Hiver - 1ere ennéade de Karfias
10e année du XIe Cycle
Les fêtes de la nouvelle année étaient finies. Enfin ! Dans le froid et le gel, l'organisation de la veillée de la Longue Nuit avait été un vrai casse tête. Il avait fallut tranché entre limiter la fête pour économiser les ressources ou la laisser battre son plein pour redonner du cœur au ventre aux habitants. Ils étaient à la moitié de l'hiver et le stock de bois était déjà presque épuisé. A Beaurivages, ils avaient attaqués le Bois aux Dames pour pouvoir illuminer la côte. A Missède, le choix avait été plus complexe. Les dégâts du aux congères, à l'humidité et au poids de la neige étaient conséquent et le Palais aux grandes fenêtres avait largement dépasser sa consommation annuelle de bois et de charbon à feu.
Alors que son mari était toujours entre deux voyages, préparant autant leur futur commun avec Edelys qu'avec Merval ou Langehack, elle s'était arrêté à deux décisions qui avaient fait ouvrir les yeux, dressés les cheveux et battre les bouches. Premièrement, elle avait ordonné un envoie massif de bûcherons sur la Brande, cette bande de terre à la fois forestière et marécageuse qui bordait le sud et séparait Missède de Scylla et Merval. Puisqu'ils devaient détruire une part de forêt cette année, autant que cela puisse être assainit et servir à agrandir les possibilités de cultures. Selon les prévisions de es conseillers, ils pouvaient gagner plusieurs dizaines d'arpents d'une terre enrichie par les limons des marais avoisinant. La proximité de la frontière en agitait bien certains mais la perspective de manquer de chauffage ou d'atteindre durablement l'intégrité de leurs bois domaniaux et de réduire les aires de chasse semblait plus terrible encore pour plus d'un châtelain.
« Les premières cargaisons mettront tout de même du temps à arriver, votre Grandeur. J'ai refais le calcule et en cas de problème, nous nous retrouverions à sec durant plus d'une ennéade si vous maintenez l'ampleur des fêtes de la nouvelle année. » avait doctement fait remarqué Choderlos en revérifiant les calculs, son boulier et celui de la Comtesse se répondant par claquement sec et sonores.
- Ne pouvons nous pas faire venir du bois de Thaar avec la prochaine cargaison d'épice ?- Impossible de prévoir leur retour. Entre le temps et les problèmes de Nelen... » Ils avaient passés plusieurs jours à passer en revue toutes leurs options pour finalement s'apercevoir qu'ils allaient devoir déployer la garde pour empêcher les habitants de faire des flambées s'ils ne voulaient pas risquer d'établir un rationnement en bois durant une ou deux ennéades alors même que le temps déjà exécrable devenait de plus en plus mauvais.
De cette constatation était venue la seconde décision de Cécilie. Aussi contestée qu'approuvée. Aussi surprenante que terrifiante...
OYEZ BRAVES GENS !
SA GRANDEUR LA COMTESSE CÉCILIE DE MISSEDE FAIT SAVOIR QUE TOUTE PERSONNE POSSÉDANT DES DISPOSITIONS MAGIQUES CONCERNANT LES ÉLÉMENTS EST INVITE SÉANT AU PALAIS DE MISSEDE ! LES MAGES DE FEU SERONT PAYES DOUBLE !
TOUS LES MAGES DÉSIREUX D'AIDER LE PEUPLE EN CES TEMPS DIFFICILE SERONT REÇUS PAR LA COMTESSE EN PERSONNE ET, UNE FOIS LEURS CAPACITÉS AVÉRÉES, SE VERRONT ATTRIBUER UNE PENSION ET UN TOIT POUR EUX ET LEUR FAMILLE, EN ADÉQUATION AVEC LEURS TALENTS.
UNE FOIS L'HIVER TERMINE, LA COMTESSE S'ENGAGE A OFFRIR UNE PLACE PERMANENTE A LA COUR AU PLUS MÉRITANT D'ENTRE EUX.
Des hérauts avaient été envoyés dans tout le Comté, jusqu'en Edelys et même jusqu'à Diantra. Quelques personnes s'étaient présentées au Palais. Peu étaient de véritables mages et encore moins avaient un niveau correcte. Mais Cécilie avait tenu parole et reçu chacun d'eux, leur offrant au passage un vin chaud et quelques minutes dans la tiédeur du palais calfeutré. Avant et après la nouvelle année, les pensions avaient été distribuées comme promis et la trentaine de personne qui avait répondue à l'appel avaient été mis au travail.
D'un niveau bien loin d'égaler celui des légende, neuf d'entre eux maniaient exclusivement d'autres éléments que le feu. Trois mages de terre. Quatre mages de l'eau. Deux mages du vent. A cela s'ajoutait une vingtaine de mage du feu. C'était bien peu mais déjà beaucoup plus que ce qu'elle avait espéré. Deux des mages de la terre avaient été envoyés dans la Brande pour aider au dessouchage, le dernier aidait les architecte à renforcer certains murs malmenés par les vents et la glace qui s'infiltrait dans le roc. Il en aurait fallut une dizaine pour que cela commence à être efficace à l'échelle de la ville, mais c'était toujours mieux que rien. Les deux mages du vent, à peine capable de créer quelques bourrasques, avaient été assignés auprès des différentes équipes d'habitants chargés de déneiger et réparer les toits. Les mages de l'eau, eux, n'avaient pas eu à prouver leur utilité. Après avoir remplit des réserves d'eau propre, leur capacité à changer la température de l'eau avait été rudement mise à contribution. Et enfin, les mages du feu avaient été assignés aux besognes les plus pragmatiques de façon à économiser du bois de cuisson et de chauffe.
La nuit de la nouvelle année, quoi qu'entourés par une garde extrêmement attentive pour rassurer la populace, ils avaient été encouragés à maintenir et organiser des flambées. Si la présence officielle d'autant de mage n'avait reçu qu'un accueil très frais de la part de la population, leur utilité leur avait gagné bien des sympathies et plusieurs mages résidant à la cour depuis déjà plusieurs années, les nobles, bien que généralement méfiants, n'en étaient pas au point de l'austérité nordienne. A vrai dire, ils craignaient bien plus les retombées diplomatiques que la présence même des mages... Et il fallait avouer que leur présence, même en comité restreint, enlevait une sacrée épine du pied des bec sucrés de ce pays qui n'était pas habitué à la rudesse d'un tel hiver. Avec les économies faites et les cargaisons qui ne tarderaient pas à remonter de la Brande, ils avaient bon espoir de pouvoir mettre à disposition du peuple tout le bois dont ils auraient besoin. Si les prévisions de Choderlos étaient justes, ils seraient largement à l'abri pour la fin de l'hiver et pourrait même se permettre d'instaurer un plafond pour les prix du bois de chauffe afin d'éviter que certains en profite de façon trop éhontée sur le dos des plus démunis face au froid. Et avec ces perspectives annoncées et revendiquées par les crieurs, l'angoisse des citadins diminuait sensiblement permettant l’émergence de tout un tas d'effets positifs plus discrets comme une stabilisation des agressions et des vols.
Mais les jours passant, Cécilie avait fini par se demander quand son oreille alerte avait fini par devenir le plus douloureux des handicapes...
Dans les couloirs, dans les salles, au détour des jardins, elle avait l'impression d'entendre bruisser les jugements, la défiance et les moqueries. Quoi qu'elle dise, quoi qu'elle fasse, qu'elle prenne les décisions les plus attendues et traditionnelles ou au contraire les plus osées ; que cela soit une décision collégiale ou une idée solitaire poussée par l'autorité de son titre ; il y avait toujours quelqu'un pour lui jeter sa gourme au visage depuis son mariage.
Les heures passaient.
Les jours passaient.
Et bien qu'elle ne soit en réalité aucunement en position de faiblesse, l’ambiance de la cour lui pesait bien plus qu'elle ne le pensait à l'origine, surtout depuis qu'elle tentait de en plus se reposer sur sa magie pour tenir ses émotions sous clef.
Les cinq jours qu'elle avait passée totalement enfermée dans ses appartements en refusant de voir qui que ce soit à part Rose un peu avant qu'Ernest ne revienne de Merval le mois passé avait déboussolé plus d'un courtisant. Ils l'avaient même déboussolée elle-même. Croyant pouvoir garder ses sentiments sous-clef le temps que la douleur s'efface, elle s'était rendu compte qu'elle n'avait que repousser le début de son deuil. Le retour de flamme avait été violent, et comme du temps de son premier accident magique, les conséquences auraient put être funeste sans la présence de son Mentor.
Lorsqu'elle travaillait pour Lourmel, tout était plus simple, elle était dans l'ombre de Maélyne. C'était à sa cousine qu'on faisait porter toute la faute et elle avait le champ libre pour faire les choses en sous main. Mais ici, dans la lumière, les choses étaient bien différentes et elle se confrontait à l'une des seules phrases que son père lui avait dit en l'espace de dix ans :
« Contester est bien plus facile que Gouverner. »