[MdO] Parler d'avenir et de liberté [Gli/Ust/Nakor]

Avec l'éveil de l'autre babouin de roi, cela avait pris bien plus de temps que ce qu'il espérait. Mais il y était. C'était même la seule et unique chose qui lui avait évité d'étouffer Glenn pendant son sommeil : l'idée de ce voyage précis en direction de son avenir à lui et rien qu'à lui. Mais maintenant qu'il y était...

* Hey... Tu es déjà allée là-bas ? * demanda-t-il à l'autre d'une voix un peu trop cordiale pour être honnête.
*J'y suis allée oui. Pourquoi ? Aurais-tu peur qu'on se perde en route ?*
* Non Non. A priori se perdre en suivant une route est assez compliqué. * railla-t-il avant qu'un léger silence ne le fasse trépigner. * Mais je me demandais s'il y avait beaucoup de mages... *
*Non, pas du tout...* Le ton de l'elfe était calme mais relevait une certaine ironie. *Tu sais quand même où on va, j'espère ?*
* L'Aurore... Pour ce que tu en as de souvenir c'est pas ce qui va m'aider tu sais ? *
*Ce n'est pas l'Aurore qui va nous aider, c'est le vieil adorable imbécile qui y habite... Non tu ne vois pas ?*
* ... Si *

Il voyait bien le vieil homme un peu fou qu'elle avait rencontré il y a bien longtemps... Et cela ne l'aidait vraiment, mais alors vraiment pas à se détendre. S'il avait eu une gorge pour déglutir, il l'aurait certainement fait. Pour l'heure, il ruminait la gêne et la douleur qui viendraient d'ici peu... Et ce n'était certainement pas une douleur agréable.

* Mais rappelle-moi encore pourquoi il ne pouvait pas venir à Naélis ? *
*Encore ?!*

Glinaina soupira pour elle-même, en essayant de faire en sorte que cela ne se voie pas trop de l'extérieur. Parce qu'elle était sur son cheval à trotiner jusqu'à l'antre des mages, et n'avait pour n'importe qui que le silence et ses pensées. En fait, elle était contente de revoir ce bougre de Nakor... mais... comment dire... c'est vrai que dans le fond il aurait pu venir à Naelis, comme il l'avait fait pour Glenn. Mais, il y a un grand MAIS, il fallait qu'elle et Ust gardent leur secret... secret, justement. Donc elle était elle-même partie, en sachant pertinemment qu'être là-bas serait une véritable épreuve pour elle et pour le sombre qui partageait son corps avec elle.

*S'il vient, alors les gens se demanderont pourquoi il viendra me voir. Déjà qu'il était là la nuit où Glenn est revenu à lui, ça donnerait des envies d'écoutes et de ragôts à certains. Bon, d'accord, le fait que ce soit moi qui parte peut toujours faire se poser des questions, mais les gens sont habitués que je voyage à travers le royaume donc ils se méfieront peut-être moins... et surtout ils n'entendront pas que derrière leur reine il y a en réalité une elfe et un drow.*
* Pour ce que ça change... * gromela Ust, toujours aussi peu convaincu à la quatrième écoute de ces arguments.
*Nous sommes morts voire pire si jamais ils te découvrent. Et autant je peux avoir une chance de m'en sortir, autant toi ils feront tout pour te détruire. Alors autant que ça ne se sache pas, crois-moi.*
* Ca tu m'excuseras, mais j'en doute ! Tu es la reine. C'est toi qui peut ordonner de leur tordre le cou. Pas l'inverse. Et en plus faudrait encore qu'il m'attrapent moi. En fait non. Ils auraient même pas eu à m'attraper moi parce que personne aurait été au courant. Et... raaah. Je m'en fiche ! Tu verras la tête que tu feras quand on sera tous les deux dans un bain de magie à cause de tes états d'âme. Cette idée est stupide. *
*Ah mais j'imagine déjà ta tête, mon cher... et j'en ris d'avance !* Il y eut un court temps de silence pendant lequel Glinaina sourit pour elle-même. *Je l'ai déjà connu, je te rappelle...*
* Moque-toi, Elfe. * grogna-t-il soudain plus sombre * Tu riras moins que je ne serais pas en état de te sauver la vie une fois de plus. *
*Faudrait-il qu'il y en ait besoin...*

Une sensation de froide distance lui répondit. Drapé dans sa dignité, l'esprit de colère rongeait son frein. Décidément, il le sentait mal. Très mal même. D'autant plus mal que depuis le réveil de Glenn, une angoisse tenasse était revenue à la charge. Une angoisse que quelques mois sans sa présence lui avaient permis de juguler. Celle de voir l'Autre tenter une fois de plus de l'extraire par tous les moyens... Et avec le vieux bouc qu'ils allaient voir, il avait autant de chance d'avancer dans la direction qu'il désirait que de se faire purement rayer de la surface du monde. Il resta un long moment retranché le plus loin possible de la conscience de son hôte, ruminant en silence.

*Ust, ça ne va pas ? Je te sens inquiet...*
* C'est toi qui devrait l'être. * répondit-il, réprimant une pointe de colère qui lui était si caractéristique.
*Pourquoi donc ? Aurais-tu une rengaine contre moi ?*
* Je te rassure : juste une dent. * Il eut une sorte de rire mauvais. * Si le moindre mage tente quelque chose contre moi je nous tue tous les deux avant d'y passer. * lâcha-t-il finalement.
*Si un mage utilise sa magie de façon offensive, je ne suis pas sûre que toi comme moi serons capables de nous contrôler. Mais ne t'inquiète pas, si tu n'essaies pas de tuer quelqu'un il ne nous arrivera rien.*

Une envie aussi raillarde que rageuse et sanguinaire sauta à la gorge de l'elfe tandis qu'Ust ricanait à voix basse. Lui ? Faire du mal a quelqu'un ? Jamais !

*Il faudra que tu te maitrises. Je te rappelle que tu joues là ta vie, ta liberté. Ne laisse pas cette occasion passer.*
* Je le sais mieux que toi il me semble... * La réplique sembla rendre tout son séireux à Ust. Mais après quelques instants de silence... * Tout de même... Je le sens assez mal. *
*Ne t'inquiète pas, Ust... ne t'inquiète pas.*

~~~~~~~~

L'Aurore, le Firmament. Un bel endroit mais qui pourtant inspirait à Glinaina une appréhension comme elle ne pouvait qu'en craindre. La magie... Depuis qu'Ust avait germé en elle, elle ne la supportait plus, à un point qu'elle n'arrivait qu'à la fuir ou ne plus arriver à faire le moindre geste. Heureusement elle n'avait pas eu à avoir affaire à elle en combat jusque là, mais retourner ici lui rappelait ô combien la magie pouvait être son point faible.

Encore dans la cour, la pression était tout à fait gérable - surtout qu'elle l'avait déjà bravée. On demanda l'archimage Nakor et, apprenant que c'était la reine en personne qui venait le voir, un jeune mage se dépêcha de l'y emmener, après moultes courbettes. Glinaina ne montra pas sa peur grandissante ainsi que l'oppression croissante qu'elle ressentait à chaque pas, notamment une fois entrée dans le château. Elle regarda le grand escalier qui menait jusqu'au bureau de son vieil ami, inspira un grand coup et commença à monter les marches, un pied après l'autre.

*Voilà la partie la plus difficile... Tiens bon !*
* Je ne suis pas un enfant qui a besoin d'encouragement. Tais-toi et avance. Qu'on en finisse. *
*C'est ce que je fais, idiot. Fais bien attention à ne pas te laisser emporter.*

Le premier étage était passé. Déjà je sentais mes jambes trembler, tout comme le reste de mon corps. Un frisson me parcourut et je dus m'arrêter un bref instant pour garder contenance. Heureusement, le guide ne s'en rendit pas suffisamment compte. Les gardes par contre, si.

*Allez, une chanson pour faire passer les marches... une chanson... Ah si ! Depuis l'été derenier, j'entends les cornemuses ! Je les entends sonner, toute la journée ! Je les entends, je les entends... Je les entends, toute la journée ! Depuis l'été dernier, j'entends les cornemuses...*
* Non mais tu es sérieuse... ? * le moins que l'on pouvait dire c'est qu'Ust était aterré. Par la qualité de la chanson ou par la chanson elle-même par contre...
*Propose une chanson alors, ou parle ! Mais occupe-moi l'esprit !*

Une forte pression pesa soudain sur la conscience de l'elfe.
* Laisse moi passer ! Sinon, en haut tu seras même plus capable de lui parler à l'autre vieux bouc. *
*J'ai déjà réussi à monter jusqu'en haut !*
Pour le coup, elle n'était pas rassurée de savoir Ust aux commandes...
*Tu es vraiment sûr de toi là ?*
La pression s'intensifia.
*J'ai compris... DEPUIS L'ETE DERNIER, J'ENTENDS LES CORNEMUSES !*
Sur ce, l'elfe laissa la place au sombre, sans s'être empêchée de taquiner son double.

Glinaina ferma les yeux. Ust ouvrit les paupières et prit une longue inspiration. Un frisson lui courut sur les bras et il se frotta les mains en reprenant la marche, rendant une œillade meurtrière au garde qui semblait sur le point de lui demander si tout allait bien. Ce que ça pouvait gratter... Contrairement à l'Autre, l'arrière fond de magie qui traînait partout, il le sentait et dès qu'il était un peu plus présent que la normale, il avait l'impression qu'une armée de fourmis lui courrait dessus, corps ou pas. Mais même si cela pouvait lui coûter beaucoup d'énergie de rester aux commandes dans un bain pareil, il avait pris l'habitude de ne rien en laisser paraître, merci La Blanche... Tant que personne ne braquait un sort sur lui, il n'avait rien à craindre... ou c'est ce qu'il se répétait. Alors on sert les dents, on garde la rage au ventre et en avant !

« Vous avez dit quelque chose, Votre Majestée ?
- Hein ? » répondit-il fort peu élégamment au guide qui s'était soudain arrêté avant de se rendre compte qu'il fredonnait la chanson que Glinaina beuglait un peu plus tôt. Sa main se ferma sur le pommeau de son épée, son regard se fit plus agacé, le guide se ratatina un peu.
« Non.
- Ah... bon... Hmmm... »

Et ils repartirent d'un bon pas.

* Le coup des cornemuses, tu me le paieras... *
*De rien mon cher... si cela peut t'aider !*

D'où elle était, Glinaina ressentait un peu moins la pression magique. Par contre, dans ce jardin secret, cette chambre immatérielle où les deux esprits avaient pris l'habitude d'être et de s'y croiser, elle voyait ce qui pouvait correspondre à des murs onduler, se teinter de mille et une couleurs de manière difforme et donner l'allure d'une bulle de savon sur le point de se transpercer. C'était la première fois qu'elle voyait cela et le ressenti qui la prit lui glaça le sang et plus Ust'kor montait, plus elle avait l'impression que cette sensation prenait de l'ampleur... et pas que. Elle regarda ses mains translucides et essaya de cacher l'inquiétude qui la gagnait un peu trop du fait de l'anormalité de cette situation.

*Ust... est-ce normal que la zone où on se retrouve toujours devienne complètement difforme ?*
* Normal c'est pas le mot. Mais c'est déjà arrivé. Avant... Comment dire. * Il fit une pose, réfléchissant visiblement à la meilleure façon d'exprimer un souvenir qu'il ne partageait pas avec elle... Ce qui était finalement assez rare. Sans s'en rendre compte, cela l'aidait aussi à ignorer la sensation pesante qui lui alourdissait les membres à chaque marche supplémentaire. * Je sais que c'est déjà arrivé. Avant que nous ne rencontrions mon Créateur. Et encore avant, mais c'est plus flou. C'est plus... C'était des plantes. * souffla-t-il comme une illumination soudaine.
*Des plantes ?*
* Oui. Des plantes. Je fais ce que je peux. Un elfe avec la tronche en biais et des plantes. C'est tout ce que je me rappelle, moi. *
*Le protecteur Timérion Adantar ? Il m'avait aidée lorsque tu commençais seulement à... naître. Ce serait la magie qui ferait cela ?*
Je n'étais pas rassurée... vraiment pas... Et pourtant, cet endroit existait toujours après que le protecteur m'ait aidée.
*Crois-tu que la pièce puisse s'en retrouvée complètement modifiée... avec ce qui est dedans ?*
Elle regarda à nouveau ses mains... Elle avait l'impression qu'elles commençaient à devenir difformes, mais ce n'était peut-être que son imagination, sa peur. Elle "déglutit" sans rien rajouter, espérant sincèrement qu'elle se faisait trop de souci pour rien.

* Sans aucun doute. * répondit Ust, agacé par ce qu'il considérait comme des questions idiotes. Rattrapé par la difficulté de l'ascension, il ne prêtait qu'une oreille peu attentive à son double, aussi mit-il un temps fou avant d'ajouter * Pour la millième fois, ce n'est qu'une projection. Cet endroit est ce que nous voulons qu'il soit. Pas besoin d'y réfléchir un siècle pour se dire qu'une volonté extérieure doit pouvoir le modifier aussi. * Une pointe d'inquiétude l'aiguillonna. Il tourna son attention vers sa source, Glinaina, avant de s'en détourner comme s'il se moquait éperduement de la détresse dans laquelle elle était. Pourtant son ton était un peu radouci lorsqu'il reprit * Concentre toi sur une seule chose pour stabiliser tes pensées. Pense à Elheria et Aldarian. *
Il avait terminé comme si de rien était, l'attention faussement portée sur le monde extérieur et la tâche qui lui incombait. C'était pourtant une astuce bien plus personnelle qu'il ne le laissait croire qu'il venait de donner... Et d'autant plus à propos qu'il se souvenait parfaitement de la présence du vieux barbu qu'ils venaient voir aujourd'hui lors de la naissance des jumeaux. Quoi qu'il en dise, ce jour là, le vieux bouc avait gagné un certain respect de la part du sombre.. ainsi qu'une haine cordiale étant donné l'affection qui offrait à Glinaina et l'autre babouin poilu sans se reconnaitre à sa juste valeur sa présence à lui.

Ce n'était pas faux... Penser à autre chose que ce qui risquait d'arriver, trouver en soi la volonté de confronter son esprit aux forces extérieures. Et quoi de plus fort pour une mère que de penser à ses enfants ? Pas grand chose. Peut-être même rien. Elle essaya donc de se concentrer pour ne plus penser qu'à eux et non pas à la représentation de son propre corps qui vascillait. Etrangement, le chant reprit rapidement sa place sous la forme d'une berceuse elfe qu'elle chantait régulièrement à ses deux petits chérubins. Au départ juste un murmure, il finit par emplir la pièce afin d'avoir son propre effet sur ce qui se passait à l'intérieur d'eux-mêmes. Mais plus que cela, ce chant avait toute sa place dans ce moment d'inquiétude : c'était un chant qu'elle affectionnait particulièrement lorsqu'elle était encore enfant et que sa famille la serrait dans ses bras, la nuit, pour l'aider à dormir alors que les macabres souvenirs du raid drow la terrifiaient. Nuit où déjà le père d'Ust avait installé sa magie en elle...

Avalant les marches à la suite de leur guide, discrètement, Ust sourit.

Nakor était penché sur son bureau, tout là haut, au sommet de la grande tour centrale de l'Aurore. Il avait enfin trouvé le temps de rédiger un rapport personnel sur son aventure vécu en Naelis voilà peu. Il tentait de décrire avec la plus grande précision possible ce qu'il y avait vécu, ce qu'il avait ressenti loin de la place forte, quand il avait subit ce flot presque dramatique d'énergie diabolique. Il couchait sur le papier comment, pressé au possible de se rendre jusqu'au coeur de l'épicentre magique qu'il captait jusque dans les os, il avait découvert une scène apocalyptique. Le sang, l'odeur, la noirceur, la mort, la puanteur à son état pur et sous toutes ses possibilités d'existence. Il y eut ensuite le lent déchaînement de magie flamboyante, le feu colossale mais contrôlé qui nettoyait la pièce de toute impureté, le pouvoir jusque dans sa plus pure expression. Son amplification, son augmentation et l'appel vers le lointain, vers le monde interdit, relié par l'énergie du monde extérieur afin de ne pas y mettre soi-même les pieds. Le retour impossible et toute la suite qui en avait découlé.

Le vieux fou, comme tout le monde l'appelait, ne s'avérait pas être si malade que cela mentalement. Il avait très bien compris le piège dans lequel le jeune Altiom, désespéré au possible, l'avait fait tomber. Il avait monté un plan incroyable de machiavélisme en compagnie d'un sorcier Zurthan, un plan auquel il n'aurait jamais souscrit s'il avait su par quel chemin tout cela allait les mener tous. Le résultat était certes là, mais au prix de quel sacrifice? Avec quelle conséquence pour leurs âmes et leur salut futur? Cela faisait déjà plusieurs heures que, plume à la main et encrier presque vide, le Magister du Firmament philosophait sur ses propres expériences et leurs possibles intrications avec le reste de sa vie ainsi que de celle des autres personnes de son entourage. C'est ainsi que, le regard dans le vague et ses feuillets en grand nombre sur son bureau, devant lui, il entendit frapper à la porte pour la troisième fois.

"Oui, entrez!
- Grand Maître du ciel et de la terre, je vous supplie de bien vouloir un jour pardonner mon intrusion en ce lieu sacré et ...
- Hooooooo mais par ma barbe pauvre imbécile allez-vous un jour cesser ce genre d'introduction qui me donne envie de mourir? Je hais l'esclavagisme, je vous en ai sorti, ce n'est pas pour devenir mon esclave et ... hooo et puis ça suffit! Qu'est-ce qu'il y a.
- Je suis votre serviteur éternel mon puissant seigneur. La reine de Naelis est ici.
- Quoi?"

Nakor venait d'hurler ce dernier mot en se levant de sa chaise, ce qui l'a fit basculer sans ménagement.

"Et c'est maintenant que vous me le dîtes Estiriam! Mais faîte la venir sur le champ et ... "

Puis Nakor, l'esprit toujours aussi vif après plus de six siècles de vie sur ce monde, se rappela d'un si grand nombre de choses à propos de sa si chère Glinaina! Leur première rencontre, leurs aventures magiques communes, la naissance de son double, la naissance de ses enfants, le sauvetage de son mari bien malgré lui ... et surtout son double. Son incapacité à supporter la présence magique et de nombreuses choses auxquelles il avait pensé depuis.

"Ho Estiriam?
- Oui Puissant et Grand ...
- Blablabla! Taisez-vous! Dès que la reine de Naelis sera dans mon bureau, veuillez faire sortir du château l'ensemble des mages de la guilde encore présent.
- Oui Suprématie Céleste ... mais ... euu ... que puis-je signifier aux autres membres de ...
- Je vous ai dis de vous taire! Exercice physique. Que toutes et tous aillent courir jusqu'au bosquet de Zarnalis. Une fois là-bas, méditation spirituelle de connexion à la nature. Sous votre commandement.
- Ho ... vraiment? Je suis votre esclave pour toujours mon lumineux ..."

Mais voilà qu'un formidable coup de vent l'envoya valdinguer contre le mur du couloir, la porte se fermant sur ce pauvre magicien, d'un grand talent mais qui souffrait d'un mal étrange. Il semblait avoir grand besoin de se sentir au service de quelqu'un. Nakor détestait cela mais il espérait lui faire passer cette maladie avec le temps. Il alla alors jusqu'à la fenêtre. Cette chère Glinaina ... et cet autre. Ust'nok? Chust'Chnok'? Ust'Kor? Enfin, cet autre, qui était en elle, naît d'elle. Il concentrait le côté noir de l'elfe, il avait sa personnalité propre, son existence propre, sa manière de voir, penser, vivre les choses. Le vieillard avait finit par se demander si ce n'était pas la peur de ce que la magie pouvait faire subir à cet Ust, qui avait rendu la pauvre elfe des forêts, presque allergique aux arts arcaniques. Comme une idée trop profondément implantée mais pour une mauvaise raison, qui créait une gêne sans savoir pourquoi, si ce n'est une peur inconsciente qui en devenait physique et réelle. Il se demanda pourquoi la jeune elfe venait le trouver ici alors qu'il savait son aversion pour la pression énergétique qui existait et qui agissait sur elle en ce château. Ce devait être pour une raison importante mais forcément personnelle, ce sans quoi elle aurait plutôt invité le vieux sorcier à Naelis. Peu importait, il allait revoir sa chère amie et c'était bien là l'essentiel. Soufflant longuement, il tenta de réduire au maximum les effluves énergétiques qui émanaient de lui. Enfin, il entendit dans le couloir, l'approche d'un petit cortège, il se tourna vers la porte, un immense sourire sur les lèvres et attendit en retenant au possible son envie de courir pour sauter au coup de Glinaina devant tout le monde.

"Magistère, la reine de Naelis est à vôtre porte.
- Faite là entrer et laissez nous."

En même temps qu'il donnait son ordre, il avança vers la porte et décida quasi immédiatement de s'arrêter. Son sourire était toujours intact, sa chaleur totale, son plaisir de revoir Glinaina immense. Mais justement, ce n'était pas Glinaina qui se trouvait fasse à lui. C'est donc une fois la porte refermée, qu'il s'inclina légèrement

"Bienvenue ici à vous deux. J'ai donné ordre de faire évacuer les membres présents dans le château pour quelques heures ... le contingent fort de la guilde était déjà en mission extérieure. Vous devriez vous sentir mieux d'ici peu. Je ne sais pas si je peux vous serrer dans mes bras mais l'envie est forte et sincère. Ma douce Glinaina, je suis heureux de voir que tu sembles en bonne santé. Je vous en prie, installez-vous si cela vous sied. Puis-je vous offrir quelque chose?"

Des fruits et de l'eau était sur le bureau. Il invita d'un geste à prendre place puis, au bout de quelques instants, il prit place lui, dans son grand fauteuil et se saisit d'un verre de vin. Son regard perforateur et profond plongé dans celui de son interlocuteur, il dit simplement

"Je vous écoute."

Il était évident qu'ils étaient ici, pour tout autre chose qu'une simple visite de courtoisie, même s'il regrettait le temps où cela pouvait être le cas, par simple amitié. Mais c'était une autre époque, elle avait moins de responsabilités et lui aussi, finalement.

En montant les marches, L'Autre fredonnant cette berceuse aux limites de ma conscience, je notais avec amusement que le fait de contrôler ce corps et de se lancer dans l'action nous permettait à l'un comme à l'autre de mieux gérer nos émotions. Avoir quelque chose a faire était de toute façon fort agréable, ça je ne pouvait que signer. Je préférais mille fois avoir les deux mains dans la merde et le sang que de me planquer dans un coin à me tourner des pouces imaginaires. Nan mais sans blague.

Peut-être était-ce pour cela que je résistais mieux à la magie que l'autre elfe... Ou que je faisais très bien semblant de m'en contre foutre... Bref. En réalité j'étais plutôt étonné. Alors que le début de mon ascension avait été de plus en plus lourd, comme si une chape de plomb nous attendait en haut des esclaliers, plus le temps passait, plus l'irritante et angoissante présence pressante qui grouillait alentours s'éfilochait.

Pas moi qui allait m'en plaindre.

Laissant Glinaina a ses chants et m'éloignant de ses pensées malgré l'envie de voir le visage de mes enfants à travers ses souvenirs, je repartais de plus belle jusqu'en haut des marches. Avant que la porte ne s'ouvre, je ricanais, moqueur.

* Tu peux ouvrir les yeux et arrêter de te boucher les oreilles, ma chère. Le grand final n'est pas pour ce soir. Je crois que quelqu'un s'est souvenu que nous n'aimions pas être accueilli en grande pompe. *

Malgré tout, ma main tenait fermement le pommeau de mon épée. Juste au cas où... Le vieux barbu était bien moins sénile qu'il ne voulait le faire croire et beaucoup trop puissant pour mon propre bien, j'avais des souvenirs pour le prouver !

De mon côté, j'avais fini par ressentir ce changement étrange pour ce lieu. Comme si le lieu perdait en puissance magique ou quelque chose dans le genre, ce qui était très étonnant... Je me souvenais que les dernières marches avaient été les plus difficiles pour moi lorsque j'étais venue, il y a déjà une ou deux années. Encore un mystère dans ce château mais qui, pour une fois, n'était pas pour me déplaire. Mon chant n'était plus qu'un chuchotement lorsque mon double s'adressa à moi, idiotement persuadé que j'allais jusqu'à fermer mes yeux pour ne pas voir ce qui se tramait. Bon... d'accord, c'était presque vrai. Bref, il fallait bien que j'en vienne à ignorer sa pique pour aborder un sujet bien plus sérieux.

*Nakor a dû s'en souvenir oui. Que fait-on ? Est-ce que je reprends les commandes le temps de lui expliquer la situation ou bien tu préfères y aller de toi-même ? Sachant que je lui parlerai à un moment donné, de toute façon.*

* J'ai un minimum d'étique. ça ne se fait pas d'espioner quelqu'un sans se présenter avant. * Certes c'était ce que je faisais à longueur de journée... Mais ce n'était pas comme si j'avais le choix. * Laisse moi faire les présentation. Je veux voir s'il me colle une bise. * ajoutais-je, goguenard. Cette baisse de la magie ambiente réussissait plutôt bien à mon moral en fin de compte...
*Que les Cinq nous protègent... Vas-y donc, voir si tu as vraiment un minimum d'étique.* Je me demandais si je ne devais pas avoir peur...

Je soufflais une bonne fois pour reprendre contenance. Mettant mes talents d'acteur (inexistants) à l'épreuve, un sourire que je voulais doux et un peu mièvre se peignit sur le visage de l'elfette. La porte s'ouvrit avec déférence devant la reine. Et devant moi : la magnificence chenue du vieux Nakor.

Sans jeter le moindre coup d’œil à l'un de ces pouilleux serviles qui nous avaient accompagnés jusque là, j'avançais dans la salle, reniflant sans perdre ma joie de façade sous l'odeur forte d'encre et de vieux parchemin sec... A moins que ce ne soit l'odeur de l'homme en face de moi. J'avais à peine penser cela que la réprobation de l'Autre me faisait les gros yeux, et une belle jambe. En attendant, le mage effectuait une petite courbette.

* Raté pour la bise... *

" Trop aimable. " souriais-je lorsqu'il nous appris qu'il avait envoyé sa clique loin d'ici pour nous éviter un malaise, ne pouvant m'empêcher de trouver ses ronds de jambe à mourir de rire étant donné le temps et les épreuves que le vieux mage avait partagé avec moi... enfin l'autre avec laquelle je partageais bien trop de souvenirs.

Lâchant a grand renfort de volonté la garde de mon épée, j'approchais de deux pas rapides pour saisir le vieil homme dans mes bras. Bon... J'avoue que je suis plus doué en prises de lutte qu'en câlin et quelque chose dans la façon qu'eut le vieux mage d'accuser le coup de notre embrassade me le confirma fort bien. Mon bras le ceinturait au niveau des reins de manière à ce que ma main ne soit qu'à une phalange de mon propre couteau, l'autre était enroulé autour de ses épaules. " Vous pouvez, vieux mage. " lui glissais-je à l'oreille sans me rendre compte du niveau de menace et de colère contenu que pouvait contenir involontairement mon ton habituel. De toute façon, s'il faisait le moindre geste mental suspect, j'étais mort, mais je m'arrangerai pour que lui aussi. " L'elfe est elle aussi ravit de vous voir. "

Malheureusement, nous ne pouvions pas parlementer à jamais dans cette position et je du mettre fin à cette tendre étreinte. " Et au fait, merci de vous être occupé de moi après la naissance des jumeaux et merci de nous recevoir... elle insiste pour que je me tienne bien. " Comme ça c'était fait. J'avais dit merci, les compteurs étaient à zéro.

A son invitation, je m'asseyais et commençais mon histoire sobrement. " On aurait du venir il y a déjà plus d'un mois mais l'autre bab... Glenn, s'est réveillé. En fait, c'est moi qui ait demandé cette faveur." Faveur... Le mot m'écorchait la bouche mais je savais quels étaient les enjeux pour mon avenir. Tout en parlant, je posais la main sur une orange. Non d'un fern, maintenant que j'y pensais je ne mangeais jamais... * fait moi penser à renégocier notre arrangement jour nuit quand on sera rentré. * lançais-je " J'aimerai savoir s'il y a la moindre possibilité... " Me souvenant vaguement de la méthode nécessaire à la dégustation de cette sphère orangée, je plantais mes ongles dans la peau du fruit... qui me gicla dans l’œil. " ... Salope !" Je portais ma main à l'oeil endoloris. Saleté de fruit !!! D'un geste rageur, je la jetais par la fenêtre avec un cri de colère, faisant tomber à la renverse mon fauteuil dans le geste que je fis pour me lever... Avant de poser de nouveau mon œil valide sur mon hôte...

" Hmmm... " Me frottant toujours la paupière, je redressais le siège et m'asseyais de nouveau. " Pardon... Je disais... oui. J'aimerai savoir si vous accepteriez de m'examiner - avec prudence, hein, je ne tiens pas à mourir - pour savoir s'il y a la moindre possibilité que je trouve un jour un corps à moi seul. " J'hésitais un moment avant de me décider, ignorant la présence de Glinaina pour dire un mensonge qui n'en était pas tout a fait un en montrant mon oeil endolori " La cohabitation ça va bien un moment... "

Nakor avait une vraie envie de serrer celle qui se trouvait physiquement devant lui. Mais il avait bien senti la légère différence et la présence de l'autre. Il s'était donc retenu, ne sachant pas trop comment il aurait prit une accolade chaleureuse. Mais il fut encore plus étonné quand Ust décida de lui-même prendre Nakor dans les bras. Un très bref instant, il eut le souffle coupé autant par la surprise que la prise militaire dont il était l'objet. Il resta donc là une ou deux secondes, les bras dans le vide, entouré par une Glinaina à la force redoublée. Finalement, il lui rendit son accolade avec chaleur et profita quelques instants du bonheur que cela lui amenait dans son vieux coeur épuisé. Les deux elfes lâchèrent le magicien et c'est encore Ust qui le remercia pour avoir sauvé Glinaina après la naissance des deux enfants. Il se rappela alors cet imbécile de médecin humain qui tentait d'appliquer vainement ses préceptes à une elfe sylvaine. Cela laissa d'ailleurs le maître de la guilde, une fois de plus, étonné. Ils prirent place et avec un léger rire, la longue barbe blanche se permit de placer

"Mais dîtes moi ... vous me serrez dans vos bras, vous me remerciez ... y a-t-il vraiment suffisamment de place dans ce corps pour un troisième être?"

La blague ne ferait sans doute pas effet, mais le Ust ravageur, qui souhait la mort et le meurtre, semblait avoir véritablement évolué. Tant et si bien que le vieux fou se demandait si ce n'était pas une nouvelle entité qui lui faisait face. Ils parlèrent alors plus sérieusement, de la raison de leur venu ici. Il évoqua le réveil effroyable de Glenn mais ce n'était pas pour cela qu'ils venaient. Ils venaient pour ... Nakor esquiva alors une orange qui vola dans sa direction!

"Mais enfin! ... Elle semblait si mûre pourtant! Quel effroi!"

Et il fit de même, se saisit de l'orange devant lui et la balança par la fenêtre, puis se mit à glousser comme un âne, en sautillant sur sa chaise le temps que Glinaina-Ust se re positionnent et finissent de répondre. C'est à ce moment là que Nakor redevint très profondément sérieux. Il posa son menton sur ses deux mains qui étaient liées devant lui et respira longuement, son regard perçant dans celui de son interlocuteur. Un silence de plomb s'installa sans que plus personne ne bouge dans la pièce. Plus personne ne semblait même respirer. Glinaina finirait peut-être par croire qu'il n'avait pas entendu la question? Au bout d'un très long moment, Nakor se recula bien au fond de son siège, levant le visage vers le plafond et souffla par le nez, tranquillement.

"Peut-être que cela pourrait marcher oui."

A qui donc répondait-il? A Ust? A Glinaina? Au plafond? A lui-même. Il était évident que le vieux fou avait réfléchi à de très multiples possibilités pendant son temps de silence. Les magiciens étaient connus pour justement réfléchir plus vite et plus fort que la moyenne lorsqu'ils étaient bien concentrés. A quoi donc avait-il pensé? Qu'avait-il imaginé.

" Votre comportement ici est significatif du changement qui, lentement, s'opère en Glinaina. Votre personnalité est de plus en plus définie, singulière, différenciée et concrète. Au départ, et j'espère ne pas être désobligeant, mais vous étiez plutôt une idée, une forme globale de pensée, une émotion voir plusieurs, une impulsion. Comme si l'esprit de Glinaina laissait libre cour à des volontés profondément enfouie puis reprenait le contrôle. Mais je vois que ce n'est plus tout à fait le cas. Vous êtes réellement devenu un deuxième être enfermé dans un premier. Vous avez rassemblé tout ce que l'on pourrait appeler "le mauvais côté" de Glinaina. Mais pas seulement, puisque vous faite preuve de raison, de reconnaissance, de souvenir. Oui, en quelque sorte, si au départ vous n'étiez qu'une émotion, vous êtes devenu une personnalité à part entière, un être complet. Ce qui me laisserait penser que nous pourrions peut-être finir par réussir à vous faire sortir sans tuer ni l'un, ni l'autre."

Nakor se leva et alla prendre l'air jusqu'à sa fenêtre, le regard plongé dans l'infinie.

"Retirer tout le "mal" à l'intérieur de quelqu'un, de force, peut revenir à le tuer, comme si je lui arrachais le coeur. Je ne pouvais donc pas vous faire sortir de là sans détruire une grande partie de Glinaina. Mais maintenant il semble que vous soyez réellement différent, vous n'êtes plus une partie bien définie de Glinaina qu'il faudrait lui ôter. Vous êtes ... vous! Enlever à quelqu'un, quelque chose qui n'est pas lui, semble moins dangereux déjà. Au début de votre création, vous soustraire d'elle serait revenu à amputer de plusieurs membres Glinaina, alors que maintenant, vous soustraire d'elle ressemblerait plus à un accouchement en quelque sorte."

Ce n'était évidemment qu'une théorie, mais le magicien avait l'impression que le lien entre les deux entités était vraiment différent. Le fameux Ust avait évolué, après des émotions brutes, il était apte au contrôle, à la pensée raisonnée et même à la gratitude. Il n'était donc plus une boule de méchanceté, mais une entité réelle et complète. Il fallait qu'il se penche sur eux deux et qu'il analyse leur lien interne, qu'il sente au niveau énergétique à quel point l'âme était ou non lié. Il faudrait ensuite réfléchir au corps qu'il demandait pour lui seul. Là était une toute autre complication. Une complication majeure même. Mais chaque chose en son temps. Il fallait déjà voir comment Glinaina et lui réagissaient aux nouvelles annonces du vieillard.

La digue du cul en revenant de Thaar (bis)
De Thaar à l'Aurore,
La digue la digue
De Thaar à l'Aurore
La digue du cul

Juché fièrement sur un superbe étalon noir piaffant et caracolant, l'archimage Haldren Baenfere chevauchait en direction de l'Aurore avec l'élégance d'un sac de patates qu'on aurait juché sur la selle. Son orgueil l'obligeait à repousser l'usage des carrosses comme de vulgaires cageots tout juste bon à transporter ces poussahs obèses de princes-marchands, toutefois les crampes qui lui martyrisaient les cuisses et la crainte d'une poussée d’hémorroïde amenaient dans son esprit tourmenté l'idée qu'il aurait mieux valut utiliser un moyen de transport plus confortable qu'une selle.

Mais que faisait donc là ce preux chevalier du bon goût et de la subtilité ? Tout avait débuté quelques jours plus tôt lorsqu'un de ses sbires avait mentionné l'archimage Nakor au détour d'une conversation. Cela avait réactivé la mémoire du drow qui s'était brutalement souvenu de sa promesse d'aller à l'Aurore afin de constater par lui-même si cette institution magique en méritait véritablement le nom. Accessoirement, Haldren se promettait d'en profiter pour y donner quelques cours aux étudiants sur les vortex magiques. Etant autoritaire, agressif, pédant et méprisant, l'enseignement attirait depuis toujours notre héros.

Première surprise : à l'approche du bâtiment, l'archimage n'y aperçut aucun étudiant, aucune toge de mage salit par de l'encre à parchemin ou brûlée par des expériences de pyrotechnie trop osées. Juste quelques gardes et serviteurs qui n'osèrent pas bloquer le passage à ce seigneur drow flamboyant doté d'une monture digne d'un roi et de vêtements issus des meilleurs couturiers de Thaar. Les taches de bière et les restes de repas qui souillaient le dragon brodé d'or se déployant sur le torse du drow gâchaient certes l'harmonie de l'ensemble, toutefois les gueux de l'Aurore savaient fort bien que les puissants mangent souvent comme des porcs.

Mais où se trouvaient donc les mages ? Lui aurait-on menti sur l'Aurore ? S'agissait-il simplement d'une vulgaire ferme pastorale ? Dans ce cas, encore fallait-il espérer qu'il y trouverait quelque bergère ou brebis pas trop farouche. Haussant les épaules face à ce mystère insoluble et s'engageant dans la cour principale, le drow reprit sa chanson :

La digue du cul, je rencontre une belle (bis)
Qui dormait le cul nu
La digue la digue
Qui dormait... aïe !

Une sphère orangée venait de jaillir d'une des fenêtres de la tour centrale et de la frapper à la tête. Une agression ? Une tentative de meurtre ? Un redoutable sortilège mortifère datant des arcanes secrètes de Nisétis ? Constatant qu'il s'agissait d'une orange, le drow fulmina en se persuadant qu'il s'agissait d'une blague de potache avec laquelle on devait accueillir les nouveaux venus.

Ah vous trouvez ça drôle, bande de petits morveux ? rugit Haldren avec le juste courroux de l'offensé.

Saisissant l'orange, il la gorgea d'énergie télékinésique tout en visant la fenêtre. Le fruit fut projeté de sa main avec la puissance d'une catapulte et disparut par la fenêtre d'où il avait jaillit, s'écrasant violemment au plafond de la pièce où se trouvaient Nakor et la reine de Naelis.

Attendez un peu, mes mignons. Je vais vous apprendre des blagues de mon cru ! maugréa Haldren en commençant à grimper les escaliers.

Une gabegie cette institution, oui ! De son temps au C'nros jamais personne n'aurait osé jeté de la nourriture par les fenêtres, mais apparemment ce vieux débris de Nakor manquait de la poigne nécessaire pour inculquer la discipline à ses élèves. Heureusement que le drow avait décidé de venir, il allait pouvoir y mettre bon ordre en déployant tous ses talents de tyran pour renvoyer à leurs études ces étudiants qui préféraient blaguer plutôt que d'étudier leurs grimoires. Quelques tours des univers parallèles à coup de pied dans le fondement leur enseignerait l'importance du respect des aînés, pour sur.

Vous sentez venir la catastrophe ?

Dernière édition par Glinaina le Lun 6 Nov 2017 - 15:44, édité 1 fois

Je levais un sourcil devant le calambour du vieux bouc. Un troisième être ! Certainement pas ! A moins qu'il ne dise ça sur un ton métaphorique ? Hmmm.... Je n'avais décidément pas l'habitude de parler à d'autres gens que l'Autre et cet homme était assez surprenant... Mon sourcil monta d'autant plus lorsqu'il se mit à sautiller sur sa chaise. Il faisait un peu flipper aussi...

*Tu es sûre qu'il est... Pas un peu trop vieux... ?
- Ca dépend du point de vue. Pour un humain, si... pour un elfe, non. Il a encore toute sa tête donc tout va bien.*

Mais visiblement, il restait trois neuronnes sous la tignasse blanche puisque la mage retrouva un sérieux plein et entier à ma dernière demande. Au moins, il ne prenait pas ça a la légère, c'était déjà un bon point ! Malgré moi, je ne pouvais m'empêcher de le scruter, le coeur de cette enveloppe se mis même a battre étrangement vite, une sensation aussi nouvelle que peu rassurante. Heureusement, j'avais déjà observé ça chez Glinaina et ça ne l'avait pas tué, elle, donc ça ne me turait pas... normalement. A force de soutenir le regard du vieux bouc sans cligner des yeux, une forme de sècheresse me tirait désagréablement sur la cornée.

Et enfin le verdicte tomba.
Mon coeur ratta un battement tandis que je prenais une grande goulée d'air par pur réflexe. Oh! Mais ça suffit hein ! C'est mon corps c'est moi qui commande ! C'est pas toi, Corps, qui doit décidé tout seul !

"Le mauvais côté, mal... La colère et la passion n'ont rien de mauvais vieux bouc. C'est moi qui la tiens en vie..." gromelais-je à voix basse avant de me rendre compte que je n'avais pas que pensé ces mots, ce qui fit réagir l'Autre... *Comme ça Monsieur est le seul à faire survivre le corps, vraiment ?! Non mais tu n'as pas les chevilles enflées par hasard ? Je te rappelle que sans moi tu n'existerais même pas !* Hmmmm... Bon il arrivait au bout de ses tirades que j'écoutais tout de même avec une attention certaine. "Donc vous pensez que c'est possible !"

J'avais parlé avec un peu trop d'emphase. Sans m'en rendre compte, je m'étais à moitié levé, les mains appuyées sur le bureau, tourné de trois quart vers le mage. Je n'en pouvais plus. *Tu as entendu ça ?! C'est possible ! C'est vraiment poss... !*

- PAF – SPROTCH -

Pafsprotch ? Mon regard ne pouvait se détourner de l'orange qui avait éclaté sur le plafond pour s'écraser sur le bureau en plein milieu des papiers. J'avais beau ne pas être particulièrement expérimenté en matière de jet de fruit, j'étais presque sûr qu'ils n'étaient pas sensés revenir se venger... mais dans le doute, mes réflexes de défenses avaient pris le dessus. C'est surement avec une certaine perplexité que l'homme qui fit exploser la porte me verrai tenir en joug une orange écrasée, avant de me voir tourner lestement ma lame vers sa gorge, ma seconde main sur le pommeau de ma dague.

*Ust, calme-toi, c'est juste une orange... et évite de braquer mon arme sur un mage, s'il est puissant ça va plus nous attirer d'ennuis qu'autre chose !*

Elle était là, près de moi, se voulant... rassurante. Je la chassais sans la repousser comme on fait un mouvement d'épaule pour retirer une main malvenue. ça ne me disait vraiment rien. Je tenais bien mieux la magie qu'elle mais ce mage... N'était pas normal. J'en avait des sueurs froides, ne pouvait-elle pas sentir ce que je percevais ? Un archimage du côté de la fenêtre, un autre à la porte. J'étais fait comme un rat. Ces réflexions n'avaient pas durées un instant pourtant, et j'étais loin de paniquer. Je cherchais par réflexe une échappatoire tout en me redressant, la lame toujours au clair, pour jouer le jeu face au nouveau mage dans l'espoir de me tirer d'un étau que je n'avais pas exactement anticipé.

Mais le karma...

Le mouvement que je fis pour me redresser s'accompagnait d'un pas en arrière. Déjà déséquilibré par mon mouvement d'humeur pour suivre les déplacements du vieux mage puis l'entrée intempestive d'une orange, je heurtait le bord du bureau, crochetais mon propre genou et me sentais chuter à grande vitesse vers le sol de pierre.

Je ne me suis pas même demander pourquoi ni comment, un mouvement leste me permis d'éviter la casse. Au final, j'étais un genou en terre à côté du fauteuil, une main sur son accoudoir et l'autre, tenant toujours mon épée, écarté dans un gracieux geste semblable à celui d'une présentation. La tête légèrement baissée par l'à-coup, je serrais les mâchoires pour ne pas jurer, inconscient du fait que ma posture était semblable à une sorte de gracieuse et respectueuse révérence avec un quelque chose de guerrier.

Non mais... Non mais... NON ! Quel abruti fini, ce n'était pas possible ! Comment faisais-je pour le supporter jour et nuit, celui-là, franchement ? A cet instant précis, je me posais sincèrement la question... Mais quel boulet ! Déjà s'en prendre à une pauvre orange, et ensuite se montrer hostile devant un mage qui dégage plus de magie qu'il n'en faut pour être certaine - certains, même - que s'il venait à user d'un quelconque sort nous serions bien loin d'être en position de force. Que les Cinq me protègent, cette situation me faisait honte ; d'autant plus que le nouvel arrivé devait être persuadé qu'il avait affaire à moi et non à Ust.

*Puisque c'est comme ça, tu ne me laisses pas le choix. Allez, dégage que je reprenne la main !*

Après l'avoir fermement bousculé de manière éthérée, je rouvris les yeux sur la pierre qui constituait le sol du bureau de ce cher Nakor. Je me relevais dignement, n'acceptant aucunement de me retrouver à genou face à un Sombre, rangeais ma dague dans son fourreau tout en gardant un oeil discret sur celui qui venait de pénétrer dans la pièce et fis mine de m'épousseter. En réalité, je prenais ce temps pour être pleinement maîtresse de moi-même malgré l'horrible oppression que la magie exerçait sur mon être tout en expirant avec un maximum de clame. Bon, maintenant, il allait falloir que je rattrape le coup... En fait j'aurais dû laisser Ust dans son propre merdier ! Quoique... non, il aurait pu faire encore pire. En attendant je ressentais le bougre ne pas être content, s'appliquant à me le faire comprendre même. Une partie de moi, que je comprenais venir de lui, ne pouvait s'empêcher d'être prête à sauter par la fenêtre ou à prendre les armes au moindre mouvement suspect. Vu l'étage auquel nous étions, heureusement que c'était moi aux commandes... vraiment !

"Excusez-moi pour ma maladresse, cher Nakor. Le manque d'habitude se fait parfois sentir..."

J'adressais un fin sourire de connivence au vieil archimage, lui montrant ainsi que c'était désormais moi qui m'adressais à lui et non Ust'kor. Puis, le port altier, je me tournais vers le drow avec une pointe d'interrogation autant sur mon visage que dans le ton de ma voix.

"Glinaina Hereon. Puis-je avoir l'insigne honneur de faire votre connaissance ?"

Autant mettre de beaux mots dans une phrase quelconque. C'était toujours ça de gagné - ou pas. Je regardais un instant Nakor, lui demandant du regard s'il était normal que cette personne soit venue alors que nous étions en train de converser d'un sujet que je préférais garder uniquement entre nous...

Nakor était plutôt satisfait de voir que l'actuel occupant du corps de Glinaina réagissait plutôt bien aux nouvelles. Une expression de joie apparaissait sur le visage d'Ust. Cet être avait vraiment beaucoup évolué. Il en vint à s'exclamer quand Nakor ressentie une montée en puissance d'une magie qu'il reconnaissait dans l'instant. Fallait-il donc que le monde tout entier se ligue constamment contre lui et que, quand tout se passait bien, un pauvre fou furieux vienne frapper à sa porte? Il ferma alors les yeux et souffla par le nez longuement. Une orange vint alors magiquement s'écraser sur le plafond et dans une moue de très fort mécontentement, Nakor suivit du regard, le fruit ravageur, jusqu'à ce qu'il s'écrase sur le bureau. Et alors qu'habituellement il aurait presque fracassé son bureau de ses deux mains avant de se lever et de hurler tous les noms d'oiseaux qui lui passaient par la tête, il se souvint qui était là, assis en face de lui. Le vieux magicien se leva alors d'un bon, envoyant sa chaise valdinguer contre le mur et tendit les mains, paumes ouvertes.

"Du calme, je n'ai rien fais ... ce n'est pas ... on ... tranquille."

L'archimage humain ne pouvait pas mettre de côté la possibilité d'une attaque de la part d'Ust. Et on ne prenait pas à la légère la présence d'un drow armé dans son bureau. Ainsi, sans pouvoir faire autrement, la barbe blanche se tenait déjà prêt à balancer quelques petits sortilèges pour se protéger, au cas où. Il se tenait dos contre le mur pour mettre le plus de place possible entre Glinaina et lui. En invitant toujours au calme par des paumes ouvertes et sans armes, Nakor affichait un sourire forcé en essayant de passer pour le gentil petit vieillard sans défense du coin. La position d'Ust-Glinaina était particulièrement inquiétante et ces instants de doutes permirent à l'autre cinglé de monter jusqu'au bureau de Nakor. Un léger changement d'humeur, fit comprendre à Nakor que Glinaina avait repris le dessus, elle confirma d'ailleurs cela en posant sa question. Il rapprocha alors sa chaise de son bureau et s'y affala

"Voici Haldren Baenfere, archimage drow qui fait partie de ... mes connaissances!"

Puis ouvrant grand les yeux, le vieillard balança au nouveau venu

"Qu'est-ce que vous faite ici Haldren? Et n'avez vous donc aucune manière au Puys? Voilà que vous entrez dans ma guilde, dans mon château, dans mon bureau! Et sans mon autorisation? Vous nous déranger mon amie et moi. Que venez-vous faire là? Boire le thé peut-être?"

Et faisant une moue de vieux bougon, Nakor sorti de sous son bureau trois tasses de thé sans que personne ne puisse comprendre d'où elles venaient. Il fit sortir de sa barbe une pleine théière et versa le liquide bien chaud dans les tasses. Il avait habilement disposé les tasses de sorte à ce que Glinaina soit loin des deux archimages. Il avait posé des questions et attendait des réponses!

La sombre silhouette se dressait fièrement dans l'embrasure de la porte détruite, tel un titan des premiers âges affrontant les dieux déchus d'Oblivion dans leur lutte éternelle pour la suprématie des univers. Son regard de braise parcourut lentement l'assistance -certes restreinte- en apportant une promesse de mort et de ruines à tous ceux qui oseraient entraver sa destinée. D'un léger mouvement du cou, il fit voleter sa chevelure d'ivoire impeccablement entretenue afin d'y capter les derniers reflets du soleil couchant. Sa longue cape voleta doucement dans une brise vagabonde, son pas altier retentit fermement sur le sol de pierre lorsqu'il s'avança, tel une statue faite de chair défiant quiconque de se dresser face à lui.

Il était seul, il était beau, il sentait bon le sable chaud.

Bref, c'était Haldren.

Le regard du drow s'illumina en reconnaissant le vieil hibou humain et ce fut d'un ton joyeux que le visiteur impromptu s'exclama :

Oh, mais c'est vous Nakor ? Je croyais que vos étudiants s'amusaient à jeter des fruits sur les visiteurs. Imaginez ma légitime indignation !

Toute hargne ou colère subitement envolée, l'archimage s’avança à grands pas et attrapa la main de Nakor qu'il secoua vigoureusement.

Quel plaisir de vous revoir. Vous comprendrez aisément ma surprise en approchant de l'Aurore qui se trouvait vide. L'espace d'un instant, j'ai cru les lieux abandonnés et...

L'attention d'Haldren qui lui donnait des coups de pieds aux fesses depuis déjà près d'une minute réussit enfin à se faire entendre afin de signaler qu'une tierce personne se trouvait présente dans la pièce, en l’occurrence une fort jolie elfe agenouillée à côté du bureau et qui se relevait avec une certaine grâce. Une lueur égrillarde s'alluma dans l’œil de l'archimage, signe révélateur qu'il venait encore une fois de ne rien comprendre à ce qu'il se passait.

Oh oh, je vois ! On dégage les étudiants quand on reçoit de la visite, hein ? Vieux coquin ! A votre âge, faudrait quand même arrêter ces jeux, murmura Haldren avec toute la discrétion d'un pachyderme dans un magasin de porcelaine, tout en bourrant les cotes de Nakor de coups de coude aussi enthousiastes qu'amusés.

Certains théoriciens de l'analyse comportementale affirment qu'Haldren "est lourd", les autres estiment au contraire qu'il "est très lourd". Nous pourrons peut-être toutefois apporter un (léger) démentis à ces ragots ignobles en faisant remarquer avec subtilité que notre héros réalisa assez rapidement que le nom de Glinaina Hereon ne correspondait pas vraiment à celui d'une danseuse naturiste invitée pour rallumer la vieille flamme de Nakor. Sans doute cela est-il heureux, car nous évitons ainsi les blagues un peu grasses sur la fait qu'un mage âgé est comme un poireau : la tête est blanche mais la queue reste verte.

Glinaina Hereon ? La reine de Naelis ? Votre Majesté, c'est un honneur, dit Haldren en s'inclinant avec courtoisie devant l'elfe.

S'incliner devant une elfe aurait paru aberrant à un drow habituel en provenance de l'Elda, mais la notion de race ne voulait plus dire grand chose pour le seigneur d'Abyssea, alors que le rang social restait à ses yeux un marqueur valable pour définir le comportement qu'il lui convenait d'utiliser avec des inconnus. Toutefois, Nakor venait de lui poser une question sur les raisons de sa présence à l'Aurore, et la politesse appelait une réponse aussi claire que précise.

Pour répondre à votre question, mon vieil ami à la barbe mal peignée, je suis venu ici afin de tenir ma promesse.

Silence.

Mais si, rappelez vous ! Lorsque j'ai détr... que nous avons détruit l'Arcanum à Diantra, j'avais promis de passer à l'Aurore donner quelques cours à vos étudiants. Il est en effet vital que ces bleu-bites apprennent rapidement la supériorité naturelle des mages sur le reste des mortels. Ils sont les futurs représentants de la caste la plus élevée possible, là où les ignares incapables de ressentir les flux des arcanes sont tout juste bons à servir de sujets d'expérience pour faire progresser notre connaissance. Surtout il importe qu'ils ne se sentent pas retenus par des notions aussi stupides que la morale ! Face à un phénomène inconnu, il importe de l'étudier et tant pis si le sujet en souffre ou en meurt, n'est-ce pas ?

Silence tendu.

Mais... je vous dérange ? De quoi parliez-vous, à propos ?

Réflexion faite, je corrige : Haldren est "immensément lourd".

Bons dieux, oh bon dieux... Pourquoi fallait-il que ce sombre ait décidé de venir voir Nakor, là maintenant ? Qu'avais-je donc fait à Elenwë ou Kÿria pour que je sois mise dans une situation pareille ? Sans rien montrer de mon grand désespoir je fis un bref signe de tête au sombre afin de saluer le fait qu'il se soit incliné devant moi en tant que reine. Plus cet énergumène restait et plus je ressentais l'aura magique que les deux mages dégageaient. Elle me pesait, tendait à me faire complètement perdre toute notion, me vidait de mes forces... Il ne fallait pas que je montre quoi que ce soit, surtout à un puysard. J'écoutais donc le drow répondre à Nakor sur la raison de sa visite tout en évitant de regarder ce dernier sortir de sa barbe tasses et théière, histoire d'oublier un maximum la magie environnante. Je ne pus cependant pas me retenir de mordre mes lèvres en comprenant le mode de penssée du dénommé Haldren.

*Glinaina. C'est un archimage. disait une voix excitée en pesant lourdement contre ma conscience malgré la pointe de malaise qu'Ust'kor conservait face à deux représentant de la race des vieux mages un peu timbrés. Et c'est un drow. Il doit forcément savoir. Parle lui. C'est notre meilleure chance !
- Mais tu es malade ou quoi ?! Tu n'as pas entendu comment cet énergumène vient de parler ? Si on lui dit quoi que ce soit on va devenir de simples sujets d'expériences et cela je n'en ai aucune envie ! ... Bon d'accord, nous sommes déjà des sujets d'expérience. J'avoue. Mais il n'y a pas de raison pour que ça recommence ! Je tiens à ma vie et à mon intégrité morale comme physique, moi ! Toi qui te bases tant sur la survie, tu devrais comprendre cela, non ?*

"Mais... je vous dérange ? De quoi parliez-vous, à propos ?
- De rien ! Enfin... Avec tout le respect que je dois au grand mage que vous êtes, nous parlions d'un sujet privé et quelque peu ennuyeux... enfin... quoique... Juste de comment une théière pouvait entrer dans une barbe."

Nul... c'était nul, archi-nul ! Et j'en avais honte... Mais là je devais trouver une échappatoire au fait de devenir un cobaye pour un drow inconnu. J'essayais de me contenir sur tous les points mais le mauvais ressenti magique que j'avais m'empêchait de réfléchir suffisamment bien et rapidement pour trouver de bonnes excuses. Et Ust qui râlait par-derrière tout en essayant de faire du forcing pour pouvoir parler à l'autre archimage...

*Ust, je t'en prie, ne fais pas le con...*

- Ou de Bol d’Jiv’elgg. C'est un autre sujet intéressant. " m'entendais-je articuler malgré-moi. Ust arrêta soudain de râler, interdit. Il ne m'avait pas chassé... pas vraiment... J'étais toujours aux commandes mais les mots articulés avec un accent eldéen impeccable que nous venions d'entendre étaient de lui, ça c'était une certitude...

D'abord Nakor fut secoué comme un prunier par le bras, cet espèce d'imbécile d'archimage drow faisant comme si on pouvait rentrer n'importe où sans rien demander à personne. Mais ensuite il s'en suivit un discours à se jeter par la fenêtre. Comme toujours c'est avec bougonnerie qu'il croisa les bras sur sa poitrine et dit simplement

"Il y a des choses qu'un humain ne peut plus faire après un certain âge Haldren!"

Puis la discussion continua autour d'une bonne boisson chaude. Nakor se saisit de sa vieille tasse Nisétienne pendant que les présentations se faisaient et que le magicien du Puys commençait à peut-être comprendre qu'il se passait ici autre chose qu'une partie fine. Et si le vieux fou pensait que tout était déjà au sommet de ce qu'il se faisait de pire, il se trompait aussi lourdement que possible! Voilà qu'Haldren parla d'abord de la tour de l'Arcanum. En passant en une seule seconde de la bougonnerie à la folie joyeuse, le Magistère du Firmament frappa la table du poing en poussant un cri de rire

"Elle est tombé comme un fétu de paille cette tour à la noix!"

Et continua de glousser comme un âne avant que l'archimage drow gâche encore tout le plaisir. Supériorité, expérience, abandon de la morale, souffrance, mort ... et tout cela en face de Glinaina. Par tous les dieux de ce monde pourquoi fallait-il que ce crétin vienne toujours au meilleur moment, détruire à jamais tout ce que Nakor avait construit. Pourquoi fallait-il que, depuis sa naissance jusqu'à l'éternité de sa longue vie, un fou se trouve sur sa route pour que tout soit à refaire. Le sang de Nakor se mit donc à bouillir de colère. Il allait bientôt exploser mais c'est Ust qui vint achever le vieil homme d'un mot d'un seul : Bol d'Jiv'elgg. Cela en fut de trop, d'un seul bond, Nakor se leva ce qui envoya sa chaise s'écraser contre le mur pour s'y briser définitivement, c'est qu'elle en avait vu des chocs contre ce satané mur.

"Vous voulez jouer à ça tous les deux hein!"

Il se saisit d'Haldren par la tunique et il se secoua en lui parlant très rapidement

"Vous voulez tout savoir Haldren, vous et votre maudite perruque blanche insupportable? Et bien je vais vous le dire : Glinaina que vous voyez ici a été capturée par les séides de Bol d'Jiv'elgg et a subie des tortures aussi physiques que magiques. Après des expériences dont je n'ai pas la moindre idée, ils l'ont libéré en ayant créée en elle un côté sombre! Sooooommmmmmbre vous m'entendez espèce d'idiot! Au départ, au moindre contact avec de la magie, elle devenait folle et cherchait à tuer tout ce qu'elle avait en face des yeux! Je l'ai alors initié à des techniques de maîtrise de soi et j'ai veillé sur elle. Aujourd'hui vous avez en face de vous une elfe qui porte en elle une deuxième personne, une entité propre, qui peut prendre le contrôle de son corps et qui possède son propre mode de pensée! Voilà la vérité toute cru dont nous étions en train de parler avant que vous n'arriviez ici et voilà pourquoi j'ai fais sortir l'ensemble de mes mages de ce maudit châteauuuuuuuu!"

Puis, son esprit de très puissant mage ayant saisit qu'il n'y avait plus de chaise, il n'eut pas l'imprudence de s'assoire dans le vide. Il lâcha Haldren, se saisit si vite de sa tasse de thé qu'elle se vida entièrement dans la pièce en l'amenant à lui et cria presque

"Voilà, vous êtes content tous les deux ... trois ... rhoooooo et puis zut!"

Et avala d'une traite sa tasse ... vide.

"Mais qui diantre ... pâle-sang-bleu!"

Il laissa choir sa tasse, attrapa sa barbe puis la projeta autour de son coup, elle fit trois tours complet et lui constitua une grosse écharpe chaude et soyeuse. Il resta là, bougon, les bras croisés sur sa poitrine, silencieux, seuls ses yeux d'un bleu d'azur perçant se voyaient sous son chapeau et sa barbe. Quand il était comme ça, il ne fallait pas lui parler.

Oh non... Oh non non ! Il fallait que ça soit arrivé... Jusque là le fait de contrôler mon corps avait toujours empêché Ust'kor d'interragir avec l'extérieur de manière impromptue mais pour la première fois, cela avait été tout autre. Je restais abasourdie par cet état de fait, priant pour que les quelques mots d'Ust ne déclenchent aucune tempête. Mais bon, normalement non, il n'y avait pas de quoi, et mine de rien sa question avait un certain intérêt. C'était sans compter que le sang de Nakor était bien plus chaud que ce qu'il n'en avait l'air.

Les paroles du vieil humain furent comme un ras-de-marée qui détruisit tout sur son passage. Alors qu'il parlait, guidé par une colère jusque là contenue et persuadé que je voulais jouer à ce jeu tout autant dangereux qu'idiot, il fit tout l'inverse de ce que je m'étais évertuée à faire quelques secondes avant. Il raconta au sombre mage taré ce qui m'était arrivé, la création de mon double ainsi que le fait qu'initialement dès qu'on m'exposait à la magie je devenais un être trop dangereux. Alors que la vieille barbe blanche secouait sa tasse au départ pleine de thé, je blêmissais au fur et à mesure.

Puis le silence. Vint. Enfin.

Mais c'était déjà trop tard. Nakor boudait comme un enfant capricieux et moi je me sentais trahie. Sans faire de bruit, le dos plus raide que d'habitude, je me levais de ma chaise et me décida à quitter la pièce, quitter l'Aurore même.

[HRP : Glinaina et moi inversons notre ordre de post]

Donc vous êtes le... résultat... du grand projet dont Bol d'Jiv'elgg m'avait parlé ?

L'archimage drow ne s'était même pas retourné pour suivre du regard l'elfe qui s'approchait de la porte et continuait de fixer distraitement l'horizon qu'on devinait par la fenêtre, mais nul doute n'existait quant au fait qu'il s'adressait à la reine de Naelis. La main de Glinaina se figea sur la poignée au moment où Haldren prononçait ces paroles révélant une relative proximité entre lui et le Haut-Prêtre de Kiel Elghinn, source pour elle de tant de tourments.

J'avais toujours considéré Bol' comme un sociopathe sadique dont les soi-disant expériences sur la douleur ne visaient qu'à satisfaire ses instincts pervers. Voilà déjà plusieurs années, il vint me voir au C'nros pour m'entretenir d'un projet secret visant à créer une conscience "née de la souffrance et de la colère" pour reprendre ses termes, projet dont il attendait de grands résultats à l'occasion des guerres à venir. A l'époque je n'en vis guère l'intérêt et je refusais poliment de l'aider, car que peut-on gagner à mettre une seconde conscience dans un même corps ? A part une cohabitation probablement difficile, rien. La manipulation mentale est un art hautement complexe qui ne requiert pas ce genre d'idées saugrenues issues de dogmes religieux sans réelle base scientifique. Vous êtes pourtant la preuve que Bol d'Jiv'elgg ne se trompait pas... mais les prêtres étant tous un peu dingues en Elda, je ne l'ai pas pris suffisamment au sérieux. J'ai probablement eu tort.

Nakor et Glinaina assistaient à l'un des spectacles les plus rares qui soit, un spectacle que peu de mortels peuvent se targuer d'avoir vu : un Haldren sérieux, capable même de reconnaître des erreurs de jugement ! Là où les drames les plus déchirants échouaient à lui enlever son humour acerbe, là où le danger imminent ne pouvait rien contre son ironie mordante, la venue d'une nouveauté dans le domaine des arcanes pouvait obtenir ce résultat surprenant. Essuyant distraitement l'un des postillons gluant que Nakor lui avait projeté au visage en braillant comme un goret à l'abattoir quelques instants plus tôt, le drow fit face au vieux barbu bougon qui boudait toujours dans son fauteuil.

Les crises de folie dont vous me parlez sont classiques et sont assez bien décrites dans plusieurs traités sur la nécromancie. L'âme n'aime pas être brutalisée, et se voir adjoindre un double en négatif de la personnalité principale doit avoir le même effet qu'une tornade dans un magasin de porcelaine. Il faut attendre un peu pour que les morceaux retombent et que l'âme se stabilise à nouveau, ce que vous avez aidé à faire, mon cher Nakor. Peu probable que sans votre intervention cette elfe ait pu survivre jusqu'à aujourd'hui. Ses deux personnalités auraient fini par s’entre détruire en ne laissant derrière elle qu'un corps dénué de conscience. Peut-être n'avez vous d'ailleurs fait que retarder une inévitable échéance car je suis assez sceptique quant à la possibilité de maintenir dans la durée une cohabitation entre Glinaina et Ust'.

Se retournant enfin, Haldren s'approcha de l'elfe en la regarda comme un botaniste analyserait une nouvelle espèce de plante issue des jungles inconnues et venue s'ajouter à la collection. Nulle méchanceté ne se lisait dans son regard, mais nulle bienveillance non plus, simplement la froide réflexion d'un archimage intrigué face à un sujet d'expérience tout neuf. Les pupilles blanchatres du drow se fixèrent dans celle de la reine. Qui regardait-il ? La reine ? Ou celui avec qui elle devait partager sa caboche ?

L'une des deux personnalité finira probablement par dominer l'autre au point de l'effacer. Ou peut-être finirez vous par vous entre-détruire ? S'il ne s'agissait que d'une simple schizophrénie née de tortures traumatisantes, la situation pourrait se maintenir sans réelle difficulté... à part peut-être des crises de folie passagères fort gênantes pour une reine mais dénuées d'intérêt aux yeux des sorciers. Les schizophrènes souffrent simplement d'un dédoublement de personnalité, mais le Haut-Prêtre de Kiel n'aurait pas parler de grand projet pour un résultat aussi pitoyable qu'une elfe schizophrène. Non, Bol d'Jiv'elgg semble avoir utilisé sa magie pour créer une âme pleine et entière née de sa magie maléfique, et donc contrôlable par elle.

Nul ne pipait mot tandis que le drow déroulait son raisonnement au fur et à mesure qu'il se rappelait les souvenirs de ses discussions avec le Haut-Prêtre de Kiel. Simple raisonnement sans base de preuves, certes, mais raisonnement d'un drow millénaire ayant côtoyé le Haut-Prêtre de Kiel durant de longs siècles.

Ust'kor... la Première Colère. C'est par ces mots que commence un verset sacré de Kiel prônant de recréer la souffrance originelle qui a habité les drows lors de notre exil et de l'amener parmi les races inférieures, c'est-à-dire les non drows. Certains fanatiques pensent que la domination de l'Elda sera absolue le jour où la Première Colère embrasera le monde. Je soupçonne Bol d'Jiv'elgg d'avoir voulu remplacer Glinaina par Ust', afin de disposer d'une reine de Naelis à sa botte qu'il aurait pu contrôler. Cela l'aurait beaucoup aidé durant son offensive sur Oesgard, où il aurait pu appliquer le même traitement à des nobles humains capturés et diffuser peu à peu la Première Colère en Péninsule. Glinaina a servi de prototype à un projet bien plus ambitieux et mûrement réfléchi, mais qui s'est vu contrecarré par l'absence de soutien militaire de l'Olath Blada. Vaincu à Amblère, le Haut-Prêtre de Kiel Elghinn n'a pas eu l'opportunité de continuer son oeuvre.

S'approchant, l'archimage donna une petite tape amicale sur la joue de Glinaina, mais il s'adressait bel et bien directement à la partie sombre qui habitait le corps de l'elfe.

Désolé Ust', mais tu n'es rien de plus qu'un pion dans une partie d'échec qui te dépasse.

Un pion destiné à faire tomber la reine. Mais fort heureusement, c'était Bol d'Jiv'elgg lui-même qui avait fini échec et mat.

Nakor qui semblait bouder au point de ne même plus écouter, était au contraire attentif au moindre mouvement dans la pièce, Glinaina tentant discrètement de s'enfuir, elle s'arrêta nette quand Haldren pris la parole. Et ce qu'il commença à dire sembla retenir l'attention de la reine pour sur, mais l'archimage humain n'en était pas moins spectaculairement attentif. Il nota déjà un sérieux presque tendu chez son collègue archimage drow ce qui était d'une rareté aussi grande si ce n'était plus, que lorsque Nakor lui-même était sérieux. Plus le discours se déroulait, plus la barbe du Magistère du Firmament se dégageait lentement, seule, par la force de la toute puissante gravité. Lorsque le mage sombre termina ses commentaires, la barbe avait entièrement glissée pour retrouver sa place d'origine : bien droite, sous le menton du vieux cinglé. C'est alors avec une voix basse qu'il pris la parole

"Glinaina, Ust ... restez encore un peu, je vous en prie."

Puis il fixa longuement Haldren, inclina légèrement la tête sur le côté, un sourcil froncé pendant que l'autre était déployé.

"Dîtes moi sérieusement Haldren ... se pourrait-il que cette magie que je déteste par dessus tout vous le savez, cette ... nécromancie, puisse venir solutionner le problème que vit Glinaina et son compagnon de route forcé? C'est moi qui ait combattu la magie des prêtres de Kiel Elghinn lors de la prise d'Amblère dans le nord. J'y ai vu des choses qui m'ont fait bouillir le sang et qui m'ont poussé à déchaîner mes pouvoirs d'archimage élémentaliste. J'étais le seul mage que les humains avaient avec eux. Il n'empêche que j'ai négligé ce pan des arcanes en réfléchissant au problème de mon amie la reine de Naelis."

Il se racla la gorge et hésita un instant avant de finir ainsi :

"Que feriez-vous si je vous mettez au défi de faire sortir du corps de Glinaina, l'âme d'Ust'kor, sans tuer ni Ust, ni Glinaina?"

Voilà, ils allaient enfin avoir une réponse que Nakor ne pouvait pas donner : ce que la magie drow avait fait, la magie drow pouvait peut-être aider à le faire autrement. Le magistère venait d'apprendre deux choses : il avait peut-être sauvé la vie d'Ust autant que de Glinaina en lui apprenant à maîtriser ses névroses magiques et surtout, Haldren pouvait finalement apporter une aide inattendue là où il n'avait que des brides d'idées sur ce problème magique notable.

Ma main se bloqua littéralement sur la poignée de la porte, désormais incapable de se décider à se refermer dessus ou à se rouvrir. Je voulais sortir. J'avais peur. Et pourtant les mots de l'archimage drow me figeaient comme s'ils étaient le marteau permettant de me clouer sur place. Ces mots entraient dans ma cervelle, s'imprimaient en mon esprit, m'empêchant de faire autre chose que de penser à eux. A eux et à tout ce qu'ils pouvaient évoquer. Magie noire... Bol d'Jiv'elgg... la souffrance... La souffrance sur pratiquement un siècle de vie. Cela ne faisait pas que quelques années que cet être dément devait avoir son projet de répendre la "Première Colère"... Pour ce qui était des crises et de la cohabitation de deux entités dans un même corps, je n'avais rien à dire. J'avais plus envie de ressentir la colère au fond de moi qu'autre chose. Parce que cette soif de sang, ce besoin de sang et de destruction, c'était à cause de la nécromancie ? Comment cette magie hérétique pouvait-elle bien mener à la création d'une seconde entité ?

Ma main se referma sur la poignée, sans pour autant faire le moindre mouvement pour ouvrir la porte. En réaction à ce mage qui s'était levé puis rapproché de moi, m'emplissant d'un froid pétrifiant, mes yeux se posèrent sur les siens. Sa froideur scientifique me fit peur ; pour rien au monde je ne voulais passer entre ses mains expertes, surtout qu'il s'agissait de ma vie, de mon intégrité psychique - et peut-être bien physique. Il parlait, toujours. Ses mots s'insinuaient désagréablement dans mon esprit. On aurait pu croire à une quelconque provocation ou un quelconque courage que de garder mes yeux braqués sur les siens mais il n'en était rien. Ses paroles additionnées à son aura magique faisaient que j'étais juste incapable de faire quoi que ce soit. Ce fut la seule raison pour laquelle il put sans soucis tapoter ma joue alors qu'il s'adressait avec condescendance à Ust'Kor. Ce dernier grommella mais, étrangement, rien ne se passa : il n'essaya pas de prendre le contrôle ni de transmettre un message comme cela avait été le cas quelques minutes auparavant. Peut-être en était-il lui-même incapable ? Cette idée me rassurait... ou peut-être pas, en fait.

"Glinaina, Ust... restez encore un peu, je vous en prie."

Il fallut attendre que l'attention d'Haldren se porte sur Nakor pour que mes yeux arrivent à se défaire de sa présence. Sans que ma main ne se défasse de la poignée, j'écoutais - et Ust aussi visiblement - les questions de l'humain. A la fin, il me vint une unique question de personne n'y connaissant absolument rien en magie à part les problèmes qu'elle a eus avec.

"Si la nécromancie a engendré Ust, est-ce forcément elle qui doit permettre aux deux esprits de vivre ?"

Haldren resta un long moment méditatif suite à la question de Nakor, laissant un silence pesant tomber dans le bureau du vieil archimage. Il ne s'agissait pas là d'un jeu cruel de sa part que de réserver sa réponse, mais du résultat d'une intense réflexion qui se manifestait par le regard un peu vague qu'il portait sur Glinaina tout en se grattant vigoureusement la tempe. Mille hypothèses s’échafaudaient dans l'esprit du drow, il en rayait immédiatement certaines puis analysait celles ayant survécu à la purge avant d'oser donner son diagnostic qui allait s'avérer vital pour l'avenir de la reine de Naelis. Violent et brutal lorsqu'il le fallait, Haldren ne faisait que rarement preuve de cruauté en dehors des cas où son impact psychologique devenait une arme entre ses mains. Conscient de l'enjeu, il chercha ses mots avant enfin d'ouvrir la bouche.

Il est théoriquement possible de dissocier Glinaina et Ust'kor sans recourir à la nécromancie.

Une lueur de soulagement parut briller dans l’œil de l'elfe. Venait-elle de la reine ou de son double maléfique ? Peut-être des deux, car ni l'un ni l'autre ne devaient vouloir de nouveau se frotter aux arts sombres. Mais la simple évocation d'un aspect théorique pondérait fortement et douchait tout enthousiasme excessif.

La nécromancie a servi à créer Ust', mais il est depuis devenu une entité à part entière indépendante de la magie qui l'a vu naître. Le dissocier de Glinaina requiert des sortilèges de manipulations mentales s'apparentant à un transfert d'âme, avec toutefois une complexité hautement malaisée à traiter. Vos deux âmes sont intimement liées entre elles depuis trop longtemps, comme un verre empli d'eau et de vin que vous auriez fait tourner dans le creux de votre main.

Une courte hésitation, puis le drow se jeta dans le bain.

Je... pense... pouvoir exécuter un tel rituel, mais deux contraintes fortes s'y opposeront. Et je ne parle pas là du paiement que j'exigerai en retour car il s'agira d'un prix minime comparé à ces deux contraintes.

Deux contraintes ? Et supérieure au paiement qu'allait demander un drow pour sauver une elfe ? Il y avait là de quoi inquiéter ses interlocuteurs, ou tout du moins à leur faire comprendre que le rituel dont parlait Haldren serait loin d'être aisé à mettre en oeuvre.

La première contrainte est le réceptacle. Pour extraire Ust'kor du corps de Glinaina, j'ai besoin de sa pleine et entière coopération. Or je doute que notre ami se laisse faire s'il n'a pas un endroit où se loger, hmm ? Devenir une âme errante abandonnée entre les univers n'est pas un avenir réjouissant, il faut donc que je puisse immédiatement implanter Ust' dans un corps. Or si vous voulez éviter d'avoir recours à la nécromancie, ce corps doit encore contenir une âme que je détruirai durant le processus d'implantation.

L'archimage laissa passer quelques secondes pour que Nakor et Gli/Ust' comprennent bien l'impact de ses paroles, et des conséquences morales que cela entrainait.

Autrement dit : vous devez condamner quelqu'un à mort. Non. Vous devez le condamner à un sort pire que la mort, car son âme sera effacée à tout jamais et ne trouvera pas le repos de l'au-delà. Êtes-vous prêt à vivre avec le poids de la culpabilité, reine de Naelis ?

Le poids du remords affectait peu les drows, tout au plus ressentaient-ils du regret en cas d'insuccès. Mais une elfe comme Glinaina devait être d'un autre métal moins froid que l'acier forgé par Uriz. Le grand débat philosophique autour de la fin qui justifie les moyens allait trouver là un terrain où se déployer totalement.

La seconde contrainte est inhérente à la complexité du rituel. Je ne peux malheureusement pas vous en garantir le succès, même avec l'aide de Nakor. J'estime que la probabilité d'échec est de moitié... or si j'échoue, vous aurez de grandes difficultés à ne pas sombrer dans la folie suite à l'instabilité que cela engendrera, voire pire car vos deux âmes risqueront d'être détruites par les énergies qu'il m'aura fallu réunir. Ce dernier scénario est certes moins probable mais n'en négligez pas la possibilité.

Ayant fini ses explications le drow attendit que Nakor et Glinaina y réagissent. Condamner quelqu'un à voir son âme détruite pour qu'Ust'kor puisse "voler" le corps du malheureux, puis accepter un risque d'échec avec toutes ses terribles conséquences que cela engendrait constituait un terrifiant dilemme qu'Haldren n'aurait pas aimé avoir à résoudre. Le prix de la liberté n'aurait jamais paru aussi élevé qu'en ce jour. Chose surprenante chez lui, le drow s'abstint même de tout commentaire ironique ou comique, signe de son trouble.

Nakor attendait tranquillement, pas parce qu'il aimait les silences tendus ou mystérieux non, mais parce qu'il reconnaissait là le même mode de pensée que lui : les magiciens, lorsqu'ils se plongeaient dans une réflexion intense, en oubliaient presque le monde autour d'eux. Le cerveau d'un archimage manipulait en même temps de très nombreuses idées, connaissances, souvenirs et hypothèses tout en étant mélangés à un nuage d'énergies arcaniques. C'est donc sans inquiétude sur la durée du silence que le vieux fou attendait. Mais la prise de la parole fut sans doute pire que le silence. Nakor écouta avec une immense attention, se caressant doucement la barbe pour maintenir lui aussi sa réflexion à un niveau suffisant. Il entendit et nota bien chaque mot qui le firent tiquer, notamment le besoin de paiement et de contraintes difficiles. Après que le silence retomba, Nakor regarda Glinaina avec profondeur quelques instants puis le vieux fou se releva et marcha doucement dans la pièce autour d'Haldren

"Comme je vous le disais plus tôt ... je n'ai jamais voulu apprendre plus en avant les méandres de la nécromancie mais je sais le mode de vie des drows. Je craignais que l'on s'approche de tels propositions pour une raison très simple Haldren ... c'est que j'avais pensé à une possibilité similaire : imaginons que, comme cela arrive au Puys, un serviteur drow, un guerrier en formation, un esclave ... peu importe! Imaginons qu'un drow soit mortellement blessé et perde lentement la vie. Ne pourrions nous pas récupérer le corps au moment où son souffle vital s'éteint et y transférer l'âme d'Ust? J'imagine que nous devrions déployer des quantités non négligeables d'énergies arcaniques pour transférer l'âme qui s'est développée en Glinaina vers son nouveau réceptacle. Ne peut-on penser que cet apport massif d'énergie magique, accompagné d'une âme, redonnerait un souffle de vie sincère au corps qui vient de mourir? Nous pourrions alors nous faire accompagner d'un de mes mages guérisseurs et sauver Ust!"

Nakor proposait cette alternative car il savait que l'archimage drow ici présent ne voyait et pensait que par le définitif, l'expéditif, il ne s'ennuyait pas de la bienséance et encore moins de principes moraux.

"Evidemment, faire cela nous amènerait à récupérer le cadavre d'un drow encore chaud sans n'avoir rien fait pour empêcher sa mort mais chaque jour, des gens meurent dans ce monde sans que nous ne puissions y faire grand chose. Que ce soit par la maladie, la famine, les batailles intra raciales ou interraciales qui nous déchirent depuis la création de notre monde et personne ne peut sauver le monde entier. Quoi que nous puissions faire, le choix ne nous incombe pas. En premier lieu, c'est à la reine de décider ainsi qu'à celui qui a pris naissance dans son corps et son âme. C'est leur vie qui est en jeu. Leur vie à tous les deux."

Nakor posa sa main droite sur l'épaule de Glinaina avec chaleur et douceur avant de la retirer pour que le contact avec le magicien ne soit pas trop insupportable. Le vieux fou était sincère, il voulait vraiment trouver une solution, pour eux deux, pour son amie elfe comme pour cet être qui était là, en elle sans n'avoir rien demandé. Mais, il voulait le faire en respectant ses principes moraux aussi. Tout cela était bien complexe, mais il regarda avec sympathie Haldren avant de se souvenir qu'il restait à demander la dernière condition de l'archimage : le prix exigé. Mais ça, ce n'était pas à Nakor de le demander, c'était à Glinaina de vérifier si elle voulait aller au bout du processus ou non.

Encore et encore, j'étais incapable de bouger le moindre petit doigt. J'entendais, je comprenais, et il en était de même pour Ust'kor. Il était possible de faire cela sans user de nécromancie, de prendre un corps mourrant pour y insérer la vie d'Ust au dernier moment... Comme le disait si bien Nakor, des milliers de vies rejoignaient Tari tous les jours, il suffisait de "tricher" avec l'une sans pour autant détruire l'âme qui habitait jusqu'à présent ce corps. C'était possible, imaginable, ce rituel avait de forts risques de ne pas voir le résultat attendu survenir... mais sans parler de promesse que j'aurais pu faire à mon double, je comprenais qu'à continuer tous les deux dans ce même corps nous finirions par nous auto-détruire. Je n'avais aucune envie de détruire une vie pour sauver la mienne ; c'était pour autant là une question de survie qu'Ust'kor comme moi-même ressentions le besoin de prendre. Nous laissions un long silence planer dans la pièce, le temps de nous concerter ; le temps que mon visage se durcisse pour me permettre de faire part de notre ressenti.

"Nous prendrons le risque... mais je refuse de détruire un souffle, d'autant plus vu la proposition de Nakor. Quel serait le prix que demanderait l'archimage Haldren ?"

Ma main réussit enfin à se défaire de la poignée de la porte, et c'est le port droit et les yeux plantés dans ceux des deux archimages que j'attendais sa réponse. Que nous attendions sa réponse.

Haldren réfléchit à l'alternative proposée par Nakor pour éviter de devoir détruire une âme en implantant de force Ust' dans un corps bien vivant et déjà occupé. Le vieux fou ajoutait sciemment de la complexité à la complexité afin de satisfaire un besoin moral, toutefois Haldren pouvait comprendre les raisons le motivant : détruire une âme constituait un crime devant les Dieux eux-mêmes, et Glinaina ne devait pas aisément accepter l'idée d'en porter la responsabilité.

Oui... je suppose que c'est possible... mais il faudrait un corps pouvant être soigné rapidement... donc sans dommage permanent... ce ne sera pas simple mais si vous pensez pouvoir me fournir un tel réceptacle et un mage de vie efficace, nous pouvons essayer.

Vint ensuite la question du paiement. Amusé, Haldren comprit que ses deux interlocuteurs craignaient des demandes exorbitantes ou dangereuses. Tel n'était pas le cas.

Oh, le paiement est réellement à prendre au pied de la lettre. Il va me falloir réunir les éléments du rituel et cela coûte cher. Très cher même, car je vais devoir requérir l'aide d'un façonneur pour imprégner certains des sortilèges qui me seront nécessaires.

Bien évidemment, le reste de l'or serait utilisé par le drow pour ses propres projets, à Thaar ou à Abyssea. Haldren savait que la magie n'ouvre pas toutes les portes et que la corruption constitue également une arme puissante dans le jeu politique où il se trouvait plongé.

L'accord conclut, le drow quitta l'Aurore et reprit la route de l'Elda. Il avait été convenu qu'ils se reverraient tous les trois quelques ennéades plus tard tant pour le versement de l'or que pour fixer la date exacte du rituel, mais le destin allait en décider autrement.

HRP : désolé, post court et de piètre qualité, mais c'est juste pour clore ma participation à ce rp qui se déroule bien avant l'évolution majeure du personnage d'Haldren.

Nakor était heureux de voir que les possibilités étaient finalement un peu plus large que ce que le drow avait proposé au départ. Evidemment, en tant qu'archimage noir, il n'avait aucun problème avec le meurtre de sang froid et l'anéantissement d'une âme mortelle. Ce n'était pas la même chose pour le vieux fou. Glinaina aussi semblait plus encline à se tourner vers cette proposition là.

"De l'or? Voilà que vous me rassurez, je m'imaginais déjà les pires choses. La reine de Naelis et les coffres de la guilde du Firmament devraient trouver de quoi financer un ... façonneur! Pour le surplus que j'imagine déjà, n'y allez pas trop fort. Je vous en serai gré!"

Nakor se permit un léger gloussement avant de finir de se mettre d'accord sur la prochaine date de rendez-vous. Il était convenu qu'Haldren enverrait une missive au vieillard pour lui indiquer la somme exacte nécessaire à la préparation du rituel. Ils se serrèrent la main une dernière fois avant que le drow à la perruque blanche quitte la pièce. Soufflant un grand coup, Nakor croisa ses bras devant sa poitrine et dit tout haut

"Quel drôle de personne que cet Haldren ... une fois sur deux nous manquons de nous tuer, une fois sur deux, nous collaborons ... allez comprendre!"

Et Nakor explosa de rire avant de se rendre compte que la reine de Naelis était toujours présente dans la pièce.

"Ho? Glinaina? ... oui, ... euu ... une tasse de thé? Tu vas sans doute devoir réfléchir à tout cela de manière plus profonde et sérieuse avant de prendre une ultime décision. Cela t'appartient, la magie j'en fais mon affaire, occupe toi de ta conscience, de celle d'Ust et de ce que vous souhaitez vraiment. De ce que vous souhaitez et ... des conditions qui vont avec! Il ne faut pas prendre un tel rituel à la légère ... ce ne sera pas de la petite magie de pacotille pour amuser les paysans du val voisin! Ho ça non."

Et Nakor, bien calé dans son siège, les yeux dans le vide, plongea dans une profonde réflexion personnelle, remuant d'une cuillère qui n'était pas là, une tasse de thé vide devant lui. La marque d'un grand sérieux rare et intense chez le vieillard à la barbe blanche. Ce qui n'était pas peu dire!

"Ce sera fait. Tenez-nous au courant le moment venu."

Sans plus rien rajouter, je m'écartais de la porte pour laisser l'archimage sortir. Je baissais un moment les yeux, essoufflée et contente que le drow soit parti... Pour le reste, je n'avais plus rien à faire ou presque : tout était entre les mains des mages. Ne supportant pas la magie, il valait mieux que j'en reste éloignée.

"Ho? Glinaina? ... oui, ... euu ... une tasse de thé? Tu vas sans doute devoir réfléchir à tout cela de manière plus profonde et sérieuse avant de prendre une ultime décision. Cela t'appartient, la magie j'en fais mon affaire, occupe toi de ta conscience, de celle d'Ust et de ce que vous souhaitez vraiment. De ce que vous souhaitez et ... des conditions qui vont avec! Il ne faut pas prendre un tel rituel à la légère ... ce ne sera pas de la petite magie de pacotille pour amuser les paysans du val voisin! Ho ça non."

Je souris, du moins essayais-je. Voulais-je du thé ? Avais-je envie de rester encore un peu, juste pour rester auprès de ce vieux bougre ? Non... pas cette fois... j'étais épuisée.

"Je t'en remercie Nakor mais ça ira pour moi aujourd'hui. Désolée que notre conversation n'ait duré que peu de temps, surtout par rapport à ce que je pensais. Il vaut mieux que je rentre... j'ai besoin de prendre l'air. Vraiment."

Je me retournais et posais ma main sur la poignée, appuyais dessus et fit un pas vers l'extérieur. Je m'arrêtais et me retournais vers le vieil archimage, affichant un petit sourire forcé se voulant rassurant.

"Pour ce qui est du rituel, j'ai déjà donné la condition : aucun Souffle ne sera détruit afin de libérer Ust'kor. Pour le reste, il n'appartient qu'à vous les mages de voir ce que vous pouvez faire et comment. Déjà que je ne supporte pas la magie... En tout cas merci infiniment Nakor. J'espère pouvoir te rendre la pareille un jour, d'une manière ou d'une autre. Sur ce à une prochaine fois, mon ami."

Pas de baiser cette fois ; j'avais trop peur de me perdre à cause de l'aura magique de Nakor. Aussi je lui fis un simple signe de la main, partis... et perdis mon sourire.

Nakor observa avec beaucoup de chaleur la pauvre Glinaina, elle avait eu son compte en quelques instants de discussion. Elle qui était venu pour visiter le vieux fou et discuter sans peut-être penser pouvoir aller si loin, se voyait proposer un rituel surprenant et dangereux. Sur cela, il fallait ajouter des conditions complexes et qui étaient un véritable cas de conscience.

"Je t'en prie ... va mon enfant, tu as en effet besoin de te retirer un peu de toutes ces histoires de magiciens. Laisse moi m'occuper de cela. Si jamais nous avançons dans le bon sens, je te transmettrai de mes nouvelles et nous prendrons la décision adéquate le moment venu. Jusque là, que la paix guide tes pas!"

Portant machinalement la main à la bouche, il lança un baiser dans les airs avant de s'incliner, main sur le coeur. Il retourna alors à son bureau et chercha mentalement quels livres consulter. Après une intense réflexion, en laissant le temps à sa chère petite Glinaina de quitter les lieux, il descendu directement jusqu'à la grande bibliothèque de l'Aurore, alors que déjà, ses troupes de mages revenaient de leur promenade forcée.

RP Terminé! Merci aux participants

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