Printemps - 3e jour de la 6e ennéade de Favrius 10e année du XIe Cycle
Le danseur s’éloignait des hauts murs blanc du bubon de pierre qui avait poussé sur la rive. Hallendas reconnaissait désormais sa marche dansante à l’oreille. Même une illusion n’aurait put le tromper. Assis sur sa branche, il restait pourtant à l’abri des regard, au creux des feuilles vert clair qui revenaient piquer la région qui frissonnait encore d’un hiver tenace. Tendant l’oreille pour ne pas perdre la trace de sa cible, il laissa tomber au sol sa poignée de noyau, prix le temps de profité du goût sucré des premières cerises du printemps et d’avaler sa dernière bouchée avant de se remettre sur pied, debout à six mètres du sol. Avec souplesse, il attrapa le long bâton qu’il avait coincé sur une branche voisine et s’arqua pour suivre discrètement le citadin aux cheveux blancs et aux yeux noirs depuis le couvert des arbres.
Avec Eörim, qu’il avait eu du mal à reconnaître tant il avait vieillit, ce drôle de bonhomme à la démarche élancée était la seule personne qui venait encore visiter Halyalindë depuis que le vieux militaire était venu, il l’avait entendu en parler avec la tourière. Chaque jour au petit matin jusqu’au zénith, il disparaissait dans les murs avec la nonchalance digne de sa race. Son visage n’était pas étranger à l’observateur mais il avait du mal à se souvenir où il avait pu le croiser. Aujourd’hui, le chef avait donné son accord : ils passaient à la vitesse supérieure.
Voyant l’homme s’immobiliser sur le ponton du bac qui permettait aux citadins de traverser la large rivière sans se mouiller, Hallendas rebroussa chemin, sautant d’arbre en arbres jusqu’à l’autre côté du cloître, descendit au sol, gagna discrètement la rive, lesta deux pierres de bonne taille à sa ceinture et plongea. Un frisson courait le long de son dos tandis que l’eau rendue glaciale par les fontes lui brûlait la peau. Reprenant de l’air derrière le ponton de pierre qui permettait de décharger directement dans la réserve du cloître, il guetta le départ de la barge de traversée et plongea une nouvelle fois. Proche du fond, lesté par ses poids de fortune, il glissait à grands coups de bras et de jambes, yeux ouverts, ils se dirigeait grâce l’ombre projetée par la barque. Et lorsqu’il fut assez proche, prenant appuis sur le fond de gravier et de sable, il remonta d’une traite vers le fond plat chargé d’elfe et le percuta avant de s’y suspendre de toute ses forces. Les passagers surpris roulèrent comme des objets mal amarrés et ce fut avec un plaisir immense, qu’Hallendas sentit l’embarcation chavirée. Autour de lui, une pluie d’elfe s’écrasa dans l’eau. Il fallait agir vite. Droite. Gauche. Se repérer dans cet univers en trois dimension était complexe…
Il avait beau se tourner et se retourner, il n’arrivait pas a discerner les visages. Ses poumons le brulaient. Il n’avaient plus beaucoup de temps avant que les uns et les autres reprennent leurs esprits et remontent à la surfaces…
Il allait jeter l’éponge et repartir aussi vite que possible lorsqu’une paire d’yeux noirs attira son attention. C’était lui !
D’un coup de pied, il se propulsa vers l’homme qu’il cherchait , le saisissant à la gorge et passant dans son dos pour le broquer de sa passe. Un coup. Kÿria, il était plus coriace que prévu ! Il se débattait comme un beau diable mais tombant comme une pierre, le Noss s’était enroulé sur lui comme un serpent et ramait d’un bras pour l’éloigner de la zone du naufrage.
En perçant la surface, malgré le poids qui le contraignait douloureusement, Linandil prit une inspiration désespérée. Son dos racla la rive. Une fulgurante douleur fusa dans sa tempe, puis plus rien.
A son réveil, une corde lui ceinturait le ventre des cuisses aux épaules et une voix grave susurra à son oreille :
- Pourquoi vous retenez la fille d’Emeriël ?
Dernière édition par Halyalindë Yasairava le Mar 23 Jan 2018 - 21:12, édité 2 fois
Halyalindë
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Sujet: Re: Une danse pour l'amor Lun 20 Nov 2017 - 17:14
Printemps - 4e jour de la 6e ennéade de Favrius 10e année du XIe Cycle[/i]
Comme chaque matin depuis le début du mois, Halya s’était réveillée avant le levé du soleil, comme lorsqu’elle était dans l’armée. Un bienheureux silence régnait dans le croître. L’un de ses moment préférés. Après une rapide toilette et quelques étirements, elle descendit dans la cours, profitant de l’air frais. Meriadim était assise sur un banc sous la promenade couverte, son visage fatigué et sa posture voûtée et son léger sourire était le même chaque matin. Elle salua la pensionnaire malgré elle d’un signe de tête en la voyant retirer ses chaussures au bord du carré d’herbe folles qui croissait au centre de leur jardin autour d’une petite pièce d’eau au milieu de laquelle une forme voile regardait les alentour depuis le fond d'un capuchon de pierre blanche.
- Tu es très en beauté ce matin. Tu as fait quelque chose à tes cheveux ? sourit la dynamique rouquine en commençant à s’échauffer. Un rire rapidement essoufflé lui répondit. - Le mensonge ne te vas pas bien. Toi, par contre, tu as l’air d’aller bien mieux depuis quelques temps.
Se redressant après les premières fentes, la main de l’ancienne militaire passa sur son nez, cachant un sourire subreptice.
- Ouais.
Assise sur le sol humide de rosée, elle s’appuya en arrière pour passer au gainage.
- Je ne sais pas si ça va durer mais pour l’instant j’ai arrêté de me torturer l’esprit. Je profite un peu. Je trouverai quoi faire plus tard… peut-être. Un but à court terme me permet de me reposer l'esprit. Ce n'est pas plus mal.
Le regard aussi entendu qu’emplit de doute que partagèrent les deux femme était d’une intensité rare. Un sourire de la même trempe se dessina en miroir sur leurs deux visages, jusqu’à ce qu’Halya détourne le regard.
- Enfin… Linandil ne devrait pas tarder. Tu voudras participer ? - On verra bien.
La réponse était toujours la même pourtant elle ne manquait jamais de poser la question. Puis les minutes s’écoulèrent, seulement troublées par la respiration profonde d’Halya et les mouvements d’étirement, d’assouplissement et d’échauffement auxquels elle sacrifiait dans la lueur blafarde du petit jour. Et comme toujours, Linandil arriva quelques minutes plus tard, escorté par la tourière.
Mais une chose n’était pas comme d’habitude. Le visage détendu d’Halya devint instantanément sérieux. Elle s’approcha de son ancien mentor en fronçant le nez. Des marques bleutés décoraient son visage déjà grêlé de cicatrices. Après l’avoir serré dans ses bras un court instant, elle ne se gêna pas pour mettre les pieds dans le plat, déclenchant un rire franc de son maître à danser. - Calmez-vous Heri. J’ai connu pire que ça. J’ai du m’expliquer un peu fermement avec quelqu’un que je n’avais pas vu depuis longtemps. Malheureusement je manque un peu de pratique. Medherith s’est chargé de recoller les morceaux.
Medherith ?
- Tu connais Medherith ? Elle fronça le nez, déclanchant un nouveau rire tandis que le longiligne danseur posait son sac et retirait sa pelisse. - Je connaissais beaucoup de monde quand j’enseignais ici. " Son ton inhabituellement nostalgique disparu lorsqu'il se tourna vers leur spectatrice du moment, main sur les hanche. Un sourire rayonnant tranchait en deux son visage taillé à la serpe. " Ma chère Meriadim, me feriez-vous l’honneur de nous donner la mélodie ? Votre aide nous est toujours précieuse. - Merci mais pas aujourd’hui. Je vais essayer de retourner dormir un peu avant que les Voilés ne me sortent du lit de force. - Nous attendrons donc vos airs magnifiques le cœur meurtri et l’œil humide… - Vous en faites trop, Maître. Sur un petit sourire humide, la femme se leva, appuyée sur une canne malgré un visage encore jeune, et prit le chemin des dortoirs.
Connaissant un peu l'élève qu'il avait eu près de lui alors qu'elle était haute comme trois pommes - bien que leurs trois siècles de différence ne se voient plus dorénavant - Linandil ne lui laissa pas le temps de revenir sur le sujet des bleus et bosses qu'il avait sur le visage pour embrayer sur le sujet du jour.
- A nous deux. Et si nous reprenions la première passe de la deuxième partie ? - Arcam… soupira Halya, son demi-sourire démentant son soudain abattement. - Et si ! Et on reverra aussi la dernière posture pour la peine.
Halyalindë
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Sujet: Re: Une danse pour l'amor Mar 21 Nov 2017 - 10:35
Printemps - 1e jour de la 7e ennéade de Favrius 10e année du XIe Cycle
Ils bougeaient lentement. Chaque frôlement de leur peau perpétuellement en contact avait une signification. Chaque mouvement découlait du précédent. Un équilibre instable qui n’avait d’autre choix que de rester en mouvement pour ne pas se briser. Attirés, comme aimantés, puis repoussés avec la même fluidité, manipulés, guidés puis laissés. Quand venait la chute, une main amie venait éviter le pire, in extremis, rompant le rythme naturel des choses. Dans leurs regards qui se scrutaient, il y avait un test, celui de la confiance… Enfin quand ça fonctionnait.
La cheville d’Halya trembla à la réception et ripa sur l’herbe humide. Elle se sentit partir en arrière et tenta de contrebalancer. La mélodie fit un couac avant de s’arrêter. Juste avant qu’elle ne fasse une rencontre soudaine et brutale avec le sol, un bras la ceintura un peu à peu près. Linandil et elle se retrouvèrent tout deux au sol, emmêlés en un tas de jambes et de bras assez incongru. Au moins la chute n’avait pas été rude. En dessous d’une frange de cheveux blancs ou roux, leurs regards de croisèrent. Ils éclatèrent de rire en se remettant l’un l’autre d’aplomb.
- Vous êtes entiers ? - Oui oui. Tout va bien.
Meriadim laissa doucement sa lyre se reposer lentement sur ses genoux avec le sourire qu’elle s’obstinait à maintenir malgré son mal-être. Tandis qu’ils prenaient tous deux quelques instants pour boire, s’étirer et vérifier qu’il n’y avait véritablement aucun mal malgré leur chute, Linandil donna encore quelques conseils à son élèves.
- N’ai pas peur de glisser. Tu te crispes et c’est ça qui te fait commettre des erreurs. Laisse toi aller lorsque tu chutes et n’hésite pas à te tenir vraiment à ma hanche lorsque tu te relèves ça te donneras plus d’impulsion et ça me laissera le temps de me placer correctement.
Il la rappela près de lui d’un geste. Il se saisit de sa main et y imprima une pression. Elle résista. « Suis. » ordonna-t-il en poussant plus fort sur la paume de sa partenaire. Elle suivit son mouvement. Vers l’arrière, le haut… Puis la main essaya de lui échapper, elle la poursuivit, et sans bien comprendre à quel moment le changement c’était fait, elle donnait le rythme, elle aussi. Active et à l’écoute, dans des mouvements simples et aléatoires. « Nous sommes interconnectés. Tu vois ? Tu as confiance en moi et j’ai confiance en toi. » Il fit un pas, elle le suivit. Tourna. Avança. Il la suivit. « C’est comme ça que ça doit se passer. Les mouvements sont simplement plus complexes. - Ça fait longtemps. - Que tu ne fais plus confiance à qui que ce soit ? - C’est pas... - Je n’en doute pas.
Un sourire moqueur se traça sur les lippes du danseur. Halya secoua la tête en retenant un rire gêné. Il n’avait pas forcément totalement tort à deux ou trois… Non… A une exception près. Il s’immobilisa soudain.
- Meriadim ? Tu peux reprendre à la quatrième mesure de la deuxième partie ?
Leur acolyte acquiesça mais il était clair qu’elle ne tiendrait plus très longtemps. Il était presque incongru de noter à quel point les fluctuations de sa fatigue se lisaient sur son visage.
- On va reprendre juste la dernière partie de toute à l’heure. Quand la rythmique est brisé, nous comptons l’un sur l’autre, d’accord ? Pour retrouver l’équilibre et éviter de chuter. Tu m’évites de plonger. La cassure. Je suis ton pilier comme tu l’as été pour moi lors du mouvement précédent. Et c’est toi qui trébuche.
Halya hocha la tête, trop concentrée sur la sensation du mouvement pour articuler un mot. Elle avait décidément besoin de bouger pour se sentir bien. Ce qu’elle aimait tant dans ces exercices, c’était l’exactitude dans le lâché prise. Ressentir le rythme, les enjeux, les tensions et laisser venir la résolution, comme un coup porté avec précision et souplesse au cœur d’une bataille. Une évidence. Mais la bataille qu’il mettait en scène cette fois ci était de celles qui rassemblent. Dommage que personne ne soit destiné à la voir.
L’idée ne lui resta qu’un instant en tête. La vivre était déjà bon pas. Ils reprirent la dernière passe. A genoux, elle le supporta alors qu’il roulait sur le côté pour se remettre debout sans toucher terre, puis, appuyée sur sa hanche, grimpant le long de son corps, elle en fit de même. Au moment ou elle touchait au but, un mouvement de son pilier la força à exécuter un léger saut. Une réception faussement ratée et elle chutait. Une seconde et leurs mains entremêlées étaient de nouveau la seule chose qui les séparaient de la chute. L’un et l’autre. Face à face, ses orbes d’obsidienne vrillées dans les émeraudes de la danseuse, Linandil jouait le contre-poids de sa partenaire en équilibre instable, comme elle l’avait retenu quelques mesures plus tôt. Lentement, ils se relevèrent, reprenant tout deux appuis sur leurs jambes.
- Mieux. » Sourit-il en posant sa main aux longs doigts secs sur l’épaule de sa partenaire. Elle lui rendit son sourire par en-dessous, appuyant ses mains sur ses jambes pour souffler un peu tout en étirant ses genoux. « On va en rester là pour aujourd’hui. »
Elle acquiesça, le laissant s’éloigner en faisant quelques pas de son côté, prenant un peu d’eau à la fontaine pour sustenter sa soif. Si elle n’était pas en nage, l’entraînement avait tout de même été suffisamment intense pour qu’une fine pellicule de sueur commence à marquer son front et son dos. Les mouvements n’étaient pas particulièrement acrobatiques, contrairement à la plupart des danse qu’elle se souvenait l’avoir vu exécuter, mais Linandil était un professeur exigeant et leurs entraînement duraient habituellement quatre ou cinq heures. Un jour elle serait peut-être capable de retrouver le niveau de ses 120ans mais en attendant elle était contente de pouvoir réaliser cette danse. Après avoir tenté par tous les moyens de dissuadé Linandil de la pousser à s’y remettre et ayant craquée sous le chantage des Arcaménides, elle éprouvait même une pointe de reconnaissance envers lui pour avoir créer ces pas pour elle. Il était arrivé à un résultat qui, jusqu’ici reflétait parfaitement ce qu’elle aurait voulut transmettre comme message à l’occasion des l’équinoxe si elle en avait encore eu le devoir ou la responsabilité.
Elle sursauta lorsqu’un éclair blanc passa rapidement dans son champ de vision avant de s’immobiliser sous son nez. Ses paupières papillonnèrent quelques instants avant que son cerveau ne lui indique qu’il pourrait être bien venu de prendre la missive que Linandil lui brandissait sous le nez.
- Medherith a reçu ça hier. Il m’a demandé de te l’apporter, expliqua-t-il un ton en dessous. Cache moi cet air suspicieux avant qu’un de tes geôlier ne pose trop de question. - Merci. Elle plia la lettre et la glissa à sa ceinture. Au fait, tes blessures ont l’air de bien cicatriser. - Je t’avais dit qu’il n’y avait rien de grave. Allé. Je vais y aller, moi. Que j’ai le temps de me laver avant que quelqu’un d’autre me demande de venir ressasser le bon vieux temps.
Une brève accolade et elle le laissait s’échapper sur un chaleureux au revoir. Meriadim avait déjà disparue, sans un mot. Après une brève toilette, puisqu’elle ne disposait pas de baignoire, Halya du se résoudre à aller aider les Voilés pour le déjeuné. Si elle n’était plus de l’équipe du matin, ce n’était pas comme si elle pouvait soudain bailler aux corneilles. Épuisée mais l’esprit apaisé pour quelques heures, elle laissa la missive sur le bureau de sa chambre et descendit s’acquitter de sa tâche.
Le journée aurait put finir sans encombre si la missive qu'elle avait reçu n'avait pas glissée alors qu'elle la rangeait avec d'autres. Dans un froissement de papier, quelques mots d'une toute autre écriture se révélèrent au dos, griffonnés à l'aide d'un charbon ou d'un fusain.
" Des Noss te cherchent. Mon visage c'était eux. Ton père et Medherith sont au courant mais fait attention à toi. Je pense que tu as le droit d'être au courant. "
Halyalindë
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Sujet: Re: Une danse pour l'amor Ven 24 Nov 2017 - 0:07
Printemps - 1er jour de la 9e ennéade de Favrius 10e année du XIe Cycle
L’avantage de mal dormir, en plus d’une amélioration sensible de la résistance à la fatigue, c’était tout simplement de mal dormir. Aussi, lorsque que la porte s’ouvrit dans un souffle à peine perceptible, le simple changement d’atmosphère réveilla Halya. Résistant à l’envie d’ouvrir les yeux, elle tendit l’oreille, l’adrénaline chassant instantanément les brumes du sommeil. Tandis qu’un pas extrêmement léger s’approchait de son dos, elle maudit la chemise longue désagréablement entoupinée autour d’elle par les heures à se retourner dans ses draps. Son bras droit était bien en évidence mais son bras gauche était encore sous les couverture, caché par un épais replis. Elle n’avait que quelques secondes mais cela valait le coup.
Centimètre par centimètre, mesurant tant bien que mal le temps que mettait l’intrus à s’approcher du lit, elle approchait les doigts du bord du lit. Contre toute attente, les pas s’éloignèrent d’elle… Qui était-il et pourquoi ? La réponse vit plus rapidement que prévu. Sa main pendant sur le côté du matelas lorsqu’un bruit de papier froissé lui parvint. Jamais, en dix ans de travail en tant que protectrice, personne n’avait essayé de s’introduire dans son bureau ou dans sa chambre pour s’en prendre à ses papiers… Il avait fallut qu’elle attende d’être relevée de ses fonctions et enfermé dans un cloître pour que quelqu’un s’y essaie.
Enfin, le bout de son index heurta un bord lisse et froid. Glissant lentement le long de la lame, elle tenta d’atteindre la garde… sans succès. Il faudrait qu’elle saisisse l’arme comme elle pouvait. Elle…
Un son de métal contre le sol de pierre. Le poignard qu’elle gardait sous son lit devant être posé en équilibre instable. Un effleurement avait suffit à le faire tinter. Les mouvements de l’intrus s’arrêtèrent d’un coup. Un pas se rapprocha du lit. Elle n’attendit pas plus. Ramassant la lame sans se soucier de son tranchant, Halya tenta de repousser les draps qui bloquaient ses jambes. Elle posait un pied sur la descente de lit lorsqu’une ombre obscurcie les raies de lumières passant par le volet. Un bras s’abattit sur son cou pour la repousser à plat dos tandis qu’une main la bâillonnait.
Les jambes bloquées par la couverture ou le poids de son agresseurs, elle ne pouvait s’en débarrasser sans le blesser. Dégageant son bras, la pointe de sa dague parvint à mordre le flanc de l’ennemi. Un grognement sourd lui répondit mais il ne lâcha pas prise. Le pugilat dura quelques instants, entouré d’un étrange silence seulement percé par des froissement de tissus et des grognements d’efforts. Même sans être bâillonnée, Halya ne pensa pas une seconde à appeler à l’aide. Un coup au poignet fini par lui faire lâcher son arme. Les deux combattants roulèrent au sol au milieu des couvertures et du matelas à demi traîné hors du sommier. Plusieurs fois, un coup tomba avec précision sur une plaque nerveuse, créant un écart dans la défense de la guerrière.
Un poings la percuta à la tempe. Le monde devint trouble et couvert d’un sifflement persistant. Elle chuta sur le côté. Son assaillant la surplomba L’ombre d’un bras s’étendit en arrière, près à la frapper une fois de plus. Cette fois, elle perdrait connaissance. C’était presque la dernière chose dont elle avait conscience. Elle n’en éprouvait pas de peur. Plutôt la curieuse exaltation d’être entière et entièrement dévouée au moment présent. Sa gorge vibra au passage d’un long souffle d’air. Le bras qu’il avait du lâcher pour la frapper une dernière fois bondit vers la gorge mise à nue de l’homme. Il n’eut que le temps de parer pour éviter que sa trachée ne casse sous l’impacte. Hélas, le second bras de la furie avait été libéré dans la manœuvre. Il s’apprêtait déjà à le parer. Il ne s’attendait pas à ce que le mouvement suivant vienne d’autre part. En l’occurrence, du front de sa proie qui venait de percuter son menton. Déséquilibré ce fut à son tour de rouler dos au sol. Reprenant le même geste que son adversaire, elle le coula au sol et leva son poings pour l’achever.
Ses phalanges n’atteignirent jamais leur cible. Le raie de lumière infime qui filtrait du volet pour tomber dans l’œil de l’intrus et rétracté sa pupille dévoilait une iris d’un vert émeraude. Des cheveux roux. Un nez droit. Le visage qui venait de se dévoiler à la guerrière lui rappelait… le sien…
Une vive douleur explosa à l’arrière de son crâne puis dans sa tempe. La nuit engloutie l’esprit d’Halya.
Dernière édition par Halyalindë Yasairava le Dim 3 Déc 2017 - 16:16, édité 2 fois
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Sujet: Re: Une danse pour l'amor Dim 26 Nov 2017 - 23:18
Printemps - 2e jour de la 9e ennéade de Favrius 10e année du XIe Cycle
Une odeur de fumée et la chaleur d’une épaisse couverture.
L’agression dans sa chambre au cloître.
Halya se redressa d’un coup. La pénombre d’une grande tente l’entourait. Un brasero sur lequel bouillait une mixture crachait une fumée acre. Le bois utilisé était particulier. Le contenue de la petite marmite en terre également.
- Chhhh reste calme.
Une main autoritaire se posa sur l’épaule d’Halya alors qu’elle se réveillait en sursaut. La peau parcheminée était usée par les ans mais leur finesse prouvait qu’elles n’avaient rien des mains d’un guerrier. Instinctivement, l’Ardamiri tenta de chasser la main. Elle avait déjà un pied par terre malgré la poigne rude qui la maintenait sur le dos.
- Lâchez-moi ! Aboya-t-elle sans desserrer les dents. - Tu es en sécurité maintenant. - Je vous ai demandé de me lâcher.
Le poids oppressant libéra la dame. Elle baissa les yeux vers les doigts qui pesaient sur elle, puis sur le visage de la femme à laquelle ils appartenaient. De profondes rides distendaient cette face marbrée de tâches de vieillesse. Deux grands yeux d’ambre la fixaient avec un mélange de bienveillance et d’agacement qui ne parvenait pas à rendre son visage austère. Cette femme avait du beaucoup sourire au cours de sa vie.
Pourtant, Halya ne parvenait pas à se détendre. Ainsi sur le dos, elle avait toujours l’impression que le matelas allait l’engloutir. Cela faisait près de deux mois qu’elle ne s’était pas retrouver dans une situation si stressante et pourtant, les réflexes étaient toujours là, plus vifs que jamais. Mais contrairement à l’instinct qui prenait le dessus du temps où elle officiait dans l’armée, son esprit clair analysait la situation avec agilité. Elle avait déjà repéré trois façon se sortir sans faire de mal à la femme qui se tenait là.
Elle avait été ramenée entière et visiblement la tente dans laquelle elle se trouvait était une tente de guérisseur. Elle aurait reconnu cette odeur de plante entre milles. Cette femme était seule mais il y avait du mouvement proche à l’extérieur. Au moins quatre personne. Des symboles mystiques brodés sur la toile et sur les objets : soit la vieille femme était shaman, soit elle était mage, soit les deux. Ses cheveux étaient d’un gris pâle mais certaines mèches arboraient encore l’écho d’une couleur plus soutenue. Quelques tatouages glissaient sur son col et son visage. Les Mirthil’Di.
Si l’Ardamirie n’avait pas eut de grands cours de la part de sa mère, les bribes qu’elle lui avait léguées étaient au moins suffisante pour reconnaître sa propre famille. Alors c’étaient eux qui suivaient Linandil depuis des ennéades et qui fouillaient dans sa chambre… Mais pourquoi ?
Suivant la vieille femme de son regard farouche, tout son corps témoignant de la méfiance qu’elle avait à l’encontre de cette femme, Halya se redressa sur les coude et… se figea en portant une main à son front, foudroyée par un mal de crâne des plus sévères. Derrière la douleur, alors qu’elle finissait de se remettre d’aplomb et s’appuyait, dos contre le mur, elle perçut un soupire.
- Quel tête de pierre… Je pensais avoir le temps de te recoudre avant que tu ne te réveilles.
Recoudre ?! Recoudre quoi ?! Dieux sa tête… Après avoir trifouiller quelques instants dans une trousse que sa patiente ne pouvait voir, elle se retourna pour lui tendre la main. Halya ne bougea pas, soutenant le regard de la soigneuse sans un mot.
- Si tu tiens tant que ça à te faire mal, au moins que ça serve à quelque chose. Donne moi ta main.
Mains ? La femme fit un léger geste vers son poignet gauche. Halya eut un mouvement de recule mais baissa un instant les yeux pour vérifier… A certes. Sa paume était ouverte sur tout son long. Cela avait du se passé lorsqu’elle avait attrapé sa dague par la lame pour se défendre. La plaie était assez laide d’ailleurs, et bien que le mal de tête soit toujours plus puissant, la douleur commençait à pulser dans ses articulations jusqu’au bout de ses doigts, comme si elle attendait simplement que la dame en prenne connaissance pour se répandre. A regret, Halya se résigna donc à laisser la vieille femme la traiter. Quelle que soit la raison de tout ceci, il y avait peu de chance que ce soit à elle qu’ils veuillent faire du mal.
- Pour la douleur. Glissa la soigneuse en offrant une corne débordant presque d’un liquide visqueux en échange de la main qu’elle venait d’attraper. La boisson dégageait une odeur qu’Halya aurait reconnue entre mille, celle de moisissure et d’humidité que dégageait le coagulant antiseptique que sa mère utilisait. Celui la même qui avait des effets secondaires psychotropes.
- Non merci. - Kÿria soit remercié, elle n’a pas perdu la parole ! Un peu plus et je commençait à m’en faire pour ta commotion.
Le sourire goguenard de la vieille femme esquissa l’ombre d’un sourire sur le visage de sa patiente. Elle ne sentait aucune ambiguïté dans la façon qu’elle avait de se comporter. Pour une fois, son instant pourtant tatillon, l’encourageait à se détendre… Se détendre d’une façon qu’elle n’avait plus atteinte depuis longtemps lui semblait-il, malgré l’aiguille qui venait de pénétrer dans sa chair. Elle serra les dents, sa main libre de crispant sur sa cuisse. Pour penser à autre chose, elle laissa revenir les constatations et les questions qu’elles notait mentalement depuis son arrivée.
- Pourquoi m’avez-vous amené ici ? - Rithil te diras tout une fois que tu seras remises. - Alors je dois juste me taire et patienter ? - Si je voulais que tu te taises, je ne t’aurai pas laissé reprendre conscience.
Quelques instants de silences s’écoulèrent mais chaque piqûre était plus difficile à supporter que la précédente.
- Vous êtes les Mirthil’Di, n’est-ce pas ? - Nous le sommes en effet. Hallendas nous aurait-il trahis ? - Hallendas ? » Un œil d’ambre jeta un regard surpris sur l’expression innocente d’Halya. - … Je me disais aussi que tu étais trop jeune à l’époque. - Trop jeune pour quoi ? - Peu importe. - Arrêtez de jouer à ça. J’ai besoin de savoir. - Tu sauras dans quelques instants. Ne bouge surtout pas. - Feu et fer… marmonna Halya avant de brusquement serrer les dents tandis que le rideau de lanières tressées alourdies de billes de terre cuite qui fermait la tente cliqueta au passage d’un elfe filiforme de très haute taille. De longs cheveux roux ornaient le haut de sa tête et retombaient en tresse le long de son dos mais les deux côtés de son crâne étaient rasés court. Ses yeux violacés et son teint hâlé donnaient un mélange de couleurs peu commun.
- Ah. Moi qui venait voir comment tu t’en sortais avec elle. La voila réveiller. - Et remplie de questions comme une outre.
Un coup de couteau et le fil claquait sec. Halya émit un grognement quand la vieille femme ajusta le nœud et commença a tartiner la plaie d’un onguent rosé.
- ça n’a rien d’étonnant. Tu veux savoir ou tu es je me trompe ? - Dans le camp principal des Mirthil’Di. » répondit-elle du tac au tac, arrachant un froncement de sourcil à son nouvel hôte. « Des enfants sont passés près de la tente tout à l’heure. Je les ai entendu courir. Ce n’est donc pas un camps d’éclaireur. Ajoutez à ça la présence du chef en personne et on trouve assez facilement la réponse. Heru Rithil. - Un esprit vif et des sens aiguisés... » murmura le grand homme avec un sourire scrutateur qu’elle préféra ne pas relever. - Ce que je m’aimerais savoir en revanche, c’est pourquoi vous avez fait suivre Linandil, pourquoi fouiller dans les papiers de mon bureau et pourquoi m’avoir amener ici alors que cette enceinte est sacré au point que même vos noss alliées ne savent pas ou le trouver. - Déjà comment vas-tu, Vinys ? - Ne me donnez pas de titres que je ne comprends pas et répondez à mes question. J’irai mieux. - Soit. Nous cherchions à sauver une enfant du clan. - J’aurai put vous aider. Je ne suis peut-être plus Protectrice mais… - Mais nous n’étions pas certains de pouvoir te parler et nous ne voulions pas donner l’alarme sans être sûr de nous. Navré que les choses aient tournées ainsi. Hallendas devait trouver des preuves de ta captivité, rien de plus. - Captivité… Attendez, vous pensez que j’ai été enfermée contre mon gré ? Mais c’est absurde je… ! - Alors tu es restée enfermée par pur affection pour ce mouroir… - Ce n’est... - … Et le loup blanc pleurait sans raison comme le font toutes les meutes ?
Elle s’immobilisa. Dans le silence, la vieille femme la laissa reprendre possession de sa main. Elle n’arrivait pas à détourner le regard des yeux du grand elfes qui était sensé répondre à ses questions. Plus elle avait de réponse, moins elle comprenait. Et voilà qu’il lui parlait de Randil… Une question lui brûla instantanément les lèvres, pourtant elle mis du temps à se résoudre à la poser, sa voix grave bien plus attentive qu’avant.
- … il est ici ? - Il passe régulièrement à côté de l’Envinen à la nuit tombée. Depuis plusieurs mois, lui est sa meute chassent autour d’Ardamir et se reposent dans notre sanctuaire. Peut-être viendra-t-il ce soir également.
Il était là… Depuis qu’il refusait de répondre à ses appels. Elle le savait proche, mais découvrir qu’il s’approchait d’autres elfes… Une rancœur intense suivit d’un malaise profond lui déchirèrent le cœur… Elle n’avait pas le droit de lui en vouloir, pas quand elle faisait passer sa vie de citadine avant lui depuis des mois. Elle baissa les yeux, se retenant de serrer les poings.
- Vous auriez du me laisser là-bas. - Si tu n’as pas entendus les pleurs de ton ami, alors il était plus que temps que nous venions te chercher.
Son dos se redressa sèchement. Ses yeux accrochèrent de nouveau ceux de Rithil, aussi agressif qu’il était accusateur. Elle s’était à peine rendu compte qu’elle avait prononcé la dernière phrase à voix haute. La réponse en revanche, lui était allé droit à l’estomac comme un coup de genoux retentissant. Elle ouvrit la bouche pour répliquer mais un nouvel arrivant à bout de souffle l’en empêcha.
- Chef ! Un archer a été aperçu, camouflé à la bordure Nord. Nous n’avons pas réussi à l’abattre ni à savoir de qui il s’agissait. Je penche pour des Lam’Nir. - Sellya, je te laisse terminer avec elle. - Je suis votre prisonnière ? - Bien sûr que non. Une fois que tu seras soignée, nous t’escorterons où que tu le souhaites. Si nous nous sommes vraiment trompé, alors je te présente mes plus plates excuses. Je te demande simplement de voir Hallendas avant ton départ. - Un ordre ? - Une demande personnelle. Sourit-il avec légèreté avant de tourner les talons.
Pedant tout le temps que la vieille guérisseuse mit à inspecter sa blessure au crâne et ses côtes malmenées par le pugilat qui avait eu lieu, Halya ne desserra plus les lèvres. Perdue dans ses pensées, elle recommençait malgré elle à se demander ce qu’elle faisait ces derniers temps. La danse lui avait permis un semblant d’oubli, mais maintenant, Randil venait titiller sa mémoire. Elle n’était plus la jeune danseuse de ses cent ans. Elle n’était plus la louve qui devait survivre ni la Protectrice qu’on lui avait ordonné d’être… Alors quoi ?
Près du feu principal, Hallendas finissait de se faire recoudre le flanc. Voyant Rithil passé, il l’appela d’un geste de la main. Le chef vint s’enquérir un instant de l’état de son chasseur et s’accroupit près de lui pour regarder le guérisseur s’affairer.
- Alors, tu en as pensé quoi ? - Que tu as raison. Elle ressemble beaucoup à Emeriël et elle se précipite dans la même direction. » Les deux hommes échangèrent un regard entendu et un fin sourire. « Pour être honnête, je me demandent même comment les Haedhrims peuvent l’avoir choisie comme chef. - Je pense que tu viens de mettre le doigt sur la raison de son enfermement.
Pointant une sacoche non loin, Hallendas laissa son supérieur la fouiller et feuilleter toute une liasse de lettres inachevées.
_______________________
Killen faisait les cent pas sous les yeux de Medherith et Linandil. A chaque allé-retour, l’impatience des deux spectateurs montaient d’un cran.
- Et les soigneurs ? Demanda-t-il soudain en s’immobilisant, les yeux vrillés dans ceux du prêtre d’arcam. - Inconscient, bâillonnés et ficelés dans la chambre d’Halyalindë. Je me suis personnellement chargé d’eux et l’Archiviste a tenu sa parole.
Sans un mot, il hocha la tête et repris son occupation de fond : la marche à pied.
- Du calme. » finit par demander Medherith avec une pointe d’exaspération. « Ils seront là dans moins d’une heure. L’homme assigné à sa surveillance a parfaitement exécuté sa tâche. Nous avons l’endroit et une bonne idée de leur nombre a présent. - Nous aurions tout aussi bien pu nous en remettre à Heru Eörim. Son absence ne fait que nous compliquer les choses. - Il n’est pas en état, nous le savons tous les deux. Nous lancerons l’action comme prévu.
Halyalindë
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Sujet: Re: Une danse pour l'amor Lun 27 Nov 2017 - 23:51
Un sourire paisible sur les lèvres, les jambes ballantes dans l'eau d'une clarté limpide qui reflétait la lueur vacillante de la lanterne que les Mirthil'Di lui avait confiée, Halya labourait la toison blanche de longues et lentes caresses. La respiration de l'animal imprimait de lourds sursauts à l'énorme tête qui pesait sur les cuisses de l'elfe et se mêlait aux bruissements environnant. Le clapotis froid de la fine rivière gorgée par les premières fontes des monts Norn. Le murmure du vent dans les jeunes feuilles. L'odeur de la sève qui nourrissait de nouveau les branches fines et de la terre humide. La fraîcheur éternelle des couverts Ardamiris. Le bercement de la Symphonie que la nuit apaisait. La lumière bleutée posée près de l'elfe et les danses discrètes des lucioles et autres créatures scintillantes dans les ombres un peu plus lointaines.
L'endroit, une percée dans la dense végétation où elle avait trouvé une large racine pour lui servir de dossier, avait en cet instant un goût de paradis. Loin de tous ses soucis d'elfe de pierre et de tous ses exploits passés, la présence forte et tendre de Randil à ses côtés, elle était tout simplement bien. Il ne lui manquait que son père, Sandriel et Fenris pour être comblée. Le cœur enfin apaisée, elle commençait à se rendre compte du temps qu'elle avait passé à courir et à se convaincre qu'elle faisait les choses correctement au lieu de les faire tout simplement à sa façon.
Dans ce cloître, elle tachait de s'occuper le plus possible pour ne pas se laisser aller à la folie que lui inspirait l'idée d'être coincée pendant des mois entre quatre murs. Mais avant cela, faire des ronds de jambe au conseil des protecteurs et porter la bonne parole en tant que diplomate n'était pas pour elle. Elle en avait appris les bases et en avait adopté le masque avec plus ou moins d’éclat, certes, mais elle n'était pas faite pour cela. L'angoisse et le malaise dans lesquels elle était plongée en étaient des signes vibrants. Mais il n'était pas non plus dans sa nature de rester en arrière et de laisser les choses se passer sans rien faire, laissant ses frères et sœur courir dans la mauvaise direction.
Cette constatation qui l'avait mise dans tous ses états était maintenant aussi naturelle que de respirer. Ce n'était ni une bonne, ni une mauvaise chose. C'était tout simplement. Comme pour marquer le retour de cette sérénité, Randil donna un coup de langue à la main qui passait à porté de sa gueule, déclenchant le rire de la Dame Louve qui lui mordit l'oreille, se laissant aller à un simulacre de jeu avec cet animal aussi imposant d'un cheval de guerre.
« Tu as vraiment un lien particulier avec lui. »
Dressant l'oreille de concert, Randil et Halya se tournèrent vers la voix amicale qui venait de les surprendre. Entre deux arbres, un homme de taille moyenne aux cheveux roux et aux yeux verts se tenait appuyé sur la hampe d'une lance. Il devait faire une demie tête de moins que la guerrière mais son visage était étrangement familier. Elle plissa les yeux. C'était l'homme qui l'avait agressé dans sa chambre la nuit dernière.
- La première fois que je l'ai vu ici, j'ai essayé de m'approcher en croyant qu'il était blessé. J'ai faillit y perdre mon bras. » sourit-il, interprétant tant bien que mal ce qu'il pouvait percevoir des traits de la femme qu'il était venu trouver. Pas de réponse. Le loup géant reposa sa tête sur les genoux de sa mère adoptive, parfaitement détendu. Elle, continuait à regarder le nouvel arrivant qui, de plus en plus mal à l'aise passait d'une jambe à l'autre. « Rithil m'a dit que je tu étais parti courir à l'Est. Je me suis dit que vu l'heure, soit tu t'étais perdue, soit tu t'étais arrêté ici. » Toujours rien. Rien qu'un sourire amusé. Elle soutint encore un peu le regard de l'elfe avant de reporter son attention sur Randil. Il se passa la main sur la nuque, visiblement perplexe. « Je peux m'asseoir ? - A ta guise. »
Deux pieds supplémentaires se glissèrent dans l'eau froide. Un frisson secoua les épaules de l'homme qui souffla à petits coups secs pour s'habituer à la température avant de se laisser aller à un soupire d'aise. Proche de ses hôtes, le loups blanc leva le museau pour le sentir avec curiosité mais ne tenta rien de plus.
- Je m'appelle Hallendas. Je suis... - … L'homme que j'ai faillit assommé hier dans la nuit. - Oui... on peut dire ça oui. » Il se racla la gorge en fixant la surface de l'eau de ses grands yeux verts. « D'ailleurs ta réaction m'étonne un peu. Tu as l'air de prendre plutôt bien le fait d'avoir été enlevée en pleine nuit... - Si j'ai appris une chose au cours de ma vie, c'est à me fier à mon instinct... et peut être aussi que la panique ne sert à rien. - Désolé pour ta tête en tout cas. Elle n'y est pas allée de main morte. - J'ai connu pire. Et avec ton flanc, nous sommes quitte.
Randil émit un feulement rauque qui avait tous les airs d'un soupire de plaisir lorsqu'elle passa la main sous la mâchoire pour lui gratter le cou. Hallendas sursauta, arrachant un sourire candide à sa compagne.
- Et du coup ? Tu vas me dire pourquoi vous m'avez amené ici, toi ? Ou je vais encore avoir droit à un mensonge ? - Rithil a été moins convainquant que d'habitude ? - Je ne sais pas comment il est d'habitude mais il en fallait plus que la présence de Randil pour détourner totalement mon attention. Je n'étais peut-être pas dans mon élément, mais avec le Haut-Conseil, j'ai eu mon compte de langue de bois. - Le Haut-Conseil ?
On a toujours tendance à croire que sa culture est connue par tous. Halya réprima un éclat de rire désabusé. Elle n'avait pas envie d'y repenser maintenant et se tourna plus franchement vers Hallendas pour faire bonne mesure.
- Oublie. Une sorte de conseil des chefs citadins. Mais j'attends toujours ma réponse. - Aussi entêtées l'une que l'autre...
Un voile mélancolique passa sur ses traits tandis qu'il dévisageait la citadine. Éclairé par en-dessous, son visage en paraissait si morbide qu'Halya ne s'empêcha pas de le dévisager en retour. Sa remarque n'avait rien d'anodine... Les deux elfes détournèrent le regard simultanément pour suivre les courbes du courant.
- Tu parles de ma mère, n'est-ce pas ? - … Oui. Désolé. Je connais l'histoire. Ça ne doit pas être facile pour toi. - Si tu la connais je suis étonné que tu ne m'en veuilles pas plus. » Elle lui lança un sourire paisible. Elle avait appris a vivre avec son choix mais les réactions de ceux qui savaient étaient souvent extrêmes, dans un sens comme dans l'autre. « Tu la connaissais bien ? - On peut dire ça oui. » rit-il à demi. « C'est étrange d'avoir des souvenirs si clair de toi alors que tu sembles m'avoir totalement oublié... »
Halya l'observait sans comprendre. Les yeux étrécis et le nez froncé avec suspicion.
- Emeriël était ma sœur. - … Oncle Len... ? Murmura-t-elle avec hésitation après quelques instants. -Ne t'en fais pas, » ajouta-t-il précipitamment en la voyant esquisser un mouvement d'excuse « Tu n'avait pas soixante-dix ans la dernière fois que tu nous nous sommes vu. Enfin... que tu m'as vu plutôt. » Il passa une main sur sa nuque, un peu honteux. « Lorsque Mariel est morte au Sud, j'ai eu peur que tu n'accuses un peu trop violemment le coup. Et puis avec le Voile, et après... c'est devenu une habitude. »
En l'écoutant décrire la façon dont il avait pris part à Eraison avec les troupes Noss et l'attention qu'il avait porter à la Symphonie pour tenter de comprendre le mal qui la touchait dans les mouroirs, elle ne savait que penser. Hallendas lui raconta avec sincérité son retour à Ardamir et les longues heures passées à l'observée lorsqu'elle était dans les hauts jardins du palais, seule ou au bras de ce jeune homme aux courts cheveux blancs. Il l'avait espionnée pendant des années, soit disant pour la protéger, et si l'intention était aussi terrifiante qu'attendrissante, elle laissait l'Ardamirie étrangement indécise. Il ne l'avait jamais aidé et n'était même jamais directement intervenu dans sa vie. Elle s’étendait à ressentir de la colère ou de la méfiance mais tout ce qu'elle parvenait à penser tournait autour d'une simple constatation : même aux moments où elle se croyait totalement abandonnée, quelqu'un s'en faisait pour elle.
L'histoire dura longtemps et comportait assez de détails pour garantir que chacun des mots était parfaitement sincère.
- Quand tu es revenue entouré de ces étrangers, l'air malade et contrainte, j'ai eu peur, je l'avoue.
Alors c'était ça. Il avait tout simplement eu peur et Rithil avait accepté de pousser l'enquête un peu plus loin.
- Alors Rithil ne mentait pas. Tu es allé le trouvé en croyant que j'étais prisonnière... - C'est ton père que je suis allé voir. - Qui ?
Randil leva instinctivement une oreille désappointée. Comment ça son père ? Cela n'avait aucun sens...
- Je me suis dit qu'il était sans doute le mieux placé pour savoir ce qui se passait et ce qu'il convenait de faire. Je n'étais pas sensé t'amener ici si tôt, mais Rithil avait donné son accord par respect pour la mémoire d'Emeriël. Nous devions changer de camp à la mi-printemps de toute façon. - Attend une seconde, c'est mon père qui t'as demander de...
Une brindille qui craque, un juron à voix basse. Halya, Hallendas et Randil se retrouvèrent debout en un rien de temps. Le loup humait l'air, peu rassuré, mais ne semblait pas prêt à bondir non plus. Elle regarda avec agacement la main de son compagnon l'empêcher de dégainer la dague nue qu'elle portait à la ceinture quand une voix étouffé lui parvint.
- Vous n'avez rien à craindre, Heri Halyalindë. Medherith s'est seulement pris les pieds dans une ronce.
Elle plissa les yeux pour tenter de distinguer le groupe, incrédule.
- Killen... c'est bien vous ?
Halyalindë
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Sujet: Re: Une danse pour l'amor Mer 29 Nov 2017 - 1:40
Le Seigneur Limier Killen. La Plume Medherith. L'Arbitre Vaëlie et un jeune homme en habits d'initié. Le Maître des danses et prêtre d'Arcam Linandil. Sedhen, la Voix d'Eraison. Le jeune Commandant Lorenir. Le Gardien des Bibliothèques et raciste notoire Fedrion. A chaque fois qu'une nouvelle personne s'extirpait des ombres sous le grondement rauque et attentif de Randil, Halya ouvrait les yeux un peu plus grand. Encore deux et ils seraient sûrement sorti de leurs orbites.
Euh aussi avaient été enlevés par les Mirthil'Di ?! Mais pourquoi ?!
Ils se rangèrent tous en rang, visiblement fort mal à l'aise. Killen jetait de courts et rapides regards aux deux archers qui portaient les torches et les avaient escortés jusque là. Vaëlie et Medherith gardaient leur flegme habituel malgré la difficulté manifeste avec laquelle ils se déplaçait dans la forêt. Linandil avant les bras croisés et les jambes légèrement arquées, comme prêt à bondir. Quand à Sedhen, Lorenir et Fedrion, ils regardaient obstinément la masse de loup qui leur faisait face en battant l'air de sa queue.
Tous, malgré leurs retenues ou leur attitude, gardaient des visages décidés et confiants. La vérité était aussi claire que difficile à avalée. Ils étaient à l'origine de cette rencontre... Et ils étaient là pour elle. Rien d'autre n'aurait put amener ces huit personnes totalement différentes à se tenir là sans la moindre égratignure et si proche d'un camp Noss réputés pour être insaisissables. Halya se tourna vers Hallendas, cherchant dans ses yeux une confirmation qu'il lui offrit d'un hochement de tête souriant. C'était ça que Rithil avait accepté.
Elle passa en revu les visages présents une fois de plus... Et s'arrêta avec surprise sur l'accompagnateur se Vaëlie. Hiel... Un sourire de fierté salua le jeune homme aux longs cheveux noirs. Il le lui rendit d'un signe de tête. Pour la première fois, elle ne décela aucune pitié ni aucune excuse dans ce son regard franc.
- J'ai dit la vérité. J'étais inquiet. Mais Eörim m'a expliqué la situation et m'a demandé un peu d'aide. Visiblement, même les Haedhrims ne considèrent plus les Cités comme des lieux de rencontre sûrs. Sourit-il en lançant un regard mordant à Linandil qui se passa une main sur la tempe d'un air gêné. - Je n'étais pas au courant quand je t'ai laissé ce mot. Ils m'ont mis au courant après... Je commençais à surveiller le Temple la nuit.
Un fin sourire satisfait étira simultanément les lèvres de Killen et de Lorenir. Ces deux là devaient s'entendre comme larrons en foire dans leur travail comme à la ville. Un rire étouffé de la part de l'ancienne protectrice vint fissurer l'apparence officielle de la scène. Ils étaient incroyables... Elle porta la main à son front, étrangement touchée par le présence sans parvenir à se détendre tout à fait.
- Pitié, dites moi que ce n'est pas pour me parler de l'emplacement de l'étalage d'Elmir...
Les membres du conseil qui étaient présent durant les premières années après le Voile rirent de bon cœur, ramenés aux problèmes administratifs mineurs qui occupaient alors leurs journées.
- Non. Pas de crainte à avoir sur ce point là. Nous avions autre chose en tête que nous compliquer la vie avec vos points de vues exubérants. Se moqua gentiment l'opposition en la personne de Fedrion.
Vaëlie et Medherith échangèrent un regard avant que ce dernier n'interroge chacun de ses pairs d'un rapide coup d'oeil. Ils étaient tous rompus au type de discussion qui allait suivre et un porte parole éviterait bien des déboires. Même Fedrion acquiesça sans discuter, laissant la Plume prendre les devants.
- Nous ne voulons pas lancer la mise en place d'un consensus concernant votre réintégration au poste de Protectrice car nous n'avons pas tous les éléments en main. Le Trône Blanc nous a envoyé un Comte rendu des événements d'Eteniril, nos contacts dans les Protectorats alentours également. Nous avons même les rapports de certains Aigles et le Mirthil'Di nous on fait part de nouvelles qui leur viennent de clans alliés. » précisa-t-il avec un signe de tête reconnaissant à l'intention du Noss le plus proche. « Mais à aucun moment nous n'avons eu l'occasion de vous entendre raconter librement votre point de vue. Nous sommes ici pour entendre votre version.
Sa version des faits... Elle dévisagea Medherith, un peu amère. Combien de personnes lui avant demandé de tout raconter avec une idée déjà préconçue ? Ici, c'était également le cas, mais contrairement à d'habitude son auditoire lui était majoritairement acquis. Une fois de plus, son récit aurait bien moins d'impact que ce que ces gens ne voulait lui en donner.
Mais cela ne changeait rien. Halya s'assit en tailleur, invitant cette étrange réunion à prendre place comme ils le pouvaient sur le sol, cela allait être long. La plupart d'entre eux n'avaient pas l'habitude de conditions si spartiates. Voir Medherith, Fedrion et Vaëlie essayer de tenir en tailleur ou changer de positions toutes les minutes avait quelque chose de comique qu'Halya eu du mal à ne pas relever.
Elle raconta plutôt son voyage sans rien en cacher. Comment elle avait retrouver les traces de Randil et comment elle était sortie dans les Wandres quelques jours pour le voir. Les catacombes avec le mort-vivants intelligent qui ignorait son état. Le retour de la Meute en Anaëh et le séjour à Malereg. La visite à Timerion au sujet de ses malaises. Le diagnostique qui ne lui avait donné qu'un an ou deux à vivre. Le traitement qu'il avait tenté pour retarder l'échéance et stabiliser son mental. La façon dont elle s'était involontairement mis la famille Nöldorion à dos pour raisons privées – afin que l'implication de Melian lors su Haut Conseil soit comprise dans sa totalité. La façon dont elle avait été arrêtée par les Noss d'Eteniril lors de son voyage vers Holimion. L'attaque du camp rebelle qu'elle avait gérée seule. Le soutient des prêtres de Kÿria. La mise en garde d'une créature de Kÿria à l'encontre de Sigvald, le Haut Conseiller qui avait trouvé la mort quelques heures plus tard dans le combat qui les avaient opposés. Les psychotropes qu'elle avait pris pour tenir la nuit et la désorganisation qu'elle avait provoquée sans tuerie pour faciliter la mission prévue par les Rebelles. Les Geôles. L'entretien avec Neraën et l'action de Macabre. L'état dans lequel l'avaient mis la conjonction de la magie, du stress et des médicaments. L'absence totale de toute émotion.
Puis le retour à Alëandir. La visite à l'Académie pour avoir l'avis de l'Archimage Lomions, la façon dont elle avait attendu après Anorn pour avoir sa permission de repartir jusqu'à Holimion pour se faire soigner. Elle passa sous silence ce qu'elle avait vécu au sein du temple pour n'en décrire que les résultats. Puis la réunion du Haut Conseil avec Melian, Artion, Anorn, et les autres protecteurs et... Et elle s'arrêta soudainement.
Elle ne pouvait pas. Dire la vérité sur ce qui s'était dit dans la Chambre du Conseil revenait à rompre un serment fait devant ses pairs et devant Kÿria. Conscients de son malaise, les Conseillers jusque là généreux en questions restaient muet. Aucun d'eux ne la libéra du choix qui pesait sur ses épaules. Elle les sentait attendre fébrilement la suite malgré toute leur bonne conscience. Ils avaient l'oreille aux aguets et les lèvres scellées. Ils en voulaient plus. Ils lui demandaient plus sans oser l'admettre, pesant avec délectation sur son hésitation chancelante sans même avoir conscience de ce qu'ils faisaient.
D'un coup, elle se retrouva face à ses démons. Ceux qui la rongeaient depuis des années. Mais pour la première fois, elle les identifiait. C'était exactement par ce genre de pression subreptice que commençaient la manipulation sociale dans toute sa splendeur. L'insidieuse pression qui vous incite à choisir entre vos valeurs et la situation politique citadine. La main de la dame s'accrocha à l'épaisse fourrure du loup blanc.
- Et lors du Haut-Conseil, le Trône Blanc m'a assigné à un programme de réadaptation en me demandant de présenter mes excuses et mes services à la famille de Sigvald une fois que la situation serait remise à plat. Toute les autres charges ont été abandonnées.
Ils ne sauraient rien des accusations de meurtre qui avaient fusées de la part d'Anorn. Rien non plus de l'origine de l'idée qui avait sauvé des dizaines de vies Etenerili et que tous les Protecteurs avaient acceptés à l'unanimité. Les deux points qui, elle le savait, auraient définitivement briser le lien qui empêchait encore le Conseil d'Ardamir de tourner le dos à Alëandir. Elle aurait put reprendre les reines des quatre protectorats sans plus de soucis. Mais ils ne sauraient rien. Si le Trône Blanc ne jugeait pas bon de dire que c'était d'elle que venait le plan de l'envoie des prêtres et préférait l'écartée du pouvoir, alors soit. Elle ne transigerait plus avec elle-même.
C'est avec un sourire véritablement serein et la têt haute qu'Halya clôtura son histoire. Elle passa une main dans ses cheveux mi-long.
- Et depuis mon retour vous en savez sûrement plus que moi. - Il n'y a pas eu vraiment de nouvelle. Alëandir fait de nouveau le mort, comme à chaque fois que nous ne l'obligeons pas à sortir de son mutisme.
Tout le monde se tourna vers Fedrion. La surprise se lisait sur chaque visage au point d'en amuser Hallendas. Les Noss échangèrent un regard entre eux. L'homme ne devait pas être coutumier du fait. N'importe qui aurait put le confirmer en effet. Profondément méprisant en ce qui concernait les Noss et garant du savoir ancestral des bibliothèques d'Ardamir, il avait toujours eu tendance à faire confiance aux plus anciennes autorités et à remettre en question toute pensée progressiste. Autant dire que l'absence d'Halya le réjouissait au plu chaut point. Alors remettre ainsi en cause le Trône Blanc... Même lui semblait difficilement savoir où se mettre, attirant quelques sourires en coin.
Quelques questions furent encore posées mais peu de points d'ombre restaient en suspend. Malgré la présence d'Halya, les Conseillers présents débattirent encore un peu du bien fondé de leur entreprise mais le temps leur manquait. La journée avait été longue et la lune avait passée son zénith depuis un bon moment. Après avoir consulté ses pairs, Medherith se fit de nouveau force d'exprimer les la volonté du groupe.
- Bien. Je pense que nous préférerions tous avoir quelques jours de plus pour réfléchir mais le temps est un luxe ces dernières décennies. Même si nous ne sommes pas encore d'accord sur les modalités et que nous déplorons la façon dont les choses ont évoluées, nous estimons que les actes qui vous sont reprochés ne devraient pas vous empêcher de porter le titre de Protectrice. En vous retirant des affaire lors de votre... indisposition, vous nous avez également montré que vous aviez conscience de vos limites. » Son masque flegmatique frissonnant un instant vers une affectation plus franche, il croisa le regard de Killen avant d'ajouter « Et il semblerait que, comme pour le Voile, vous soyez encore la seule personne capable d'apaiser la population d'Ardamir sans que nous ayons à sévir.
Les fameux désordres que connaissaient Ardamir depuis le mois précédent... Halya n'avait pas été mystifiée par la distance que lui imposait le cloître. Elle l'avait entendu, murmuré par les Voilés, sans croire tout à fait à l'ampleur du phénomène. Après tout les rescapés d'Eraison ne se comptaient qu'en centaines sur plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Allongé près d'elle, Randil regardait d'un œil placide les visages sérieux de l'assemblée. Les trois Noss présents écoutaient distraitement tandis qu'un souffle grave semblait pousser les Citadins à se redresser et à relever la tête. Le cœur d'Halya se serra. Chacun se levait. Il y avait dans ce soudain sérieux quelque chose d'officiel qui ne présageait rien de bon au vu des circonstances. Non qu'elle craigne pour Ardamir. Pour une fois, elle avait juste une bonne idée de la question qui allait lui être posée.
- Heri Halyalindë, nous avons l'honneur de vous demander une nouvelle fois de devenir Protectrice d'Ardamir. A la minute même ou les deux moins de réclusion imposés par le Trône Blanc seront achevés, nous exigerons l'arrêt de toute surveillance auprès de la couronne.
Medherith s'était avancé d'un pas. Ils observaient tous la dame avec un sourire bienveillant. Après ce qu'elle avait traversé, elle était tout indiquée pour prendre sa propre succession. Même Fedrion préférait encore une femme comme elle que les mouvements imprévisibles d'une foule en colère.
- Je vous remercie pour votre confiance. » sourit Halya avec la même bienveillance sérieuse. Elle effectua avec déférence l'antique salut des Ardamiris, portant la main à ses lèvres et le poings à son cœur avec un naturel et une prestance déconcertantes à côté de la nonchalance dont elle faisait preuve quelques secondes plus tôt. La tête haute et le maintien droit, elle vrilla son regard vert dans les yeux de Medherith avec un respect infini. « Mais je ne peux accepter votre offre.
Les sourires disparurent. Les bras en tombèrent le long des flancs. Dans le silence, ou pouvait entendre les esprits assimiler lentement la réponse.
- Il est clair que ma place n'est pas au Haut-Conseil et que le devoir de représentation ne m'est pas plus facile. Je n'ai ni la patience, ni les compétences nécessaires pour tirer le meilleur de ces gens alors que notre peuple risque gros. Ce n'est pas ainsi que je pourrai protéger au mieux notre peuple et faire évoluer les choses dans le bon sens. Comprenez-moi bien, je serai honorée de continuer à servir Ardamir et je ferai ce qu'il faudra pour éviter que les troubles n'enflent davantage, mais je dois trouver une autre façon de le faire.
La main sur l'épaule de Randil, Halya souffla doucement. Medherith ne pensa même pas à la contre-dire. Elle était sûre d'elle et cela se voyait. Il soupira.
- Peut-on au moins savoir ce que vous allez faire ? - Je ne sais pas encore. Répondit-elle simplement.
Halyalindë
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Sujet: Re: Une danse pour l'amor Sam 2 Déc 2017 - 16:10
Printemps - 9e jour 9e ennéade de Favrius 10e année du XIe Cycle
Le jour s'était levé, radieux pâle et froid. Une lumière blanche filtrait à travers les pousses vert tendre. Depuis les tous premiers rayons, de la musique pleuvait en pagaille des Hauteurs d'Ardamir. Les différents artistes semblaient s'être donner la chasse en une étrange bataille festive qui, pour une raison inconnu, ne tombait jamais dans la cacophonie. Depuis le Cloître de Tari, sur les bords de la Rêveuse, seules quelques bribes de mélodie semblaient enrichir une Symphonie à la fois douce et réjouie par la pleine renaissance du printemps et la joie des elfes.
C'est le visage fermé par la concentration qu'Halya terminait ses étirements, déjà en tenue de scène. Mais elle n'était pas pour autant insensible à cette atmosphère bienveillante. Assise sur le sol, elle assouplissait les articulations de ses pieds lorsque trois coups retentirent à la porte.
- C'est l'heure, lui lança une voix grave étouffée par le battant.
En quelques secondes, elle était debout. Dans l'embrasure, le visage taillé au couteau et criblé de cicatrice de Linandil marqué d'un sourire rayonnant apparut au dessus d'une tenue rouge blanche et or très semblable à celle de la danseuse à ceci près qu'il était torse nu. Comme le voulait la coutume en ce jour d'équinoxe, le prêtre échangea un bref et chaste baiser avec sa partenaire du jour en guise de salutation et de bénédiction.
- Qu'Arcamenel t'inspire et te permette d'aller de l'avant. Sourit-il avec sympathie. - Merci...
Que dire de plus ? Cela faisait deux ans qu'elle n'avait pas participé aux Arcamenies alors même que son titre lui imposait d'attirer les mannes du Chanteur par une représentation. Aujourd'hui, elle n'avait plus son titre mais elle soupçonnait Linandil et le Conseil de ne pas avoir dit leur dernier mot. Il avait trouvé toutes les excuses possibles pour que leur représentation aient lieu à l'aube, comme l'est traditionnellement celle du Protecteur lors des années ascendantes. Il avait même réussit à convaincre l'Archiviste de les laisser se produire dans le hall du temple de Tari, l'endroit le plus spacieux et le plus visible accessible à la dame sans qu'elle ne contrevienne aux ordres directes du régent. Dieux savaient ce qu'il avait prévu d'autre...
Marchant côte à côte, le sourire de Linandil devenait de plus en plus large en regardant Halya. Après plusieurs échanges de regards furtifs, le nez de la dame se fronça.
- Tu n'as pas a être tendue comme ça. Suit la musique, fait moi confiance et tout se passera bien. - C'est facile pour toi de dire ça, c'est ton métier de monter sur scène. - Ça a été le tien aussi, chère Protectrice...
Elle n'était pas convaincue, cela se voyait sur son visage. Mais si elle n'avait pas trop changé, elle lâcherait prise en temps voulu... Enfin il l'espérait car lorsqu'ils poussèrent la porte communiquant entre le Hall et le cloître, accompagnés des soigneurs d'Halya, ils marquèrent tout deux un temps d'arrêt. L'endroit était remplit à craqué. Des hommes, des femmes, des enfants. Le silence s'installa comme une vague. La foule se fendit d'elle-même pour les laisser passer vers l'estrade qui avait été montée au dessus de la rigole aqueuse qui coulait au milieu de la sale vers la chambre des Lueurs.
Halya déglutit, incertaine. Des sourires sincères. Des regards emplis de fierté et de force cherchaient le sien pour un simple signe de tête. Des saluts ancestraux étaient dignement effectués par des gens qui n'étaient pas nés dans cette Cité. Dans un silence étrange, Halya leur rendait leurs attention et avançait le long de l'allée au côté de Linandil. C'était... incongru. Que ce soit lors de la reprise d'Eraison, la débâcle d'Ellyrion ou ses actes à Eteniril, on avait beau lui donné des surnoms pompeux, ses 'victoires' étaient toujours tâchées de sang et de pertes acceptables. Même durant le Voile, certains l'avaient remercié, d'autres l'avait insulté car elle devait trancher dans les passions. Jamais des civiles, des gens qu'elle ne connaissait pas, ne lui avaient rendu hommage aussi unanimement. C'était... chaleureux.
Debout sur l'estrade, ne sachant que dire, elle se tourna simplement vers son partenaire pour prendre la posture de départ. Face à face, paume contre paume, elle murmura, l'agacement le disputant à l'émotion dans sa voix basse.
- Si tu penses que ça me fera changer d'idée... - Je n'y suis pour rien. Je n'ai fait que leur prévoir de l'espace. Ils sont venus de leur propre chef.
Le cœur d'Halya se serra plus encore. Par dessus l'épaule de son vis à vis, elle voyait une femme de haute taille avait hissé son fils sur ses épaules. Il ne devait pas avoir dix ans et souriait comme le jour de son anniversaire. Elle lui rendit son sourire avant de fermer les yeux, essayant d'oublier la situation en calant sa respiration sur celle de l'homme devant elle.
Les premières notes s'égrainèrent. Elle vrilla son regard dans celui de Linandil. Leurs deux silhouettes se mirent en mouvement. Ils n'avaient eu qu'une seule répétition générale sur place, mais ils n'eurent aucun problème à se mettre au diapason. Ils étaient même plus synchrones que durant les répétitions. Dans leur danse, ils se reposaient l'un sur l'autre, maintenant un équilibre précaire dans un mouvement perpétuel où les deux parties étaient indispensables. Il n'y avait aucun rôle prédéfini, pas de chasseur, pas de proie, pas de sauveur, pas de détresse. Ils étaient différents et équivalents. Ils étaient imparfaits et indispensables. C'est cette idée qu'Halya voulait transmettre et à cette condition qu'elle avait cédé à la lubie de Linandil. « Très bien ! Arrête ! J'accepte à la condition que ce soit un geste de rassemblement. Assez de guerre ou de passion. Citadin ou Noss, nous avons besoin de nous souvenir de la Première Voie. »
Tels la forêt Multiples et différents, Unis et dépendants; Pour les nôtres, avec les nôtres. Sauvage et respectueux, N'oublie pas l'équilibre : Reçoit chaque vie pour ce qu'elle est Tu seras demain un présent pour tes proies.
Danse:
Leurs mouvements se suivaient. Se complétaient. Ils se sauvaient l'un l'autre à l'ultime moment qui précédait la chute. Et lorsqu'ils reprirent leur posture initiale, paume contre paume, pour finalement regarder l'assemblée avant que les applaudissements n’éclatent, ce qu'Halya capta dans leur regard lui fit monter les larmes aux yeux.
A l'autre bout de la Cité, près de la statue d'Anadris, Medherith et l'Ancien étaient appuyés sur la balustrade qui surplombait le gouffre des Hauteurs. La Place Libre était visible en contre-bas mais, étrangement, ne grouillait pas encore de monde. Quelques musiciens avaient déjà commencés et plusieurs artisans montaient de petits ateliers ou de petits étals. Pourtant aucun des deux observateur n'était étonné.
- Peut-être qu'elle ouvrira enfin les yeux sur son égoïsme en les regardants en face... murmura Medherith, cherchant indirectement la rassurante opinion de son aîné. La réponse ne fut pourtant pas des plus attendues. - Titre ou non, il y a des choses qui ne changent pas. »
Interceptant le regard interrogateur de Medherith, le sourire de l'Ancien se fit plus doux. Sur un signe de tête, il fit demi tour vers les jardins.
- Les Ardamiris aiment le romantismes des idéaux. Peut-être est-ce a nous d'aligner notre politique sur leurs valeurs au lieu de vouloir les brider pour des contingents diplomatiques. - Que voulez-vous dire, Heru ? - Croyez-vous que la foule se serait calmée en la voyant courber l'échine face au Trône Blanc ou en plaidant pour la régence ?
Le bruit répétitif des pieds nus de l'Ancien sur le bois du Grand Chêne s'éloigna paisiblement. Medherith en resta tétanisé. Il ne pouvait tout de même pas sous entendre que...
- Le peuple est le cœur d'un Protectorat. Le notre à choisi sa voie. Des actes et un symbole font plus que tous les discours.
C'était pire...
Pire que ce qu'il avait envisagé.
En refusant de reprendre son titre de Protectrice sans abandonné son rôle d'arbitre dans la communauté, du point de vu des Ardamiris, Halya refusait de courir après le Haut-Conseil et désavouait son pouvoir décisionnel. Ardamir se retrouvait sans représentant au Trône Blanc et Eraison avec lui. Mera et Wyslena n'y siègeaient que rarement. Sans ambassadeur fixe à la cour du roi, sans conseiller dans son protectorat d'origine. Les érudits de la Cité des Arbres avaient désertés la Cité Blanche. Le cœur des habitants était acquis à une femme qui avait été condamnée par ce fameux Haut-Conseil et qui refusait désormais de siéger parmi ses pairs. La rupture n'était pas à craindre. Elle était déjà consommée... Et Medherith n'avait rien vu.
Il doutait qu'Halyalindë l'ai fait sciemment, mais les choses allaient changées. De façon peut-être invisible ou inattendue. Mais cela ne pourrait être enrayé. Qu'elle le veuille ou non, elle avait troqué ses devoirs politiques pour endosser une charge bien différente : les espoirs d'un peuple passionné rêvant autant de paix que de vengeance. Un peuple de penseur forcé de se tâcher les mains de sang par amour de leurs frères et de leur patrie.
Le sur-lendemain, lors d'une séance plénière, et durant l'ennéade qui suivit, les Conseillers poussés par Medherith discutèrent d'un sujet qu'ils n'auraient jamais cru aborder un jour. Pour éviter une division de la population , il fut décidé que le Protecteur ne serait pas remplacé tout de suite. La responsabilité de représentation incomberait à Medherith, la justice serait exercée par la main aidée du Conseil et le siège au Haut-Conseil serait occupé par la Main. Si elle ne souhaitait plus assurer son poste, elle serait remplacée par Medherith également.
Officieusement, tous savaient qu'Halyalindë avait encore un pouvoir d'influence, de justice et de représentation fort par le simple soutient de la population.
Ardamir n'avait peut-être plus de Protectrice, mais elle y avait gagné un Hérault.