« Pendant que le loup n'y est pas » | Nandita, Faucon

Dame Hiver avait laissé tombé son magnifique manteau blanc sur Miradelphia. Perdue sous vingt centimètres de neige, l'herbe attendait avec impatience le retour du printemps. Habituée à ce genre de conditions difficiles, Oësgard devait pourtant faire face à une situation inédite : les récoltes de l'été avaient en effet été désastreuses, du fait du Voile et de ses effets pervers. Privés de soleil pendant trop longtemps, les récoltes n'avaient jamais été aussi maigres. Pour rajouter aux malheurs des habitants des Marches, la nature elle aussi avait été bouleversée par l'événement. La présence de Kÿria à l'est alliée aux ténèbres oppressantes avaient bouleversés l'équilibre de la faune. Conséquence directe et terrible : les prédateurs avaient faim. Les routes étaient donc dangereuses, aux habituels malandrins s'ajoutaient des loups affamés.
Toutes ces menaces n'avaient pas empêché l'envol de l'Hirondelle. Bien que consciente du danger, l'elfe avait décidé de rejoindre sa terre natale, histoire de se ressourcer. Bien que naturellement résistante au froid, la danseuse avait dû céder aux avances des vents froids et c'était vêtue d'un lourd manteau et de botes qu'elle affrontait la neige. Et si elle progressait avec lenteur, au moins gardait-elle sa bonne humeur. Le ciel était dégagé, le soleil brillait, la journée était aussi belle que froide et les paysages qu'elle livrait valait les désagréments endurés.
Comme à chaque fois qu'elle décidait de rejoindre sa forêt natale, le cœur de l'Hirondelle était léger, empli d'une excitation toute enfantine. Chaque pas qu'elle faisait était un pas de moins qui la séparait de son objectif, et c'était donc un pas qu'elle avait envie de faire en dansant... une pulsion à laquelle elle cédait même souvent, à la grande surprise des voyageurs qui croisaient sa route. Rencontrer une elfe sur les routes de la Péninsule n'était déjà pas très fréquent, mais que cette dernière se comportât comme une enfant était un fait rarissime.
Levant les yeux au ciel pour estimer l'heure, l'Hirondelle se rendit compte que la légère faim qui lui tiraillait le ventre depuis une petite heure était plus que légitime. Même si elle mangeait peu en période de voyage, elle se réservait tout de même un petit instant le midi pour se ressourcer. Faisant quelques pas de côtés afin de quitter le milieu de la route, elle s'assit sans plus de cérémonie, s'adossant au premier arbre qu'elle trouva, chose aisée en pleine forêt.
Alors qu'elle entamait sa galette séchée, une forme dans la neige quasi-parfaite des environs attira son attention. Délaissant son repas, frugale dans tous les cas, elle se leva et s'agenouilla à côté. Au premier regard, elle reconnut le pas d'un loup, ce qui lui fit froncer les sourcils. La bête semblait seule, et son passage récent. Se redressant, elle suivit des yeux le reste de la piste et remarqua qu'une deuxième trace bordait les errances du loup. Quant à savoir qui, de l'homme ou la bête, chassait l'autre, l'Hirondelle n'en avait aucune idée ; elle était curieuse, cependant, et après avoir ramassé ses affaires, elle se décida à suivre les traces.
Anaëh pouvait bien attendre une journée.