Sujet: Le griffon et le faucon [Terminé] Jeu 15 Déc 2016 - 5:35
2ème jour de la 1ère ennéade de Bàrkios Automne de l'an 9 du XIe Cycle
Le soleil glissait à l’horizon lorsque les cavaliers éthiniens pénétrèrent dans la capitale du comté au grand galop. Vingt hommes, tous encapuchonnés de tissu noir comme l’ébène de la tête au pied, ne portant aucun insigne ni emblème, passaient les portes de Missède telles des ombres que la nuit accueillait volontiers en son sein. Ils empruntèrent un chemin détourné en direction du palais. Les ruelles de leur itinéraire avaient été vidées et interdites d’accès si bien que rien ne vint ralentir le tapage des sabots sur les pavés de la ville. Ernest avait concédé ces mesures de précautions au capitaine de sa garde, Elmure de Champant. L’homme, une montagne de muscle, nouvellement nommé à cette charge, faisait preuve d’un zèle que le seigneur d’Ethin avait fini par trouver excusable ; c’était bien à Missède que Charles et Hector avaient été assassinés. De plus, à travers cette démonstration de diligence, Elmure avait également conforté Ernest dans le choix de sa nomination. Le capitaine de la garde avait passé un temps considérable à préparer leur venue à Missède. La date et l’heure du conseil avaient été modifiées à plusieurs reprises pour n’être finalement arrêtées que deux jours plus tôt lorsqu’Ernest mit un terme aux tergiversions. Rien n’avait été laissé au hasard. Des soldats éthiniens étaient présents sur les propriétés missèdoises d’Ethin depuis une dizaine de jours déjà. Tout avait été fait pour que la sécurité du dernier homme vivant de la lignée seigneuriale soit à son comble. Et malgré qu’Ernest ne partageât pas l’inquiétude de beaucoup dans son entourage, le jeune homme s’était tout de même trouvé, il y a quelques jours, à rédiger un document qui, s’il venait à mourir, serait décacheté et changerait la face du Rocher à jamais.
Les cavaliers déboulèrent sur la place du palais alors que les portes de l’enceinte se refermèrent derrière eux. Ernest mit pied à terre et s’apprêtait à relever son capuchon lorsque Elmure l’en empêcha avant de murmurer : « Non, mon seigneur. Attendons d’être à couvert. » Sur les vingt cavaliers, dix se regroupèrent autour d’Ernest et l’entrainèrent en direction d’une porte secondaire du palais. Entouré de tous ces hommes vêtus de noir et marchant à une cadence soutenue, Ernest se trouva rapidement désorienté et manqua de trébucher à plusieurs reprises. Elmure lui avait fait le même coup lors de leur déplacement à Edelys, la veille. Un intendant du château, une torche à la main, les attendait auprès de la porte. L’homme s’approcha pour saluer le seigneur d’Ethin mais Elmure l’intercepta dans son élan, souleva l’individu du sol et le reposa hors de leur chemin ; la manœuvre fut exécutée avec une telle prestesse que le groupe n’eut même pas à ralentir et s’engouffra sans ambages dans le palais. Une fois à l’intérieur, Ernest releva son capuchon mais il ne saurait toujours se débarrasser de l’escorte dont il était affublé. Les traits du visage du seigneur d’Ethin se tendirent à mesure que le groupe avançait dans les couloirs en direction de la salle du conseil. Ses tempes bâtaient à tout rompre là où la couronne cerclait son front. Quelques ennéades plus tôt, il se trouvait encore de l’autre côté de l’Olienne, à Isgaard, ce delta où la bourbe et la sueur faisait son quotidien, et le voilà, aujourd’hui, dans le palais du comte, vêtu de son habit de seigneur, au cœur du pouvoir.
Cinq jours plus tôt, le Juge Richard de Chantelune avait envoyé l’ordre du jour à tous les membres du conseil comtal. La rencontre devait être divisée en deux ; une séance plénière où tous les membres du conseil et les notables invités siègeraient et une séance restreinte auquel un nombre limité d’individus était autorisé à participer. Le message de Chantelune restait très évasif sur la teneur de chacune des séances mais il était clair que le juge souhaitait mettre toutes les chances de son côté pour éviter tous débordements auxquels la situation semblait allègrement se prêter. Ernest et sa garde arriva finalement dans le couloir qui menait à la salle du conseil. Le jeune homme y aperçut Albéron d’Ithier, émissaire d’Ethin en permanence à Missède. C’était son grand-père qui l’avait nommé à ce poste, et Ernest, afin de maintenir quelque peu de stabilité dans un contexte autrement bien chaotique, avait jugé bon de le garder. « Mon seigneur, dit l’émissaire en courbant l’échine. - Ils sont là ? demanda Ernest. Le cercle de sécurité s’assouplit un peu autour du jeune homme tandis qu’Elmure rentrait déjà dans la salle du conseil pour évaluer la situation avant d’en ressortir serein et satisfait. Le bruit des conversations qui en émanaient surpris Ernest par son volume. - On n’attend plus que vous, répondit Albéron avec un fin sourire. »
Le capitaine de la garde indiqua d’un signe de tête à Ernest que la voie était libre. Albéron s’inclina une nouvelle fois avant d’entrer dans la salle. Quelques secondes plus tard, Ernest entendit son nom être annoncé haut et fort à l’assemblée et les conversations s’amincirent en murmures avant de laisser place au silence. Sur le pas de la porte, Elmure débarrassa son seigneur de son manteau noir. Les larges mains du capitaine sur ses épaules le firent frémir. Et ce frémissement mit le reste de son corps en branle. S’avançant d’un pas assuré à travers la porte, Ernest se trouva ébloui par la lumière de l’immense pièce aux dizaines de lustres qui pendaient du plafond. A chaque bout de la salle rectangulaire, deux grandes cheminées étaient engagées dans une compétition enflammée de craquements retentissants. Lorsque les yeux d’Ernest s’adaptèrent à son environnement, il distingua devant lui une grande table rectangulaire autour de laquelle était assise une vingtaine d’hommes. De chaque côté de celle-ci se trouvèrent trois rangées de gradins sans aucun siège de libre. Il devait bien y avoir quatre-vingt hommes présents au total. Ernest commençait à comprendre ce que Chantelune avait derrière la tête avec cette session plénière ; il s’agissait de montrer à tous les notables et hommes d’importance des environs que les affaires du comté allaient bon train et que les rumeurs de guerre entre Ethin et Beaurivages ne sauraient mettre en péril l’équilibre déjà précaire du comté. Ernest devinait aussi que les choses délicates ne seraient abordées que durant la session restreinte qui, par ailleurs, viderait sans doute la salle d’une grande partie de son assemblée. Il fallait saluer l’intelligence du juge dans cette organisation.
Les yeux d’Ernest se posèrent sur le vieil homme. Placé au milieu de la rangée gauche de la table, Chantelune, debout, comme tous l’étaient dans la salle, manqua de soutenir le regard du seigneur d’Ethin. Ernest gagna finalement sa place, en bout de table, à côté d’Albéron. Le silence perdura et personne ne semblait oser s’asseoir. Ernest se tourna vers son émissaire avec un regard interrogateur. Était-il supposé dire quelque chose ? Pour seule réponse, Albéron tourna la tête vers l’autre bout de la table. Ernest fit de même et se redressa instantanément. Il avait fini par oublié un détail important de ce conseil : il se trouverait dans la même pièce que l’homme que beaucoup considéraient encore comme ayant orchestré les assassinats de Charles et d’Hector. Arnaud de Laval et son émissaire étaient placés à l’autre bout de la table. L’enquête à Missède n’avait rien donné, ni dans un sens, ni dans l’autre, et Ernest était resté sourd aux demandes de Chantelune de partager les informations qu’il détenait. C’était donc la première fois que les deux parties allaient pouvoir discuter de l’affaire. Et une grande partie des hommes présents s’étaient sûrement faits inviter afin de pouvoir assister à la confrontation des deux dernières lignées vassaliques du comté. Ernest comprit finalement que le protocole était la raison pour laquelle tout le monde était toujours debout. Le suzerain en titre s’asseyait toujours en premier. Mais en la présence de deux suzerains de même rang, les choses se compliquaient. Chantelune commençait visiblement à suer, lui qui espérait limiter les accrocs au vu et au su des notables, c’était mal parti. Dans une tentative de mettre fin à cette situation inconfortable, Ernest invita Arnaud de Laval à s’asseoir d’un geste de la main puis fit de même. Un certain soulagement le prit lorsqu’il entendit le reste des hommes prendre place à leur tour. Le conseil pouvait commencer.
Dernière édition par Ernest d'Ethin le Ven 6 Jan 2017 - 20:09, édité 1 fois
Cécilie de Missède
Humain
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Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Ven 16 Déc 2016 - 18:15
Automne - 1er jour de la 1ere ennéade de Barkios 9e année du XIe Cycle
Renard serra plus étroitement son mouchoir sur son nez. Autant il était habitué à l'odeur du vieux port, autant le quartier des tanneurs avait eu raison de sa combativité...
Tandis que sa femme et son beau-frère erraient à la cour depuis des ennéades pour défendre leur point de vue et faire valoir les incohérences des soit disant preuves déjà trouvées contre leur famille, il s'était fait plus discret et avait recommencer les recherches du début pour être sûr que rien avait été négligé. Fort d'une seule certitude : Si les de Laval n'étaient pour rien dans cette hécatombe, le danger devenait aussi tangible pour sa famille que pour celle de ce vieux baroudeur de Charles.
Après des jours de combats diplomatiques acharnés, la tutelle judiciaire de Gaël avait été levée. Beaurivages était à son seigneur, certes, mais la suite s'annonçait plus rude encore et ils auraient besoin de leurs propres preuves.
Tout remontait au jour ou cette fichue vipère avait été retrouvé. Arnaud et Charles avaient eu le droit au même message entre les draps de leur lit, enrobé dans une couverture de cuir marqué d'un étrange sceau. Alors c'était par là qu'ils avaient recommencés.
D'où sa présence en ces maudits lieux...
Cela faisait maintenant plusieurs heures qu'il marchait dans cette abominable rue à la recherche de l'atelier de l'homme qui était mort pour avoir exécuter la mauvaise commande. L'espoir était mince d'y retrouver quelque chose, mais peut-être pourrait-il trouver quelqu'un qui se souviendrait de ce soir ou Charles d'Ethin en personne s'était aventuré jusque dans les tréfonds de la basseville.
Soudain, une petite chose crasseuse déboula de nulle part, le heurtant de plein fouet dans sa course folle. La fillette qui ne devait pas avoir tout au plus dix ou douze ans vola en arrière sans qu'il ait esquisser le moindre geste, tombant à la renverse. Sa robe courte dévoilait ses jambes maigrelettes et ses manches retroussées permettaient d'admirer ses étranges mains d'un bleu indigo profond. La couleur s’éclaircissait le long de ses bras décharnés pour virer au vert en-dessous de ses coudes et s'effacer totalement à peine au dessus. Sa crinière mal entretenue donnait à son visage asymétrique et creux un aspect sauvage et lorsque ses yeux se posèrent sur celui qu'elle venait de bousculer, une crainte farouche s'y lisait sans détour.
Elle se dépêcha de se mettre à genoux, bredouillant à peine
-Mon sire...
De la ruelle latérale arrivèrent deux jeunes gens. Des gueux aussi pouilleux que cette fillette des rues mais bien plus âgés. Leurs grosses pognes pouvaient être celles de tanneurs ou de casseur de cailloux... et ils auraient sans doute put broyer le crâne d'un bœuf à main nue. Mais lorsqu'ils découvrirent cet homme aux vêtements ouvragés avec un mouchoir sur le nez et une rapière à la ceinture, ils tournèrent prestement les talons, marchant comme si de rien était après avoir jeter un regard renfrogné à la petite fille.
Bon bougre, Renard s'assit sur ses talons pour se mettre à la hauteur de la pauvre créature recroquevillée.
-Relève toi petite. Tu as un endroit ou loger?
Elle acquiesça, tremblante, son visage se tournant vers une maison à l'air à moitié abandonné à quelques pas de là. Il fronça les sourcils... Une maison de tanneur avec un volet vert et l'autre branlant... Néera lui envoyait un coup de main visiblement. Et bien mieux qu'un oiseau blanc!
Il reporta son attention sur la petite.
-Tu as connu l'ancien propriétaire?
Elle acquiesça de nouveau, toujours aussi muette. Quoi qu'elle ait vue, il était probable qu'elle en ait vu des vertes et des pas mûres... Pour une si jeune fille...
-Tu es sa fille? -Non monsire... J'soyons teinturière. expliqua-t-elle en gardant obstinément les yeux fixés sur le sol, ses bras esquintés tendus comme autant de preuve -Allons, facilite moi un peu la tâche. Tu travaillais pour lui?
Toujours oui de la tête
-Et tu étais là le soir ou Charles d'Ethin est venu? ... Un grand homme aux cheveux blanc. Il devait porté une épée et des vêtements riches.
Elle n'osa même pas hocher la tête, tétanisée de terreur... C'était pas gagné. Avec un sourire derrière son mouchoir, il posa la main sur la tête de l'enfant. Elle sursauta tellement fort qu'il se senti obligé de reculer.
-Ne t'inquiète pas. Je ne vais pas te faire du mal. Je cherche la personne responsable de la disparition de ton maitre. Je suis du côté des gentils...
Les petites mains bleues se torturaient l'une l'autre. Elle acquiesça.
-J'étions 'ci.
Le premier pas était fait... Regardant de gauche et de droite, Renard sorti deux écus de ses chausses et les glissa dans la petite mimine avec un sourire puis se leva sur quelques recommandations et disparu dans les rues adjacentes. Il aurait put craindre qu'elle disparaisse d'ici le lendemain, mais une fillette comme ça devait se raccrocher à la rare chose qu'elle connaissait et qui était visiblement cette maison abandonnée.
Dans un effort surhumain, il lui avait laissé son mouchoir brodé de ses initiales. Il avait son début de piste, il reviendrait quelques heures plus tard avec une offre que l'enfant ne pourrait pas refusée.
Arnaud de Laval
Automne - 2e jour de la 1ere ennéade de Barkios 9e année du XIe Cycle
La venu du jeune seigneur d'Ethin avait été annoncé pour le jour même. Pour la première fois, l'homme de glace allait rencontré le garçon de fer.
Arnaud était plutôt méfiant de cette première confrontation. Les partisans d'Ethin à la succession étaient aussi véhéments que les sien à la cours et le statut quo des masses braillantes le répugnait plus qu'autre chose. Il ne voulait pas d'une guerre civile. Il voulait la vérité. Et surtout la certitude que l'honneur comme la vie de sa propre famille seraient préservés.
Milles prévenances, milles changements, milles stratagèmes avaient été mis en place pour que le jeune héritier d'Ethin arrive à destination en un seul morceau. Tout avait été orchestré entre le Juge Richard et les gens du Rocher. Exceptionnellement, le jeune homme avait eut le droit de mener douze hommes en armes, pas un de plus, dans l'enceinte du palais. Par soucis d'équité et pour protéger les têtes qui pourraient tomber si le jeune homme avait autant de sang froid que son grand-père, on avait fait la même offre au seigneur de Beaurivages. Pour montrer que le temps n'était ni à la méfiance ni à la guerre malgré les accusations internes, il avait officiellement refusé cette possibilité. Chantelune lui avait été gré. Sa séance plénière n'en aurait que plus de poids... Cependant, il s'étaient entendu pour que deux chevaliers de Missède qui avaient été de braves camarades de Gaël de Laval soient postés devant les appartements de la sœur du seigneur. Eulalie, Mathilde ou les enfants ne devaient pas pâtir des complots qui visaient les familles fondatrices, c'était là la seule prière qu'il avait formulée à Néera... Et la la seule qu'il avait formulé à ses proches vassaux, profitant de l'occasion d'une missive pour réitérer la promesse de fiançailles faite à son ami des Deux-Havres par la main de sa plus jeune fille.
Depuis les premières heures du jour, il revoyait les maigres trouvailles sur lesquelles son beau-frère, Renard, avait mis la main durant ces recherches. Si rien ne pouvait encore être montré à la cour, il avait réussit à mettre la main sur la prostituée qui avait dérober en premier lieu le couteau de son cher Clarence... Si des enfants d'Arcam avaient fait le moindre mal à cet homme d'honneur, il les écorcheraient de ses propres mains!
Plusieurs coups avaient retentis à la porte. Un serviteur lui annonçant que le Conseil commençait. Fidèle à la fierté glaciale qui le caractérisait, il reposa sa lecture, défroissa sa redingote bleu, examina l'exactitude de l'attache de son ceinturon, passa une main dans ses cheveux poivre et sel parfaitement coiffés et se leva pour suivre le valet. Nulle couronne, nulle distinction ne l'affirmait comme un seigneur important. Seule la chevalière d'or qu'il portait à l'auriculaire de sa main gauche avait de la valeur à ses yeux. Les couronnes étaient pour les roi et les orgueilleux lui répétait toujours son père. Les de Laval sont serviteurs de leurs terres. Ainsi l'avait voulu la Sainte femme dont ils descendaient tous.
Les longs couloirs du palais étaient étrangement vides. Surement une autre précaution pour leur fragile invité...
Une violent coup de point le déséquilibra à un tournant. En pleine mâchoire. Un crochet. La douleur explosa. Le goût du sang glissa sur ses papilles. Avant qu'il ait put réagir, on le saisissait au col pour le plaquer contre le mur. La morsure d'une lame lui taquina les côtes un peu plus bas.
-Lève un doigt et je t’étripe, langue de vipère. Pose ne serait-ce qu'un doit sur le seigneur d'Ethin et ta famille ne s'en relèvera pas. Le Seigneur Ernest vaut des milliers d'hommes comme vous. murmura une voix tremblante d’excitation.
Il n'eut pas le temps de répondre. Pas le temps d'appeler ou de bouger lorsqu'il senti la lame se faire un peu plus pressante. La valet qui l'avait brusquement brutalisé disparaissait en courant dans un couloir parallèle, le laissant plié en deux, un mollard sur la joue et une lèvre éclatée. Sa respiration resta poussive un moment. Il ne pouvait s'empêcher de regarder dans chaque recoin comme si un assassin allait sortir pour finir ce que cet freluquet n'avait pas voulu faire. Mais rien...
Après avoir laisser s'échapper un profond soupire de soulagement, le Seigneur de Laval se redressa, son masque égale et distant restauré à la perfection. Une trace de sang était largement visible sur son foulard et du sang continuait à couler de sa lèvre... Il ne pouvait pas se présenter ainsi. Un bruit. Il frémit. Aux aguets malgré lui.
Avec un calme parfait, il retira son foulard pour éponger son visage et essuyer le sang, un froncement de sourcil pour toute marque de douleur et de dégoût. Roulant en boule le tissus blanc, il le glissa dans sa poche, ne laissant dépasser qu'un pan immaculé comme un accessoire savamment travailler.
Certains auraient surement joué de cet accident pour jouer les vertus outragées... mais faire pitié n'avait jamais été une option. Il n'avait jamais été un homme d'action. piètre combattant, il n'était pas roder aux stratégies guerrières, mais l'art des mots et des chiffre, cela, il pouvait le comprendre. Les traditions et les enseignements des Cinq, ils les portaient dans son cœur avec ferveur. Un homme d'honneur ne se laissait pas souffleter ainsi. Et s'il le faisait, il l'assumait seul avec toute la constance d'Othar.
Une légère crispation passa sur ses traits lorsqu'il repris la marche, seul, dans les couloirs qu'il connaissait bien. Sa lèvre lui tirait. Sa mâchoire lui lançait. Son cœur battait fort. Ses yeux auraient voulu regarder dans chaque coin d'ombre. Il conservait la désagréable impression d'un regard posé sur sa nuque. Mais rien dans son maintient ne laissait paraitre la peur qu'il avait eu... Si ce n'était le léger tremblement que ses longues mains maîtrisaient avec peine.
Dans la salle du conseil, il était parmi les premiers arrivé. Après avoir été annoncé par son émissaire retrouvé à la porte, il s'avança dans l'espace clair et tiède, trouvant sa place à la droite du Juge qui lui même occupait la droite du siège vide du Comte. Il salua le vieille homme un sourire invisible pour ceux qui ne le connaissaient pas de longue date. Richard fronça les sourcils, apercevant sans mal la lèvre gonflée du noble qui n'était ni connu pour son caractère sanguin ni pour l'adresse de ses poings... Les choses allaient loin.
La salle se remplissaient doucement. les uns et les autres conversant à voix basse, donnant un brouillard de voix de plus en plus important, interrompu de temps à autre par l'annonce de la présence d'un nouveau Conseiller. Les iris bleues de givre d'Arnaud glissaient sur l'assistance. Il saluait bas. Parlait peu. Droit sur son siège à examiné le monde d'un regard que certains trouvaient aussi acéré et hautain que celui de l'animal qui représentait son sang.
Et enfin, la silhouette sombre du garçon couronné se fit reconnaitre. Comme pour chaque Conseiller, la tablée se leva. Mais contrairement à chaque conseiller, aucun homme ne vint à sa rencontre pour le saluer. Et contrairement à chaque conseiller, la tribune se leva de concert. Un silence pesant croulait sur les épaules de chaque personne dans la salle. Des dizaines d'attentions exacerbés guettaient du regard le moindre geste, la moindre expression, la moindre réaction des deux hommes qui occupaient toutes les lèvres depuis le début du mois précédent.
Dans le cas d'Arnaud, les curieux étaient, comme toujours, déçu. Content ou triste. Satisfait ou frustré. Approbateur ou non. Le visage de cette homme ne semblait pas pouvoir se pourvoir que de deux expressions : celle qu'il arborait à ce moment, et le fin sourire qui illuminait ses yeux d'une tendre fierté que certains avaient pu voir une unique fois le jour de l'adoubement de son fils. Pour l'heure, l'homme ne dévisageait à peine le nouveau venu, attendant surtout qu'il croise son regard pour que tout deux puisse synchroniser la lancée de ce conseil, peu désireux d'ajouter de l'huile sur le feu des dissensions.
Mais le comportement du jeune seigneur en décontenança certains... Il semblait se moquer éperdument de la présence de ce qui aurait du être un ennemis mortel. Il restait simplement... Debout.
Enfin. Le regard des deux hommes se croisa. Enfin, Arnaud put acquiescer de la tête, lui permettant par la même de s'asseoir. Le jeune homme était novice mais son bon sens était au moins suffisamment présent pour qu'il n’accepte pas de suite. Au lieu de prendre place en premier, il tendit la main à son confrère pour l'inviter à s'asseoir également et chacun put faire à sa guise sans qu'une position de force ne soit établie.
Arnaud, à côté du Juge, l'entendit lâcher un minuscule soupire de soulagement avant de se racler la gorge.
"Notre Comte ne pouvant être présent, je l'ai tenu informé de notre assemblée et partagé avec lui quelques idées dans ses rares moments de lucidités. Cependant, son état ne s'étant pas améliorer, le Conseil Exceptionnel conserve ses prérogatives décisionnaires concernant les problèmes abordés dans cette assemblée."
Quelques bénédiction Néerites et quelques signes de coupe lui répondirent, recommandant le Comte à la bienveillance de la DameDieu. Qu'elles soient sincères ou non, cette réaction spontanée mis un peu de baume au cœur du vieux Juge.
"Bien. A l'ordre du jour : La succession de la gouvernance d'Isgaard. La position affichée de Missède concernant la rétractation de Cléophas d'Angleroy après le serment d’allégeance du duc Oschide envers la couronne du Soltaar sans restitution de la Capitale. Le maintient de nos forces vives dans le blocus de Sharas. La position affichée de Missède concernant la formation de la Ligue Sans Roy. Messieurs les Conseillers, voyez-vous autre chose à ajouter? "
Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Sam 17 Déc 2016 - 2:56
Au moment des bénédictions, Ernest remarqua l’entaille à la lèvre d’Arnaud de Laval. Une balafre sur un homme de son rang ne passait pas inaperçue. Et si on pouvait facilement imaginer que la blessure ne résultait que d’un malheureux incident au cours duquel le seigneur de Beaurivages, pris d’une envie de lâcher de l’eau au beau milieu de la nuit, trébucha à la sortie du lit et se mangea le pot de chambre en pleine trogne ; si Ernest s’imaginait volontiers cette scène entre deux marmonnements dévotieux, il savait aussi que tout le reste de l’assemblée ne manquerait pas de faire le lien entre la plaie et les tensions qui enfiévraient le Comté. Et cela l’exaspérait. Innocent ou non, le fait que de Laval endossait subtilement le masque de la victime teintait inévitablement de vilénie le Rocher qui venait d’enterrer son suzerain et son héritier. Ernest détourna le regard. Qu’il aimerait pouvoir crier haut et fort que l’égratigné n’était toujours vivant que parce que lui, seigneur d’Ethin depuis seulement quelques jours, s’était résolu à provoquer ses propres vassaux pour qu’ils n’aillent pas cueillir de Laval alors que celui-ci rentrait comme une fleur de Diantra où il venait de marier sa fille. Personne ici, pas même Albéron d’Ithier, n’était au courant des couteux efforts dont Ernest avait dû faire preuve pour éviter la guerre ; et ces efforts ne lui avaient même pas donné la paix, il n’avait réussi à arracher qu’un compromis aux vassaux ethiniens dont la douleur du deuil n’égalait que leur volonté d’en découdre une bonne fois pour toute avec Beaurivages. Car voilà encore une chose qu’Ernest avait gardé pour lui jusque là : si de Laval n’était pas pleinement innocenté avant la deuxième ennéade de Bárkios, Ernest n’aurait d’autre choix que de faire marcher les forces ethiniennes sur Beaurivages. Avec ce poids sur les épaules, Ernest fulminait à la vue d’une nouvelle perle de sang qui gouttait sur les lèvres d’Arnaud de Laval. J’empêche le Comté d’éclater et tu n’peux pas t’essuyer la bouche, connard, pensa le seigneur d’Ethin en s’appliquant à fixer du regard les rainures du bois de la table.
L’ordre du jour fut annoncé par Chantelune. Tous ces sujets semblaient importants mais Ernest trouvait qu’il en manquait un. Le seigneur d’Ethin releva vivement la tête. « Edelys, lâcha Ernest. L’administration de la baronnie incombe au Duché. Mais c’est Missède, depuis le début, qui a endossé le rôle d’assurer la meilleure transition possible de ces terres. Notre bien aimé Comte, Néera le préserve, y était particulièrement attaché et s’en est d’abord occupé, puis, lorsqu’il est tombé malade, ce fut mon grand-père, Charles d’Ethin qui prit la relève et j’ai fait de même depuis que ses responsabilités me reviennent. L’investissement du Rocher à Edelys n’a échappé à aucun des habitants de l’ancienne propriété royale. Et nous sommes fiers des relations que nous avons tissées avec nos voisins. Mais il est grand temps que le Duché se prononce sur la question. Edelys a besoin d’un suzerain et si Langehack ne se sent pas à même de prendre une décision, alors Missède doit demander à ce qu’Edelys rejoigne le Comté, de manière officielle. » Charles lui avait beaucoup parlé de ces conseils exceptionnels dans ses lettres. Ce furent d’ailleurs celles-ci qui apprirent l’art de la politique à Ernest, bien plus que les leçons d’un quelconque précepteur. Son grand-père n’avait pas beaucoup de patience pour les convenances et Ernest avait des difficultés à l’imaginer face au décorum que requiert ce genre de situation. L’homme défunt était un pragmatique avant tout et si Ernest avait aussi hérité de ce trait, il savait également travailler avec les apparences et mettre les formes ne lui était pas chose complètement étrangère ; apparemment, cette finesse d’esprit, elle lui venait de sa mère.
Cécilie de Missède
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Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Dim 18 Déc 2016 - 16:57
D'un geste discret, Arnaud se passa la langue sur les lèvres pour éviter que le sang ne perle. Si seulement il avait put faire disparaître cette ridicule balafre... Mais voilà, il fallait bien faire avec...
Lorsque le jeune Ernest pris la parole pour ajouter à l'ordre du jour, nombre de tête acquiescèrent. Celle d'Arnaud ne fut pas en reste car la question méritait d'être abordée bien qu'il ne soit pas d'accord avec les conclusions du nouveau venu, son expérience personne le poussant a considérer l'affaire comme bien plus complexe qu'il ne semblait vouloir l'exposer. Le scribe qui trônait légèrement à l'écart de la table nota l'ajout, tout comme Richard pour ne pas l'oublier dans la suite des débats. Cependant, avant que les esprits s'échauffent et ne partent sur la question, en sa vieille habitude de poser les choses aussi clairement que possible, le vieille homme ajouta :
« Nous en discuterons mais je vous demande de ne pas oublier que ce Conseil n'a en rien vocation de supplanter les prérogatives de notre Comte mais seulement de prendre les décisions qui ne peuvent attendre son rétablissement. Le choix d'un suzerain est quelque chose de difficile, qui n'incombe à personne d'autre que lui... Et dans ce cas présent, qui ne devrait incomber qu'au Duc... Je veux dire à la Duchesse. Je n'accepterai que ce point ne soit débattu que par égard pour les deuils et les troubles des grandes maisons du Langehack et si cela se déroule dans le plus grand respect. » La plume finie de crisser sur le vélin. « Bien... Reprenons dans l'ordre... »
Tout cela ne s'annonçait pas léger léger... Les thèmes du jour étaient de la plus haute importance et si déjà ils parvenaient à en traiter un ou deux le jour même, ils pourraient s'estimer heureux... Et le plus complexe était encore a venir avec cette séance restreinte...
« Puisque vous avez pris la parole et que vous êtes le plus à même d'éclairer nos lanternes, Ernest, pouvez-vous nous faire part de votre avis sur la situation d'Isgaard ? Voulez-vous faire des recommandations à titre de lieutenant ? »
Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Lun 19 Déc 2016 - 20:51
Ernest réalisa finalement que le cas d’Edelys avait déboulé dans son esprit à son propre insu. La situation des anciennes terres royales avait son importance mais, Chantelune le rappelait justement, de nombreux paramètres justifiaient l’inertie qui entourait la question de la gestion de la baronnie. Si la rencontre prochaine entre Ethin et Langehack – rencontre dont Ernest entendait bien faire part au conseil lors de la session restreinte – avait pu forcer Ernest à demander un ajout à l’ordre du jour, c’était en réalité la question d’Isgaard qui avait entraîné le seigneur d’Ethin vers un autre sujet. Ernest n’avait pas encore pu mettre l’enclave missèdoise derrière lui. Après près de deux ans passés sur les lieux en tant que gouverneur militaire, et pour s’en voir finalement arraché par des responsabilités qui n’auraient jamais dû lui échouer, le jeune homme s’évertuait à se dépouiller de la personne qu’il fut dans le delta. Et il vit soudainement en ce conseil une bonne opportunité de le faire. Ce fut dont avec une émotion à peine dissimulée qu’Ernest se leva et commença à parler : « Permettez-moi, tout d’abord, de remercier notre bien-aimé Comte ainsi que ce conseil pour la confiance qu’ils m’ont accordée tout au long de mon service à Isgaard. Pour quiconque qui n’a pas vécu dans le delta, il est difficile d’imaginer ce que nos hommes y endurent. Je suis fier de pouvoir en témoigner. J’ai éprouvé la fange, le vent, l’isolement et la crainte constante que la précarité de nos vies soit tout à coup brisée par l’ennemi. La souffrance est une condition commune à tous ceux qui vivent dans le delta, mais les vingt gardes de la bibliothèque en poste à Isgaard doivent être comptés parmi les plus dignes des Vertueux. Et c’est en leurs noms et les noms de ceux qui les succèderont, que je m’engage, en tant qu’ancien gouverneur d’Isgaard et nouveau seigneur d’Ethin, à ne jamais faillir à engager la responsabilité de Missède envers eux. Puisse Néera les guider, les protéger, et les ramener dans leur famille une fois leur service rendu. » Il y eut quelques secondes de silence durant lesquelles Ernest ferma les yeux. Il savait qu’il s’apprêtait à condamner Alden à deux ans de plus dans le delta. Et tout l’honneur qu’entourait cette nomination ne saurait empêcher son cœur d’aboyer de douleur. Le jeune seigneur se rassit et reprit en se tournant vers Chantelune : « Pour répondre à votre question, j’estime que mon sous-lieutenant Alden de Béjarry est l’homme le plus à même de prendre ma relève. Durant ma gouvernance, les structures de défense de l’enclave ont été grandement développées, les capacités du port ont été agrandies et les rénovations du château ont avancé au point d’être en passe d’être achevées. Alden de Béjarry a pris part à tous ces projets et assure leur suivi depuis que j’ai dû regagner le Rocher. Sa relation avec nos hommes en poste à Isgaard est des meilleures et je suis certain que si la responsabilité de choisir leur propre chef leur reviendrait, ils porteraient de Béjarry à leur tête. De plus, depuis son arrivée à Isgaard, il s’est trouvé particulièrement impliqué dans les accords commerciaux au sein desquels Isgaard joue un rôle prépondérant. Il a facilité l’expansion de ceux-ci et je suis sûr que la famille de Laval, dont les efforts en la matière sont bien connus, a eu l’occasion de s’en réjouir. Enfin, sur le plan stratégique, notre homme est déjà au fait d’un certain nombre d’informations sensibles. Je ne m’étendrai pas sur la nature de celles-ci face à une aussi grande assemblée mais je suis certain que certains d’entre vous me comprendront. Pour le reste, je souhaiterais opérer une transition similaire à celle qui m’amena à succéder à mon prédécesseur, Gaultier de Gwydir. » La situation d’Isgaard demandait une passation de fonction délicate. Les gouverneurs militaires devaient inscrire leur administration de l’enclave dans un effort inconditionnel de stabilité de la région. Il ne s’agissait pas de changer de politique ou de façon de faire tous les deux ans. Lorsque Gaultier de Gwydir avait été forcé à passer la main, la transition avait durée près d’un mois au cours duquel les décisions d’Ernest étaient prises sous contrôle de son prédécesseur. « Le fait qu’Alden de Béjarry soit si qualifié pour ce poste me pousse à soumettre au conseil une période de transition réduite, avec suspension de celle-ci à la fin de la deuxième ennéade de Bàrkios. » Cela laissait assez de temps à Ernest pour finir de former Alden à son nouveau poste. Il espérait que cela lui laisse également assez de temps pour résoudre le problème de l’enquête de la mort de Charles et d’Hector ; enquête dans laquelle son sous-lieutenant s’était trouvé impliqué sans que personne d’autre encore ne le sache. Un mal de tête, résulta de l’enchevêtrement de toutes ces affaires, assaillit Ernest. Le jeune seigneur rendit la parole aux autres membres du conseil mais espérait bien que le cas de Sharas serait abordé par la suite car Isgaard était particulièrement impliqué dans le blocus.
Cécilie de Missède
Humain
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Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Jeu 22 Déc 2016 - 11:47
edits:
Désolée pour les édits successifs, mais j'ai appris des trucs qui sont sensé être connus à Missède depuis le mois dernier et qui ne m'étaient pas arrivé du à l'absence de certains joueurs, il a fallu que je réagisse :/
Le léger silence en l'honneur des braves d'Isgaard paru un peu exagéré à un homme qui n'avait jamais trempé dans le métier des armes, mais leur loyauté étant indéniable, ils méritaient le respect du aux hommes de bien et qu'il leur offrit de bon cœur. Laisser la hiérarchie suivre son cours, Arnaud n'avait rien contre. Même plus, il se considérait comme assez peu qualifié pour gérer cette affaire au mieux, tout comme la plupart des conseilles visiblement. A main levé, la proposition d'Ernest concernant l'identité de son remplaçant fut adoptée. Mais alors que le Juge Chantelune allait demander à chacun de se prononcer au sujet de la prise de fonction accélérée, Arnaud se manifesta de sorte qu'on lui accorda la parole sans qu'il n'ait à s'imposer par la voix et le geste.
"Faire cette passation rapidement me semble en effet judicieux. Cependant, ne pourrait-on pas envisager, au lieu de fixer une date butoir, de vous déléguer, Ernest, deux ennéades de plus à Isgaard, dès que possible, pour que les choses se fassent avec un minimum de stabilité, dans le but de réellement poser cette continuité à laquelle nous tenons tous? Je ne peux m'avancer sur l'état de vos affaire au moment de votre départ, mais étant donné les circonstances, il n'y aurait ni honte, ni déshonneur à vouloir y retourner un temps si cours pour tout mettre en ordre avec votre successeur. Et si c'est l'idée de vous absenter de cette cour qui pourrait vous faire hésiter, bien que j'en doute, je pense que la durée est assez brève pour que ce Conseil se contente de traiter les affaires courantes et garde les sujets délicats pour notre retour à tout deux. Qu'en pensez vous?"
La questions fut débattue à voix basse, le principal intéressé donna son avis éclairé. Puis la proposition fut une fois de plus votée à main levée, Richard et le discret scribe inscrire la décision prise sur leurs feuillets respectifs et la séance continua.
"Mais à part cette succession, souhaitez-vous nous faire part de démarche à entreprendre pour Isgaard de la part du Comté? Nous ne pourrons en débattre aujourd'hui mais ces questions seront ajouté à l'ordre du jour de nos prochaines cessions. " demanda le Juge avec le même sourire calme et bienveillant qui était toujours sien. Une fois la question réglé, venait un point en apparence bien plus épineux... "Le second point dont nous avons à parler est la position affichée de Missède concernant la personne de Cléophas d'Angleroy, le roi et les derniers déboires du duché envers la couronne. Quelle serait pour Missède, la conduite à adopter pour garantir le plus possible sa prospérité.
Il se racla bruyamment la gorge, semblant avoir d'un peu d'eau pour s'humecter le palais. Il toussa légèrement avant de promener son regard perçant sur les membres de l'assemblée... et des tribunes.Nul ne pouvait ignoré que le vieil homme, bien que d'une grande fidélité, était aussi fatigué qu'affaiblit. pourtant chacun des hommes qui siégeaient à cette tablée lui faisait confiance, sans quoi il n'aurait jamais pu manœuvrer aussi facilement pour donner cette image de pays et de fédération.
"Pardonnez moi. Si vous le permettez, laissez moi rappeler que le seigneur d'Angleroy était il y a encore peu de temps l'un de nos confrère au sain du Langehack. Et ce que le Conseil de régence avait accordé au Duc, il le lui a retiré avec pour seule explication que le serment d'un ogre ne pouvait être accepté. Pourtant, nul d'entre nous n'a vu le retour de la Capitale que nous avions remise au roi en gage de notre bonne foi. Cet homme se défend pourtant de toute malhonnêteté et a même fait preuve de magnanimité dans l'exercice de la justice du roi.
Avec la mort du Duc et le malheur de la duchesse, nous ne pouvons plus nous contenter de suivre aveuglément les désires de la suzeraineté. Missède devrait avoir sa propre voix, le Comte le souhaite même s'il ne peut lui-même y participer. Étant donné l’ampleur du sujet, je doute qu'une quelconque décision soit prise aujourd'hui, mais échanger des points de vues sur les retombées économiques, politiques et militaire des différentes alliances qui se proposeront sans doute d'ici peu au duché pourrait nous permettre d'avoir un avis clair à proposé à notre duchesse et ainsi respecté l'engagement de Conseil que les vassaux doivent à leur suzerain.
Je vous demande cependant de respecter une tenue et un calme digne des hommes de notre Comté. C'est un consensus que nous devrons trouver au final. "
Il parcouru une nouvelle fois l'assemblée des yeux avant de donner la parole à l'homme à son côté pour lancer le tour de table.... Homme qui n'était autre qu'Arnaud de Laval.
"Merci.
Tout d'abord, et même si j'ai cru comprendre que cela ferait l'objet d'une autre question, je ne peut décorréler la conduite à tenir auprès du Soltaar de celle à conduire envers notre suzeraine mais également de celle à tenir envers la Ligue.
De part les affaires qu'entretiennent ma famille avec Diantra depuis les trois mois de Sainte-Berthilde, j'ai eu l'occasion de faire de nombreux voyages à Diantra. Bien sûr, je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer officiellement les hauts dignitaire de cette sorte d'alliance de fief, mais j'ai entendu toute sorte de ragots et d'informations plus ou moins fiables au sujet de leur organisation, jusqu'à chercher auprès de la chancellerie de la Ligue les accords écrits que sont tenus d'acceptés les seigneurs voulant en faire parti. Ces documents, je les tiens à votre disposition et nous pourrons en faire des copies si vous le souhaitez, pour que chacun puisse examiner à sa guise les aberrations sectaires de cette assemblée nobiliaire. Pour faire bref dès à présent, j'en retient principalement que l'organisation de la Ligue bride une partie du pouvoir de décision de ses membres sous couvert de leur laisser la parole dans une assemblée à laquelle trois personnes peuvent donner veto sans engager leur honneur personnel et leur retire leur pouvoir judiciaires en les mettant sous la férule de Juges qui ont tout pouvoir pour arriver à leur fin et sont eux même sou le joue de la Dame de Hautval, épouse du Duc-blanc.
Vous comprendrez donc à quel point je suis opposé à une pareille mascarade qui n'est pour moins qu'un moyen pour des seigneurs avides de refuser de se plier aux règles édifiés par la DameDieu lorsqu'elle a désigné Fiiram comme l'homme qui porterait sa parole à travers les terres humaines et unifierait un peuple dans la lumière de la vrai foi. Les serments que nous prêtons à nos suzerains sont aussi importants que les serments que les suzerains prêtent envers leurs vassaux. La parole, l'honneur et le respect des pouvoir et des avis de l'autre sont primordial et je ne retrouve en cette assemblé dévoyée qu'un simulacre de conseil vassalique beaucoup trop étendu pour pouvoir régler efficacement les problème de chaque région."
"Je vous en prie, Arnaud, laissez nous juger. Les échos que j'ai eu de cette Ligue que vous décriez tant son bien plus encourageant que vous ne voulez l'admettre. Chaque vassal, jusqu'au plus petit à le pouvoir de s'exprimer au et fort. De faire valoir ses droits, son point de vue et ses idées. Cela représente bien des avantages quand, comme nous le voyons hélas de plus en plus souvent, les suzerains s’arrogent des droits sur leurs vassaux et mènent leurs terres dans des guerres sans fin pour le seul plaisir de leur égo. Je ne doute pas que vos intensions soient louable mon ami, et je vous connais assez bien je l'espère pour juger de votre bienveillance, mais il est parfois nécessaire de revenir sur des règles établies depuis longtemps lorsque certains se donne le droit de les enfreindre sans cesse..."
Des murmures en pagaille répondirent à l'intervention de la dame de Roch, l'un des deux représentant de la châtelainerie de Missède. Son visage marqué de légères rides n'en était pas moins doux et sa masse pour le moins gironde lui donnait une présence calme appréciée de ses pairs malgré le fait qu'elle soit la seule femme du Conseil Exceptionnel. Mais aujourd'hui, les tribunes étaient à fleur de peau semblait-il et il fallut que le Juge donne de la voix pour avoir de nouveau le silence...
"Vous avez raison. Je laisserai chacun le loisir de lire de façon approfondi les renseignements que j'ai obtenus. Mais cela n'enlève rien à mon avis, Léona. Je ne pense pas que se tourner vers la Ligue soit une solution Viable que ce soit pour Missède ou pour Langehack. Le royaume de Péninsule ne peut être puissant et paisible que sous l'égide d'un roi et le respect de la morale pentienne.
Étant donnée la félonie dont les hommes du nord ont fait preuve malgré la grandeur d'âme qu'on leur prête, nous conviendrons je l'espère sans dommage que le Langehack ne peut se tourner vers eux à moins de renier toute dignité.
En tant qu'homme, je soutiendrai tout enfant possédant le sang des Fiiram, qu'importe sa bâtardise, car nous ne pouvons nous reposer sur une seule vie pour réunifier les terres de péninsule à moins de risquer une nouvelle débandade. Je pense que l'ensemble des enfants Fiiram devraient être légitimés et mis en sécurité. Que le royaume devrait établir une ligne de succession clair en fonction de l'âge. Et que la Capitale devrait être rétablie à Diantra.
En tant que Missédois, je ne peut que souhaiter l'unité de notre cher duché, le rétablissement de notre Comte pour garantir l'unité de nos terre et la survivance d'une lignée plus qu'honorable. Mais je souhaite également l'apaisement de Méliane de Lancrais après les épreuves de ces derniers mois. Les rumeurs qui entours ses faits et gestes alors que son deuil est encore récent sont autant de soufflets qui désavouent notre honneur à tous. "
Un léger silence s'en suivit, durant lequel il resta droit, son regard sévère glissant sur l'assemblée. Il y aurait bien d'autres choses à dire loin des oreilles vulgaires...
"Mais cela ne dois pas nous empêcher de nous servir de notre sens critique. Il nous faut envisager une dernière possibilité...
Cléophas d'Angleroy est un homme dont il faut se méfier, mais sa loyauté envers la couronne semble réelle. Nous avons déjà payer le tribu de la bonne fois en leur remettant Diantra et ils l'ont perdu au profit de la Ligue. Ce n'est en aucun cas de notre fais et ce tribu, nous l'avons bel et bien payé. C'est pourquoi je serai d'avis de nous tourner une nouvelle fois vers le Sud. Notre suzeraine n'ayant pas réagit à l’éviction du Langehack jusqu'à maintenant autrement que par ce malheureux caprice de garder le sang de feu son époux près d'elle, j'espère qu'elle se renseigne ardemment sur les solutions qui s'offrent à elle. Mais son silence et sa sourde oreille nous donne une chance de pouvoir nous renseigner en toute légitimité quant à notre place dans un royaume dont la stabilité est à refaire."
le seigneur de Beaurivages avait parlé d'une voix claire et posée mais son regard de glace s'était allumé d'une flamme inhabituellement ardente alors qu'il parlait de l'avenir du royaume qu'ils avaient connus unis, jadis. Un léger vibrato dans la gorge, il ponctua sa dernière phrase par un tout aussi ténu raclement de gorge pour reprendre contenance.
Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Ven 23 Déc 2016 - 4:18
La proposition du seigneur de Beaurivages prit Ernest de court. Le jeune homme n’eut même pas le temps de couvrir d’un voile pudique le désagrément qui foisonnait sur son visage. Et s’il ne faisait aucun doute que l’avis d’Arnaud de Laval était dénué de toute malice, Ernest ne put contenir les soupçons qui l’assaillirent soudainement. Tentait-il de le déstabiliser ? Personne n’était au courant de la relation qu’avait entretenu l’ancien gouverneur d’Isgaard avec son sous-lieutenant ; pas même les Vertueux de la garnison d’Isgaard desquels Ernest était pourtant très proche. Retourner à Isgaard, c’était remettre à plus tard cette nécessité de tourner la page ; chose avec laquelle Ernest bataillait chaque jour depuis son départ du delta. Et il savait qu’il ne serait jamais complètement maître du Rocher tant que son regard serait tourné vers le passé, vers Isgaard, vers Alden. « Le Conseil n’est pas sans savoir qu’un certain nombre de principes et de coutumes régissent la châtellenie d’Isgaard et contribuent à son statut d’exception. » Cette première phrase était sortie toute seule, sans qu’Ernest ne sache où il allait en venir avec ça. « Une de ces règles entend que le rôle de gouverneur de l’enclave n’est cumulable avec aucune autre responsabilité de gouvernance. Isgaard doit rester neutre face aux questions qui agitent notre Comté ; ses atouts ne peuvent être hasardés au profit de considérations partisanes. En pointant du doigt ceci, je ne fais nullement aveu de la peur que j’aurais de corrompre ce système en accédant à votre requête. » Ceux qui étaient assis autour de la table comprenaient parfaitement l’importance d’Isgaard, mais il fallait véritablement avoir été aux commandes de l’enclave et de son port pour saisir le potentiel de la vision de Viktor III de Missède lorsqu’il lança son expédition en Aduram. « Bien au contraire, j’insiste sur ce point afin que ma situation ne puisse donner lieu à un précédent qui pourrait, un jour, avoir cet effet regrettable. D’un gouverneur à l’autre, la période de transition doit être maintenue à son plus clair minimum. De la stabilité des affaires d’Isgaard dépend aussi le respect rigoureux des limites du mandat de son gouverneur. M’est avis qu’Alden de Béjarry sera prêt à prendre ma relève à la fin de la deuxième ennéade de Bàrkios. Cette date donne le temps à Isgaard d’informer nos partenaires économiques et militaires du changement de gouvernance. Je n’ai, pour ma part, plus rien à apporter à notre homme ; rien d’essentiel à mes yeux. Tout ce dont il a besoin à présent, c’est d’une lettre de ce Conseil lui exprimant notre confiance et je suis certain que le Juge Chantelune ne manquera pas à ce devoir. » Ernest s’était surpris lui-même. Articuler un tel propos dans la confusion qu’avait créée en lui la question d’Arnaud de Laval, il ne s’en était pas cru capable il y a quelques minutes plus tôt. En déclinant la proposition de de Laval, Ernest avait également pris en compte quelque chose qu’il était seul à savoir : d’ici à deux ennéades, si l’enquête des assassinats n’était pas résolue, Ethin et Beaurivages seront en guerre.
Après avoir entériné la question du gouverneur, Chantelune reprit la parole et s’enquit de possibles nouvelles mesures que le Conseil pourrait être amené à prendre vis-à-vis d’Isgaard. Faisant le lien avec son propos précédent, Ernest expliqua qu’il préférait, suivant la coutume, que ces propositions émanent du nouveau gouverneur et qu’en sa qualité de gouverneur sortant, Ernest ne saurait, pour quelques jours encore, qu’approuver ou désapprouver celles-ci. Enfin, clôturant le chapitre d’Isgaard, il offrit à ses interlocuteurs d’écrire à Alden de Béjarry dès demain afin que celui-ci lui fasse part de mesures qu’il souhaiterait voir mises en œuvre et que le Conseil pourrait évaluer lors de sa prochaine session. A travers sa connaissance et son respect des traditions du Comté, Ernest espérait avoir prouvé à l’assemblée présente que ni son jeune âge, ni le fait que sa tête n’eût été prédestinée à supporter la couronne du Rocher, ne le rendaient impropre à siéger au sein de ce Conseil.
Les conversations virèrent vers un sujet autrement plus épineux : le Roi, sa Régence et la Duchesse. Ernest put sentir du mouvement dans les gradins. Une fluctuation dans l’attention de l’audience comme si plus d’une centaine de pupilles se dilatèrent en même temps. Arnaud de Laval parla en premier. Son intervention ne devait avoir surpris personne ; de tous les membres du conseil, l’homme avait la position la plus claire sur les questions soulevées. Dame Léonia de Faviar fut la première à répondre au seigneur de Beaurivages. La vassale de Missède semblait être animée par un discours pacifiste qui l’amenait à considérer la Ligue comme le choix de ralliement le plus viable. Ernest se méfiait de ceux qui faisaient usage de la paix comme d’une douceur infinie ; une friandise que tous pourraient savourer sans que jamais elle s’épuise. La paix, c’était un vœu d’aveuglement qui demandait d’ignorer les différences entre le Sud et le Nord et qui forçait à faire fi des nuances du monde des hommes. Cette paix absolue n’était rien d’autre qu’un leurre. Ceux qui se targuaient de l’avoir connue ne pouvaient être que des idiots ou des menteurs. Car c’est bien en temps de paix que les guerres prennent racine. Non, Ernest refusait de courber l’échine face aux chimères de la paix. Un temps marqué par l’absence de guerre ne signifiait qu’une chose : les hommes reprenaient leur souffle. La guerre reviendrait toujours car la paix ne saurait suinter assez de mélasse pour séduire le cœur des hommes. La guerre, c’était ce crie qui résonnait en chacun et qui tentait désespérément de dire à l’ennemi : regarde-moi, atteste mon existence. Pour autant, Ernest n’avait rien d’un va-t-en-guerre. Sa conception du royaume des hommes était simple. Les chances de prospérité de tous reposaient sur l’acceptation des différences de chacun. Le Nord resterait le Nord, le Sud resterait le Sud ; quant au Médian, il ferait bien d’oublier ses aspirations égalitaires car aucune conduite n’était plus inepte et dangereuse que celle qui promettait de faire germer l’unité sur le talus fumeux des différences. Les nuances de la péninsule devaient être respectées jusqu’à accepter leur incompatibilité. Le Nord et le Sud doivent se regarder dans les yeux, de ce regard neutre qui ne dit rien d’autre que : je te vois, je légitime ton existence. Et de ce lien naitra la reconnaissance que la prospérité de tous dépend des fruits de l’altérité.
Chantelune avait lancé les discussions avec cette recherche de prospérité comme feuille de route. Pour Ernest, il ne faisait aucun doute. Missède ne rejoindrait jamais le Nord, pas plus que le Médian. Missède appartenait au Sud. C’était là qu’elle pouvait faire valoir ses nuances et, ainsi, prospérer. Ernest considérait que la question du Roi était à la fois secondaire et beaucoup plus compliquée qu’elle n’y paraissait déjà. Pouvait-on concevoir qu’un homme puisse embrasser toutes les différences du royaume des hommes au point que tous se reconnaissent en lui ? Certains, tel Arnaud de Laval, répondraient par l’affirmative au nom de la religion. Les Cinq nous unissaient tous. Ernest, loin d’être aussi dévot que le seigneur de Beaurivages, ne pouvait se résoudre à y croire. Même les dieux ne sauraient tempérer le cœur des hommes. Malgré cela, Ernest n’en restait pas moins royaliste. Mais les traditions ancestrales qui entouraient le port de la couronne à Ethin façonnaient sa vision des choses à l’échelle de la péninsule. Sur les terres du Rocher, la couronne représentait un honneur et un fardeau. La vertu étinienne forçait son porteur à être animé d’un amour et d’une haine pour la tâche qui l’incombe. Le suzerain se devait donc de se soumettre à la mue de sa propre personne au profit de la couronne. C’était donc dans son héritage éthinien qu’Ernest forgeait sa conception de la royauté. Une royauté bien différente de celle qui avait caressé la péninsule à travers les âges. Ainsi, choisir entre Bohémond et les filles de la Duchesse du Médian ne l’inspirait guère. Mais puisqu’un choix semblait inéluctable, il pensait que… « Attendons, attendons ! martela Jules de Lavier, régent d’Ybaen, arrachant Ernest à ses spéculations intérieures. Il faut faire frémir nos intérêts à petit feu. Réchauffons nos relations avec le Sud, attisons l’intérêt de la Ligue à notre égard et, peut-être même que nous devrions inviter le Nord à notre table… » Ernest n’entendit même pas la fin des paroles du régent. Cette politique qui consistait à se faire grossir le cul en le calant entre deux chaises mettait Ernest hors de lui. Et les métaphores culinaires de de Lavier faisaient regretter à Ernest de ne pas avoir une poêle sous la main pour la lui coller sur le coin de la tronche. La seigneurie d’Ybaen n’était pas gâtée avec un écervelé de la sorte. Et dire qu’Ernest, sur son chemin pour rencontrer la Duchesse, devra bientôt partager un repas avec lui alors qu’il fera étape à Hautbois, la ville d’origine de sa grand-mère.
Cette idée lui traversant l’esprit, il décida de prendre la parole sans s’assurer, outre mesure, que le régent avait terminé. « Il m’est sans doute maintenant opportun d’annoncer au Conseil l’audience prochaine que la Duchesse de Langehack m’a accordée. » Ernest resta flou sur la date de cette rencontre car elle n’avait pas encore été arrêtée. « Comme vous l’avez bien rappelé en introduction, Chantelune, il serait prématuré de se prononcer sur une position officielle de Missède à cet égard. Peut-être pourrions-nous en discuter de manière plus informelle durant la session restreinte de notre conseil afin qu’aucun de nous ne se sente contrit par ses propos en la présence d’un public. » La remarque d’Ernest valait aussi bien pour ceux qui avaient choisi de danser en rond afin d’éviter d’avoir à marcher droit, que pour celui qui avait déjà beaucoup donné sans avoir pu épuiser toute sa réserve de remarques caustiques, que pour Ernest, lui-même, qui s’était abstenu de tout commentaire sur le sujet.
Cécilie de Missède
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Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Mer 28 Déc 2016 - 1:09
Pour une fois, les mots d'Arnaud n'étaient imprégnés d'aucun malice, d'aucun calcule. Bien loin des terribles considérations de son jeune confrère, il s'était au contraire conduit avec déférence. Ayant lui-même hérité de la charge familiale à un âge comparable à celui du jeune homme et dans des circonstances plus dramatiques encore avec la mort de ses deux frères et de ses deux parents en l'espace de deux mois, il savait à quel point mettre ses affaires en ordre dans un tel contexte pouvait être complexe... Et a quel point, même si on ne pouvait le laisser paraître à ce moment précis, la présence de la routine et des amis de longue date pouvaient être salutaire dans un deuil. En réalité, par cette proposition, Arnaud cherchait tout autant à stabiliser Isgaard qu'à donner à Ernest l'occasion de se ressaisir en paix après ce qui était advenu à sa famille... Bien sûr, il n'avait aucune idée de l'état de tension qui existait entre les vassaux du Rocher et leur jeune suzerain, sa propre famille entretenant avec soin les relations de suzeraineté comme d'autres veillent sur un trésor d'or et d'argent.
Mais puisque la date de la fin de la deuxième ennéade de Barkios semblait si importante aux yeux du jeune homme, soit. Un vote à main levée vérifia que le Conseil respectait ce choix à l'unanimité. Même Arnaud, étant donné les raisons propres à sa proposition, donna sa voix de bonne grâce... Mais le Juge cru tout de même bon d'ajouter, alors que sa plume raclait le vélin :
« Nous entérinons donc le refus de passation directe comme votre dernier acte de Gouverneur d'Isgaard. » Dans l'esprit du juge, procédurier de nature, cela sonnait comme un risque inutile, à n'en point douter, mais après tout, à la jeunesse l'avenir !
Le conseil approuva également la proposition d'écrire dès le lendemain au futur gouverneur. Les excuse du Conseil Exceptionnel seraient ajoutées pour ne pouvoir lui proposer une remise de fonction avec le faste et l'officialité habituelle étant donné la maladie du Comte.
Les débuts de débats sur la conduite à tenir furent, eux, bien plus mouvementés. Sans que le ton ne monte, les premières minutes suffirent à montrer toute la diversité d'opinion des membres du Conseil Exceptionnel... Et sûrement que chaque dame et chaque seigneur présent dans les gradin avait trouvé dans cette pléiade son propre champion. L'unité et le calme obtenu par la multiplicité des opinions des représentants... si Richard avait fait exprès de lancer cette question pourtant au combien houleuse – ce dont Arnaud n'osait douter – cela approchait du génie politique... et de la ruse la plus perverse.
Les paroles des uns et des autres, même diamétralement opposées aux siennes, laissaient Arnaud de marbre. Il regardait les balles lancées. Les idées qui traversaient la pièce. L'intervention d'Ernest le fit une fois de plus tiquer. Un entretient avec la Duchesse... tien donc... Il voulait réellement remettre de l'huile sur le feu... Faire le déplacement jusque là-bas sachant les rumeurs qui existaient sur elle et sa cours, c'était forcé le Conseil a prendre une décision bien plus tôt que prévu... Enfin si la rencontre avait lieu bientôt. Ses lèvres se pincèrent à nouveau légèrement.
Mais par courtoisie... Ou peut-être pour ne pas avoir a donner de la voix alors que les conseillers souhaitaient mettre leur grain de sel devant l'assemblée afin de se positionner, avec vérité ou non, devant les yeux qui brillaient aux tribunes, il ne posa pas de question.
Ernest et Arnaud se tinrent coi durant le reste des échanges... qui s'éloignaient parfois du sujet du jour, certains expliquant au chiffre près pourquoi tel ou tel marché commerciale devait être à tout pris maintenu et donc pourquoi telle ou telle alliance politique devait être retardée. Mais en toute simplicité, et malgré la conviction des discutailleurs, aucune des questions réellement fâcheuses qui tournaient de plus en plus rapidement dans l'esprit du Seigneur de Beaurivages et qu'il avait effleurer sans le faire ne fut débattu à froid.
Le temps passant, il fut décidé d'ajourner les débats publiques pour cette session et de réinscrire la question de Sharas au prochain ordre du jour.
Peu à peu, la salle se vida.
Il ne resta plus que les membres du Conseil Exceptionnel eux-même. Hubert de Champagny, Seigneur de Champagny et Léona de Faviar, Dame de Roch, pour représenter la châtelainerie de Missède, le très économe Jules de Lavier, Régent d'Ybaen, Ernest d'Ethin, Arnaud de Laval et leurs émissaires; le tout arbitré par le Juge Richard Chantelune représentant la personne du Comte en tant que son homme de confiance et garant de moralité.
La porte se referma sur l'annonceur, le scribe restant seul dans son discret coin d'ombre.
Au milieu du silence, la tension monta d'un cran.
Alors que les doigts soigneusement entretenus de Hubert se croisaient et se décroisaient, Arnaud resta une fois de plus silencieux et droit après avoir profité de l'agitation ambiante pour vérifier que sa lèvre ne gouttait plus. Après tout, n'était-ce pas à celui qu'on avait fait venir en grande pompe avec moult ajout de gardes et de protocoles abracadabrantesques, ce parti qui se réclamait lésé par les de Laval, de prendre la parole en premier ? A moins que ce sujet soit encore caché sous le tapis un moment ?
Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Ven 6 Jan 2017 - 1:58
Au fur et à mesure que la salle se vidait, les visages des membres du conseil restreint se déliaient des grimaces de circonstance, de leurs regards glissaient les voiles pudiques de la réserve, tandis que les corps perdaient leur posture d’apparat. Le huis-clos s’annonçait tendu. Personne n’osa prendre la parole, pas même Chantelune qui affectait un besoin indispensable de relire ses notes. Ernest hésita. Etait-ce le moment que tous attendaient ? Etait-il venu l’heure de parler de l’affaire ? Les évènements de la veille, à Edelys, avaient rajouté une couche de complexité au problème. Si les soupçons s’accumulaient au point de passer parfois pour de faits avérés, les preuves, elles, étaient nulles ; ou presque. Roland n’avait pas réussi à faire changer Ernest d’avis quant au rôle d’Aldren dans toute cette affaire mais il lui avait quand même fait prendre conscience des risques qu’il prenait en poussant la situation si proche de l’éclatement. Dans moins de vingt jours, la guerre sera déclarée. Ernest n’était pas fou, et encore moins stupide, il savait que la situation ne pouvait perdurer et que le conseil devait apprendre ce que, pour le moment, seuls Ernest, Roland et Aldren, tous les trois disséminés dans le Comté, partageaient en secret. La responsabilité d’amener la vérité au grand jour incombait néanmoins au seigneur du Rocher. Il fut sur le point de s’y décider lorsqu’Arnaut de Laval éructa d’un nouveau discours à l’encontre de la Duchesse.
« Maintenant que nous sommes en comité plus restreint, j'aimerai ajouté un mot sur ma déclaration de tout à l'heure. Comme je l'ai dit, j'espère sincèrement que notre Duché perdurera sous sa forme actuelle, mais les rumeurs qui nous parviennent sur la présence de traîtres à la cour du Langehack sont intolérables. Si elles sont fondées, ce fait jette l'opprobre sur tous les grands noms de Missède et d'Edelys sans que nous n'ayons pris la moindre part à cette immonde décision.
J'estimais grandement le Duc Oschide et je pleure sa disparition, mais même lui avait eu l'intelligence de s'éloigner de son père. Le veuvage peut certes excuser quelques maladresses, mais cette décision de donner officiellement asile à des traîtres à la couronne dépourvus du moindre honneur ne doit pas perdurer pour le bien du duché. Étant donné les troubles internes à Missède, je me suis contenté de prendre quelques distances économiques avec Langehack, dont ma défunte mère était pourtant issue, raffermissant le trafic maritime en direction de Nelen et de nos voisins nordiens. Ernest peut en témoigner, les navires ont afflué vers Isgaard plus que de coutume. Tant que des dirigeants feront passer les caprices de leur cœur devant le bien du peuple cette situation instable sera sans fin... Et Méliane de Lancrais a bien trop d'émotion pour bien peu de raison...
En cela, je vous rejoins d'ailleurs, Dame Léona. La tentative de la Ligue pour éviter qu'un suzerain malavisé n'entraîne ses terres dans la tempête est louable même si cela n'est pas fait de la bonne façon. Et j'ose affirmer aujourd'hui que la Duchesse Méliane de Lancrais a perdu ma confiance. J'espère qu'elle prendra les décisions qui s'imposent dans les ennéades à venir car son deuil n'excusera plus longtemps ses lubies. »
Ernest acquiesça d’un mouvement de tête face aux propos du seigneur de Beaurivages. Sa position sur le sujet était pratiquement similaire mais il souhaitait la taire pour jusqu’à sa rencontre avec la Duchesse. L’audience avait été repoussée à maintes reprises et pour des raisons tragiques, d’un côté comme de l’autre, il apparaissait donc tout à fait inconvenable au seigneur d’Ethin de se prononcer sur la question aujourd’hui. Le silence revint bientôt et cette fois plus personne ne semblait vouloir ajouter mot. Chantelune releva les yeux vers Ernest et le jeune homme prit cela comme une invitation : « J’ai bien conscience qu’à moi revient la responsabilité d’amener à nos discussions la question des assassinats de Charles et Hector d’Ethin, commença-t-il sans vraiment savoir ce qu’il s’apprêtait réellement à divulguer. Vous le savez, l’enquête n’a pas… » Une des portes de la salle s’ouvrit avec grand fracas. L’appel d’air fut si violent qu’il fit rugir les feux des cheminées, projetant une vive lumière dans toute la salle et l’ombre démesurée de ce qui ne pouvait être qu’un ogre de contes pour enfants turbulents. « Elmure ! » s’écria Ernest avec réprobation en voyant le capitaine de sa garde approcher. « Mes excuses mon seigneur, mais ce messager dit qu’il ne peut attendre. » Jusque-là, Ernest n’avait pas remarqué que son colosse de capitaine trainait, au sol et par le col, un jeune homme, une lettre cachetée à la main. Le messager, tremblant comme une feuille, après avoir été remis sur pied par Elmure, tendit son message au seigneur d’Ethin, puis se retira rapidement, visiblement traumatisé par le capitaine de la garde.
Ernest reconnut immédiatement le sceau de la famille de Gwydir. C’était une lettre d’Alceste, l’oncle d’Ernest et un des quatre vassaux du Rocher. Décachetée, la lettre révéla un message très court dont le contenu demanda à Ernest tous les efforts du monde pour celer les émotions qu’il produisit en lui. Albéron d’Ithier, son émissaire, assis à ses côtés, et qui avait sans doute aperçu le message malgré la prudence d’Ernest à l’ouverture, n’eut pas le même sang-froid que son suzerain et laissa échapper un petit cri aigu avant de se couvrir la bouche de la main. Son visage était marqué d’effroi et d’incompréhension. Ernest ne lui adressa pas un regard et referma la lettre. « Elmure, accompagnez messire d’Ithier dehors, il semble avoir besoin d’air. » Le capitaine dirigea le vieil homme, toujours sous le choc, vers la sortie. La porte se referma derrière eux et le silence envahit une nouvelle fois la salle. Ernest réfléchissait, fixant la table devant lui. Tout était sur le point de se mettre en mouvement. Devait-il remercier la Damedieu pour ce qui venait d’arriver ? Ernest n’éprouvait pourtant aucune réjouissance ; juste le soulagement d’avoir réussi à préserver Aldren de cette histoire ; un soulagement fragile car si facilement dissipé par l’idée de ce qui allait venir dans les jours qui viennent. La voix de Grand-mère Edna résonnait dans sa tête, la couronne gagne toujours. Ernest releva la tête vers Arnaut et se leva comme s’il s’apprêtait à quitter la salle. Levant sa main droite à la manière de ceux qui allaient prêter serment, il fit quelque pas vers le bout de table et se tourna finalement vers le juge. « Je vous conseille de prendre note, Chantelune. » Et le regardant droit dans les yeux, il commença : « Moi, Ernest d’Ethin, fils de Philippe d’Ethin et de Vivianne de Gwydir, seigneur du Rocher et de ses terres, gouverneur d’Isgaard en titre, vassal direct du Comte de Missède, petit-fils de feu Charles d’Ethin, frère cadet de feu Hector d’Ethin, en présence des membres du Conseil Exceptionnel de Missède, met hors de cause la famille de Laval et la personne d’Arnaut de Laval, seigneur de Beaurivages, dans les affaires qui menèrent aux assassinats du seigneur d’Ethin et de son héritier en titre. Que la maison de Sainte Aliénor soit ainsi lavée de toute suspicion à cet égard. Puisse Néera entendre mes mots et se porter garante de leur intégrité. » Il fit une courte pause, le temps que le vieil homme finisse d’écrire. « Retranscrivez, publiez, et envoyez le tout aux annonceurs publics à l’aube. » Se tournant finalement vers le reste des membres du conseil, il les salua rapidement d’un mouvement de tête et sortit de la salle à grandes enjambées.
Dans le couloir l’attendaient Elmure, les hommes de sa garde et Albéron d’Ithier. Ernest se planta devant son émissaire avec un air sévère. « Faites mander les prévôts du Comté. Aucun détail ne sera annoncé sans mon autorisation. Restez chez vous. Ne parlez à personne. » Le vieil homme acquiesça. Il essaya de retrouver son calme pour formuler une question mais Ernest avait déjà filé. Elmure et ses gardes, pris de court par les évènements, durent se mettre en mouvement in extremis pour suivre leur suzerain qui courait maintenant vers la sortie du palais. Il fallait agir vite. Dans sa main, il tenait toujours fermement la lettre de son oncle.
Cécilie de Missède
Humain
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Sujet: Re: Le griffon et le faucon [Terminé] Ven 6 Jan 2017 - 16:58
Égale à lui-même, Arnaud était resté droit et silencieux, nul signe de relâchement . Même lorsque le silence s'était allongé. Même lorsque le messager les avait interrompu. Même lorsque le jeune seigneur d'Ethin pris officiellement la parole pour le disculpé avant de sortir comme un courant d'air... Mais par contre, alors que les plumes de Chantelune et du scribe terminaient de crisser, il resta aussi immobile qu'une statue.
Il... Ernest... Oulah...
Il avait du mal a assimiler ce qui venait de se produire. Il s'attendait a devoir une fois de plus batailler pour sa vertu et son honneur et... c'était fini. L'épée de Damoclès... envolée.
Près de lui, son émissaire s'était effondré dans son siège, lâchant un soupire de soulagement pur. Les regards s'échangeaient à une vitesse folle mais aucun n'avait osé prendre la parole. La plume de Richard retomba dans son encrier avec un clapotis inhabituel, seule preuve de la fébrilité du vieil homme. "Et bien... La séance est ajournée... Je crois..." dit-il après quelques secondes.
Ce fut comme un coup de départ. Les langues se délièrent aussi tôt. Énervées ou curieuses, fulminent contre les manières du jeune seigneur tout en pariant à mi-mot sur le contenu de cette lettre. Au milieu du vacarme, des regards et des sous-entendus, Arnaud était resté coi.
Disculpé. Hors de cause...
L'Honneur de son nom était sauf.
Son émissaire tenta de lui dire quelque chose. il acquiesça sans réellement faire attention. Il s'inclina devant Richard, ses confrère, et sorti dignement. Aussitôt seul dans les couloirs, il marcha d'un pas rapide. L'incident précédent était oublier. Ses pieds le conduisaient inévitablement dans l'aile des invités. Les deux plantons devant la petite porte le regardèrent avec surprise, mais aucun des deux ne s'opposa à son passage. Il ne frappa même pas, ouvrant la porte à la volée. L'antichambre était vide. Il se tourna de droite, de gauche, fébrile. Là. La porte de la chambre. Il l'ouvrit avec le même entrain. Elle était là. Il n'eut pas même un regard pour sa tenue débraillée, se pendant à son cou.
Elle faillit hurlé de frayeur, mais la voix de son frère la calma aussitôt.
"C'est fini, Eulalie. Notre famille est hors de tout soupçon."
Un temps de battement. Infime. Les bras de la rivegeoise se refermèrent sur les épaules de son frère. Dans toute leur vie, même dans les souvenir de leur plus lointaine enfance, il n'avait du faire preuve d'un tel élan de tendresse que deux ou trois fois. Pas une fois depuis le mariage qui avait éloigné sa sœur jusqu'à Chiard. Tout ne serait pas réglé tant que l'assassin n'aurait pas été arrêté et pendu car la menace du surin était toujours bien là et la disparition de Clarence le mordait toujours au coeur, mais si elle ne le connaissait pas si bien, elle aurait juré avoir senti quelques sanglots contre son épaule.