Le palais maritime

Pour offrir à chacun l'idée la plus juste possible de ce fameux palais maritime, qui était située sur les bords de l’Oliya, et qui passait pour la plus étonnante merveille du port de Thaar par son immense étendue, son, luxe, ses richesses et la beauté de ses jardins édifices, nous avons consulté tous les auteurs qui ont parlé de sa magnificence et tous ceux qui virent cette architecture célèbre s’élever, insensiblement sans la reine des cités marchandes de Miradelphia.

Ce vaisseau de briques, pierres et végétaux, visible aux yeux de tous à Thaar, ne cessa de s'envelopper du nuage obscur tant son constructeur et occupant était aussi connu qu’inconnu à Thaar. Nous avons aussi mis à contribution les témoignages que plusieurs architectes distingués nous ont donné de la disposition de ses allées, delà position de ses principaux jardins, de sa figure géométrique et de l'étendue de ses intérieurs. Nous avons recueilli ce que les visiteurs les plus dignes de foi nous ont dit de ses aménagements, et surtout la précieuse table de bronze conservée à l’entrée de la guilde des maçons de Thaar, cadeau du commanditaire reconnaissant, représente le modèle le plus détaillé et le plus authentique de plan de cette vastes consrtructions. A l’exception naturelle des plans détaillés que le propriétaire des lieux doit avoir gardé en lieu sûr.

Aidés de ces lumières, et de ces témoignages, nous nous sommes approchés de la vérité autant qu'il a été en notre pouvoir.

Le palais maritime est né de la vision et de la fortune de Faeron Savarius, héritier de la famille de constructeurs navals Savarius par sa mère. Son père est un elfe connu dans Thaar comme l’un des plus redoutables marchands de bois de l’Olienne. Certains murmurent que c’est la fortune de ce dernier, combiné au nom de son épouse et à l’intelligence collective du couple, qui fut à la source de la fortune dont Faeron Savarius a su jouir puis démultiplier. Le père de ce dernier devait se suicider à la mort naturelle de son épouse.

Nul doute que Faeron, servant les ambitions de sa famille pour les plus hautes sphères de la ville, décida de construire en vue et au su de tous un palais dont l’on conviendrait qu’il était osé et admirable autant que fou et inutile. L’homme est plus connue pour sa modestie en parole qu’en action.

Qu'on ne pense pas retrouver ainsi dans le palais et les jardins du Savarius les élégantes proportions de l'architecture des autres palais de la ville. Dans ce premier siècle après le Voile, l’homme a décidé de marquer son ascension en assumant de montrer que certains peuvent être de grands et robustes enfants de la nature. Certains s’amusent à penser, et je suis de ces derniers, que l’esprit de l’homme est celui d’un génie mâle, élevé dans la culture d’être le meilleur en tout, et dont les pensées se croient sublimes... La conception même du palais se veut embrasser la dimension d’objets et d’ouvrages de la main divine. Il émerge des flots, métaphore universelle, tout en se voulant un projet vaste et digne de laisser un monument immortel, ou tout du moins d’encombrer pour longtemps une partie du port. Le palais maritime, semblable dans sa construction à certains en Nisétis se trouve sur une plate-forme sur laquelle certains auraient bâtis une bourgade entière.

Le corps de Garde et les grilles d’entrée, donnant sur les quais du commerce, l’un des plus beaux du port, est vaste et d'une hauteur prodigieuse. Elle accueille une porte d’apparat devant mesure plus d’une dizaine de toise qui ne s’ouvre presque jamais. Elle est animée par un mécanisme hydraulique caché dans les pivots. On entre dans les jardins l’essentiel du temps par les ouvertures latérale de ce corps de garde.

La porte ouvrant sur les jardins du palais, sur le quai du commerce
Peinture à l'huile de Tiam'Sea (10,XI)

Sur le fronton de la porte se trouve une allégorie de la mer Olyenne, dont le costume quelques peu guerrier suggère que les chantiers Savarius produisent bien plus que des navires de commerce. Elle est représentée sous une arche en forme de pont, allégorie du commerce maritime dont la famille Savarius s’est fait une spécialité. Deux personnages assis encadrent cette représentation. Le premier tient dans sa main droite un morceau de bois taillé et dans sa main gauche une jeune pousse d’arbre, il représente certainement les commerces de bois. L’autre tient dans sa main droite un contrat et dans sa main droite une balance aux plateaux chargés de pièces, représentant les activités d’usure dont le marchand fait également commerce, adossé aux grandes quantités d’argent que le commerce maritime peut engranger.

La porte fait face sur les quais au bâtiment principal des lignes Oliennes, le commerce historique des Savarius à Thaar, comme pour contempler avec fierté le chemin accomplis depuis la constitution de ce premier commerce à Thaar. L’architecture de ce bâtiment ancestrale est dans le style le plus classique de Thaar et nous ne nous attarderons pas sur cette ancienne demeure.

Le palais de l'Olienne, résidence historique des Savarius à présent siège des lignes Oliennes
Gravure sur bois par Jold'Earm (3,XI)

Une fois les portes – et la garde- passée, on entre dans les jardins extérieurs du palais. Ces lieux sont ouverts tous les jours à tous les employés du palais et à tous les clients et fournisseurs de Faeron disposant d’une lettre d’introduction. Ils peuvent également s’y promener tous les huitièmes jours de la semaine (Arcamenel) avec leur famille. On ferme les jardins et les portes une demi-heure avant la tombée de la nuit et on les ouvre à nouveau une demi-heure avant la levée du jour. Obtenir le droit à un laissez-passer pour aller dans les jardins de l’armateur, réputés parmi les plus réussis de la capitale marchande, est devenu une source de convoitise et de jalousie dont Faeron use. Combien peuvent se targuer d’être invité dans les jardins d’un homme dont chacun sait que pour lui devenir prince de Thaar n’est qu’une question de temps. Certains affirment que Faeron Savarius, qui cultive une certaine solitude, utilise ce jeu de cour pour fidéliser et récompenser ses clients ou fournisseurs.

Plan d'ensemble de la jetée construite dans le port et supportant le palais maritime et son parc
Schéma sur parchemin par Lucius Valiers (10,XI)
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Outre les grandes allées ombragées d’essences rares de ce parc, on retiendra les grands labyrinthes d’arbustes fruitiers provenant de toute la Péninsule qui poussent et ont été taillés de manière à reproduire les arabesques représentant les différentes propriétés du riche marchand. Sur les côtés, au niveau des murs tombant dans le port et marquant le début des flots, une dizaine de toises plus bas, se trouve un nombre époustouflant de bassins dont les formes successives marquent la transformation d’une étoile en cercle. Ils sont alimentés par deux aqueducs monumentaux, finissant dans le grand bassin central qui crée la perspective du palais maritime.

Un beau jour de printemps, sous les branches d'un arbre du parc du palais maritime
Peinture sur bois par Manfred de Scylla (7,XI)

Vient alors le palais en lui-même. De forme globalement pyramidal en marches d’escalier, il est composé vu de l’extérieur de neufs niveaux successifs. Chaque niveau est encombré dans sa partie plane d’un jardin suspendu, agrémenté pour plus d’enchevêtrement entre l’édifice et le végétal de colonnades ne soutenant aucune structure. L’entrée est gardée par un escalier de maçonnerie monumental, faisant toute la largeur de l’édifice et qui mène vers une porte s’ouvrant au travers du premier niveau complet. C’est en entrant dans cet immense Atrium que l’on peut constater que chaque niveau ou ‘marche d’escalier’ vu de l’extérieur de l’édifice, correspond dans les faits à deux étages.

Comment décrire l’entrée d’après les nombreux témoins étant entrés dans l’édifice et les gravures réalisés par les quelques artistes invités à y entrer ? On pourrait comparer les colonnes qui décorent les portiques à la colonne des géants, ou plutôt à la colonne triomphale érigée à la gloire des armées de Nisetis. Tout est colossal, tout était d’une la beauté glaciale et imposante.  A cela s’ajoute par la taille et la nature des matériaux une impression de la solidité de ce qui se veut la plus parfaite des constructions. C'est en vain qu'on cherche, dans ces lieux gigantesques, ces détails riches et gracieux dont l'ensemble présente à nos regards la plus séduisante harmonie dans la plupart des autres palais. On ignore cela dans le palais. En effet ici la beauté est celle du matériau brut, de la pierre simplement taillée et empilée dans des proportions surhumaines. Aucun décor autre qu’un sol au marbre dépouillé et de grandes tentures descendant de l’étage supérieur, représentant les arabesques de chacune des propriétés Savarius.

Au centre de l’atrium se trouve un grand bureau circulaire en pierre de granit derrière lequel des scribes acceuillent les visiteurs pour mieux les diriger vers les différents bureaux de ces deux premiers étages. Car les lieux grouillent de vie. Ici travaillent avec zèle une armée de scribes et de contremaitres, de caissiers et de jurisconsultes cherchant à grossir la fortune de leur patron.  

Dans cet enfer froid de la pierre l'usage même des voûtes est déroutant : les plafonds sont formés d’énormes laves de pierre et de basalte posées sur des piliers dont les proportions frappent d'étonnement et d'admiration, tant elles étaient immenses et sagement entendues. La couleur noire du plafond fait que même par le plus grand des jours on ne peut l’apercevoir depuis le bas du hall. Il faut monter au premier étage pour espérer le discerner. Ainsi l’on a l’impression depuis le hall de se retrouver avec un abysse au-dessus de soi. Comme si le palais maritime était creux de l’intérieur et infini dans sa hauteur. L’effet est maximal le matin, réduit jusqu’à midi sans laisser tomber l’illusion puis s’accentue à nouveau au fur et à mesure que la journée avance. Dès que la nuit est tombée en revanche, le plafond redevient visible à la lumière des flammes. Elles illuminent alors les quelques pierres transparentes mais laiteuse qui se trouvent au plafond et qui reproduisent alors en intérieur la voute céleste.

Le grand prêtre d'Uriz à Thaar en visite passant l'entrée du grand hall.
Peinture à l'huile par Jean de Semiol (5,XI)

Les deux premiers étages étant réservés à l’administration de nombreuses propriétés de Savarius, les deux étages suivants réunissent d’autres bureaux, de personnes plus importantes, pour la plupart des décideurs des principales entreprises de Savarius ou des contrôleurs.

Les étages supérieurs sont d’après les histoires de ceux ayant pu les visiter, l’apanage des membres les plus importants de l’appareil commercial de Savarius. On y retrouve également d’immense archives dont l’on dit qu’elles sont pour le moment peu remplies mais pourraient accueillir plusieurs dizaines d’année de la production littéraire de tout Thaar. Ces racontars peuvent peut-être se tromper, mais à la vue du grand hall d’entrée, rien n’est impossible.

Plans simplifiés de l'édifice: