[Une union royale] Une danse pour tout commencement [Louise]

1er jour du banquet, en milieu / fin de soirée

La fête bat son plein, et il n'y a pas à dire, les nains savent y faire, du moins pour ce qui est de manger et boire, surtout boire. Cela reste toutefois un mariage royal, et il y a toutes sortes d'animations qui se succèdent, voir ont lieu en même temps à des endroits différents de la salle. Il faut dire que celle-ci est vaste, ce qui permet à plusieurs artistes de se produire en même temps. Ils sont bien obligés de partager la salle puisque c'est le seul endroit où tous les convives peuvent se rendre en dehors de leur chambre. Renaud à prit soin de ne pas trop boire, mais tout de même un peu, il a bien mangé aussi, et il a surtout observé ce qu'il se passait. Il n'est pas resté à sa place indéfiniment, finissant par se lever et se promener à droite et à gauche. Il a aussi put s'entretenir avec le roi, ce qui s'était avéré être un exploit vu le monde présent, et toutes les sollicitations qui sont naturelles pour le marié, héro de cette soirée. Le Duc à abandonné sa cape sur sa chaise, laissant ses armoiries de côté, mais de toute façon, hormis les péninsulaires présents, et Harald, il semble que personne ne sache qui il est. Il doit s'avouer que cela le chagrine, non pas en raison d'un orgueil démesuré, quoiqu'un petit peu quand même, mais surtout parce que cela signifie qu'un pair du Royaume, l'un des cinq représentants les plus important de la royauté, n'est pas connu ailleurs que chez lui. Il va falloir que la péninsule s'ouvre de nouveau si elle ne veut pas rester sur le côté, d'autant que le Roi des elfes est bien présent lui.

Toute la soirée, il n'a pas arrêté de jeter régulièrement des regards vers les deux jolies femmes qui étaient ses voisines de table, à savoir d'après Eudes, la dame de Fernel, et la Baronne d'Oësgard. Il a bien remarqué que la châtelaine serramiroise n'a pas bougé, et qu'elle semble s'ennuyer énormément malgré tout ce qu'il se passe autour d'elle. Il savait qu'il irait les voir mais il ne savait pas laquelle il irait embêter en première. Puis la châtelaine se leva, et sans savoir pourquoi, il eut la curieuse impression qu'elle allait se retirer. Ne voulant pas manquer une occasion qui se présente, Renaud s'avance vers elle, puis, lui tendant sa main en s'inclinant poliment, il lui demande:

"Votre Seigneurie, me ferez vous l'honneur de me prêter votre main ?"

Lorsque l'on demande la main d'un dame, c'est pour l'épouser, ce qui n'est bien évidemment pas le cas à cet instant. c'est pour cela aussi qu'il avait utilisé le mot "prêter". Le Duc est juste un peu taquin, car bien que le visage se montrait avenant, les yeux semblaient penser autre chose. Un petit trait d'humour ne fait donc pas de mal, enfin si l'interlocutrice se montre réceptive, ce qui pouvait ne pas être le cas.

"Il me serait agréable que vous m'accordiez ne serait ce qu'une danse"

Il se doutait qu'elle avait compris dès le début, mais par acquis de conscience il préféra tout de même préciser. Il ne voudrait pas finir avec la marque d'une main sur la joue. Il était donc maintenant suspendu à ses lèvres, la regardant droit dans les yeux avec un sourire enjôleur, se demandant si elle lui ferait l'affront de refuser l'invitation d'un Duc.

Louise a bougé, mais en mode furtif. Elle n’est pas restée à sa place toute la soirée, elle a fait ce qu’elle devait faire pour garder un contact commercial essentiel pour elle, tout en restant loin de tout ce qui pourrait ressembler à une menace. Evidemment, la soirée a été longue. Eprouvante. Même la compagnie de la charmante baronne n’a pas tellement réussi à la distraire de tout ce qui hante son esprit tourmenté. Si elle a bien tenté de dissimuler tous ses sentiments, c’est un exercice dans lequel elle n’excelle pas encore même si elle y est douée. Elle veut s’en aller et rejoindre son appartement, s’y barricader et ne pas en sortir avant le lendemain.

Profitant du brouhaha ambiant et du fait qu’elle passe inaperçue, elle se lève, salue la baronne et son voisin de table. Elle aurait bien volontiers fui mais…Le Duc d’Erac. Il est là juste devant, à lui tendre la main. La surprise tout autant que l’ennui s’affichent un bref instant sur son visage de marbre. Que lui veut-il ? Ils ne se sont pas dit un seul mot de la soirée même si elle a de nombreuses fois croisés son regard. Elle ne l’a pas encouragé, elle est restée silencieuse et parfaitement à sa place. Alors qu’est-ce que cela signifie, de venir ainsi demander sa main, de cette façon ?

N’oubliant pas les usages, elle plonge dans une gracieuse et souple révérence, nimbée d’un bruissement d’étoffes, avant de se redresser et de le regarder, les deux mains jointes sur le devant, perplexe.

- Votre Grâce…

Son regard est clair et direct, aux antipodes de cette modestie que l’on enseigne aux femmes nobles de Péninsule. Elle le regarde et elle l’interroge en silence avant de regarder sa main tendue.

- Vous prêter ma main ?

Quelle curieuse demande…Derrière elle, Enguerrand et ses hommes observent la scène. Le digne maître d’arme fait prudemment deux à trois pas vers l’arrière afin de réintégrer sa place, laissant Louise discuter avec le noble seigneur. La châtelaine esquisse un léger sourire.

- Quelle curieuse demande…D’autant que la musique est totalement absente en ce moment, Monseigneur. Que comptiez-vous en faire ?

S’il est taquin, elle est espiègle et ce n’est certainement pas face à un Duc que cela changera. Louise est ce qu’elle est, un mélange assez détonnant de savoir-vivre et d’irrévérence. Au-delà de toutes ces considérations, le Duc pourra se vanter d’avoir réussi un exploit : il vient de la faire sourire. Un peu.

A la première réaction de la dame, Renaud fut surprit, il ne s'attendait pas à voir de l'ennui sur son beau visage. Il n'avait pas non plus l'habitude que les gens qui lui font face montrent ce genre de réaction. Cela l'amuse pourtant jusqu'à ce qu'elle sorte du "Votre grâce". Alors certes, c'est ce que l'étiquette prévoit, et il en a déjà entendu énormément depuis son accession au titre de Duc, mais il devait bien avouer qu'il détestait ce mot. Bon, son visage était certes avenant, mais en quoi était il gracieux ? Renaud était le troisième fils et rien ne l'avait préparé à être Duc, on ne l'avait donc pas instruit autant que ses frères en matière de politique. Il était heureux d'être devenu Duc, pensant avoir de meilleurs chances que ses frères vu leurs échecs, mais il avait toujours préféré sa liberté. Le pouvoir est grisant, mais le carcan qu'il impose est bien lourd par moment. Ou était donc sa jeunesse, lorsqu'il était cet enfant turbulent qui était souvent puni ?

Enfin soit, ici, l'on fêtait un mariage royal, soit l'une des plus grandes fêtes politique possible, et pourtant il n'y avait jamais eu aussi peu de monde pour relever son titre et s'en soucier. Renaud voulait donc profiter de cette soirée pour oublier l'espace de quelques instants toute cette étiquette. Et il devait bien avouer que les nains aidaient bien en ne faisant aucune distinction de titre depuis leur arrivée en Zagazorn

"Oubliez donc ces civilités si vous le voulez bien, et appelez moi Renaud, après tout c'est comme cela que je m'appelle."

Il ne savait pas si la dame de Fernel était à cheval sur l'étiquette et il espérait bien que non. En tout cas le regard noisette qu'elle lui jetait, sans le lâcher du regard, tout comme les mots qu'elle prononçait, semblait démontrer une femme plutôt amusante. Enfin, elle avait tout de même raison sur un point, il n'y avait pas de musique, mais Renaud avait aperçu les musiciens qui se mettaient en place, ce qui devait normalement dire que cela allait venir. Il essaya un petit pari

"Faites moi confiance, votre Seigneurie"

Comme elle ne lui donnait pas sa main, il la prit de lui même, doucement alors qu'elle les avait toujours jointes devant elle, et il l'emmena la où il semblait évident qu'ils seraient libre de danser sans gêner personne. Lui faisant face, il s'inclina comme il se devait pour saluer sa partenaire de danse et ho miracle la musique débuta. Un large sourire s'empara de ses lèvres

"Vous voyez, votre beauté à amené la musique jusqu'à nous"

Il se mit alors en position, et il commença à danser

"Profitez donc de l'instant présent, et partagez avec moi ce moment s'il vous plait"

Il espérait que sa partenaire ne lui ferait pas faux bond, et qu'il lui ferait oublier l'ennuie qui semblait l'habiter

Une certaine perplexité s’affiche un bref instant sur le visage de la jeune femme. Le dernier Duc qu’elle a rencontré est rangé dans le tiroir des comptes à régler, un homme déplaisant et froid qui l’a humiliée de manière terrible à supporter pour le cœur tendre qu’elle était alors. Elle avait attendu du soutien de son Duc comme elle était en droit de l’espérer, la seigneurie de Fernel ayant toujours apporté son aide active à la défense du Duché. Elle avait tant espéré…Un conseil, l’envoi de quelques hommes peut-être afin de démêler la situation et une parole aimable. Rien de plus. Au lieu de cela, elle a servi de divertissement honteux avant de reprendre le chemin de Fernel sans aucune autre aide que celle d’un mercenaire rencontré sur la route et un herboriste étrange à la voix profonde. Par chance, elle a pu s’en sortir sans trop de dégâts, en vie. Elle a fait pendre haut et court les coupables, sans remords, l’affaire s’est donc éteinte avec l’exécution des fautifs. Cependant, malgré cette victoire, elle garde au fond de son cœur un ressentiment intense pour ce Duc qui s’est moquée d’elle de cette manière. Et il n’y a rien de plus retors qu’une femme blessée…

Alors quand ce Duc dont elle ne connait que le nom s’incline et se présente si directement en lui demandant de l’appeler par son prénom, elle est perplexe oui. Incrédule. Serait-ce donc une nouvelle farce ? Elle a un regard pour l’assemblée présente. Des nains, des elfes, quelques rares humains et un monstre. Choisirait-il un tel événement pour la blesser pour rien ? Pourquoi fait-il ça ? Les hommes agissent toujours de façon étrange…Si étrange qu’elle se sent parfois perdue. Pourquoi un Duc voudrait-il passer du temps avec elle, alors qu’il y a la baronne d’Oesgard, juste là, bien plus jolie et bien plus « péninsulaire » dans son attitude qu’elle ne le sera sans doute jamais ? Louise en arrive à la seule conclusion logique qui se présente à son esprit : elle est la seule humaine non mariée de la soirée. La châtelaine a un regard pour la baronne…Oui…On ne conte pas fleurette à une épouse. Une baronne de surcroît. Une petite châtelaine de rien du tout par contre, ce n’est pas bien grave, personne n’en saura rien et tout le monde s’en fichera.

Louise retient un soupir d’exaspération, fort habilement. Bien sûr…Pour quelle autre raison s’intéresserait-il à elle après tout…Ce n’est qu’une femme seule, seigneur de d’un tout petit fief perdu dans les Monts d’Or, envoyée ici, toute fragile et sans défense. Une manière, sans aucun doute, de prendre du bon temps à moindre coût. Elle aurait du s’en offusquer, mais en fait non. Parce qu’en réalité, dans un contexte moins officiel et plus thaari, elle aurait sans doute agi de même. Son avantage présent est que le Duc ignore à quel point elle lui ressemble certainement sur ce point, ce qui lui donne une opportunité de jouer, à son tour. Elle semble d’un coup se détendre, observant la silhouette élancée, le visage avenant, toute l’attitude d’un homme qui délaisse un instant sa dignité de Duc pour inviter une femme inconnue à se joindre à lui.

- Très bien…Renaud.

Elle a un bref sursaut à son geste de prendre sa main. Elle n’apprécie pas et se défera rapidement de l’emprise, aussi douce soit-elle, avant de tousser quelque peu. Prendre la main de quelqu’un, ce n’est pas un geste anodin pour la châtelaine.

- Appelez-moi donc Louise, voulez-vous ?

Quel spectacle…Mais quel spectacle…Il s’incline à nouveau, parlant à présent de sa beauté. Une vive rougeur colore le teint pâle de la châtelaine. Personne ne lui a jamais parlé de sa beauté. Jamais. Un bref instant, un intense sentiment de timidité s’affiche, alors qu’elle s’incline à son tour, en entendant la musique. C’est agréable, d’entendre de pareilles choses. A dire vrai, au château personne ne lui dit jamais rien à ce propos. Sa camériste fait son travail sans commentaires, ses hommes ne se permettent jamais de commenter son apparence et le reste de sa maison ne la regarde pas vraiment. Elle n’a pas non plus d’amie qui pourrait la rassurer sur son potentiel de séduction, donc…Le compliment, aussi orienté qu’il soit, lui fait plaisir.

Elle suit le mouvement de la danse, restant à une distance tout à fait protocolaire, se déplaçant sans un bruit, comme si elle glissait sur le sol. Louise ne le quitte pas des yeux, un sourire apparaît sur son visage.

- Je vous remercie. Si vous n’étiez pas intervenu, je serais partie…

Elle rompt un instant le regard pour observer la salle, dansant avec grâce, pour reprendre :
   
- Alors, Renaud…Que dites-vous de cette soirée ? Est-ce ce que vous espériez ?

Lorsqu'elle l'appelle par son prénom, Renaud est soulagé, il semble que la Dame de Fernel gagne encore en intérêt à ses yeux, mais le sursaut lorsqu'il a prit sa main le rappel à l'ordre, elle reste une noble péninsulaire, et sans doute bloquée par l'étiquette, mais jusque quel point ? Accepter d'appeler un Duc par son prénom aussi vite n'est pas gage de quelqu'un qui est à cheval sur le protocole, alors qui est donc cette femme ? elle devient un mystère des plus intéressant à percer. Il sait que les gens sont complexes, et il ne saura sans doute pas tout en si peu de temps, mais elle a aiguisée sa curiosité, et il a toute une soirée pour essayer de découvrir le plus de choses possible sur elle

"Très bien, Louise, un prénom de toute beauté"

Il est sincère, tout comme le sourire charmeur qui est sur ses lèvres. La rougeur qui monte aux joues de celle dont il connait maintenant le prénom l'encourage. Il s'amuse tout d'un coup fort bien, mais il ne veut certainement pas porter préjudice à la Dame, il faut que ce soit ensemble et non l'un au détriment de l'autre

"Ne me remerciez pas pour cela, je suis heureux d'être intervenu, il aurait été dommage que vous partiez, vous éblouissez l'évènement de votre présence. Je vous avoue que je ne m'amusais pas énormément non plus. Donc, si nous parvenons à nous faire passer une bonne soirée mutuellement, c'est fort bien."

Attention, la soirée n'était pas raté pour autant, loin de la, c'est surtout que Renaud avait d'autres critères d'amusement depuis sa "fugue" vers Thaar. Quand aux autres dames, il les aurait aussi bien invité plus tard, que ce soit la Baronne d'Oësgard qui était magnifique également, ou encore la nouvelle Reine des nains, du moins après avoir demandé à Harald si cela ne provoquerait pas un incident, vu qu'il ne connaissait pas trop les us et coutumes nains. Il aurait aussi bien invité l'elfe si elle n'avait pas été enceinte jusqu'aux yeux. Enfin l'elfe noir ne le dérangeait pas pour sa part, il avait passé de bien agréables moments en présence de sombres à Thaar. Mais Louise était parvenue à focaliser toute l'attention de Renaud sur sa personne en l'espace de quelques mots

"Et bien, je pense que votre question aura des réponses différentes selon les personnes que vous interrogez. Je pense qu'elle est réussie à voir le bonheur des gens autour de nous. Mais j'ai malheureusement gouté aux fêtes thaaries, et il est plus difficile de s'amuser après cela"

Aaaahhhhh Thaar, un endroit ou la fête n'a rien à voir avec les critères de la péninsule. Les nains pourraient s'en rapprocher à voir tout le bruit qu'ils faisaient, et l'alcool qui coulait à flot. Il manquait un petit quelque chose pour le Duc. La Dame danse fort bien, avec une grâce qui démontre un entrainement ou une pratique soutenue. L'on aurait pu dire que Renaud ne la quitte pas des yeux tout le long de la musique, mais ce serait hypocrite, comme tout homme normalement constitué, son regard va de son visage au décolleté qu'elle affiche, puis de plus en plus, ses yeux sont au niveau de sa poitrine. Enfin il fait des efforts pour que ça ne se va pas, mais bien entendu, il est impensable que Louise ne le remarque pas.

"Je n'attends pas grand chose des soirée en fait, je me suis entretenu avec le roi, et nous avons discuté comme il le fallait, dès lors il ne me restait qu'à en profiter pleinement. L'on pourrait dire que ce que j'espère, c'est l’inattendu, un peu comme ce moment présent, du moins s'il continue. Et vous, en attendiez vous quelque chose en particulier ? Les invités ont apparemment été trié sur le volet, du moins en ce qui concerne les non nain. Dites moi, sans remettre en question votre Seigneurie, ce n'est pas mon intention, qu'est ce qui vous a amené à être invité ?"

Il n'était en effet pas du tout question de penser que Fernel n'était qu'une petite Seigneurie, c'était juste par curiosité qu'il se posait cette question, de la même façon qu'il se la posait pour Oësgard. L'on pouvait bien voir qu'il n'y avait ni Sainte-Berthilde, ni Soltariel par exemple, et Renaud était quelqu'un de très curieux.

Curieusement, Louise sait répondre aux attaques, sournoises ou directes, aux menaces et autres joyeusetés qui ponctuent si chaleureusement toute vie humaine mais est totalement perplexe face à un compliment. L’habitude de devoir constamment se battre contre les stéréotypes et les préjugés l’a rendue presque hermétique à toute forme de sympathie verbale. Elle sait à quel point les femmes comptent pour rien en Péninsule, à quel point on ne voit en elles que des matrices servant à fournir une descendance, voir une délicieux moyen de s’approprier de nouvelles terres sans tenir compte de qui elles sont réellement. Or Louise est aux antipodes de toutes ces considérations. Elevée dans la plus stricte observance de l’étiquette Péninsulaire, elle a découvert la liberté à la mort de sa mère. Et cette liberté nouvelle a ouvert la porte à un torrent de curiosité, d’exigences, d’impatiences, sur tous les sujets et tous les plans. Elle l’a payée, cette curiosité. Très cher. Cela étant, elle est à présent forte d’expériences qui ont transformé la jolie oie blanche qu’elle était en félin prêt à mordre et à se battre sans pitié pour sa survie et pour la survie de tout ce à quoi elle tient. Adresser un compliment à une femme comme elle, c’est un peu comme caresser un animal sauvage. Le moindre faux pas et elle mordra la main qui flatte, sans remord.

Lorsqu’il évoque Thaar, il parvient enfin à capter son attention. Un sourire espiègle s’affiche sur ce joli visage, tandis qu’elle suit le mouvement, tournant en silence, gracieuse et élégante, dans le même déplacement que le Duc, qu’elle avise d’un œil différent. Un homme tel que lui ? A Thaar ? Voilà qui est surprenant. Une femme comme elle, obscure et inconnue, peut facilement se déplacer et se rendre là-bas sous n’importe quel prétexte, enfiler une tenue locale et se fondre dans la masse. Mais un Duc ? Avec toute une cohorte de gardes, de gens d’armes, de conseillers ?

- Vous m’intriguez Renaud. L’on ne peut décemment comparer Thaar à Kirgan, l’ambiance n’est absolument pas la même. Cela dit, je vous comprends parfaitement bien. Les Thaaris ont…un sens bien à eux de la fête, je vous le concède volontiers…

Elle regarde ailleurs, en retenant un petit rire. Elle aussi a gouté aux charmes de Thaar, à sa façon. Longuement. Plusieurs fois. Sans regrets. Et n’est-elle pas vêtue en cet instant de soies et de voiles somptueux et sobres, ramenés de son voyage en cette terre de libertés ? Elle aurait pu enfiler une tenue cousue dans le plus beau fil de sa seigneurie, afin d’en promouvoir l’élégance mais non, elle a fait un choix différent, un choix qui affiche clairement sa personnalité. Elle a délaissé les carcans, les corsages serrés, les velours chargés et les brocarts empesés pour la légèreté et la fluidité d’un tissu qui n’entravera aucun de ses mouvements. Elle est ravissante de sobriété dans cette tenue qui lui convient parfaitement. Les seuls rappels de sa dignité et de son rang se situent en cette tiare de perles et d’argent tout comme en cette somptueuse parure d’argent et de saphir, un cadeau de Glumtol. Un bref instant, le souvenir sulfureux d’une paire de bras à la peau de bronze enserrant sa taille lui revient en mémoire, lui arrachant un autre sourire, rêveur celui-là…

Louise voit alors le manège auquel s’adonne sans vergogne le noble seigneur avec lequel elle danse. Le regard de Renaud semble totalement attiré par son décolleté, qui n’a rien d’outrageant pour les bonnes mœurs mais qui n’est guère aussi modeste qu’on serait en droit de l’attendre d’une noble dame. Une lueur féroce s’allume dans le regard de la petite châtelaine qui demande, de sa voix la plus douce :
   
- …et un sens de l’esthétisme qui semble vous plaire. A moins que ce ne soit cette parure d’argent et de saphirs qui capte toute votre attention ?

La châtelaine a un rire léger, avant de reprendre, comme s’il ne s’était rien passé du tout :
   
- J’ai été comblée ce soir en termes d’inattendu, en ce qui me concerne. Je préfère ne plus y penser pour l’instant et me concentrer sur ce que je vois présentement, qui est infiniment plus distrayant. Quant à la raison de ma présence à cette cérémonie qui semble si fort vous intriguer, Renaud…

Une subtile pirouette, un mouvement souple et furtif, une fragrance capiteuse et poudreuse se répand, parvenant au nez du Duc, issue de sa chevelure, alors qu’elle danse, le sourire aux lèvres :
   
- …Vous me trouverez toujours là où vous vous y attendrez le moins. Même à un mariage situé en territoire lointain. Parce que je suis comme ça.

Un autre mouvement, dans un rire clair cette fois, une vraie musique qui fera tourner une tête ou deux vers eux.

- J’entretiens des relations commerciales avec Thanor, je discute d’autres perspectives avec le Roi. Comme tous les Péninsulaires assis à cette table. Le fait que je sois un petit seigneur n’a jamais dérangé sa Majesté qui m’a invitée au même titre que vous. Je dois bien admettre que cela aussi est assez…rafraîchissant, ne trouvez-vous pas ?

Le sourire qui s'affiche sur les lèvres de Louise n'a rien d'innocent, bien au contraire. Il semble que la belle s'amuse autant que Renaud. Ainsi il l'intriguait ? et qu'est ce qui pouvait bien intriguer une Dame qu'un Duc tout à fait banal ? Il semblerait que ce soit son allusion à Thaar, et vu ce qu'il entendait, il se demandait s'il avait bien compris, car de la façon dont elle parlait de la cité estreventine, il avait l'impression qu'elle savait de quoi il parlait, et que ce n'était pas qu'au travers de livres ou d'histoires qu'elle avait apprit tout cela. Si lui l'intriguait, il pouvait dire la même chose pour elle, une Dame péninsulaire. De même, elle l'avait grillé sur l'endroit où se posait son regard, mais elle ne semblait pas s'en offusquer plus que cela. Piqué au vif par son attitude, pas en mal, Renaud ne se cacha pas pour la regarder des pieds à la tête, sans en perdre une miette. En effet, il était évident que sa robe venait d'ailleurs que de la péninsule. Pire encore, ou mieux, il était tout à fait certain que sous cette robe, elle ne portait pas de corset, peut être même rien ? La grâce qui était la sienne dans la danse, et la manière dont certains atouts bougeaient ne laissait aucun doute, et l'esprit du Duc se mit à vagabonder, le regard bien plus fréquemment sur le décolleté depuis qu'elle l'avait titillé. Renaud n'était pas un prude noble péninsulaire non plus, aussi rendre les coups ne le dérangeait pas. L'odeur qu'elle dégageait entre deux pas de danse était aussi enivrante, tout comme son allusion au fait qu'elle était souvent la ou on ne s'y attendait pas

"La parure est on ne peut plus magnifique, mais ce n'est pas elle qui attire mon attention. Vous avez l’œil, c'est bien votre robe qui éveille bien des émotions. Il faut dire que vous la portez divinement bien. Vous l'avez sans doute rapporté de votre voyage à Thaar ?"

Il était content de la voir heureuse, du moins est ce qu'il pensait vu le rire qu'elle avait lâché. Voila bien longtemps qu'il ne s'était pas amusé de la sorte. Sans doute depuis son mariage avec Neyrelles

"Si je vous distraie, j'en suis ravis, il en est de même pour vous, je vous l'assure"

Il la faisait virevolter sur la piste, elle était divine, et danser avec Louise était un régal autant pour les yeux que pour le plaisir tellement elle était gracieuse. Faire tourner les têtes vers eux ne le dérangeait pas, et ce rire clair était un baume au cœur. De toute façon en tant que Duc il avait l'habitude d'attirer l'attention. Et c'est justement cela qui était grisant ce soir, puisque les regards n'étaient pas tous tournés vers lui, et il y avait si peu de gens péninsulaires qu'il se sentait libre, une liberté qu'il avait perdu depuis bien longtemps

"Dans ce cas, je suis extrêmement curieux de savoir ou je vais vous trouver prochainement ? avez vous déjà des idées ?"

Le commerce, ce mot qui est sur toutes les bouches, véritable obligation pour qui n'est pas un mendiant, et encore même eux n'y coupent pas. Il fut néanmoins frustré d'entendre un mot dans la bouche de Louise

"Il n'y pas de "petits" Seigneurs, il y a juste des Seigneurs, et chacun fait comme il le peut, c'est la normalité. Quand au manque de respect des nains pour l'étiquette et les titres, je vous rejoins, c'est des plus rafraichissant. La preuve, cela à permis de nous rencontrer, ce qui fait de moi un homme comblé, et j'espère que vous emporterez un agréable souvenir de moi."

Il est intrigué. Il l’observe, elle le sait, elle le voit et cela l’amuse énormément. Oui, elle n’a que peu de choses en commun avec les autres dames de Péninsule, autant dans sa façon d’appréhender le monde que dans sa façon de s’exprimer, plutôt directe et sans faux semblant. Sa façon de s’habiller est également un subtil rappel de sa personnalité anticonformiste sur bien des points, même si en public et lors des réceptions officielles elle aime respecter certains codes afin de conserver une dignité protocolaire qui la noie dans la masse. Ce n’est pas en heurtant le monde engoncé dans ses habitudes qu’elle se sentira mieux. Par contre, amener certains changements, de petites évolutions tout en finesse et en subtilité, tout cela requiert un certain esprit d’analyse dont n’est pas dépourvue Louise. Et le Duc d’Erac semble apprécier cette attitude, lui qui a le regard vrillé sur sa poitrine ornée de saphirs et d’argent.

Un fin sourire rusé flotte sur les lèvres de la châtelaine. Qu’ils soient péninsulaires ou thaaris, les mâles sont donc tous les mêmes, il n’y a pas moyen de s’y tromper. Une raison de plus pour Louise de jouer.

- C’est une robe confectionnée là-bas en effet. J’ai traversé toute la péninsule à cheval avec mes hommes, jusqu’à Thaar où je suis restée pendant quelques ennéades. Une parenthèse enchantée, pleine de soleil et de fruits dorés, à laquelle je pense souvent avec nostalgie. Je ne pouvais décemment revenir chez moi sans rapporter des choses qui me plaisent et qui me rappellent toute la liberté que l’on ressent lorsqu’on se promène dans la cité des épices…J’imagine que vous savez de quoi je parle, Renaud.

Elle danse avec grâce, sans se soucier des regards. La châtelaine inspire profondément et ajoute, les yeux mi-clos :
   
- La chaleur me manque. Le soleil me manque. Les épices me manquent…Cette liberté là me manque. Les Péninsulaires ont beaucoup à apprendre des Thaaris sur bien des points. Qu’en pensez-vous ?

Un autre mouvement gracieux et Louise est désormais toute proche de son compagnon de danse. Un murmure.

- Si je vous confie mes secrets, si je vous dis là où je serai demain, où se trouverait le plaisir de la découverte ?

Cela n’a duré qu’un instant et la voilà déjà deux pas plus loin, amusée, rieuse, le visage apaisé, bien loin de la mine sombre qu’elle a affiché une grande partie de la soirée. Cette liberté là, elle la ressent un peu ici, loin de chez elle, dans un autre endroit où elle est une inconnue.

- Sur ce point, je ne peux que vous encourager à continuer de penser de la sorte. Le Duc de Serramire n’a, par exemple, pas le même avis que le vôtre sur cette question. Je suis heureuse de voir que vous ne partagez pas cette opinion. Cela m’aurait chagriné de vous placer sur le même petit piédestal que ce triste sire.

La musique s’interrompt, elle salue avec rare élégance avant de se redresser et de nouer ses mains sur le devant, tout sourire. C’est osé, oui. C’est prendre un risque immense, que de parler de la sorte à un Duc quand on sait qu’il a épousé la propre sœur de cet homme qu’elle déteste cordialement. Et pourtant, elle ne bouge pas, elle reste bien droite, fidèle à elle-même sans crainte et sans peur aucune. Elle a parlé sans détours, elle le regarde de même, l’œil brillant d’une étincelle étrange, un mélange de défi et de provocation, teinté d’un respect bienveillant.

- Voulez-vous danser encore ? Ou préférez-vous prendre un rafraichissement ?

Renaud avait vu juste, Louise était bien allée à Thaar personnellement. Ce soir, elle semblait s'amuser à merveille, elle qui voulait quitter la soirée juste avant l'invitation à danser. Le Duc ne regrettait absolument pas de l'avoir choisie avant qu'elle ne quitte la salle. Elle était une bouffée d'air dans ce monde rempli de convenances toutes plus étouffantes les unes que les autres. La question qui venait à l'esprit de l'éraçon, quand il la voyait, et l'entendait, était de savoir jusqu'où elle était allée dans les fêtes Thaaris. Lui même avait gouté à toute la luxure, en plus des boissons et drogues que pouvait offrir cette cité. En tant que Dame, même avec l'ouverture qui semblait être la sienne, ou s'était elle arrêtée ? déjà elle avait gouté leur style vestimentaire, ce qui était un vrai régal pour les yeux. La danse aussi probablement, car sa façon de se mouvoir n'était pas des plus protocolaires de péninsule. Son rapprochement, accompagné d'un murmure bien sentit, puis déjà elle s'est reculée, laissant la frustration s'installer, le mystère aussi, un talent certain dans tous les cas. Ses mouvements, sa beauté, sa grâce pour la danse, elle a tout pour faire tourner en bourrique les hommes, les mettant au supplice. Comment faire pour savoir ce qu'elle a en tête, et ce qu'elle a envie de faire.

"Comme je vous comprends Louise, la liberté que j'ai ressentie lors de mon voyage à Thaar me manque continuellement. C'était la belle époque lorsque j'étais le troisième fils, celui qui n'avait aucune chance d'hériter, et qui n'avait aucune responsabilité. Je paierais cher pour y retourner, et profiter de leur hospitalité des plus agréables"

L'histoire des Ducs d'Erac n'était pas un secret, il pouvait donc en parler. Il ne mentionna bien évidemment pas le fait que c'était un moyen de s'enfuir suite à une grosse dispute avec son paternel, et la déchéance qu'il avait subit la bas. En tout cas elle lui plaisait bien, cette femme si peu protocolaire, et si intéressante. Le sourire de Renaud démontrait son amusement

"Ho non, vous avez raison, gardez donc le secret, c'est plus excitant. Dans ce cas, il ne me reste qu'à espérer que vous serez la ou je me trouve pour profiter encore de votre présence"

Louise ne semblait pas porter Arnaud dans son cœur, et elle ne se cachait pas de le dire à Renaud. Personne en péninsule n'ignorait que la tante du Duc de Serramire était l'épouse de celui d'Erac, et pourtant elle n'avait pas mâché ses mots à son encontre. Renaud de son côté avait entendu quelques rumeurs sur le fait que, malgré leur alliance, celui-ci disait à droite et à gauche que la main d'Alcine de Hautval lui avait été promise. le Duc d'Erac ne doutait pas un seul instant que c'était un mensonge, sinon quel intérêt aurait eut Aymeric de lui rendre la suzeraineté dessus si c'était pour la lui reprendre, mais la rumeur, bien que faible pour l'instant, s'enflait, ce qui n'était pas au gout de Renaud. Celui-ci pensait donc sérieusement, comme son épouse le lui avait suggéré, de marier la Baronne de Hautval, histoire de s'assurer sa vassalité. Le regard de Louise brille, comme si elle défiait le Duc de répondre, et de défendre Arnaud

"Ah, tiens donc, et quelle est donc son avis, voila qui m’intéresse ? Je pourrais peut être tenter de le remettre sur le droit chemin lors d'une prochaine rencontre. Le miens ne changera pas de si tôt, je vous remercie donc de ne pas me mettre dans le même panier. Et serait ce mal venu de vous demander ce qu'il a bien pu vous faire pour que vous ayez cette opinion de lui ?"

Un rire, le premier après tant de sourire, sortit de la bouche de Renaud qui n'avait pas mal pris ce qu'elle venait de dire. Avec l'arrêt du morceau, il ne passe pas inaperçu. Après tout, tout le monde ne pouvait pas avoir le même avis sur chacun

"J'apprécierais une autre danse, si vous le voulez bien, et nous prendrons un rafraichissement après."

Pour qui le connait, Renaud était d'ordinaire du style à changer de partenaire rapidement. C'était une preuve, bien qu'elle ne le sache pas pour sa part, qu'elle avait chauffé au fer rouge sa curiosité

"En tout cas, j'ai l'impression que vous avez trouvé à vous amuser, cela me réjouis."

Peut-elle lui parler de ce qui l’a amenée à pousser la porte de tels établissements thaaris ? Bien sûr que non. Il y a des choses qu’il est préférable de garder pour soi, comme par exemple l’état indescriptible de tristesse et de solitude qui rongeait son cœur lors de son séjour en terres libres, l’ardent désir de goûter à nouveau à ces plaisirs qu’elle ne pouvait assouvir avec personne, le vœu de ne plus souffrir de cette brûlure de l’absence, de l’incandescence de sentiments refoulés qui ravageait son esprit. Le jour où Louise a pour la première fois mis un pied dans cette résidence emplie d’encens et de parfums lourds, elle était au bout de tout ce qui était humainement possible de supporter, dans le caniveau des sentiments, incapable de remonter la pente. C’est Dante qui lui a parlé de cet endroit et elle était mortifiée, honteuse, de s’y rendre pour assouvir un tel besoin. Pourtant, il y a eu cet homme. Plutôt grand, athlétique, à la peau de bronze et au regard de velours, de longs cheveux noirs tombant sur ses épaules. Un sourire merveilleux. Des paroles qui ne l’ont jamais jugées. Pas un instant. Elle n’a pas pu, au début. Alors il lui a parlé, longuement, avant de réussir à poser une main sur la sienne. Louise a fondu en larmes…

- Je compte y retourner lorsque l’hiver viendra. Avant que le sol ne connaisse les premières gelées.

Parce que là-bas, personne ne l’a jugée. Elle avait besoin de parler à quelqu’un d’extérieur, quelqu’un qui l’écouterait enfin, sans l’interrompre. Alors elle s’est confiée à son tour, expliquant la souffrance qui était la sienne, celle d’une femme moquée par son Duc, abandonnée par celui qu’elle aimait si fort, souvent repoussée dans son affection par l’Ombre, lui qui avait déjà bien du mal à gérer ses propres ressentis, alors qu’elle ne demandait qu’un peu de chaleur humaine, rien de plus…Elle n’avait personne à qui confier tout cela. Alors elle a tout dit à cet inconnu qui a pris son visage dans sa main pour caresser sa joue.

- « Ce n’est pas grave », a-t-il dit de son accent roulant.

Louise n’a pas su résister bien longtemps à ce sourire. Elle est restée là bas des heures, pratiquement tous les jours, apaisant entre les bras de cet homme payé pour cela tout ce feu qui menaçait de la consumer en entier. Elle s’est découvert une passion pour ces plaisirs et il faut bien reconnaître qu’elle en a pris sa large part, découvrant là-bas des choses qui feraient probablement rougir toutes les jeunes femmes un peu prudes de Péninsule. Quand elle a pris le Caran Deth à destination de Chiard, c’était une autre Louise, une femme qui sait ce qu’elle veut et qui a mis de l’ordre dans ses sentiments, son esprit et son corps. Une femme sûre d’elle et de ses désirs, telle qu’elle se tient maintenant face au Duc d’Erac. Un brasier contenu par une épaisse couche de glace.

- Quel dommage que vous soyez si indispensable…Imaginez le voyage que cela serait, Thaar, loin des barrières de Péninsule, loin des règles et de l’étiquette, vivre...sans contrainte, une ennéade ou deux…

Elle parle avec une réelle nostalgie avant de s’incliner à nouveau, digne et protocolaire châtelaine qui vient pourtant de lui suggérer de satisfaire son désir sans le moindre scrupule. Aux premières notes de musique, elle approche en douceur et lève sa main droite, avant de tourner en silence, se contentant de le regarder avant de répondre.

- Le Duc de Serramire est un homme incapable de voir les choses, de les comprendre et de les appréhender sans ce prisme viril qui domine en Péninsule. Je suis une femme. J’avais besoin de l’aide de mon suzerain. Il me l’a refusée sur de fallacieux prétextes liés à mon sexe. Croyez- bien que j’aime le Duché…Je le défendrai toujours, quoi qu’il m’en coûte mais…

Un mouvement ample, lent, la ramène près de Renaud, tandis qu’elle souffle :
   
- …mais je n’oublie pas, jamais, quand on m’a manqué de respect.

Elle ne bouge plus pendant une seconde ou deux, avant de continuer la danse, dans un rire. Était-elle sérieuse ? Était-ce une bravade ? Impossible de le dire, tant elle souffle le chaud et le froid avec maîtrise, sans jamais se fatiguer. Oui elle s’amuse, énormément. Et ce petit jeu lui plaît beaucoup.

- J’ai trouvé à m’amuser en effet. Est-ce irrespectueux de vous avouer que c’est vous, Renaud, qui êtes à la source de mon amusement, en cet instant ?

La jeune femme lui lance un sourire ravissant et espiègle à la fois, suivant les mouvements de son cavalier.

- Serait-ce présomptueux d’imaginer que je suis moi-même à la source de votre visible amusement ?

Elle s’arrête un instant et l’observe, de l’air le plus tranquille du monde, guettant sa réaction avec un petit sourire en coin.

Il est à l'écoute de sa partenaire du moment, il ne lui coupe pas la parole, et il se demande s'il entend bien ce qu'elle dit. Elle compte retourner à Thaar, cela veut dire que Louise a fortement apprécié ce qu'elle avait vécu la bas. Comme il la comprends, alors que lui aussi s'y est tellement amusé. Il aimerait bien y retourner, mais sans la drogue, et avec l'alcool plus modérément. Il se demande donc s'il a bien entendu ce qu'elle lui dit au fur et à mesure qu'elle parle, et qu'elle bouge, au rythme de Renaud qui la dirige, mais qui se demande si ce n'est pas elle qui est en train de vouloir prendre les commandes. Il sourit franchement, ayant oublié toutes les personnes alentours, complètement absorbé par Louise, tout en écoutant ses griefs à l'encontre d'Arnaud, et les accusations qui sont graves si elles s'avèrent véridiques. Plusieurs fois elle s'arrête, pour marquer ses propos, et lorsqu'il semble qu'elle ait terminé, elle l'observe sous toutes les coutures. Pour sur que l'éclat qui brille dans ses yeux marque son amusement, mais pas seulement. Il y a quelque chose de plus, une convoitise. Il faut lui répondre, naturellement, et autant commencer par ce qui est le plus déplaisant

"S'il ne voit qu'une femme lorsque vous lui avez parlé, alors c'est dommageable. Vous êtes une de ses vassales, une châtelaine à qui il doit protection et assistance, tout en écoutant vos conseils. C'est la le serment qui vous lie. Et s'il est tellement préoccupé par votre sexe, qu'il se rappelle que la Duchesse de son père était une femme, et que partout en péninsule, il y a eut bien des femmes pour diriger les territoires du Royaume. Je suis peiné d'entendre cela le concernant."

Louise joue avec lui, et lui aussi est comme un gosse qui peut enfin se détendre après que ses tuteurs l'ait lâché, libéré de ses leçons. Elle est directe et franche, ce qui est rafraichissant à souhait, faisant tomber la barrière des titres, peut être parce qu'il s'agissait de Renaud. Car oui c'est un jeu dangereux auquel elle s'adonne, d'autres nobles ne seraient pas aussi facile que lui. A moins qu'elle ne soit des plus douées pour cerner les gens, mais ils ne se parlent pourtant que depuis quelques minutes

"Vous êtes redoutable, Louise, vous êtes effectivement la source de mon amusement, vous attisez tout ce que j'avais enfoui au plus profond de moi depuis mon accession au trône d'Erac. Cela fait une éternité que je n'ai rencontré quelqu'un d'aussi rafraichissante et intéressante que vous."

Entre deux pas de danse, le voila qui regarde étonnamment de droite et de gauche. Cette femme, il la convoite, irrémédiablement, elle lui insuffle du désir, mais il ne peut pas, il est marié. Toutefois, qui connait vraiment son titre ici ? quelques personnes, mais pas tant que ça, et le petit nombre qui l'accompagne a sa confiance, ce qui est des plus rarissime. Mais à quoi pense t il donc ? il est devenu fou. Son regard ne ment pas quand ses yeux d'émeraudes la fixe sans retenu

"Mais dites moi, est ce que je me trompe ou vous m'avez invité à retourner à Thaar ? serait ce en votre compagnie ?"

Partir à Thaar pour un Duc signifierait être accompagné de plusieurs personnes qu'il ne souhaitait pas, et il lui faudrait encore un bon prétexte pour. Et s'il s'enfuyait, il serait traqué, oui le mot n'est pas faible, afin de le retrouver. Et s'il y allait, parviendrait il donc à fausser compagnie à tous ces gens qui lui lécheraient les bottes, et qui le dégouttaient tant. Mais si elle lui proposait un voyage avec elle, après ce qu'elle avait dit, alors elle avait peut être elle aussi quelques pensées malsaine. A moins qu'elle ne s'amuse follement à le faire tourner en bourrique, ce qui était peut être le cas.

- Vous ne pouvez davantage être peiné que je l’ai été, Renaud. Je ne l’avais jamais rencontré, j’avais besoin de son aide et n’avais aucun moyen de le reconnaître. Il a pris l’identité d’un palefrenier et a pris bien du plaisir à me faire parler pour ensuite se gausser. Ma déconvenue a fait la joie de tout ce qui se trouvait dans la cour intérieure du palais ducal ce jour-là.

Elle se rappelle très bien ce sentiment terrible d’humiliation qui a rongé son cœur pendant des ennéades. Louise s’était présentée à cheval dans sa plus belle robe, mais c’était sans compter la pluie, qui a totalement alourdi sa tenue et ruiné sa coiffure. Elle ressemblait plus à une femme échappée des petites maisons qu’à une noble dame ce jour-là et puis ce palefrenier avait l’air si gentil, si courtois…Elle s’est confiée, sans retenue, jeune et imprudente, à ce qui était en fait le Duc en personne. Elle est rentrée à l’auberge ce jour-là la mine basse, elle n’a même pas osé regarder ses hommes, tant elle a été ridicule, selon elle. Et cela, jamais elle ne pourra l’oublier. Rendre la monnaie de sa pièce au Duc ne fera que la mettre en joie. Une revanche…

Et peut-être est-elle justement là, devant elle, cette revanche. Elle n’ignore rien du lien qui unit Renaud à ce Duc tant détesté. Il a épousé la tante d’Arnaud de Brochant. Il pourrait la blâmer de tenir de tels propos mais elle sent bien qu’il ne le fera pas. Elle est fine et observatrice, dégourdie et point niaise. Louise a vu de quelle manière il la regarde désormais. Elle a également senti, reconnu dans ses paroles cet air, cet accent qu’ont en commun tous les libertins, les gens qui se débattent dans des carcans et qui profitent de chaque petite occasion d’en sortir, ce petit air canaille dissimulé sous les sourires et les regards brillant. L’exact regard que pose sur elle le Duc en cet instant.

- Le problème de la noblesse est qu’elle enfouit tellement de choses au fond de son cœur sous le poids des traditions et des convenances…Il n’est guère surprenant dès lors qu’elle cherche à s’évader, quand l’occasion se présente.

Elle ralentit le pas, subtile femme qui semble être dirigée alors qu’en réalité tout l’inverse se produit. Elle a toute son attention, elle a réussi à le focaliser sur elle, la jeune femme sourit, menant la danse toute en discrétion, un fin sourire aux lèvres.

- Cependant…N’êtes-vous pas le seigneur et maître d’un Duché et marié de surcroît ? Pensez-vous que je me déjugerais assez pour vous ramener là-bas, moi, au pays de la voluptueuse liberté ? Que nous pourrions passer un temps délicieux à jouir de l’ensemble des plaisirs offerts, à chaque seconde ?

La jeune femme tourne sur elle-même, développant les voiles de sa robe en une subtile corolle de ténèbres sous l’éclat scintillant de ses bijoux, avant de reprendre :
   
- Je m’en voudrais de dévier un Duc de ses devoirs les plus sacrés…

Une fois encore elle s’arrête, rieuse, séduisante et effrontée :
   
- Par contre rien ne vous empêche de vous y rendre pour une quelconque raison diplomatique…Tout comme rien ne m’empêche de m’y rendre au même moment. Tout est une question de point de vue et d’interprétation, après tout. N’êtes-vous pas de mon avis ?

En entendant son histoire avec Arnaud, il est mortifié de ce qu'il a osé lui faire. Etait-ce juste un jeu auquel il s'était adonné ? l'on aurait pu le croire, mais dans ce cas il aurait du accepter l'aide qu'il est en devoir d'apporter à ses châtelains. Renaud n'aurait jamais fait ça, surtout vu tous les problèmes que peuvent générer des vassaux mécontents. Il fait tout le contraire, prenant bien soin des siens afin de les garder proche de lui. Il ne voudrait pas que l'histoire se répète, et qu'il y ait des sécessions

"Je comprends beaucoup mieux votre ressentiment à son égard, c'est impardonnable. Il me serait bien difficile, même impossible, de le défendre après ce que vous venez de dire. Dommage que Fernel ne se trouve pas à Erac, cela ne se serait pas passé de la même façon"

Il n'y avait plus aucun doute, Louise avait prit l'ascendant, que ce soit pour la danse, ou la discussion, elle menait le tout d'une main de maitre, et Renaud devait s'accrocher pour la suivre. Heureusement qu'il n'était pas novice en la matière sinon il aurait déjà perdu et il serait repartit la queue entre les jambes, tout penaud. Il l’écoutait, et il ne revenait pas de ce qu'il entendait; il est pratiquement persuadé qu'elle aussi veut se libérer des carcans de la noblesse, et qu'elle pense comme lui que la péninsule est arriérée sur certaines pratiques. L'allusion de Louise à l'évasion sonne comme une évidence, de son besoin qu'elle a aussi de se rappeler ce qu'elle avait vécu, et à le retrouver. Il n'y a plus rien autour d'eux qui attire l'attention de Renaud, il est entièrement focalisé sur Louise, ne pouvant pas la lâcher du regard, comme hypnotisé. Il se fait violence pour ne pas se noyer, et maintenir sa tête en dehors de l'eau. Et puis soudain, une douche froide. Voila qu'elle lui rappelle qu'il est marié, et avec d'énormes responsabilités sur les épaules. Elle avait donc bien amusé avec lui depuis le début, redoutable adversaire qui s'était joué de lui. Le pas de danse de Renaud devient pesant en même temps que ses épaules ressentent le poids qui s'installe. Est-ce donc une vengeance sur Arnaud en raison de son lien de famille. Il écoute toujours, moins gracieux, mais toujours affable, réfléchissant à un moyen d'en sortir avec les honneurs, moins meurtris qu'il n'y parait. Mais alors qu'il cherche, il l'entend, cette allusion au fait que s'ils ne partaient ensemble, ils pourraient se retrouver la bas au même moment. Il n'y comprend plus grand chose, elle est diabolique, et rarement il n'avait vécu ces hauts et bas. Elle le teste, il en est presque certain, mais il n'est plus sur de rien, attend elle un faux pas pour le rabaisser ? l'humilier à son tour ? ou alors veut elle qu'il se déclare, et remporter la victoire sur cette joute verbale. Le Duc se ressaisit, il lui faut répondre, et il faut le faire correctement , du coup il doit peser ses mots, et y aller franchement, tout en restant dans la douceur. C'était périlleux et peut être allait il lamentablement échouer. Mais quelque chose en lui s'était réveillé, quelque chose qu'il avait enfouit profondément depuis son mariage. Lorsqu'elle s'arrêta de danser, il en fit de même, tous les deux au milieu de la piste, mais immobiles, se regardant l'un l'autre sans prendre attention à leur entourage

"Quelle joie cela serait de vous retrouver, de manière totalement fortuite, à Thaar alors que je m'y rendrais pour trouver quelques partenariats. Il me semble que l'un de mes conseillers me disait que le début de l'hiver serait intéressant car c'est la qu'il y a le moins de choses à faire dans la gestion de ses terres."

Il avait l'impression d'être tellement pathétique à côté de la finesse de Louise. Ce qu'il venait de dire était presque hilarant. Mais il devait continuer, parce qu'il ne souhaitait pas que ça s'arrête ici, il devait faire quelque chose pour l'allusion à son mariage

"Vous savez comme moi qu'à notre niveau, les mariages sont arrangés et qu'ils ne sont pas d'amour. Et même si je respecte mon épouse, si personne ne voit, ni ne répète ce qu'il se passe, alors quel mal y a t il à ce qu'il se passe quelque chose ?"

Il ne lui restait plus qu'à jouer sa dernière carte, sans façade, ou presque

"Et donc si nous nous rencontrions la bas, sans tous ceux qui me suivent à la trace, qu'est ce que vous voudriez que nous visitions ensemble pour fêter nos retrouvailles ? Ne me donneriez vous pas un avant gout de tout cela ici même ?"

Voila qui était fait, il s'était recomposé une façade quand ils avaient arrêté de danser, et il y avait maintenant dans ses yeux un défi, cherchant à retourner à la situation, si ce n'est à son avantage, de ne pas en ressortir perdant.

Elle ne dit rien, elle le laisse parler, s’avancer, se montrer et enfin se dévoiler. Toujours droite et immobile dans ses atours sombres, la jeune femme écoute les propos du Duc, des propos qui ont l’avantage de ne plus être teintés de cette finesse qu’elle avait pourtant entretenue durant de longues minutes de conversation. Il est direct et sans détour cette fois, confirmant en quelques mots tout ce qu’elle avait supposé en l’observant, en le détaillant comme elle l’a fait depuis le début. Un art, une pratique acquise sur les routes, qui lui a été utile bien des fois.

Ainsi donc, Sa Grâce semble vouloir emprunter le chemin de la perdition, ici, à Kirgan, loin de son épouse et de son Duché, en sa compagnie à elle. Louise incline la tête, légèrement, l’observant lentement de la tête aux pieds, toujours sans dire un mot. L’amour…Elle en revient. Ce n’est, selon elle, qu’un encombrement de l’esprit, une convention sociale qu’on sert aux jeunes filles afin de mieux les dominer, les contrôler, les asservir. Elle a été amoureuse. Follement. Et quel a été le résultat ? Maintes fois elle a songé à la mort, elle a failli se détruire, avant de recevoir des coups, des coups qui lui ont remis les idées en place et le temple au milieu du bourg. L’amour…Cela ne sert à rien. Juste à la placer en un état de dépendance honteux dont elle ne veut plus entendre parler. L’amour, c’est pour les faibles et les paysans, pour ceux qui n’ont pas d’autres préoccupations, pense-t-elle. L’amour, Louise se l’interdit parce qu’elle sait à quel point cela fait souffrir.

Louise relèverait bien qu’il est en train de joyeusement confondre respect et adultère mais elle se tait, elle le laisse continuer, l’écoutant manifester avec un peu de gaucherie ce désir qu’il exprime.

Elle regarde ailleurs, tous ces gens qui sont présents et qui, à cette heure avancée de la soirée, sont déjà en train de somnoler d’ivresse sur leurs chaises ou de rouler sous les tables. Il règne là un joyeux brouhaha qui lui arrache un sourire. Ses hommes, là-bas, entourent Enguerrand qui a laissé tomber cape et veste pour un bras-de-fer avec un Nain, encouragé par Aymeric, Tristan et Philippe. Ils ne l’observent plus, ils passent une excellente soirée…Elle reporte alors son attention sur Renaud qui vient de terminer sa petite plaidoirie et qui semble être sur des charbons ardents.

Ce pouvoir-là, cette sensation de contrôle et de maîtrise absolue de la situation lui plaît tellement. Elle le fait languir, à dessein, tout en le jaugeant à nouveau. Ce n’est pas ce qu’elle avait prévu ce soir, non. Elle sait à quel point la réputation d'une femme est importante, elle s'est donc toujours astreinte à une conduite exemplaire et sans reproche avec ses pairs. Personne en Péninsule ne peut se vanter de l'avoir touchée du bout du doigt. Après, cela n'avait pas été bien difficile de s'y astreindre. Elle n'a rencontré aucun autre membre de la noblesse à part le Seigneur de Chiard, un homme digne et remarquable, et ce triste sire de Duc de Serramire. Alors, dans cette opposition d'expériences, où se situera le Duc d'Erac?

Elle plonge alors dans une superbe révérence pleine de grâce, tête baissée, avant de se relever, l’œil luisant de défi.

- Je vous remercie pour ces délicieux instants, Renaud.

La jeune femme prend un pan de sa jupe dans sa main avant de se détourner jusqu’à ce qu’elle s’arrête dans son mouvement, regardant légèrement vers l’arrière, un immense sourire aux lèvres :
   
- Libre à vous de continuer cette conversation dans mes appartements.

Un autre pas.

- Soyez aimable, apportez donc dans quelques minutes de quoi nous rafraîchir. Il fait une chaleur épouvantable dans cette salle…

Elle ne doute absolument pas de la réponse du Duc. Assez en tout cas pour lui demander, effrontément, de prendre de quoi boire sur son chemin. Et elle s’éloigne, toute en discrétion de son pas digne et lent, les mains sagement nouées sur le devant, insoupçonnable petite chatelaine au triomphe invisible.

La châtelaine avait regagné ses appartements en silence, pensive. Le petit moment de triomphe passé, elle songe à ce que lui a appris Elazar. Mener un homme par le bout du nez, c’est facile, finalement. Il suffit de leur faire miroiter les choses dont ils ont envie et ils feront tout pour l’obtenir. Un bout de chair toute douce, un mouvement des épaules, un sourire complice, un regard luisant et voilà le mâle séduit, qu’il soit paysan ou noble. C’est ce qu’il lui a appris, lors de leurs longues conversations. Et il a raison. C’est ce qu’elle se dit en ôtant sa tiare avec d’infinies précautions, assise devant un miroir de sa chambre.

La chevelure libérée de son carcan de métal roule désormais librement sur ses épaules et elle en ressent aussitôt un vif soulagement. Mine de rien ce genre de bijou est lourd à porter et elle n’est pas mécontente de l’enlever. Passant ses doigts sur les saphirs et l’argent qui ornent son cou, elle a un sourire en décidant de les conserver. Elle aime le froid reflet de ce métal et la lueur glaciale qui brille dans ces pierres. Elle tourne la tête vers la porte, qu’on vient de discrètement heurter et elle se lève, pour aller l'ouvrir.

Le Duc.

Il la regarde comme si elle était une friandise, comme le font ces petits enfants de Fernel devant l’étal du boulanger qui est en train de cuire des oublies. Il entre, elle ferme la porte et le laisse donc prendre la mesure de cette pièce immense qui est semblable à celle qu’il occupe, juste à côté, jusqu'à ce qu'il lui offre quelque chose.

- Un... fruit ?

Elle s’en saisit et l’observe, sans dire un mot. S'installe alors ce petit moment gênant où on ne sait comment prendre le chemin dont on connait pourtant la destination. Louise, même si elle a l’expérience de nombreuses heures voluptueuses à Thaar, est dans un contexte différent. Est-ce donc comme cela que procèdent les hommes en Péninsule ? Ils apportent un fruit ? Ha…

- Merci…

Elle mord dedans évidemment et est au même moment surprise par la quantité de jus qui en coule, au point qu’il roule à présent sur son menton. Le mouvement du Duc ne lui a pas échappé, loin de là, et lorsqu’il se penche vers elle, impatient, pour cueillir un baiser, la main de Louise se pose sur le torse de Renaud, l’arrêtant net dans sa progression. Louise ne dit pas un mot. Elle est tout près, elle peut sentir cette envie immense qu’il manifeste par cette impatience mais elle l’arrête d’un geste doux, avant de lever son visage vers lui.

Non, elle ne le laissera pas se servir, c’est du moins le message silencieux qui transparaît dans ce sourire narquois qu’elle lui décoche. Par contre…Elle croque une nouvelle fois dans le fruit, faisant rouler ce jus à nouveau sur ses lèvres pleines et roses, avant de le recueillir du bout de ses doigts. Avec une lenteur toute calculée, les petits doigts tâchés de jus se posent sur les lèvres de Renaud, dans une troublante délicatesse, subtile caresse qui lui permet de prendre un contact, un premier contact avec ce corps qu’elle ne connait pas.

- Je comprends pourquoi on vous l’a chaudement recommandé…

Les petits doigts glissent et continuent leur chemin, caressant sa joue, puis sa nuque pour l’attirer enfin à elle. Personne ne décide à la place de la Louve. C’est elle qui prend, qui impose son choix, et c’est exactement ce qu’elle fait en cet instant en venant elle-même récupérer le jus luisant sur les lèvres du Duc, dans un baiser à la sensualité intense, profond et calme.

Le fruit tombe au sol, roulant sous une table…Désormais totalement inutile.

Mais que veux donc Louise ? c'est ce que Renaud se demande alors qu'une fois de plus, elle le repousse d'un geste délicat, tout en levant la tête vers lui, leurs deux regards se perdants l'un dans l'autre. Il a bien comprit qu'elle veut dominer, mais il lui faudra bien accepter sa participation. C'est que le Duc, même si la passivité ne le dérange pas, est quelqu'un de très tactile. La châtelaine est joueuse, c'est certain, alors qu'elle croque une nouvelle fois dans le fruit qu'il a ramené. Il aurait bien sucé les doigts recouverts de jus s'il ne s'était pas attendu à une nouvelle réaction de la belle. Alors il la laisse le toucher, peut être parce qu'elle est finalement aussi tactile que lui, lui touchant le joue qu'il appuie d'un petit mouvement de tête sur les doigts qui continuent leur chemin vers sa nuque. Et enfin elle l'attire à lui, partageant ce premier baiser, sensuel et intense, tel une caresse entre les deux lèvres déposées l'une sur l'autre.

Tout naturellement, quand tout commence à aller au mieux, il se passe quelque chose pour jeter un froid. L'on frappe à la porte, brusque rappel à la réalité du moment. Louise va ouvrir, car c'est sa chambre tout de même, pendant que Renaud fait attention de ne pas être visible dans l’entrebâillement, car après tout, l'on ne sait jamais de qui il peut s'agir. Ce sont les nains qui apportent ce qu'il a commandé. Une fois débarrassé, après des remerciements, Renaud se met en quête de retrouver l'état d'esprit ou ils étaient juste avant d'être dérangés. Il s'approche, doucement, d'un pas glissant, puis d'un geste d'une lenteur calculé, décidé à être d'une douceur extrême, ce qui semble être ce que Louise apprécie, il approche sa main droite du visage de la châtelaine, posant son index au dessus de son sourcil, et amenant délicatement une mèche de cheveux derrière son oreille, cheveux qui sont détachés, cascadant sur ses épaules. Lui aussi en profite pour ensuite passer sa main sur la joue de la dame, la touchant aussi bien avec le bout de ses doigts que la paume, avant de continuer en descendant le long de son bras. Il passe ensuite sa main dans le dos de Louise, au niveau de sa hanche, puis, il l'attire lentement vers lui, approchant ses lèvres vers celles, désormais sucrées, de sa partenaire, y déposant un second baiser très tendre. Ensuite il penche sa tête sur la gauche, pour enfouir sa tête dans son cou et y apposer un nouveau baiser charnel avant de reculer son visage

"Vous faites de moi un homme heureux, je n'aurais jamais cru trouver tel bonheur à ce mariage"

Renaud plonge son regard dans le décolleté de Louise, puis il vient déposer ses lèvres à la commissure de sa poitrine, tandis que sa main droite, toujours sur sa hanche, la maintien proche de lui, sans forcer aucunement, et que sa gauche commence à caresser son côté, remontant doucement, très doucement.

Les victuailles et les boissons soigneusement déposées dans un coin de l’appartement, Louise ferme la porte et remercie poliment, avant d’être rejointe par Renaud. Il a un geste tendre, un geste ramenant une longue boucle luisante derrière son oreille, en silence, avant de lui donner un nouveau baiser calme, quelque chose de doux et de délicat qui la surprend un peu. Elle a toujours imaginé les nobles messieurs de Péninsule comme des êtres dépourvus de finesse et de prévenance et le voilà qui désormais dépose un baiser dans son cou, tout en murmurant des paroles à son oreille. Peut-être est-ce pour mieux endormir ses éventuelles préventions, elle n’en sait rien. En tout cas, ce n’est pas désagréable, ça change de ces contacts tumultueux auxquels elle a été habituée dans cette maison de plaisirs, à Thaar.

Il dit qu’il est heureux et elle ne comprend pas bien pourquoi. Parce qu’il peut embrasser une femme et coucher avec elle ? Parce que tout ceci est imprévu et donc potentiellement excitant ? Il dit qu’il est heureux et elle le croit bien volontiers, d’autant plus qu’il se fait plus précis dans ses caresses, tout en faisant preuve d’une délicatesse qui est déstabilisante pour elle. Rendre un homme heureux est donc tributaire d’une coucherie ? C’est aussi simple que cela ? La chatelaine pose ses petits doigts sur la chevelure du Duc, pensive, l’observant avec attention, sans pour autant ressentir cette excitation qui se saisissait d’elle là-bas. Quelque chose cloche, sans qu’elle ne parvienne à mettre le doigt dessus.

Renaud est grand, elle est petite, bien plus petite que lui, d’une tête au moins, et le voilà un genou au sol, à embrasser la naissance de ses seins, toujours avec cette douceur qui la surprend. Elle découvre, elle essaye de comprendre, elle tente de deviner, ce qui a amené ce Duc à ses pieds. Elle le trouve avenant bien sûr, c’est un très bel homme, distingué et élégant, fort et charmant. Il est marié…Peut-être est-il malheureux dans son mariage…Peut-être que la Duchesse n’a pas cette fantaisie qui est la sienne et qu’il ne l’aime pas…Peut-être…Toutes ces choses des sentiments la laissent toujours dans un état de profonde perplexité. Parce que selon elle, selon son propre vécu totalement catastrophique et biaisé, ces choses des sentiments n’ont fait que jeter le trouble en son esprit et détruire toutes ses certitudes.

Elle a aimé oui, passionnément, un homme qui l’a abandonnée en lui laissant une lettre où il l’appelait « mon amour ».

Elle a eu des sentiments contradictoires pour un autre homme, quelque chose qu’elle ne parvient pas à définir parce que totalement indéfinissable, un homme avec lequel elle a couché, dans un moment de total abandon qui a laissé un vide en son esprit et le feu en son corps, un feu incontrôlable qui n’a pu être apaisé qu’à Thaar.

Et au milieu de ce marasme sentimental, il y a cette solitude doublée de la certitude que les hommes ne font que jouer, toujours, feignant les sentiments pour obtenir de ces dames un moment privilégié, dans l’anonymat d’un refuge ou la chaleur d’une alcôve… Peut-être est-ce qui cloche…Peut-être. Or Renaud ne parle pas de sentiment, il est juste là parce qu’il a un désir. Un désir puissant qu’elle devine à la chaleur de ces baisers qu’il disperse sur sa peau blanche. Cela en fait-il un mauvais homme pour autant ? Un de ces autres qu’elle méprise et sur lesquels elle ne posera jamais le moindre doigt ?

Elle passe sa main sous son menton, l’obligeant à interrompre ses baisers pour la regarder, un bref instant. Il est beau. De cette beauté insolente qui ouvre toutes les portes et probablement tous les cœurs.

- Le bonheur tient à peu de choses apparemment…Un corps enveloppé de soies et de voiles, une peau douce et satinée, entretenue avec le plus grand soin…Des lèvres tendres…Rien que vous ne pourriez trouver au bordel le plus raffiné de votre capitale, Renaud…

Elle sourit, tout en caressant ce visage levé vers elle.

- Pardonnez mes paroles, je manque cruellement de tact. Pour ma défense…On ne m’a guère appris à en avoir, dans ces moments là, voyez-vous…Ce serait même plutôt l’inverse…

Un sourire étire ses jolies lèvres avant qu’elle ne caresse les siennes du bout de son pouce.

- La douceur et la tendresse sont des choses du cœur…Or j’en arrive à me demander si j’en possède un…

Sa main glisse vers le col de son habit, ses doigts défaisant un premier nœud, puis un second, ce qui lui laisse tout le loisir de caresser cet endroit qu’elle aime tant, la jonction du cou et d’une épaule, ce creux doux sur lequel elle aime poser ses lèvres. Souplement, soulevant en ce geste un torrent de voiles et de parfum poudré, elle se met à la hauteur de son partenaire, enlaçant sa taille robuste de ses deux bras légers. Est-ce pareil ? Est-ce difficile ? Est-ce mal ? Elle s’en fiche. Parce que finalement, elle est un peu comme lui, asservie par des désirs puissants qu’elle ne peut assouvir librement, sauf là, maintenant, alors qu’elle a sa tête plongée dans son cou, dispersant des baisers à cet endroit qu’elle aime avant de venir mordiller le lobe de son oreille, dans un sourire, les yeux mi-clos.

- Un avant-goût de Thaar, c’est bien ce que vous vouliez non ? Alors pourquoi vous encombrer de ces choses qu’on ne destine qu’à une épouse qu’on aime, à ce qu’on dit ? La tendresse et la douceur, tout cela…Tout cela ne sera jamais pour moi. Jamais.

Les petites mains glissent le long de son torse pour atteindre ses braies, et soulevant le tissu, glissant sous la chemise pour atteindre la peau, qu’elle caresse du bout des ongles, pour lui arracher des frissons.

- Alors Renaud, dit-elle dans un murmure, ses lèvres effleurant les siennes, vous êtes le premier homme de Péninsule que je touche de cette façon…Cela vous plaît-il ou préférez-vous…

Un geste plus appuyé sur son torse et voilà une jolie griffure juste sous le cœur, ce qui l’amuse énormément.

- …plus de libertés ?

Ce baiser qu’elle lui donne alors…Conquérant. Intense. D’une sensualité rare, dans une danse des souffles qu’elle accentue d’un geste impérieux de ses bras, l’attirant contre elle pour entendre, sentir ce cœur puissant pulser contre elle à ce rythme frénétique qu’elle connait bien.

Louise réagit, levant son bras pour poser sa main sur ses cheveux, ce qui amène Renaud à ralentir, sachant qu'elle est prompte à le repousser, et qu'elle veut dominer. Il attend, ses lèvres sur la commissure de sa poitrine, espérant qu'elle ne va pas une fois de plus faire deux pas en arrière après en avoir fait un en avant. Heureusement non, un duel muet s'est installé entre les deux compagnons du soir, pour se chercher, trouver ce qu'il était possible ou pas de faire. Il faut explorer, et ce n'est que le commencement d'un moment que Renaud espère le plus long possible. C'est qu'il adore les préliminaires, quand l'on parcours le corps de l'autre de ses mains, sa bouche, sa langue, suivant les courbes et profitant le plus possible de ce contact. Il la laisse faire quand sa main vint lui soulever la tête pour le relever, il plonge alors son regard vert émeraude dans celui, noisette, de Louise, un sourire enjôleur sur les lèvres, attendant de savoir ce qu'elle va faire maintenant. Il l'écoute aussi quand elle parle, se demandant pourquoi elle semble se poser tant de questions ? et pourquoi comparer ce moment à ce qu'il pourrait y avoir avec une prostituée. Voulait elle gâcher ce moment particulier qu'ils partageaient ? Il ne lui coupe pas la parole, il est dans l'attente, profitant des caresses qu'elle lui prodigue. Il ne l’interrompt pas, c'est elle qui dirige, du moins pour l'instant. La sensation de sa peau douce contre la sienne le submerge, tout comme son odeur enivrante.

Elle lui parle de tendresse, de douceur, qui semble avoir été étranger à sa découverte de l'acte, quelle tristesse. Il est affligé d'entendre cela. Puis soudain elle le griffe, ce qui lui arrache un petit cri, non de bonheur, mais de surprise. Est ce à ça qu'elle pense ? ou croit elle que c'est ce que lui aime ? Elle l'embrasse goulument, avec bravade, tout en l'attirant contre elle. L'amour vache, limite violent ne le dérange pas forcément, quand l'étreinte est plus que passionnée, mais une petite voix lui dit qu'il doit agir, et apprendre une nouvelle facette à la châtelaine, surtout après ce qu'il a entendu. Doucement, Renaud lui attrape les bras qui se sont glissés sous sa tunique, et il ressort celui qui l'a griffé

"Le bonheur tient en peux de choses, vous avez raison, mais je ne vous rejoins pas sur tout votre raisonnement, Louise. Vous me parlez des prostituées d'Erac. Pensez vous donc que mon envie soit de payer quelqu'un pour assouvir mon envie ? Non aucunement, lorsque je vous ai invité à danser, je n'avais pas l'intention de finir ici dans vos appartements. Il s'est juste passé quelque chose entre nous, quelque chose qui a rendu cet instant unique, et qui nous a amené jusque la. Cet instant, il est à nous, il est unique, pas parce que moi je l'ai décidé, et que j'ai payé, mais parce que nous l'avons souhaité tous les deux, et que nos ardeurs se sont entremêlées, répondant l'une à l'autre. C'est ainsi que je vois les choses."

Il lui laisse un bref instant pour assimiler ce qu'il dit, mais pas suffisamment pour répondre, car il n'a pas terminé. Il a joint le geste à la parole en amenant la vilaine main à ses lèvres pour y déposer un doux baiser

"Nous avons parlé de nous retrouver à Thaar, mais pas pour jouir de ce que la cité offre, juste pour la liberté qu'elle laisse. Ce que je voulais c'était un avant-gout de vous, pas des maisons closes de Thaar."

Il pose la main de sa partenaire sur sa joue, la sienne dessus pour la guider. Il lâche la seconde et il fait exactement la même chose avec son autre main, la déposant délicatement sur la joue de Louise, la caressant juste de son pouce

"La douceur n'est pas faite pour vous ? je ne vois pas pourquoi. Chaque être à droit à la tendresse, il suffit de trouver le bon partenaire. Si vous ne me croyez pas, laissez moi faire je vous prie, j'essaierais de vous ouvrir un nouveau monde."

Il libère les deux mains de sa partenaire, prenant la tête de Louise dans les siennes, puis il vient poser ses lèvres sur celles de sa partenaire, avec une lenteur et une douceur à damner. Puis sa main droite lui caresse les cheveux avant de venir à la jonction de son cou et de son épaule, allant très doucement jusqu'à toucher le tissu de sa robe qu'il repousse jusqu'à ce que l'épaule soit nue, le laissant tomber, retenu par l'autre côté. Il fait de même alors de sa main gauche, et lorsque la seconde épaule est dénudée, la robe descend alors, tombant jusqu'au sol, laissant le corps de la belle exposé. Ses deux mains sur les épaules de Louise, il la recule pour la déguster du regard

"Vous êtes vraiment magnifique Louise, il n'y a pas d'autres mots"

Partant de ses cheveux, il ne loupe pas un seul détail, ses yeux, son nez, son cou, pour descendre sur son corps, s'attardant sur sa poitrine, son intimité, et ainsi de suite jusqu’à ses pieds. Il ne manque pas de voir dans le creux de son bras gauche comme une cicatrice, mais qui a une forme de dragon avec des griffes tendues vers son cœur. Il s'est bien entendu arrêté dessus aussi, se demandant de quoi il s'agissait. Il ne manquera pas de lui demander la signification, mais plus tard, il ne faudrait pas qu'il casse le moment présent avec un mauvais souvenir.

Les propos du Duc la laissent un peu perplexe. Interrompue dans ses gestes, elle le regarde sans comprendre ce qu’il dit. Une réelle interrogation s’affiche sur ce charmant visage, une inquiétude aussi, parce qu’il parle de tendresse, qu’il agit soudain avec cette douceur qu’il décrit et qu’il proclame sienne, sans la moindre hésitation. Or la tendresse vient du cœur et le cœur de Louise, lui, est toujours maintenu par ces petits monstres aux doigts crochus qui retiennent les morceaux. Un autre a écrasé cette tendresse qu’elle aurait pu offrir au monde, il l’a rejetée par un abandon qui a brisé ce cœur jeune et autrefois plein d’espoirs. Ces petits monstres, appelés Indifférence, Orgueil et Rancune, s’agrippent à ce palpitant qui refuse de souffrir davantage, sous l’égide attentive d’un Dragon aux griffes acérées.

Alors lorsqu’il agit envers elle avec cette douceur tout à fait inhabituelle, Louise est perdue, presqu’effrayée même. La douceur, les câlins, ces choses dont elle était si friande, si demandeuse il n’y a pourtant pas si longtemps, tout cela l’effraye parce qu’elle les perçoit comme un moyen de lui faire du mal. Parce que les faits sont là…A chaque fois qu’un homme a été tendre avec elle, ça a été un échec retentissant, une déception immense et, in fine, une mise à sac de tous ces beaux sentiments qu’elle aurait pu donner à qui aurait su s’en saisir. Or, cela n’a jamais été le cas. Ses émotions ont été sous-estimées, ses sentiments jetés aux quatre vents, elle ne veut plus souffrir. Elle ne veut plus. Alors lorsqu’il dépose sur ses lèvres ce baiser d’une douceur exquise, il sentira Louise trembler. C’est tellement plus facile de répondre à un instinct totalement brutal et direct…Pourquoi y ajouter une tendresse qu’elle ne pourra pas retrouver avant longtemps ? Ce serait comme lui donner l’illusion que tout ceci est le prélude à quelque chose de plus grand alors qu’elle sait très bien que cela ne sera jamais le cas.

Alors quoi ?
C’est juste pour la beauté de la chose ?
Peut-être qu’il est comme ça, ce grand homme-là, un adepte de la douceur ?
Quand il rompt le baiser, Louise a un regard pour lui, un regard perdu.

- C’est cruel d'entrevoir un monde pareil quand je sais que je ne pourrai sans doute jamais l’atteindre à nouveau…

Parce que c’est une réalité. Ses activités de femme libre doivent rester secrètes, pour que sa réputation soit sans tâche. Cela signifie que les opportunités sont rares. Le seul moyen d’avoir ce qu’elle cherche, d’assouvir sa passion pour les choses de l’amour physique tout en conservant sa réputation est le mariage. Or, les mariages arrangés sont la norme et si Louise y a échappé jusqu’ici, elle sait qu’elle y passera à long terme, ne serait-ce que pour transmettre Fernel à un héritier. Elle devra sans doute épouser un noble de la région et s’en accommoder, sans espérer recevoir une quelconque affection. Tout simplement parce que cela n’entre pas en ligne de compte. Jamais. Et c’est bien ce qui l’attriste le plus, dans toute sa condition de noble. Alors pourquoi lui montrer cela, quand elle sait que ce genre de choses peut ne plus se reproduire avant de longues, très longues ennéades, voire même jamais?

- Ne jouez pas avec mon cœur…

Six petits mots prononcés d’une voix douce mais sûre. Une manière de lui dire de ne pas lui faire miroiter des choses inaccessibles. Une fois ces paroles prononcées, elle semble se détendre, profitant enfin de cette tendresse gratuite qu’il donne sans compter. Et c’est vrai que c’est délicieux. Délicat. Sensuel…Au contact de ses mains sur ses épaules, elle ne bouge plus, elle le laisse agir, ne le quittant pas des yeux alors que le tissu tombe dans un doux bruissement étouffé pour révéler la jeune femme dans son plus simple appareil. Elle est belle, élancée et fine, à la peau douce et satinée, excepté à cet endroit qu’il regarde à présent, ce dragon imprimé dans sa chair. Les cicatrices sont désormais blanchies, signe d’une parfaite guérison. Les griffes tendues vers le cœur de la châtelaine, il est un rappel pour elle de ne laisser personne s’approprier ce qui lui appartient.

Elle aurait du rougir mais en fait non. Elle se contente de passer ses doigts sur le fermoir de ce magnifique collier de saphir et d’argent qui l’orne encore pour s’en défaire et le laisser tomber sur la robe au sol avant de s’approcher et de tendre les doigts vers sa chemise, sans dire un mot. Il a été doux alors elle le sera aussi. Un à un les liens se défont sous ses doigts, sans qu’aucune gêne ne se manifeste sur son visage. Elle prend son temps, jetant parfois un regard espiègle sur Renaud, la bouche tordue en un sourire mutin. Le vêtement finit par se défaire totalement, lui laissant le libre accès à son torse sur lequel elle pose ses deux mains, observant la peau, les muscles, caressant l’épiderme de ses deux petites étoiles blanches tout autant que cette petite griffure au niveau de son coeur. D’un geste, elle fait à son tour tomber le vêtement pour l’observer, la tête penchée. Rien ne lui échappe et ce qu’elle voit lui plaît puisqu’elle approche encore, s’essayant à son tour à la délicatesse.

Avec d’infinies précautions, la jeune femme enlace Renaud, plaquant son corps chaud contre le sien avant de venir déposer un baiser exquis, une vraie merveille de douceur, une main perdue dans sa chevelure. Elle rompra le baiser pour murmurer à son oreille, vaincue :
   
- Alors montrez-moi, Renaud…Montrez-moi la douceur et la tendresse.

Les deux mains de Louise glissent vers les braies, un premier nœud est défait tandis qu’un autre baiser effleure ses lèvres. Elle prend son temps, tout son temps, essayant de profiter de cette chance de ressentir autre chose qu’un assouvissement charnel totalement primaire. Et en tant que curieuse patentée, l’expérience ne peut que lui plaire après tout…

Il semble que Renaud la perturbe, voir l'effraie. Il le voit dans son regard mais aussi dans un tremblement lorsqu'il l'embrasse. Son attitude des plus désinvoltes, ses défis, son manière de parler, et sa référence à son voyage à Thaar à fait penser à Renaud qu'elle avait tout essayer en matière de luxure. Pourtant il semblerait que toutes ses expériences ne soient que brutalités et sauvageries. Cela fait de la peine au Duc, qui se dit qu'il doit redoubler d'efforts pour lui faire découvrir cet univers rempli de contradictions, cette tendresse qui mène à la passion mais sans sévice. Il n'est bien entendu pas contre des griffes s'enfonçant dans son corps au moment de l'orgasme, mais se faire lacérer la peau juste parce qu'on ne connait rien d'autre, et purement gratuitement, non ce n'est pas ce qu'il préfère, loin de la. A moins que la dame ne soit sadique, mais même si Renaud peut accepter cela, il atteint vite ses limites de tolérance dans ce monde la. En écoutant Louise, il apparait clairement qu'elle a peur, allant jusqu'à parler de cruauté, mais aussi de son coeur. La c'est Renaud qui s'interroge. A aucun moment, il ne lui a fait la moindre promesse. Il prend son voix la plus suave

"Je ne suis pas le seul à apprécier ce monde Louise, il vous suffit de trouver les bonnes personnes. Et si vous n'y arrivez pas, vous saurez sans nul doute me trouver."

Lui faisait il une proposition pour qu'elle devienne sa maitresse ? il devait bien avouer qu'il ne le savait pas lui même, les mots étant venus tout seul. Surtout si elle ne parvenait pas à apprécier cet univers qui était le sien, alors leur relation serait des plus éphémères. Bon Renaud savait aussi se montrer plus "sauvage", empressé, et un brin plus "agressif" dans l'acte, mais jamais à en arriver à de la violence.

"Je ne joue aucunement avec votre cœur, laissez le donc la où il est. Lâchez prise Louise, abandonnez vous à l'instant présent. Ne pensez pas au passé, ni à l'avenir, juste vous et moi, ici, dans cette chambre, et le plaisir que nous désirons prodiguer et recevoir."

Elle laisse tomber son collier, laissant Renaud la voir dans toute sa nudité, profitant du spectacle qu'elle offre à ses yeux qui la parcourent encore et encore. Elle semble reprendre contenance, retrouver la confiance qu'elle affichait lors de leur danse. Elle s'occupe de sa chemise et il la laisse faire, ne voulant pas la repousser dans ses retranchements alors qu'elle fait des efforts pour surpasser ses aprioris. Il la laisse le contempler après lui avoir retirer son vêtement. Elle l'enlace, les deux corps se touchant. Il profite de ce moment divin, quand la poitrine de Louise touche son torse, la douceur et la chaleur l'emportent dans la bulle qu'il affectionne tant quand il passe à l'acte. Renaud ferme les yeux, profitant du contact. Enfin elle lui demande de lui faire découvrir la douceur et la tendresse, finalement c'est lui qui a remporté leur duel.

Il est heureux, comme il l'a dit, passer un tel moment avec une jolie femme fait partie des moments ou il est heureux, c'est ainsi. De sa main, il finit de dégager son pantalon qu'il laisse tomber au sol, étant à son tour complètement nu. Ses deux mains dans le dos de Louise lors de leur étreinte, il les descend vers ses fesses qu'il attrape, puis il la soulève du sol, la portant, les deux jambes de la belle de chaque côté de ses hanches. Volontairement, il la tient un peu bas, leurs deux sexes se frôlant à chaque pas alors qu'il l’emmène vers la chambre. Il la pose avec délicatesse sur le lit, se mettant au dessus d'elle, une jambe de chaque côté. Enfin il pose sa main droite sur sa joue, descendant, la frôlant avec le côté de la main, suivant la courbe de sa joue, puis de son cou. elle continue son chemin jusqu'au sein gauche de Louise, passant sur le côté, puis en dessous avant de revenir au dessus. Du bout des doigts, il effleure le mamelon, et ce faisant il plonge sa tête dans le cou de Luise qu'il embrasse tendrement. La douceur de Louise est enivrante, et il se retient de ne pas se précipiter. Il doit être patient, d'autant que les préliminaires, il adore.

Ainsi, il n’y a que l’union de deux corps qui brûlent et qui se désirent. Louise est face à une réelle nouveauté dans le sens où le Duc semble se montrer…prévenant. Affectueux. Doux et gentil. La nouveauté est là. Dans ce refuge, c’était d’une tristesse infinie. A Thaar, il était payé pour faire son boulot. Ici…C’est différent. Il la désire pour rien. Juste comme ça. Il s’agit d’une petite pierre de plus à ajouter sur le petit édifice d’expériences que construit Louise depuis plusieurs mois. Il la désire et pourtant il est tendre, sans une once de brutalité dans ses gestes, la gardant contre lui comme si elle était précieuse.  Il ne peut le voir mais Louise a les yeux grands ouverts de stupéfaction, un regard noisette perdu sur rien, tandis qu’elle se laisse envahir par cette chaleur d’homme, réconfortante.

Et immanquablement une seule et unique question se pose en son esprit, une question qu’elle ne pourra jamais poser à quiconque et à laquelle il n’y aura probablement jamais de réponse.

Aurait-il été ainsi, Lui ? Aurait-il été doux et gentil comme cela ? A prendre soin d’elle, à l’écouter, à la garder contre lui comme Renaud est en train de le faire en cet instant? Elle se rappelle ce soir-là où elle s’est endormie en son giron, la tête posée sur ses genoux, tandis qu’il jouait de la musique…Elle s’en rappelle comme si c’était hier, avec la netteté d’un souvenir chéri entre tous. Un des rares moments où ils ont été ensemble loin des regards du monde. Il ne s’était rien passé de plus et pourtant ce souvenir là lui revient avec la force d’une gifle en plein visage. Elle n’avait jamais osé l’embrasser. Jamais. Et pourtant elle en avait eu envie de si nombreuses fois…Toujours elle avait réfréné cette envie sous un sourire, parce qu’il était endeuillé. Parce que le souvenir d’Eloïse était vivace en son cœur et en son esprit. Parce qu’elle avait décidé de respecter cela.

C’était difficile, psychologiquement, de tenir la comparaison avec une défunte aimée, la mère d’un fils unique tout autant aimé et choyé, qu'elle côtoyait tous les jours. C’était difficile de contenir tout cela pour soi, de ne rien dire, de ne rien faire, alors qu’un feu immense vous brûle de l’intérieur…Alors elle a cédé, dans ce refuge. Parce qu’elle en avait besoin. Et parce qu’elle en avait envie. Il est parti cette nuit-là…Elle y a vu un châtiment pour sa conduite, un abandon terrible qui a brisé son cœur en petits morceaux. Quelle horreur d’être si ignorante de ces choses, quand on y est confronté pour la première fois sans que personne n’ait pris le soin de vous expliquer quoi que ce soit…

Ce feu est toujours là mais il n’a plus rien de bon ou de tendre, il ne s’agit plus que d’un feu destructeur, qui ne demande qu’à être un peu apaisé. Celui qui aurait pu y parvenir ne reviendra plus, elle le sait. Alors elle profite de l’instant, fermant enfin les yeux pour profiter de ces gestes là prodigués par un inconnu qui la désire pour son corps. C’est mieux que rien du tout, en fin de compte.

Elle ne dit plus rien, elle se laisse emporter par le Duc, ses deux mains posées sur ses épaules, ne le quittant pas des yeux une seconde, pas même lorsqu’il la déposera sur son lit. Elle a l’air toute petite, minuscule et fragile comme cela, une poupée de porcelaine aux longues boucles de soie noisette et aux grands yeux pleins de questions qui l’observent, en se demandant ce qu’il compte faire ensuite. A Thaar, il n’y aurait eu aucun geste de ce genre, cet homme au corps bâti pour toutes les étreintes ne lui aurait pas laissé le temps de songer à quoi que ce soit, il l’aurait prise, elle aurait même provoqué cette union brutale qu’elle aime parce qu’elle ne connait que cela. Pas ici…

Il a une approche différente. Douce. Une douceur qui la bouleverse parce que totalement inhabituelle. Lorsque ses doigts effleurent cette cicatrice aux griffes acérées, elle a de nouveau ce léger tremblement de panique qui se saisit d’elle. Toujours, elle aura peur qu’on se joue d’elle. Toujours, elle aura la crainte d’être abandonnée. Alors en ce cœur là, constamment veillé par ce dragon gravé dans sa chair, les sentiments ne peuvent plus exister, elle s’y refuse. C’est plus facile, plus commode aussi, de n’être qu’un corps à épuiser. Le cœur de Louise est bien trop fragile encore pour qu’elle consente à y laisser fleurir des sentiments envers qui que ce soit.

Un corps à épuiser, voilà ce qu’elle est. Un corps qui s’épuise chaque soir, arme à la main, face à un maître d’armes péninsulaire ou un assassin estreventin. C’est la seule opportunité dont elle dispose, à Fernel. La seule. Alors…Oui, ici, à Kirgan, elle profite de ce moment, elle observe, elle écoute, elle répond aussi, apportant enfin une vraie caresse à Renaud. La première de ce genre. Lorsqu’il dépose un baiser dans son cou, elle ose passer ses petits doigts sur le dos du Duc, avant de venir les perdre dans sa chevelure. Elle le garde contre elle, longtemps, les yeux clos, respirant son odeur, appréciant sous ses doigts tiède la douceur de sa peau. Et enfin, un sourire, après un énième baiser sur sa gorge.

-…

D’un geste délicat, elle lui demande de la regarder, posant sa main sur son visage à peine éclairé par cette chatoyante lumière dorée dispersée par le grand candélabre de métal disposé là-bas. Elle le trouve beau, sous cette lumière qui sublime tous les teints. Et sa main glisse sur sa gorge, sur son torse, sensuelle, avant de revenir à sa nuque. Elle vrille un regard brillant sur celui de Renaud.

- Viens…

Juste un mot, un seul, soufflé du bout des lèvres tandis qu’elle l’attire, sans aucune brutalité, pour un baiser. Un simple baiser, petite caresse presque timide, qui peu à peu se teinte de passion, le souffle court. Le feu qui couvait est en train de brûler entre ses reins, désormais. Timide il y a à peine quelques instants, le voilà qui se répand enfin, se propageant partout, jusqu’à ce baiser qu’elle lui donne. Aucune brutalité, juste…un désir, intense et puissant, qui ne demande qu’à être assouvi.

- Montre moi…

Deux mots soufflés à son oreille, tandis qu’une de ses jambes frôle la hanche du Duc, féline, réduisant par ce simple mouvement l’espace entre leurs deux corps. Nulle autre musique que celle des cœurs qui battent à une vitesse folle. Nulle autre musique que celle des souffles qui se mêlent en d’ardents baisers et du bruit du tissu qui se froisse légèrement sous les mouvements d’un couple éphémère qui se découvre.

Plusieurs baisers suivent, laissant à Louise le temps de savourer cet instant unique qui s'est créé entre eux deux. Il sait qu'il doit être patient, ne rien précipiter, et montrer à sa partenaire ce qu'est la tendresse, et l'extase que le contact peut amener, la douceur d'une caresse, un frôlement qui vous fait frémir de désir. Louise à repris contenance même si son partenaire se doute qu'elle se questionne, surtout après ce qu'elle lui a offert comme réactions. Elle pose sa main sur son visage, l'amenant à la regarder, ce qu'il fait sans hésitation, le regard empli d'une affection des plus étonnantes pour quelqu'un qui ne sera le partenaire que d'un soir

"Vous êtes si belle, votre corps est un régal pour les yeux. Je n'aurais voulu manquer cela pour rien au monde."

Il la laisse le parcourir de sa main, profitant pleinement du plaisir que lui procure Louise qui a laissé de côté ses habitudes brutales Elle semble accepter enfin cette communion de leur deux corps malgré le feu qui semble toujours bruler en elle. Ce simple mot unique qu'elle lui dit en dit long sur son envie de ne pas perdre la main, malgré cette expérience nouvelle pour elle. Il se laisse attirer, son corps recouvrant celui de la châtelaine, s'abandonnant au baiser qu'elle dépose sur ses lèvres. Une fois de plus, elle lui demande de lui montrer, elle le tutoie pour la première fois de la soirée, elle a fait beaucoup de chemin en si peu de temps, et Renaud se doit d'être à la hauteur, de ne pas gâcher ce moment, et la renfermer sur elle même

"Je compte bien te montrer ce monde de douceur Louise, et j'espère que tu profiteras le plus possible de cet instant inoubliable qui devrait se créer entre nous deux"

Lui aussi la tutoie, parce qu'il n'y a plus de titre ou de noble dans cette étreinte, juste deux personnes qui s'adonnent à un moment de plaisir. Il lui a murmuré ces mots à l'oreille, une promesse d'un amant, une de celle qu'il faut tenir, et ne pas penser qu'on est si bon que l'on n'en oublie le plaisir de sa partenaire. Bien au contraire, c'est à elle qu'il pense, et à tous les efforts qu'il doit mettre en œuvre pour la satisfaire. Une des choses qu'il avait apprit à Thaar, c'était d'offrir du plaisir à sa partenaire et pas seulement de prendre le sien, une idée pas très répandue en péninsule.

La main droite de Renaud commence à caresser la jambe qui le retient tout contre Louise, partant de la hanche, puis remontant sur sa cuisse, puis son mollet, avant de remonter. Ce faisant, il continue de lui déposer des baisers, sur ses lèvres, ou encore dans son cou. Il redescend sa main, et délicatement, il repousse la jambe pour entrouvrir un passage jusqu'à son jardin interdit. Une fois arrivé dans son entrejambe, ses doigts se mettent à la recherche du fameux point qui excite tant les femmes et dont il aurait ignoré l'existence sans son séjour estreventin. Ah, qu'est ce qu'il avait apprit comme chose la-bas, de quoi faire fondre toutes les femmes, du moins après avoir réussit à les amener à l'acte. En même temps qu'il titille cet endroit secret et inconnu de nombres d'hommes, ses baisers descendent doucement des lèvres au cou, puis au sein droit de la belle dont la langue vient jouer autour du mamelon de Louise avant de l'engloutir dans sa bouche.

Il la tutoie à son tour. Louise a un sourire en entendant ses paroles murmurées à son oreille, une promesse de douceur que semblent corroborer tous ces gestes. Alors elle ne dit plus rien, elle le laisse totalement libre de faire ce que bon lui semble pour lui prouver ses dires. Quand c’est possible, elle capte le regard de son amant, sans aucune parole pour accompagner ces œillades, mais ses yeux en disent long.

Le noisette de ses grands yeux se teintent d’incompréhension en ressentant cette caresse sur sa cuisse jusqu’à son mollet puis se voilent d’une légère inquiétude en devinant sans peine où cette main allait s’arrêter. Que compte-t-il faire au juste ? Vérifier que tout est à sa place ? Le contact est doux et pourtant, il la fait frémir puis soupirer d’aise, les yeux mi-clos, un sourire béat flottant quelque peu sur ses lèvres roses.

C’est…différent. Plus directif et pourtant tendre et plein de précautions, comme si elle allait se casser en deux sous sa main. L’effet de cette caresse inédite ne tarde pas à faire son effet sous les doigts du Duc, alors qu’une moiteur annonciatrice d’une détente absolue et d’un plaisir certain y lui déjà. S’il avait encore un doute sur son désir à elle…C’est une sensation étrange, de recevoir une pareille caresse, c’est différent du refuge, c’est différent de l’alcôve thaarie, c’est une caresse nouvelle, délicate et attentionnée qui lui fait mordre sa lèvre d’impatience.

Lorsqu’il dépose des dizaines de baisers patients sur sa peau, pour en arriver à son sein, elle rouvre les yeux, surprise par l’effet que cela procure, un spasme incontrôlable qui se retrouve augmenté par la présence de ces doigts sur elle. Un soupir s’échappe de ses lèvres, elle est totalement détendue et elle le vit plutôt bien. En tout cas…cela change de ces morsures qu’on lui a infligée là-bas, c’est sûr.

Il lui est impossible de faire preuve de la moindre brutalité, soudain. Elle n’en a pas envie. Tout ce qu’elle souhaite c’est qu’il continue et qu’il la couvre de baisers, juste pour savoir ce que ça fait. Elle a l’impression d’être unique, là, sous ce grand corps qu’elle ne connaissait pas il y a à peine vingt-quatre heures. D’être unique et précieuse, une sensation nouvelle, elle aussi, qui lui plaît énormément, même si elle sait que tout ceci s’arrêtera aussitôt qu’il aura rendu les armes. Qu’importe, le moment présent est délicieux et, un mouvement plus doux que les autres la fait gémir cette fois, assez pour qu’elle ouvre les yeux et qu’elle le regarde parsemer des baisers sur elle.

Comment a-t-elle pu vivre jusqu’ici sans connaître cela…

Dans son regard, des centaines d’étoiles luisent. Elle en redemande en silence, sa main venant se perdre avec une douceur tranquille sur le beau visage du Duc. On lui a appris à prendre sans compromis, à ne pas se poser de questions. Ici, c’est différent. Pour une fois, elle laisse la main à quelqu’un et il pourra voir qu’elle apprécie l’expérience même si elle est totalement inhabituelle. Au loin, on entend la fête qui bat son plein dans la salle du trône, une fête dont les échos ne parviennent ici qu’étouffés, bien moins intenses que le bruit léger de ce souffle qui s’accélère, au rythme d’un cœur qui bat si fort…

- C’est à Thaar que tu as appris cela ?

Elle parle dans un souffle, d’une voix douce et tremblante d’émotion.

- Parce que….C’est délicieux…

Elle se mord la lèvre, dans un sourire mutin totalement adorable, avant d’ajouter :

- Est-ce cela, la tendresse alors ?

Il est bon de voir la belle se laisser faire, preuve qu'il est parvenu à prendre les rennes sur ce coup. Comme quoi, même les personnes les plus directrice peuvent aussi se laisser aller quand on leur prouve qu'on peut leur apporter quelque chose. A chaque fois que leurs regards se croisent, Renaud peut y lire bien des choses qui le satisfont. De son côté, Louise percevra dans les yeux de son partenaire une douceur infini avec un scintillement tout au fond, preuve de la passion qui le dévore. Il fait des efforts pour satisfaire pleinement son amante du soir avant de penser à ses propres pulsions, chose qui le tient particulièrement à cœur. Il pourra savourer à son tour son plaisir lorsqu'elle sera comblée, même si ce qu'il fait en ce moment est loin d'être déplaisant, et qu'il en retire déjà une jouissance particulière. Il distingue l'incompréhension de Louise quand il la caresse, avant de ressentir les frémissements de la belle sous sa main. Le sourire et ses soupirs l'amène à penser que ce qu'il lui fait ne lui déplait pas, et qu'il est dans la bonne direction.

Il délaisse sa poitrine de sa bouche quand elle pose sa main sur son visage et il la regarde, intensément, et plein de tendresse même s'il ne la connaissait pas avant ce jour, cela ne l'empêche pas d'être attentif et attentionné, comme tout homme le devrait dans ses ébats, du moins quand ce n'était pas la passion farouche qui l'emportait.  Il adore la voir se mordre la lèvre alors que ses doigts continuent leur office.

"C'est en effet à Thaar que j'ai appris cela, tu te doute qu'en péninsule, ces pratiques sont rarissimes. Il serait intéressant d'intégrer un séjour dans cette cité pour les jeunes avant leur mariage, ils apprendraient bien des choses utiles, ne le pense tu pas ?"

Il était évident que la pauvre n'avait pas vécu ce genre de plaisir lors de son propre voyage la bas, comme quoi le destin pouvait être ironique. Péninsulaire venu sur les terres naines pour apprendre des choses d'une autre péninsulaire avec des coutumes thaaries, c'était hilarant. Encore plus lorsqu'on connaissait le côté prude de la noblesse péninsulaire.

"Oui c'est cela, et il y a meilleur que moi. Est ce que cela te plait, ou préfère tu ce que tu as appris la bas toi même ?"

Il espérait bien entendre que ce qu'il lui faisait était meilleur, mais il ne la connaissait pas, peut être qu'elle était plus friande de choses plus violente. Il redouble d'ardeur avec son majeur et son index, emprisonnant ce petit bouton de son intimité avant de le caresser, récoltant au passage les preuves du bon plaisir de la dame sur ses doigts, lubrifiant le tout. Lui même laissait apparaitre bien des preuves de son excitation sur son anatomie.