[Surface] T'challa veut des papouilles ! | Krish

6ème ennéade de Barkios, 10ème année du XIe Cycle
Ce rp se situe le lendemain de celui-ci, durant la nuit

Derrière lui se dressait la masse imposante du Puy d'Elda et la grande porte d'Uriz, l'une des douze portes par où pénétrer dans l'antre même du pouvoir drow. Si les sombres cousins des elfes vivaient aussi bien en Ithri'Vaan qu'à Abyssea et parfois même au delà, c'était bien au Puy que battait le cœur vivant de leur race, là où Elda les avait mené après l'ignoble trahison dont ils furent victime voilà bien des cycles. Puissance, terreur, respect, voilà quels sont les maîtres mots de cet endroit autant fantasmé que craint. Sauf qu'en l’occurrence le drow qui regardait au loin vers l'Ouest est les terres stériles s'en fichait totalement.

Haldren Baenfere, archimage de son état et "Dieu" du Chaos pour ses fidèles attendait patiemment la venue d'une des rares drows pour qui il ressentait un certain respect. Chose rare chez lui, il était vêtu décemment, ayant vaguement conscient que se balader en pagne au beau milieu d'une mégalopole ne constituait pas le moyen le plus efficace pour passer inaperçu. Une brise nocturne faisait voleter sa chevelure d'ivoire, mais il s'agissait là d'un pur effet scénaristique pour augmenter l'intensité dramatique de l'instant. A ses côtés se tenait une panthère de grande taille, arrivant quasiment à hauteur du torse du drow. Un sourd ronronnement de l'animal fit comprendre à Haldren que son invitée venait d'arriver.

Vous manquiez à T'challa, ma chère Krish. Elle commencait à s'habituer à vous et vous apprécie, je crois.

Comme pour confirmer les dires de l'archimage, le félin s'approcha docilement de la Princesse Marchande afin de quémander des caresses. Bien qu'étant à l'origine un être issu du plan des Ombres, T'challa commençait à acquérir des réflexes et des comportements proche de ses congénères miradelphien. Haldren était fasciné par l'aptitude de ses "mignons" à ainsi copier un comportement leur étant au départ totalement étranger, toutefois l'heure se prêtait mal à une étude comparative sur la flore et la faune des différents univers... ce qui changerait des classiques reportages sur les lions du Serengeti, soit dit en passant.

Désolé pour cet entrevue à une heure aussi tardive, mais je voulais être sur que nous puissions être tranquilles. La présence de ce cher coquin indiscret de Valsrik'Hrae ne permettait pas une totale franchise lors de notre discussion aux Chaines d'Obsidiennes.

La journée touchait à sa fin lorsqu'elle descendit l'avenue du quartier Doeb pour se rendre à l'un des rares rendez-vous qu'elle comptait honorer sans l'avoir elle-même organiser. Mine de rien, la balade depuis les profondeurs n'était pas des plus court. Lorsque le ciel se dévoila dans toute son immensité au-dessus de sa tête, le soleil avait fait place à une lune pâlichonne dont seul une rognure d'ongle était visible. Les paysages nocturnes avaient toujours cette mystérieuse beauté autour du Puy, mais l'astre lui-même n'avait pas grand chose pour plaire. Enfin elle n'était pas venue pour admirer le ciel. S'éloignant de la faille se sa démarche souple, elle remonta le long des coteaux pour prendre un peu de hauteur. C'est là qu'elle la vit, magnifique ombre noire sur le fond nocturne qui mêlait bleu et gris.

Une brise fit voleter la crinière lâche de Krish, la rabattant sur son épaule droite et attirant le museau de l'énorme panthère. La drow se sentit observée par les billes abyssales de la créature d'Ombre. Elle eut une pensée rapide pour la disparition de toutes ses marques et l'aspect plus jeune qu'avait pris son corps et son visage depuis leur dernière rencontre mais repoussa ce malêtre d'un revers de pensée. La panthère s'était relevée et l'obscurité de son pelage dansait au rythme de sa démarche souple parcouru d'étranges irisations allant du noir d'encre au noir corbeau qui semblaient absorber la lumière au lieu de la réfracter. Elle ronronnait.

Et au vu du regard que la forgeronne lançait à l'animal, si elle en avait eut la capacité, elle aurait ronronné elle aussi. Elle ne bougea pas pour autant, laissant le fauve venir jusqu'à elle pour fourrager dans ce pelage éthéré avec délectation. Elle appréciait d'autant plus le comportement de l'Ombre qu'elle se souvenait de leurs premières rencontres et percevait l'intelligence différente qui l'animait. Et lorsque la miriadénaire fit rouler le nom de celle qui avait été son cadeau d'anniversaire durant un temps, ça n'avait rien de l’intonation qu'un maître donne à son petit chien.

Debout à côté de l'énorme bête, le sarouel rouge sang, la pierre flamboyante montée sur le pommeau d'une dague de ceinture et la chevelure blanche de la drow tranchaient sur l'absence de couleur ambiante. Mais, plus étrange, la peau charbonneuse et la brassière en soie noire qui dévoilait un ventre bordé d'une unique cicatrice en croissant de lune étaient tout autant distincts des couleurs de l'apparition.

- Tu l'as amenée... " sourit Krish en posant enfin les yeux sur son rendez-vous du soir. Décidément il en faisait vraiment toujours trop.

Elle n'avait pas prononcé distinctement de 'merci' ou ajouter un équivalent de 'c'est trop super giga chouette.' mais l’intonation y était. Maintenant elle se souvenait pourquoi elle n'avait pas fini dans le lit de l'archimage ce soir là, enceinte ou non. Elle avait passé la nuit à faire des croquis de T'Challa dans les jardins du Palais et à s'amuser comme une gamine, grimpant sur son dos ou la regardant s'ébattre selon ses envies pour finir par s'endormir contre elle, oublieuse des énormes griffe qui auraient put l'éventrer sans le moindre problème.

- Elle m'a manquée aussi.

Mais si la panthère était toujours intrigante et magnifique aux yeux de la forgeronne la joie extatique qu'elle avait éprouvée en la découvrant pouvait désormais être maîtrisée et Haldren avait également quelques atouts pour lui niveau étrangeté magnificente. Son accoutrement, heureusement, était un peu moins voyant que la veille. Et ça lui allait bien.

D'une démarche aussi féline que celle de la panthère d'Ombre, Krish se porta aux côté du mage et le prit un bref instant sans ses bras en guise de salutation. Était-elle particulièrement heureuse de le revoir ou la présence de T'Challa la rendait-elle un peu trop enthousiaste, même elle n'aurait certainement pas sût le dire avec précision. Elle ne s'écarta que d'une demie longueur de bras pour le saluer comme il se doit.

- L'heure valait le coup ne serait-ce que pour te voir les cheveux dans le vent devant l'immensité des terres stérile, une Ombre mouvante à tes pieds. J'ai particulièrement apprécié ton regard ténébreux perdu dans le lointain Ouest. " ajouta-t-elle avec un sourire de chat qui semblait-dire ' tu ne pensais tout de même pas que T'Challa m'empêcherait de remarquer un tel spectacle ? ', la moquerie en était par contre totalement absente. " Et ma présence ne vous a pas permis de parler complot magique comme vous en aviez envie. J'espère que vous avez convenu d'un rendez-vous depuis. "

Il aurait fallut être totalement demeuré pour croire que deux mages de leur envergure pouvant s'utiliser l'un l'autre n'aillent pas plus loin que leur entrevu hasardeuse. Peut-être même s'étaient-ils déjà contactés.

- Et puisque tu parles de franchise, je te laisse lancer la première pierre ? "

Ne nous mentons pas plus longtemps, Haldren avait amené T'challa avant tout pour amadouer une autre tigresse, âgée d'un millénaire et particulièrement dangereuse. Bien que la principale base de sa puissance soit située en Ithr'iVaan et non au Puy, Krish ne devait surtout pas être sous-estimée, ses talents dépassant de beaucoup ceux d'une simple Princesse marchande avide de richesse. Fière, rusée, sensuelle, disposant de vastes ressources et d'un réseau d'informateurs maillant une large part du monde, la Maîtresse des forges d'Elda constituait une alliée de poids... ou une ennemie redoutable. Or la belle ouvrait le bal en demandant de la franchise, plaçant immédiatement une pointe pour percer les secrets enfouis de son comparse.

De la franchise, voilà bien un concept que j'utilise rarement. Mais je ferai une exception pour toi.

"Le grand principe des cieux est en équilibre sur le fil du rasoir de la vérité", avait un jour affirmé un philosophe en toge (même pas en pagne, ce plouc !). Si Haldren considérait que les philosophes passaient la majeure partie de leur temps à se masturber les neurones pour impressionner leur auditoire, il devait admettre que le concept de rasoir s'appliquait bien pour la vérité : tranchante mais nécessaire pour éviter la chute. Indifférente à ces concepts, T'challa s'était installée à côté de Krish pour se faire papouiller tout en ronronnant comme un orage tandis que les deux drows discutaillaient.

Tu n'as pas cru à mes beaux discours sur l'avenir du Puy, n'est-ce pas ?

Petit ricanement sardonique. Difficile en effet de croire qu'un archimage millénaire pouvait sincèrement faire preuve d'autre chose que d'un égoïsme égocentrique poussé au dernier degré. Cependant, le sang des Prima n'était pas qu'un vain mot, il recouvrait des siècles d'honneurs et de traditions dont même Haldren ne pouvait se délier aussi aisément sans renier ce qu'il était au plus profond de son être.

Et pourtant, il y avait dedans un fond de vérité. Voilà bien des siècles, mes ancêtres veillèrent sans faiblir sur notre peuple lors de l'exil et y gagnèrent leur place au Nahali. Je me sens une certaine obligation morale à continuer ce rôle de protecteur. Mais à ma façon, qui n'est pas celle des actuels seigneurs de l'Elda et en utilisant des moyens peu conventionnels qui me fermeront à jamais les portes de l'Elghinyrr.

Eraison avait constitué un moyen peu conventionnel malgré son échec final, et les centaines de drows morts par sa faute l'étaient pour une cause qui en valait la peine. Peu importait le prix à payer lorsque le résultat se montrait à la hauteur des attentes. Ni Uriz ne Teiweon ne pleuraient la mort de leurs enfants mais approuvaient lorsqu'une mort vaillante concluait une vie honorable. Tout sombre apprenait dès son plus jeune âge que la vie ne vaut qu'à l'aune de sa mort et de l'au-delà. Non, aucun remords ne traversait le cœur de glace du seigneur d'Abyssea, qui savait bien qu'en pareilles circonstances ses choix seraient identiques à ceux pris à l'époque.

En tout cas, les paroles d'Haldren pouvaient surprendre, car aucun drow ne parle à la légère de l'Elghinyrr, tant le blasphème ou le manque de respect envers les dieux peut amener le terrible châtiment d'une éternité de souffrance dans les geôles de glace. Mais aucune crainte ne perçait dans le regard laiteux de l'archimage, juste une infinie lassitude de celui qui en a trop vu pour se détourner de son objectif.

Quelle est ton opinion sur le culte du Chaos ?

- Non, je n'y aies pas vraiment cru... non... " ricana-t-elle en écho. " J'imagine mal un homme capable de voyage dans des univers inconnus et d'en revenir pour boire un coup avec un elfe se pencher sur le devenir du Puy par simple devoir. "

Et c'était en toute simplicité qu'elle prononçait ces mots, debout devant lui comme devant n'importe quel autre connaissance. Sa main gauche s'occupait avec abnégation de l'encolure de la bête des Ombres tandis que le mage suivait la spirale qui lui tenait lieu d'esprit pour arriver au sujet qui les préoccupaient tout deux.

-Du point de vue de l'Idole que je suis à Thaar, le Chaos est une secte qui est arrivée du nord en même temps que la fondation de ma propre secte. Un groupe de mortel et de demi sang qui se sont mis à me vénérer comme une déesse. Lorsque j'en suis partie, ils étaient très bien implantés mais le mouvement ne dépassait pas la Cité. Mes adeptes prônant la révélation personnelle par l'art, la recherche et l'innovation hors de toute limite préétablie, il y a eut quelques approches discrètes mais rien de notable. " Mais de tout ça, elle s'en foutait comme de la première épée qu'on lui avait mise dans les mains. Valère était un acteur amusant qu'elle avait mis sous les projecteurs pour passer le temps. Que la secte s'amplifie ou s'écroule en quelques mois lui était indifférent. Une sorte d'anecdote à caser lors des soirées mondaines auxquelles elle ne participait plus.

Elle se décida à porter sa seconde main au secours de la première pour grattouiller l'énorme panthère, passant à l'occasion ses bras un peu plus loin pour venir caresser de sa joue la mâchoire du fauve. C'était grâce à l'attention qu'elle devait garder - même à demi - sur le félin, qu'elle avait réussit à ne pas montrer le moindre signe d'étonnement en entendant Haldren parler aussi légèrement de la destruction définitive de son être ou le fait de renier leurs dieux en refusant l'Elghinnyr. Pour l'instant, l'explication la plus logique était qu'il se soit réellement convertit au Chaos. Peut-être le clergé de ce fantôme était lié à son retour parmi les vivants ou une quelconque intrigue occulte de cet ordre là. Cela pouvait suffire amplement à éprouver la foi de n'importe qui... elle était bien placée pour le savoir.

- D'un point de vue Doeb, c'est une philosophie intéressante, très proche de celle d'Uriz pour ne pas dire copiée collée. Il en reprend les mêmes contradictions d'ailleurs 'les forts dominent mais obéissez aveuglément à mon clergé' " articula-t-elle d'un grosse vois en fronçant les sourcils. Une chaleur douloureusement troublante lui monta immédiatement à la tête mais elle la refusa d'un revers de volonté et continua plutôt " Cela ressemble à une tentative de la part des sans-Flammes d'approcher les préceptes de la Force eldéenne pour s’émanciper de leur conception mièvre du monde. Mais je pense qu'ils auraient beaucoup à gagner à arrêter de se prétendre être un culte alors qu'ils ne parlent que de ce monde-ci et pas du suivant. " Les épaules de T'Challa tanguèrent dangereusement alors qu'elle s'étendit sur le sol, glissant hors de portée des grattouilles tout en espérant surement que celles-ci suivraient son mouvement. Krish en profita pour se tourner un peu plus franchement vers le mage, une main sur la hanche. " Pour un réseau aussi intéressant, permissif tout en permettant de rassembler de grandes ambitions, il serait bien plus ingénieux de s'afficher comme un courant de pensée et une organisation ésotérique. Quelques rituels de reconnaissance et de communion pour souder l'ensemble et lui donner le côté mystique qu'affectionnent tant les foules et hop. Au lieu de se prendre dans les dent le rejet des institutions en place, il attirerait tous les bourgeois, politicards et intriguant aux dents longues qui rêve de dépasser leur plafond de verre mais ne souhaitent pas renoncer à leurs croyances. Il atteindrait même les prêtres, et les guerriers les plus fervents. " et elle ajouta sur le ton de la confidence avec un sourire malicieux qui n'oubliait pas la potentielle dévotion de son vis à vis. " Les conseils sont gratuits. "

Malgré ses minauderies apparentes, elle le regardait en face, droit dans les yeux. Son tranquille regard de lave brûlait de certitudes aussi simples et puissantes que celles qui nageaient dans les mirettes lasses du mage, sans la moindre agressivité. Pour ce qu'elle y voyait, elle n'estimait que plus encore la volonté de cet homme. Et pour la première fois, malgré leurs enveloppes physiques dans la fleur de l'âge, l'idée qu'ils étaient peut-être les deux membres les plus anciens de leur race lui effleura l'esprit.

Il y a peu encore, elle avait décidé de tourner le dos à Uriz à tous les autres foutus dieux qui laissaient tourner le monde en se contentant de distribuer les gommettes à la fin. La quête qui était maintenant la sienne lui aurait été impensable seulement trois mois auparavant. Elle avait craché sur les dieux, maudit le nom d'Uriz et briser une idole dans un temple avant de survivre à Son jugement. Si Elghinn - marqué du symbole du Père des Batailles - était vivant, c'est parce qu'elle s'était soustraite aux dogmes. Elle se tenait debout aujourd'hui parce qu'elle avait su tenir tête à l'Incarnation de l’Inconcevable... Alors comment aurait-elle put imaginer comprendre ne serait-ce qu'une infime partie des volontés divines.

A son niveau, elle se contentait de faire un pari, comme elle l'avait toujours fait. Un pari qui lui semblait important. Mais un pari tout de même.

- Et d'un point de vue personnel : comme tu dois t'en douter maintenant, je ne pense pas que le Chaos soit un vrai dieu, en tout cas pas plus que je ne suis la déesse des Arts. " sourit-elle " Ce que je regrette le plus, c'est son exhaustivité. Tout cela ne dépend pas de moi, mais s'il acceptait de partager la dévotion de ses fidèles ou s'il était reconnu comme un mouvement de pensée, il pourrait peut-être faire un bon Allié au Panthéon ou un réseau de services et de rites répandus jusque dans les plus hautes sphères. "

La veille, il avait déjà laisser tomber le nom du Chaos. Si elle était venue seule, entre ses premiers affleurements à Thaar et son réseau ici, elle n'était pas venue sans informations.

Puis-je, très chère Krish, te corriger sur un aspect dogmatique ? minauda Haldren en tortillant du fessier comme un dawi face à une grosse veine d'or découverte dans sa mine. Uriz prône à ses adeptes de s'améliorer en permanence par le combat et la violence, là où le Chaos affirme que le changement quel qu'en soit les moyens est un acte nécessaire à toute vie en communauté. Ces deux concepts ne sont pas antinomiques mais bien au contraire se complètent, l'un étant centré sur l'individu et l'autre sur le groupe.

Apparement, Krish se basait encore sur l'ancien dogme du Chaos tel qu'édicté par le Voix et l'Oracle avant le Voile, à une époque où les seigneurs d'Abyssea prétendaient que leur divinité constituait le sixième Dieu du panthéon Pentien et rejetaient toute alliance d'aucune sorte. Haldren avait battu en brèche cette approche trop agressive qui ne pouvait qu'ancrer dans les autres cultes l'idée que les chaotiques visaient à la domination universelle à l'exclusion des autres divinités. De telles prétentions ne manquaient certes pas de grandeur, toutefois il aurait fallu des centaines de milliers d'adeptes fanatisés et une guerre religieuse à grande échelle pour espérer la voir se réaliser. Parfois, le pragmatisme impose de faire des concessions à la réalité des effectifs disponibles.

Tu reproches au Chaos de ne pas parler de l'au-delà dans leurs prêches, mais moi j'y vois au contraire une juste répartition des rôles car l'Elghinnyr est le domaine exclusif d'Uriz et de Teiweon. Reproches-tu aussi à Kiel ou à Meingal de ne pas en parler ? Le Chaos ne prétend pas marcher sur les plates-bandes des autres cultes, contrairement à ce que tu sembles croire.

Haldren sentait chez son interlocutrice une passion, une force de sa foi assez anormale. Cela avait-il un lien avec sa surprenante transformation physique ? La Princesse Marchande rencontrée lors du banquet puis de son anniversaire semblait pour le moins libérée en matière religieuse, sans aller bien entendu jusqu'à un athéisme dangereux. Tout cela était balayé mais la politesse imposait de ne pas toucher du doigt un sujet qui devait se révéler douloureux, car seule une intense souffrance pouvait créer un changement doctrinal aussi brutal et rapide. Il faudrait un jour lever le voile sur cet aspect de la vie de Krish, aussi Haldren se promit-il d'envoyer des espions enquêter sur les derniers mois de la Princesse Marchande. Où était-elle allée ? Qui avait-elle rencontrée ? De quand exactement datait sa transformation physique ? Beaucoup de questions, trop peu de réponses.

Le dogme du Chaos est basé sur le concept suivant : les Dieux tels que nous les vénérons sont les incarnations de forces fondamentales de notre monde. Dès lors, tout chaotique admet l'existence d'Uriz et des autres divinités vénérées par notre peuple. Un panthéon monothéiste imposerait l'existence d'un Dieu parfait couvrant tous les aspects de la vie et de la mort, mais tel n'est pas le cas. Uriz ne te parlera pas plus de passion qu'Isten n'évoquera la force au combat. Mais sans le Chaos, les drows sont condamnés à ne jamais évoluer, à toujours respecter d'anciens schémas surannés qui nous ont coûté bien des défaites dont Kerhel doit bien s'amuser. Toi-même tu as parlé de croisade de conversion et non d'annihilation. Une telle attitude visant à apprendre des échecs du passé pour attaquer la Traîtresse sous un nouvel angle ne peut que grandement plaire au Chaos.

Aucune réaction par contre sur la pique de Krish quant à la réalité du Chaos d'être un véritable Dieu. La coquine savait-elle qu'Haldren incarnait présentement cette divinité ? Certes elle connaissait depuis longtemps la mégalomanie hors normes du personnage, toutefois inutile de dévoiler ces cartes là avant d'y être obligé. S'il pouvait à ce stade passé pour un représentant du Chaos et non pas pour le chef du culte, cela lui laisserait une relative liberté de manœuvre.

Tu n'es pas la déesse des Arts, ma chère Krish... mais cela n'enlève rien à ta perfection, rassures-toi.

Un peu de légèreté ne ferait de mal à personne. La discussion sérieuse devait parfois se voir entrecoupée de badineries, de taquineries entre les deux drows millénaires qui se tournaient autour comme deux fauves hésitant à s'allier ou à s’entre-déchirer.

Le Chaos est prêt à partager ses fidèles selon les mêmes règles que les autres cultes. Une adepte de Natha vénérera avant tout la Mère, mais parfois ira prier pour obtenir la bénédiction d'autres divinités. Si le Chaos se trouvait autorisé au Puy, les cultes eldéens le seraient bien évidemment à Abyssea.

Une telle ouverture serait surement mal prise par certains des hiérarques les plus fanatisés, mais la possibilité de créer des vocations en Elda valait bien cette concession. Obtenir une reconnaissance officielle comme un culte en place ne pourrait devenir réalité sans admettre l'existence d'un principe de réciprocité. L'heure était désormais venue de tenter un coup de dé assez risqué, car cela pouvait tout aussi bien faire basculer Krish dans son camp que la placer définitivement dans ceux rejetant le Chaos au fond de ses marécages comme une simple secte hérétique parmi d'autres.

Pourquoi ne pries-tu pas le Père des Batailles de t'éclairer ?

Intéressant. Le Chaos était donc à ce point désorganisé qu'en dix petite années ses visées et son dogme avaient changé au point de permettre une cohabitation. Une secte trop jeune pour tenir le cape... Cependant ce que disait Haldren engendrait quelques incohérences...

Les bras croisés sur la poitrine, elle laissa pour l'heure le côté ' Va demander à ton Père si j'y suis ', elle revint plutôt sur un point crucial qui avait attiré son oreille.

- Alors a tes yeux le chaos est un dieu pouvant faire parti du Vrai Panthéon et resté fidèle à un camp pendant la guerre qui oppose Uriz et Kerhel ?
-Tu as bien compris ma... la pensée du Chaos"

Krish fronça un sourcil. Sa question n'était à l'origine qu'une amorce à la véritable interrogation qu'elle avait, mais ce lapsus... Est-ce qu'il lui vendait réellement le chaos dans sa globalité... Plus le temps passait et plus cette histoire paraissait douteuse. L'explication la plus simple aurait été qu'il tente de fonder sa propre branche de ce culte en Elda pour en devenir Haut-Prêtre et gagner de nouveau de la puissance au sein de leur société... Mais cela n'avait tout juste aucun sens... C'était d'Haldren qu'il était question. Il lui aurait suffit de se faire deux trois amis haut placé, quelques assassinat, un retour triomphant avec une démonstration de pouvoir cataclysmiques et il aurait eu les adeptes de Zhak'Bar et de Valas, le C'nros et l'Etude noire à sa botte.

Soudain, le maintient légèrement tendu de la forgeronne se délia. Poussant un soupire à fendre les pierres, elle se passa une main sur le visage.

- Bon !  Ras le bol ! " se lança-t-elle à elle-même " ça suffit. Le sérieux ne me va pas au teint. "

D'un long pas chaloupé, elle s'approcha de nouveau au plus près du mage.

- C'est quoi ce bordel, Haldren ? Tu es le mage le plus puissant que j'ai jamais vu. Peut-être le plus puissant de l'Histoire. Tu te fous du devenir des elfes quelle que soit leur couleur. Et tu n'es pas plus que moi du genre à te laisser dicter ta conduite par qui que ce soit, mortel ou dieu. Alors pourquoi revenir ici et participer à des complots sans fin ? Pourquoi attacher ton destin à celui de ce petit culte méconnu ? Quels sont tes liens avec lui ? T'Challa m'en soit témoin, j'aime ton esprit tordu, mais là ça commence à m'agacer de devoir faire des dissertations philosophiques à la con au lieu de passer une bonne soirée. " Sa dernière phrase avait été articuler avec une dose d'agressivité et de désir capricieux qui aurait put paraitre parfaitement calculé, s'il avait été question d'une autre que Krish.

Un grand sourire niais de papy totalement gateux aux lèvres, Haldren attrapa les deux joues de Krish comme il aurait fait avec une gamine mal elevée qui refuserait de manger ses épinards.

Ouh mais c'est qu'elle s'énerve ma Krishounette ! Gouzigouzi, fais donc un sourire à tonton Haldren !

Non, hein ? Cette réaction n'est pas la plus optimale au vu de la situation et du personnage, même si cela aurait permis d'esquiver temporairement les questions compliquées que la Princesse Marchande venait de poser. Haldren s'en rendant compte lui aussi, il décida de ramener le système d'univers à la fin du post précédent pour reprendre sereinement.

grant.access(godmode)='Haldren';
alter.reality=comeback(set.time:now,now-60s);
update.pantherpower(T'challa)+=1;
commit;

Voilà c'est réparé, nous pouvons donc reprendre à la fin de la question de Krish.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Haldren eut l'espace d'un instant le regard un peu penaud de l'élève prit en faute en plein contrôle avec une antisèche dans sa trousse. Parfois, Krish violait allègrement les règles de la bienséance en exigeant des réponses sans plus tarder, ce qui empêchait de tourner longuement autour du pot avant d'enfin accepter d'en dévoiler le contenu. Difficile de jouer au con avec elle, qui savait très bien que l'ironie et le manque de sérieux de son comparse drow constituaient des armes qu'il utilisait pour éviter de s'engager dans des chemins trop tortueux à son gout.

Tu veux vraiment savoir pourquoi je cherche à développer le culte du Chaos, hein ?

Poussant un soupir d'agacement, Haldren posa une main sur l'épaule de Krish. Un éclat lumineux jaillit des yeux de l'archimage et l'instant d'après les deux drows se trouvaient... ailleurs.

Une immense étendue de sable argenté s'étendait d'un bout à l'autre de l'horizon sans la moindre interruption. Pas un arbre, pas un ruisseau, pas une déclivité du terrain ne venait briser la monotonie ambiante. Au loin se devinaient des montagnes, mais peut-être s'agissait-il simplement d'un effet d'optique comme les mirages que connaissaient bien les zurthans vivant dans le désert. Au-dessus d'eux la voûte céleste ressemblait à celle d'une nuit de Thaar, toutefois Krish pouvait voir de surprenantes différences : les étoiles ne semblaient pas dans des positions formant les constellations habituellement connues des miradelphiens s'intéressant à l'astronomie, comme si un artiste fou les avait toutes mélangées avant de les redéposer. Pas trace de vie, n'était-ce des ondulations dans le sable ou des formes dans l'air trop fugaces pour que l’œil puisse y discerner quoi que ce soit.

Suis-moi, ordonna Haldren.

D'un pas rapide, le drow prit une direction que rien ne différenciait des autres. Lorsqu'il s'approchait des formes fugaces, celles-ci se matérialisaient durant quelques secondes avant de disparaître une fois qu'il s'en éloignait. Haldren passa à côté d'une de ces formes qui l'espace d'un instant prit la forme d'une drow au visage crispé par la haine brandissant dans son poing serré une dague, son sang coulant le long de la lame.

Ô Chaos, entends mon serment et donnes-moi ta force. Manërel n'a que trop dirigé ce village alors qu'il n'en a nullement le talent ! Cette nuit ma lame tranchera...

La drow disparut aussi soudainement qu'elle était apparue alors qu'Haldren s'éloignait sans même lui avoir prêté attention. Un peu plus loin, une forme prit l'apparence d'un jeune humain agenouillé.

L'entropie est l'avenir, rien n'est jamais figé. L'entropie est l'avenir...

La voix se coupa et le jeune homme redevint une ombre parmi tant d'autres. Alors que Krish accélerait le pas pour revenir à hauteur d'Haldren qui avançait toujours sans mot dire, le paysage commença subitement à changer. Des vagues de sable se soulevèrent, grimpant plus loin vers les cieux à chaque mouvement jusqu'à dominer de toute leur hauteur majestueuse les deux drows pour s'abattre violemment autour eux. Mais soit une puissante illusion se trouvait à l'oeuvre soit la présence d'Haldren stabilisait leur entourage immédiat, car les vagues ne se jetaient jamais directement sur eux. Les mouvements s'amplifièrent au point que les deux marcheurs se retrouvèrent bientôt au milieu d'un maelstrom de sable qu'ils fendaient comme une caraque écarte les flots déchaînés de l'océan, avançant toujours dans la même direction. Impossible d'y voir à plus de quelques mètres tant le chaos de la tempête les entourait de partout.

Lorsque la tempête se calma, Haldren et Krish se trouvaient dans un temple qui ressemblait dans sa logique de conception à tous ceux que la Princesse Marchande pouvait connaitre de par le monde : de grands piliers soutenant un vaste voûte, des bannières portant la flamme noire du Chaos partout au mur, des rangées de bancs installées à la va-comme-j'te-pousse, un autel au fond de la pièce en bas des marches qui menaient à un trône de basalte sur lequel gisait un masque d'or. Et au-dessus du trône, une vaste coupe de basalte contenant une flamme ténébreuse qui pulsait comme un cœur vivant. Lorsqu'enfin Haldren se retourna vers Krish, les yeux laiteux de l'archimage avaient disparus : dans les orbites vides dansaient deux petites flammes en tout point similaire à celle qui brûlait au-dessus de l'autel.

Comprends-tu désormais, fille d'Uriz ?

Peut-être aurait-elle préféré qu'Haldren assume ses délires de papy gâteux, mais ça elle ne le serait jamais en fin de compte. En une seconde, les tensions et l’agacement qu’avaient provoquer leur discussion s’étaient évanouis.

Le sable avait virevolté sous les yeux avides de Krish jusqu’à ce que le temple apparaisse. Elle dévorait chaque goûte de lumière, buvait les sons et gravaient dans sa mémoire le moindre mouvement avec une flamme de fascination dans les yeux. Si une chose n’avait pas changé ces derniers mois, c’était l’influence qu’avait sur elle l’Insatisfaite Isten. Dans ce lieu qu’elle doutait pouvoir localiser sur la plus exhaustive des cartes du monde, guidée par l’ombre décidée d’un Haldren qu’elle avait pris le risque de pousser dans ses retranchements, elle n’avait pas fait la moindre remarque ni posé la moindre question. Elle se gorgeait plutôt de cette nouvelle expérience avec une fascination d’enfant.

Des personnes, des ombres à peine visibles dont les prières résonnaient avec force, donnaient une impression de ferveur galvanisante à cet endroit glacial. Elle ne pouvait que déplorer le fait d’y voir figurer des visages en quêtes de vengeance et de courage, mais il y avait dans tout cela quelque chose de puissant qui la faisait frissonner et ramenait une impression brûlante dans sa poitrine.

Alors, lorsque le mage se tourna vers elle pour lui dévoiler la vérité qui se cachait derrière le Chaos, elle se trouva captivée par les deux flammes d’ombre qui dansait devant elle. Elle esquissa un sourire pointu en penchant légèrement la tête sur le côté, comme si un changement de perspective pouvait lui permettre de différencier une illusion de la nouvelle certitude qui passait dans ce regard.

Si elle comprenait ?

Elle posa précautionneusement sa main gauche sur la joue du Chaos. Les prières, les ombres près desquelles ils étaient passés, les offrandes de temps et de sans s’adressaient à lui. Son sourire se teinta d’une ironie sans joie mais elle ne semblait prêter qu’une attention distraite à ce qu’elle disait.

- C’est amusant que tu invoques ma filiation avec Uriz comme si cela te différenciait de moi, mon cher Patriarche Baenfere…

Malgré la porté que ses mots pouvaient avoir, elle était dévouée toute entière à la paire de mires noires qui flottaient juste devant elle et au souvenirs viscéral d’un autre brasier. Elle ne doutait pas un instant de l’essence mortelle de l’homme qu’elle touchait.

Elle avait eu l’occasion de percevoir un fragment de l’infini pouvoir d’Uriz et ce fragment était déjà inconcevable pour une personne de chair et de sang. Cela n’avait strictement rien à voir avec ce qu’elle avait sous les yeux. Certes, la démonstration de puissance magique était impressionnante. Plus que ça. Il flirtait avec les règles établies en dogme par les livres. Ce qu’il avait accomplit ici restait hors de porté de l’imagination des rêveurs les plus débridés.

Elle ne doutait pas non plus du fait que, dans un sens ou un autre, cette flamme noire l’alimentait d’une énergie folle qui lui aurait permis de la broyer d’une pensée. Elle ne le sous-estimait pas. Celui qui n’aurait éprouvé aucune impression grandiose face à une telle débauche de magie aurait été fou, suicidaire ou demeuré. Elle ne l’en respectait que plus encore. La fascination qu’elle avait éprouvée à la première apparition de T’Challa se trouvait décuplée face à tout ce qu’il venait de lui faire toucher du doigt. Il calmait et aiguisait à la fois, une curiosité nourries par un ennuis millénaire.

Mais usurper la place d’un dieu ne faisait pas de lui un Dieu.

Tout le respect et toute la fascination qu’elle éprouvait, elle les lui accordait en tant que mage et en tant qu’homme.

- … Et c’est d’autant plus drôle que tu me considères comme un de Ses enfants alors que Lui m’a jugé en tant qu’enfant du Chaos. »

Sa voix chaude était rendue quelque peu rauque. Elle ne savait trop que penser de ce détail qui avait surgit de sa mémoire. C’est ainsi qu’Il l’avait appelée avant de tenter de lui arracher sa Flamme sous prétexte qu’elle était faible et qu’elle reniait les anciennes pratiques pour aller de l’avant. A l’aulne de cela, elle doutait qu’une coopération entre le Vrai Panthéon et le Chaos soit possible.

Pourtant, il y avait en jeu ici plus que de simples convictions personnelles. Uriz avait déjà élever des membres de leur peuple à un état divin. Parce qu’ils avaient combattus Kerhel en face. Parce qu’ils avaient donnés leur vie dans la Grande Guerre alors qu’ils auraient eu mille occasions d’abjurer. Parce qu’ils avaient été meilleurs que tous les autres.Parce qu’ils avaient inspiré leurs pairs et qu’ils les avaient guidés sur le chemin de la puissance et de la justice. Des exemples et des guides. Haldren possédait cette excellence, mais possédait-il également l’abnégation et les principes ? Le Chaos, dans sa volonté d’avancé, n’était-il pas contradictoire avec les traditions fondatrices de leur culture, qu’importe les mots d’Haldren ?

Il l’avait dit lui-même avant d’assurer qu’il pouvait cohabiter avec les Vrais Dieux. Il renonçait au Nahali, il n’avait aucune intention de se battre pour lui. Mais si elle doutait que tout cela puisse avoir une fin heureuse, elle était bien placée pour savoir que rien est joué avant l’heure dite.

Et même s’il ne changeait pas et qu’il ne se battait que pour sa propre grandeur, le devenir de sa petite personne et de ses adeptes n’était qu’entre lui et ses Uriz. Le seul point important était que ses adeptes ne prient pas d’autres dieux ennemis. La Forgelâme n’avait pas une idée particulièrement traditionnelle de la façon de conduire la Grande Guerre qui les mènerait à la Fin des Temps. En cela, le pouvoir d’Haldren était plus alléchant encore. Ce qu’elle devait s’efforcer de voir, c’était un allié aux pouvoirs phénoménaux ou un ennemis particulièrement dangereux.

- Je comprends. » sourit-elle toujours aussi proche de lui et bien plus sérieuse qu’à l’ordinaire. « Je ne te veux pas au sein du Panthéon. Mais je veux le Chaos comme allié dans la Guerre qui vient ; jusqu’à ce qu’il ne reste plus que tes adeptes et les miens pour fouler le sol de notre monde. »

Elle pouvait le dire sans arrière pensée. Elle ne trahissait aucune de ses valeurs puisqu’elle ne le considérait pas comme un dieu. S’ils voyaient venir le jour ou les fervents de tous les autres panthéons auraient abjurés, alors ils pourraient s’entre-tuer à loisir, mais jusque là, tout pouvoir – aussi chaotique et neutre qu’il soit – devait être de leur côté. Elle s'approcha jusqu'à ce que son souffle caresse l'oreille du sombre.

- Je veux être à tes côtés pour voir les changements à venir. »

... Pourtant, une rage brûlait de plus en plus fort dans sa poitrine malgré l'effort inconscient qu'elle faisait pour chasser cette étrange impression.

Était-ce de la déception qui se lisait dans le brasier emplissant les orbites d'Haldren ? Ou peut-être du respect envers une mortelle qui ne reniait pas ses convictions quelle que soit l'adversité ? Difficile à dire, même si le scintillement qui pendant un instant avait figé les flammes jumelles laissait supposer qu'une émotion inattendue venait de parcourir le Dieu du Chaos. En cet instant, Krish ne pouvait avoir qu'une seule certitude : son hôte n'appréciait que modérément les paroles qu'elle venait de prononcer, sans doute en avait-il attendu plus dans son orgueil et son ego déjà démesuré du temps où il n'était que Ditronw Da're. Ce scintillement toutefois ne dura pas et lorsqu'Haldren reprit la parole, sa voix était de nouveau assurée comme auparavant.

Je respecte tes sentiments, fille d'Uriz. Mais tu apprendras bien vite que se mêler des affaires des Dieux apporte aussi son poids de responsabilités... et de remords.

La main du Chaos se posa sur la joue de Krish pour une tendre caresse, comme celle d'un amant au retour d'un long voyage ou comme une excuse pour ce qui allait se dérouler désormais. En la marquant, Uriz avait sciemment fait d'elle un pion sur le grand échiquier où les Dieux jouaient avec la destiné des mortels. Qui plus est un pion sacrifiable, car la vie de la drow ou des siens ne devait guère peser dans les plans du Père des batailles.

Je vais te faire un cadeau. Viens.

S'éloignant de l'autel, Haldren la guida jusqu'à une petite niche située dans l'un des transepts du temple. Là, sur un pilier de marbre gravé de runes à l'origine inconnue, se trouvait une coupelle large de deux pieds emplie d'un liquide noirâtre où apparaissaient par moment des cercles comme si une invisible éphémère venait jouer à la surface.

Regarde.

Une étincelle de lumière apparut dans l'obscurité aqueuse et emplit peu à peu toute la coupelle. Le visage sévère d'un noss y apparut, beau et terrifiant à la fois. Autour de lui, nombre de ses frères en armes avançaient d'un pas assuré, une farouche détermination brûlant dans leurs yeux. La vision s'étendit et survola l'Anaëh en contournant le lac d'Uraal. Partout des groupes de noss marchaient dans une même direction, des éclaireurs coordonnant leurs mouvements. Combien étaient-ils, ces redoutables guerriers de la forêt ? Plusieurs centaines au moins ? Un millier peut-être ? Ces clans qui souvent s'affrontaient en vaines querelles partageaient un objectif commun les ayant amené à mettre de côté leurs différents... au moins pour un temps.

HRP : Krish voit ce qui se passe dans ce rp

C'est l'avenir que tu vois là, fille d'Uriz. Les clans noss se sont ralliés sous la bannière du Héraut de Mëlien pour mener leur Grande Chasse et ils marchent sur Yutar que ton défunt mari a imprudemment dégarni. Dans deux ennéades, ils auront dépassé le lac d'Uraal et déferleront sur la forteresse comme un ouragan.

La vision changea et Estiam apparut au sommet d'une des tours de Yutar, un sourire cruel apposé sur son visage ruissellant de sueur. Dans sa main puissante, il brandissait la tête coupée d'un drow d'où goutait encore des filets d'ichor écarlate. Un cri vengeur s'échappa de sa gorge lorsque le Héraut jeta son macabre trophée loin dans les airs en direction de l'Est, comme pour défier à jamais les forces de l'Elda de reconquérir les lieux. Tout autour de lui des guerriers noss grouillaient comme des cafards, traquant impitoyablement les derniers drows qui continuaient désespérément à se battre sans posséder la moindre chance de survie face à la supériorité de leurs adversaires. La Grande Chasse venait de briser l'implantation drow aux frontières de l'Anaëh, implantation qui avait depuis longtemps constitué l'un des piliers de la stratégie militaire des seigneurs eldéens. Alors que la vision se dissipait et que l'eau redevenait noirâtre, Haldren reprit la parole :

Il est encore temps de les en empêcher, fille d'Uriz. Si tu donnes l'alerte, l'Olath Blada pourra réunir ses troupes et envoyer en urgence un ost de renfort à Yutar.

Tendant le bras, le Dieu du Chaos désigna une autre alcôve où brillait un portail d'ombre que Krish aurait pu jurer ne pas avoir vu jusque là et derrière lequel on devinait les douze portes de l'Elda qui dominaient la Faille de toute leur hauteur.

Ce portail te ramènera au Puy, te donnant une chance de faire échouer la Grande Chasse du Héraut et de sauvegarder Yutar, ce qui pourrait constituer l'acte fondateur de ta croisade contre Kerhel. Mais il y a un prix à payer pour ceux qui veulent changer l'avenir.

Se tournant vers l'autre transept, Haldren désigna un second portail à travers lequel se voyait une scène qui ne pouvait que glacer les sangs de Krish. Dans une crypte, un tout jeune enfant dormait paisiblement dans son berceau, inconscient de l'eau qui coulait depuis une ouverture dans l'un des murs et emplissait lentement les lieux. Déjà les dalles du sol commençaient à disparaître sous le liquide et les tréteaux sur lequel se trouvait posé le berceau ne donnaient à l'enfant qu'une sauvegarde bien temporaire face à la montée du flux.

Un enfant, oui, mais pas n'importe lequel.

Si tu vas sauver Yutar, Elghinn mourra. Tu peux choisir de passer ce portail pour le sauver, mais alors tu resteras enfermée dans ce temple jusqu'à ce que la vision soit accomplie et que Yutar soit tombée. Ensuite seulement tu seras libre de regagner le Puy. Choisiras-tu de sauver ton fils ou de sauver ton peuple ? Cette décision t'appartient, fille d'Uriz.

Avec un ricanement macabre, le Dieu du Chaos disparut, laissant Krish seule face aux deux portails et face au choix qui allait à tout jamais marquer son avenir.

Les yeux plongés dans les abysses du temps, un délicat sourire se dessina sur les lèvres de Krish. Les pierres roulaient, les murs s'effondraient pour s'écraser sur le sol. La magie se mêlait au massacre qui avait commencé sous les frondaisons. Rien ne semblait lui faire plus plaisir que ce visage mâte aux cheveux clairs qui hurlait sa vengeance dans le sang et la sueur. Même lorsque Haldren reprit la parole pour a mettre en garde et lui dire qu'on pouvait encore changer cela, elle parut étonnée.

- Pourquoi voudrais-je ? " mais il ne la laissa pas poursuivre, monologuant avec grandiloquence tout en lui montrant un premier portail. Elle leva un sourcil perplexe puis il se tourna vers un second portail comme s'il imposait un choix cornélien et... Elghinn.

La rage qu'elle repoussait inconsciemment depuis le début de cet entretient la submergea. La morsure brûlante de la colère la saisit avant même qu'elle ne cherche à comprendre pourquoi, quand ou comment Elghinn était arrivé là. La voix du mage pétillait toujours d'un air moqueur lorsque la main de la forgeronne s'étendit avec la vivacité d'un serpent. Comme mus d'une volonté propre, ses doigts se logèrent sur le joli cou du seigneur du chaos au moment ou un premier éclat de rire explosait. Un frôlement suffit. Là ou l'homme pensait pouvoir facilement disparaitre, il se retrouva incapable de se défaire de cette main. Ni sa volonté, ni son corps ne pouvaient lui permettre de s'éloigner.

Son rire sardonique se mua en un glapissement alors que la paume heurtait sa pomme d'adam avec la tempérance d'une plaque d'acier. Mis à part son bras, Krish n'avait pas bougé et son visage était toujours tourné vers son fils à la peau blanche. Un claquement de voile prise dans la tempête résonna entre les piliers. L'immense Flamme Noire qui brulait au centre du temple, à quelques pas de là, se couvrit d'or et de sang. Une lumière brûlante envahit l'espace, chauffant la peau des deux drows présents au point de sembler les brûler. Au même instant, Haldren sentit un vide se créer. Loin de leurs yeux, dans chaque cachette, sur chaque autel, sous les yeux de chaque priant, toutes les flammes rituelles avaient changés de la même façon que celle qui les bordait. La toile de magie n'abreuvait plus l'immonde araignée en son centre. Il était seul. Sonné par le brusque changement. Les flammes du Chaos rayonnaient jusqu'à en dissiper les ombres alentours. Dans les temples d'Uriz de Thaar à Elda, les Feux avaient été pris du même souffle de vie. Ronflant et s'étendant dans un râle de tonnerre, toutes les flambées sacrée tiraient vers le ciel leurs langues affamées.

- Tu viens de commettre une erreur qui ne te sera jamais pardonnée. " murmura la forgeronne, toujours de profil, le visage tourné vers son fils.

Sa voix était sifflante, rauque. Elle propageait une onde étrange qui vibrait dans l'atmosphère, prenant aux tripes et ébranlant les piliers du temple.

" Faible créature qui se croit notre égal. "

Cette fois les lèvres de Krish n'avaient pas bougées. Elle tourna la tête vers l'archimage qu'elle tenait toujours. Dans ses yeux, en miroir des ombres qui dansaient dans les orbites creuses de cette crevure, les iris de sang de la forgeronne s'étaient changées en véritable lave. Mouvante. Rayonnante. Flamboyante. Et de ces orbites ardentes, du sang coulait en abondance.

Un craquement sinistre. Un pilier tomba en ébranlant ce que tenait lieu de terre.

Sous les doigts de la forgeronne, une brûlure ardente marqua les contour de sa main sur le cou du Chaos.

" Tu ne connais pas la Puissance. "

Une fraction infime de la colère et du pouvoir de l'Être qui se répandait dans le temple enserra l'esprit du mage. Le simple contact était douloureux. Le bras de la forgeronne se détendit sèchement dans un craquement sourd. Le corps d'Haldren fut propulser avec violence par le portail qui renvoyait à Elda tandis que le membre de la drow retombait contre son flanc, partiellement désarticulé. D'une démarche étrange, elle s'avança jusqu'au portail opposé, pénétra dans la crypte ou se trouvait son fils et souleva de son bras valide le bambin contre son giron.

Au moment ou l'enfant posa sa petite main potelée contre la peau de sa mère, Krish prit une grande inspiration. Les flammes s’apaisèrent ou retrouvèrent leur couleur d'origine. Le temple cessa de trembler. Haldren retrouvait pleine possession de sa magie. Empoignant avec difficulté sa dague de sa main brisée, elle se tourna pourtant pour faire le chemin inverse vers le portail de retour, les jambes raides, le souffle court et la vue obscurcie par le sang qui maculaient ses yeux.

Jaillissant brutalement du portail catapulté par la volonté divine, Haldren alla s'écraser comme un vulgaire sac de patates contre un pan de galerie abandonné. Devant lui le sortilège se résorba et disparut, l'isolant du temple et de Krish qui trouverait bien un moyen de revenir en Elda par elle-même, fusse en demandant poliment à Uriz. Sentant le goût du sang dans sa bouche, l'archimage lâcha un glaviot rougeâtre sur le sol tout en essayant péniblement de se se relever. Mais ses jambes, si fermes quelques minutes plus tôt, semblaient ne pas vouloir le porter et il resta affalé dans la poussière tandis que des larmes de honte coulaient sur ses joues qui n'en avaient pourtant pas connues depuis des âges fort lointains.

Cette puissance...

Cette puissance qu'il avait ressenti dans sa chair l'espace d'un instant...

Horrifié, l'archimage contempla ses mains qui tremblaient encore de peur et de rage mêlée. Depuis combien de siècles ne s'était-il pas senti si petit, si insignifiant ? La fureur du Coléreux ne pouvait se comparer à aucune autre, et aucun mortel ne pouvait prétendre le défier. Fou qu'il était ! Il s'était cru si fort, si maître du jeu, d'avoir ainsi attiré Krish dans son sanctuaire pour la mettre face à un dilemme des plus amusants (à ses yeux tout du moins). En l'espace d'un instant, ses rêves venaient de révéler toute leur démence comme les premières lueurs de l'aube naissante dissipent les ombres de la nuit. Son destin restait écrit et il se trompait lourdement en croyant pouvoir le modifier.

Arrivant enfin à tenir debout en s'aidant du mur pour soutenir ses jambes flageolantes, Haldren tenta de remettre de l'ordre dans sa tenue mais ses tremblements incessants ne l'aidaient pas. Peur ? Oui, il ressentait la peur jusqu'aux tréfonds de son être. Peur d'avoir osé s'inviter à la table des Dieux et de devoir désormais en payer le prix. Nul drow n'ignorait le châtiment des hérétiques défiant leurs seigneurs : les tourments perpétuels dans les P'leik, les prisons de glace du sombre royaume de Teiweon. La mansuétude ne faisant aucunement partie des vertus cardinales enseignées par le panthéon drow et alors qu'Uriz venait de prouver qu'aucun lieu ne se trouvait à l'abri de son poing ganté de fer, Haldren sentait presque le froid de ces geôles l'entourer déjà au point qu'un vent de panique s'empara de lui.

Non ! Non !

Au matin, les gardes en faction à la porte Est virent un fou passer courant comme si les chiens de Kiel mordaient déjà ses talons, avant de s'enfoncer au loin dans les terres stériles. Jaugeant inutile de se préoccuper de ce malheureux condamné à crever de soif dans ces étendues arides, ils se contentèrent d'inscrire cet événement mineur dans leur rapport journalier avant d'aller se prendre un godet à la taverne la plus proche.

Grandeur et décadence venaient une fois encore de rappeler qu'elles agissaient comme les deux faces d'une même pièce avec laquelle les Dieux jouaient la destinée des mortels.

Pas à pas, la sombre s'approchait du portail. Dans une gangue de coton, elle ne voyait que les limites vacillantes de ce trou dans la réalité. Il fallait qu'elle l'atteigne. Il fallait qu'elle rentre. Qu'elle mette Elghinn en sécurité. Il n'y avait que cette unique pensée.

Les bords du passage commençaient à se refermer. La respiration de la forgeronne s'accéléra. Ses yeux ne cillaient plus. Elle serra les dent, tentant d'accélérer la cadence de sa marche. Il se fermait trop vite, ça ne suffirait pas. Haletante, épuisée, elle tenta de courir. Le choc de sa première foulée se répercuta dans l'ensemble de son corps, l'obligeant à s'appuyer contre un pilier pour ne pas tomber. Il n'y avait plus qu'une maigre fenêtre devant elle. Quelques pas à franchir.

Arrachant chaque pas dans un râle rauque et tenace, elle se remit en mouvement. Plus que quatre pas. Son bras loqueteux était coincé entre le pommeau de la dague et son ceinturon, battant son flanc tandis qu'Elghinn levait vers elle ses grands yeux inquiets. Plus que trois pas.

- Mamam..." gégnit-il

L'air sifflait dans sa gorge.

Deux pas.

Les derniers grésillements de magie refermèrent devant elle avec un chuintement sourd. Le silence siffla à ses oreilles. Il n'y avait pas un souffle de vent. La froideur du lieu la pris à la gorge. Elle déglutit difficilement. Elle resta là, debout, à observer le vide. Elghinn se redressa de toute sa taille pour passer ses ses petits bras potelés autour du cou de sa mère. Elle recula. Une colonne de pierre heurta son dos. Elle glissa doucement jusqu'au sol, à bout de souffle, et poussa son fils à se décrocher d'elle. De plusieurs mouvement saccadés suivis de son spongieux et écœurants, elle remis en place son épaule et son coude. Son front était empoissé de sueur et son fils restait agrippé à sa cuisse, le visage enfouit dans le tissus de son pantalon en répétant inlassablement des mots d'enfant qu'il était le seul à comprendre. Il ravala ses premiers couinements après une remarque cinglante de sa mère. Au final, il ne pleura pas plus qu'elle ne cria ou gémit sous la douleur. Puis, elle détacha son ceinturon, tenta d'en retirer sa dague et la petite sacoche qui y étaient accrochés pour l'utiliser comme une écharpe. Elle n'en avait plus la force. Alors son bras resta inerte, posé le long de son flanc, tandis qu'elle reprenait Elghinn contre elle. Il ne cessait de baragouiner, comme si la présence de sa propre voix l'aidait à se montrer fort. Il se cramponnait a elle de toute la force de ses petites mains. Mais il était en vie. C'était le plus important.

- ça va aller, trésor. ça va aller... "

Mais sa tête pesait lourdement en arrière. Elle ne pouvait que regarder faiblement autour d'elle. La seule chose qui lui parvenait était une sensation d'immensité. Le nuances de gris et de noirs qui délavaient toute chose respiraient d'une étrangeté qu'elle n'avait qu'à demi remarquée jusqu'ici. Il ne fallait pas qu'elle reste là.

Il ne fallait pas...

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