seule chose qu’ils sont en mesure de m’offrir est le respect. » Tournant la tête, la Dame fit face au Marquis. Son regard était plus lourd, plus soutenu. « Vous n’imaginez pas à quel point il est dur de supporter tous ces reproches, toutes ces insultes. Cela ne m’étonnerait guère de vous savoir parmi ceux qui estiment que je n’ai pas ma place ici, qu’une femme ne devrait point avoir le droit de gouverner et votre première question en m’abordant ce soir n’en est que la preuve flagrante. Il est aisé de se rendre compte du peu de respect que les hommes octroient aux femmes. Pourtant, j’estime qu’il serait judicieux de saluer celles sans qui vos lignées ne persisteraient pas. »

La jeune femme soupira, plongeant à nouveau son regard dans le paysage qui les entourait. En dehors de la ville elle-même, la seule chose de perceptible était la rivière sinueuse qui remontait pour se jeter dans l’Elbre ainsi que les nombreux champs de blés dont la récolte avait commencé.

« Je tiens toutefois à être clair. Notre but n’est pas de vous faire fléchir. Nous respectons le choix de nos voisins quant à vos réformes. Néanmoins, vous qui n’avez point hésité à citer ma chère mère, puis-je vous quémander une réponse sincère ? Votre cœur est-il encore emplit de rancœur, votre Excellence ? Que ce soit envers les actions de Victoire qui vous mena à un long emprisonnement  ou encore aux miennes lorsque je fus encore son pantin, ou lorsque je vous ai laissé croupir dans votre geôle après son décès ? Mettez-vous donc un instant à ma place. J’ai fléchit le genou, je vous ai suivi loyalement dans tous vos conflits et pourtant, j’ai toujours cette crainte qu’un jour vous vous adonnerez à une faide envers Lourmel. Ne serait-ce pas suicidaire de ma part de vous offrir ma seule défense ? Pourquoi croyez-vous que mes vassaux sont si réticents ? Pourtant je vous assure qu’il me plairait de croire que toutes ces mauvaises actions appartiennent au passé, que nous avons un unique but et qu’il est en commun : rendre à Serramire sa grandeur d’antan. Pourtant m’en voudriez-vous de ne point vous faire totalement confiance ? »

Elle s’était à nouveau permise de le regarder. Sans doute est-elle la seule sur tout ce territoire à avoir osée lui parler aussi franchement mais elle estimait que l’épine se devait d’être enlevée du pied, que l’abcès se devait d’être percé. Serramire ne regagnerait jamais toute sa puissance s’il existait encore tant de crainte et de rancœur à l’intérieur même du Marquisat.

Maélyne resta un instant songeuse, réfléchissant aux paroles que venaient de prononcer le Marquis. Elle aurait pu aisément se vexer lorsqu’il se permit d’insulter sa propre mère mais sa seule réaction a été d’afficher un léger sourire. Il se voulait convainquant et la Dame devait l’admettre, il l’était. Si tel était sa sincérité, la jeune femme espérait qu’il le soit bien plus souvent dans le futur.

« Eh bien soit. Vous désirez des noms ? Très bien. » Commença-t-elle en s’avançant jusqu’au rebord du balcon. Maélyne prit encore quelques instants pour réfléchir. Il n’était pas anodin de prendre une telle décision, elle se devait de choisir ceux en qui elle avait une confiance aveugle. Pourtant le Marquis n’avait pas tort, s’il voulait s’en prendre à Lourmel, sans doute la cité serait déjà rasée.

« Je proposerais Roland. Qui de mieux que la lance de Dorour pour en commander des centaines ? Ensuite, Braan me parait être un excellent choix également. Je proposerais bien Béoca de Forgestrange, le petit fils de mon ancien intendant ainsi que Gaspard de Belleroche. » Elle prit une pause, regardant ses mains posées sur le rebord du balcon et se mit à espérer qu’elle ne fit pas le mauvais choix. « Il est vrai qu’ils ont tous moins de trente ans mais ce sont d’excellents guerriers et ils dirigent déjà leurs propres troupes, ils ont donc déjà tous acquis une certaine expérience. Mais je pense que vous ferez sans aucun doute votre propre idée. Je ferais donc en sorte de vous les envoyer à Serramire pour une entrevue, si toutefois vous l’estimez nécessaire. »

Maélyne soupira alors silencieusement, portant à nouveau son regard sur la cité. L’avenir était incertain et elle se demandait où tout cela allait les mener, si le Marquis comptait se remettre à la guerre sous peu.

Des souvenirs vinrent la hanter, son enfance à Missède, là où tout était paisible, où aucun obstacle ne vint gâcher sa route. Ce temps de paix et de quiétude semblait si loin et la jeune femme n’espérait qu’une chose, que le Royaume se reforme au plus vite.

« Avez-vous d’autres demandes à me faire part, votre Excellence ? » Dit-elle en croisant à nouveau son regard. La Dame se rendit compte qu’elle ne s’était jamais donné la permission de le détailler. Plutôt grand, élancé et svelte, il avait ses cheveux qui rappelait les anciens ducs, couleur de jais. Son menton était toujours rasé de près, marquant ainsi sa différence avec tous ces autres hommes Serramirois qui aimaient porter la barbe. Il respirait l’élégance et cela, Maélyne ne s’était jamais assez attardée pour le remarquer. Néanmoins, il ne fallait pas se fier aux apparences, la jeune femme se méfiait de lui comme de la peste et ce n’était sans doute pas sa condition physique qui saura apaiser ses craintes.

Le pensait-il vraiment ? Ou est-ce que ses dires faisaient partie d’un jeu auquel le Marquis jouait que trop bien ? Pendant un bref instant, Maélyne se plu à le croire sincère, à croire à un apaisement de leurs relations mais très vite, elle balaya cette fausse joie pour en revenir à l’éternelle méfiance qu’elle ressentait à son égard. Sans doute lui faudra-t-il du temps pour arriver à placer sa confiance en son suzerain mais le chemin serait long et semé d’embuches.

Néanmoins, la jeune femme se devait de rectifier le Marquis.

« Je ne vous ai jamais considéré comme un ennemi. Je crains uniquement qu’un jour, et au dépend de Lourmel, notre passé commun refasse surface. » Répondit-elle d’emblée, soutenant toujours son regard. Un silence s’installa doucement entre les deux personnages, toujours debout sur ce balcon alors que la nuit se faisait de plus en plus oppressante.

Un cri se fit entendre, un son qui pouvait glacer le sang des plus preux foulant cette terre. Maélyne porta immédiatement son regard sur la cour du château. Elle comprit immédiatement que la bête réclamait sa boustifaille journalière au vu des nombreux porcs transportés par les servants en charge du Kerkand. La Dame s’approcha d’Aymeric d’un pas relativement furtif puis, une fois la distance réduite, elle leva le bras et pointa son doigt vers le donjon où était reclus l’animal.

« Il se trouve juste là. » Commença-t-elle, optant un ton qui laissa montrer la légère fierté. « Nous avons décidé de nous en séparer. » Il est vrai que la criminalité avait chuté depuis que le bluff du châtiment du kerkand s’était répandu jusque dans le plus petits des villages mais Maélyne ne pouvait garder cette bête plus longtemps, non seulement celui-ci pouvait échapper à leurs contrôle à tout instant mais de plus, il coûtait cher en bectance.

« Maintenant que les sujets dits « sensibles » sont réglés, Votre Excellence. Laissez-moi vous offrir un dernier rafraichissement avant de rejoindre les festivités. »

Maélyne l’invita alors à regagner le salon, quittant ce balcon sur lequel il faisait de plus en plus frisquet. Fermant la porte de bois qui y menait, la chaleur qui émanant du feu de cheminée ne mit qu’un instant à rendre à cette pièce une atmosphère agréable. Se délaissant de sa peau de vison, la Dame s’attela à offrir une coupe de vin à son suzerain. « Puis-je vous quémander des nouvelles de Dame Mahaut ? Comment se porte notre Marquise ? »

« Permettez-moi de vous demander de transmettre mes félicitations à Dame Mahaut. Que les dieux vous donnent un autre fils en bonne santé, c’est là mon seul souhait. » Dit-elle en levant légèrement sa coupe avant de s’y abreuver.

Puis, la Dame émit un petit rire lorsque le Marquis exprima la possibilité d’une union entre leurs deux maisons que sont Brochant et Lourmel. La jeune femme se calme bien vite, puis reprit la parole.

« N’y voyez point là une moquerie car ce n’était nullement le cas. » La Dame venait simplement d’imaginer son suzerain marié à sa sœur ainée, Lyanna, et le rire n’était autre que la seule réaction plausible à une telle union.

« Mais… je ne vous imagine nullement uni à ma sœur si un tel mariage fut possible et ce, malgré ce que cela aurait pu apporter au Marquisat. » Bien évidement qu’il aurait fallu à Aymeric d’épouser l’ainée. Il était donc tout naturel de penser à Lyanna plutôt qu’à elle, même s’il n’y avait que quelques minutes d’écart entre les deux femmes, c’était bien la plus perverse des deux qui sortit en premier. « Mère a eu bien du mal à trouver un mari acceptable pour elle au vu de ses mœurs… bien trop légères. Je ne pense pas qu’elle vous aurait été aussi dévouée et fidèle que l’est Dame Mahaut. » Maélyne baissa la tête. C’était bien la première fois qu’elle dégradait autant sa sœur face à un homme, son suzerain de surcroit. Mais il fallait avouer que malgré la gentillesse et l’intelligence dont faisait preuve Lyanna, ce côté libertin qu’elle affichait librement lui portait beaucoup préjudice. « Néanmoins c’est bien elle qui ressemble le plus à Mère. Elle a hérité de sa beauté, de son intelligence, de son caractère bien trempé et de son autorité naturelle… » Une pause vint couper sa phrase, une pause durant laquelle, Maélyne afficha un léger sourire alors que ses yeux commencèrent à miroiter face aux nombreux souvenirs qui lui revenaient. « Elle avait l’assurance et assumait les positions qu’elle prenait, malgré le fait qu’elle soit une femme et c’est bien pour ces qualités là que j’ai toujours été admirative de ma soeur. »  

Maélyne voulut continuer, mais se ravisa, préférant embrayer sur un autre sujet, elle tenta de trouver les mots pour parler de Bastylle mais rien ne parvint à traverser la barrière de ses lippes. Anselme était peut-être contesté par les seigneurs de l’intérieur mais Adrien avait été un si bon mari qu’elle n’arriva point à prendre position face aux commentaires d’Aymeric au sujet de sa lignée, surtout que maintenant, la dernière des Bastylle venait de subir un sort atroce après avoir été jetée du haut de la fenêtre de sa chambre.  Après un bref mais pesant silence, la Dame ne se contenta que d’un simple : « Bastylle appartient dorénavant au passé, et je gage que vous saurez réparer leurs moult erreurs. Vous êtes en bonne voie pour rendre à Serramire sa grandeur d’antan. » Finit-elle sur un ton qui se voulu las et pas du tout enjoué.

C’est grâce au faible contact des doigts du marquis sur sa peau que Maélyne remarqua le rapprochement d’Aymeric. Baissant immédiatement le regard, elle se rendit compte que l’objet de son attention n’était autre que son collier. Plusieurs sentiments s’emparèrent d’elle. Un mélange de gêne ainsi que de soulagement. Il semblait ne s’intéresser qu’au bijou seul. Trop naïve de penser que cela pouvait être une parade, une simple excuse pour s’approcher, la Dame le laissa faire quelques instants, le laissant libre d’admirer l’œuvre de l’orfèvre. Cependant, finalement submergé par le malaise occasionné par un tel geste, elle saisit rapidement son avant-bras et malgré la brusquerie du geste, celui-ci fut néanmoins accompagné de douceur. Dorénavant défait de la main du Marquis, la sienne était toutefois restée collée à sa peau, son regard croisa le sien et ses joues avaient fini par s’empourprer, tant l’embarras était grand. Maélyne s’efforça de reprendre la conversation, estimant qu’elle ne pouvait plus continuer de le fixer de la sorte.

Un sourire apparut sur son visage, léger toutefois. Sa main vint ensuite se glisser dans la sienne, l’empoignant amicalement. « Vos mots me touchent et j’espère que cette amitié sera longue et prospère pour Serramire. » Le contact fut ensuite rompu et ce brutalement, les doigts fins et froids de la Lourmelloise regagnèrent ses genoux et son regard se perdit dans le feu de cheminée. Les flammes dansantes réussirent à l’apaiser, chassant ainsi la confusion qu'elle venait de subir. Subitement victimes d’un silence, la jeune femme chercha un sujet à aborder. L’idée de l’inviter à regagner le rez-de-chaussée lui traversa l’esprit mais il était rare d’avoir le Marquis autant à sa portée, prompt à la discussion. Sa coupe vint effleurer ses lèvres et celle-ci y resta longuement accrochée, comme si la Dame cherchait à noyer son tracas.

« Qu’avez-vous donc prévu de faire dans un avenir proche ? » Sortit-elle alors subitement après avoir enfin décroché sa coupe de ses lippes.

Sa coupe de vin à nouveau pleine, Maélyne eut une nausée rien qu’en la regardant. La Dame en avait déjà sirotée quelques-unes durant cette soirée et son corps venait de mettre un holà. Et alors que le dégout montait de plus en plus, celui-ci fut bien vite surpris par l’attention du Marquis. Sa main de nouveau dans la sienne, leurs regards se croisèrent une nouvelles fois. Aymeric se permit des paroles bien déplacées, ce qui eut pour effet d’empourprer une nouvelle fois les joues pâles de la Dame.

« Je… » Commença-t-elle, fermant les yeux pour se concentrer alors que son esprit commençait à s’échapper tant l’ivresse était proche. « Je pense que nous avons… un peu abusé de ces délices d’Hautval. » Arriva-t-elle enfin à articuler. Malgré l’envie de se dégager de l’emprise de son suzerain, la jeune femme resta stoïque face à la situation. Le malaise auquel elle devait faire face ne provenait pas seulement de la situation mais également du trop-plein de douceurs alcoolisés. Il y avait cette peur de le froisser cumulée à cette peur d’être surpris, proches l'un de l'autre. La Lourmelloise finit par maudire ce salon qui devait sans nul doute être empreint à une trop forte emprise d’Arcam pour ainsi donner envie à tout homme s’y trouvant de se jeter tels des animaux sur la proie qu’elle était.

« Votre Excellence… » Reprit-elle, tenant de désamorcer la situation. Tant de questions se bousculèrent dans sa tête. Il était clair qu’il n’était pas dans un état normal, allait-il prendre la mouche face à un refus ? Ou allait-il lui en vouloir de ne pas l’avoir arrêté à temps ?

Maélyne n’avait clairement aucune envie de s’adonner à des plaisirs charnels avec son suzerain. Malgré le fait qu’il soit bel homme, elle était non seulement mariée mais il en avait qu’un qui pouvait se targuer de réussir à tous les coups de lui faire perdre ses moyens, et l’homme en face d’elle était Marquis de Serramire et non pas Comte d’Arétria.

Tout s’était passé à une vitesse folle. Sur le point d’échanger un humide baiser, Maélyne avait rapidement finit dans son propre lit, entouré de quelques domestiques ainsi que de son guérisseur. Le verdict, finalement, tomba tout aussi rapidement. Maélyne n’était pas de celles qui supportaient l’alcool, elle qui pour habitude se contentait d’eau ou de thés. Plongeant dans un sommeil profond, la nuit passa et le soleil se leva.

Le premier regard se fit plutôt flou et ses mains ne semblaient pas pouvoir se décoller de son front. Poussant de légères plaintes, la jeune femme finit par recevoir la visite de son époux, qui s’était assis près d’elle.

« J’ai fait un horrible rêve.. » avait-elle murmuré, toujours empreint à un mal de tête carabiné.
« Si tu as rêvé que tu as remis sur les pieds de ton suzerain, saches que cela s’est réellement passé. » Répliqua Guillaume ce qui eut pour effet de faire rebondir la Lourmelloise de son lit.
« Je crois d’ailleurs que tu lui dois une nouvelle paire de souliers. »
« Par Néera… oh… non, non, non, non, non, ce n’est pas vrai. Ce n’est pas possible. »
« Eh. Pourtant, si, ça l’est. Et vu la vitesse à laquelle il a décampé ce matin, je gage qu’il n’a pas dû, du tout, apprécier. De quoi avez-vous parlé pour que vous finissiez par vous saouler ? »

La jeune femme s’arrêta net. S’il était vrai qu’elle avait remis sur Aymeric, cela voulait dire que leurs potentiel échange charnel était sur le point de se produire également.

« De… de l’armée, oui, de l'armée, tout simplement. » Avait-elle répondu sèchement.

Au final, il n’y avait qu’une chose à retenir de ces moments passés en compagnie du Marquis. Cela commença avec une épine dans le pied, et finit avec un épieu dans le crâne.