Cela faisait trois jours que Wydrin était sans nouvelle de sa Patronne... Et ça commençait franchement à lui foutre le cafard parce que l'heure de l'action était venue. Elle avait placé tous les affranchis qui avaient passer les épreuves de fidélités là ou c'était prévu. Elle avait repris contact avec le réseau du Chacal et vérifier avec Wik les dates d'envoie des caravanes de la Corporation d'Argent pour étendre ses affaires jusqu'au Quartier Doeb en passant par Esion. Les 30 étaient stratégiquement infiltrés et disposés. Tout était prêt pour la première danse.
Tout sauf la présence de l'instigatrice de toute cela.
Décochant un coup de pied dans la bassine d'étain qui lui servait de baignoire dans cette auberge miteuse du quartier Doeb, Wydrin grogna de douleur et cracha une flopée d'injures. Ses orteils étaient de toute évidence moins dur que du métal. Elle avait deux heures pour donner l'ordre en l'absence de la Vieille peau. Après ça, la fenêtre de tire ne serait plus assurée. Si elle agissait sans le top départ, Qui savait ce que Krish pouvait lui faire... Mais si elle n'agissait pas, les Repentis risquaient de se désagrégés et tous leurs efforts auraient été vains.
C'était dans la nature de la Vieille d'être lunatique et Wik et elle avaient déjà eut a couvrir ses absences soudaines et là, son fils aussi avait disparu. D'ordinaire, ils continuaient à agir comme ils l'avaient prévu. Elle leur faisait confiance pour ça... Alors pourquoi pas...
Elle essora rapidement ses cheveux poivre et sel, revêtit son armure de cuir, attacha son masque et son capuchon, passa une cape et descendit à la cave pour se glisser vers les étages inférieurs du Puy sans passer par la grande porte. Ils feraient le premier pas que Krish soit là ou non et ils lui feraient un rapport à son retour.
Il était temps de prévenir Eshk'Oroth.
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L'écoulement lent et infini du magma roulait sur la pierre noire et poreuse de la large faille. Une rivière grumeleuse débouchant dans une bulle d'air aux parois agressives. La chaleur était si étouffante que se tenir sur le promontoire qui surplombait pourtant le spectacle de plusieurs dizaines de mètres était douloureux. Le gaz vous étouffait et vous brulait les poumons en une poignée de secondes tandis que le fleuve de lave semblait poursuivre paresseusement sa course. Le son qui résonnait sur la roche était celui d'un océan déchaîné mais la puissance de ce hurlement crépitant était sans commune mesure avec une simple tempête. La lumière rougeoyante tachetée de noir et de jaune suffit à transpercer les yeux de quiconque la regarde jusqu'à ce que sa Flamme en soit atteinte.
Voilà ce qu'avaient découverts un gamin à la peau blanche en émergeant d'une fracture dans la roche, de nombreux Cycles auparavant. Un gamin famélique, si frêle qu'il avait put se faufilé dans un boyau inaccessible aux adultes pour échapper à des tortures et des sévices que seuls les drows avaient le secret. Et voilà de quoi la Forge de Lave tirait sa puissance.
Depuis ces temps immémoriaux, les alentours avaient bien changés. Le puy de lave était resté le même, mais la crevasse menant au promontoire avait été élargie en un couloir régulier terminé par deux lourdes porte de pierre rendues chaude au touché par l'air brûlant qu'elles empêchaient de se répandre plus loin dans le complexe. Plus profondément enfoui que la Chambre magmatique elle-même, les Forges de Lave avaient renoncées au prestige du pouvoir pour une sombre et dangereuse puissance, au plus près du sang de la terre.
Creusé dans les premiers temps d'Elda, nul ne connaissait le nombre exacte d'esclaves et d'exilés qu'il avait fallut sacrifié pour dompter une parcelle de la rivière de lave, mais chacun de leur nom était gravé dans les murs des escaliers qui descendaient jusqu'aux Forges de Lave. Passant une porte de métal noire qui ne payait pas de mine, le chanceux - ou l'infortuné - voyait s'étendre une armurerie d'une qualité supérieur. Une tiédeur sympathique accueillait le chaland et des assistants prenaient les mesures, marquaient le fer et prenaient des notes pour que chaque œuvre soit faite sur mesure exacte de celui qui voulait l'acquérir. Chaque pièce, chaque arme, chaque armure disposée sur les étendoirs était forgé au dessus de la lave elle-même et leurs prix étaient hors de porté de tous ceux qui pensaient que les pierreries et l'or pouvaient tout permettre au Puy.
A gauche, une salle obstruée par des rideaux de cuir épais dissimulait tout le mobilier nécessaire au repos et à la guérison des travailleurs de force. A l'intérieur aussi, le secret d'une longue rigole d'eau claire et froide était gardé des yeux du publique, dispensant une fraicheur bien venue derrière les épaisses tentures.
Ce n'était qu'au fond du grand hall que les choses devenaient sérieuses. Sur les six bons mètres qui séparaient le sol du plafond, cinq étaient occupés par une haute porte de métal clair travaillée comme de la dentelle. On aurait put voir les forgerons s'afférer dans leur antre si quelques mètres plus loin, une nouvelle porte aux creux et bosses étrangement réguliers ne venait pas obstruer la vue et coupé tout bruit venant de l'intérieur. Ce n'était qu'en passant ce dernier sas, dont seul les pratiquants avaient les clefs, qu'on entrait dans les Forges à proprement parlé. Une salle dont le plafond plus haut encore que le précédent s'élevait en pente douce comme un dome. Il était éclairé, ornementé et percé de nombreuses cheminées, incluses dans des sculptures en ronde-bosse qui voulaient happer l'orgueilleux qui oserait les regarder d'un peu trop près. Mais les mus n'étaient pas en restes. Bardés de d'étagères, de reposoirs, de barres, d'alliages et d'échantillons sur leurs deux premiers mètres de hauteur, onze idoles titanesques observaient avec attention les gestes des officiants. Les silhouètes de Teiweon et d'Uriz culminaient plus que toute autres, face à face, à gauche et à droite.
Du côté de la ténébreuse Déesse de la Mort, une rigole de la même au claire se déversait dans un réseau de bassin répartis dans la salle. Du côté du flamboyant Dieu de la Guerre, c'étaient d'épaisses canalisations de pierre noire qui s'extirpaient des murs jusque sur des foyers aux épais couvercles de pierre. Ce n'était qu'alors qu'elle pouvait apparaitre, s'écoulant centimètre par centimètre. Plusieurs outils étranges, introuvable dans toue autre forge, reposaient près de chacun des foyers et chaque puy de flamme portait le symbole de l'un des dieux qui observait la salle. Il n'y avait donc que onze postes de travail et il était évident qu'il n'y en aurait jamais plus.
Il avait même été rare au cours des siècles que les foyers soient tous utilisés en même temps.
Et aujourd'hui, c'était à lui et ses apprentis de maintenir l’honorable tradition de ce lieu grandiose.
Un hurlement de douleur sonna derrière la tête de Ge'Hen. Pourtant, le Maître ne sursauta pas. Il prit le temps d'éloigner doucement le métal blanchi du conduit de lave et de le poser sur l'enclume. Son bras énorme remis en place le couvercle de pierre sur le foyer, il raccrocha chacun de ses instruments aux formes étranges et seulement après, il se tourna, l’œil sévère. Un novice était recroquevillé au sol, le bras ensanglanté jusqu'au coude. Deux compagnons étaient déjà accourut tandis que les deux autres se concentraient sur leurs travaux respectifs : les pièces d'un plastron articulé commandé par un officié du Ier ost.
Le novice retenait ses larmes à grand peine mais gardait la tête haute. Ses aînés l'avaient remis sur pied en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire et le poussaient vers un bassin d'eau clair dans lequel était maintenu un léger débit.
- Qu'est-ce qui s'est passé Reï'kin ?
- Je... Je me suis seulement coupé, Maître. " répondit l'adolescent qui contenait à grand peine sa peur et sa douleur.
- Un morceau de lave s'est solidifié dans une cheminé, il a voulu l'en extraire et s'est rappé le bras sur le reste qui était encore friable.
- Imbécile... " murmura le petit drow dont la musculature aurait put faire pâlir le plus entraîner des soldats eldéens. Il secoua la tête et indiqua nonchalamment.
" Soignez sa main, qu'il ne garde pas de handicape. Et dix coups de fouets pour sa stupidité, le retard de son travail et le déshonneur aux yeux des Dieux. "L'un des compagnon, une femme plus virile qu'un prêtre d'Uriz, acquiesça, l'autre retourna à son foyer... En tout cas il allait le faire quand la voix rocailleuse et détachée du maître forgeron le fit frissonné.
- Raal, tu as laisser ton foyer en désordre pour porter assistance à Reï'kin. Tu recevras trois coups de fouets. La prochaine fois, je te le ferai rentrer dans la tête au fer rouge.
- Bien Maître, répondit simplement le jeune homme malgré son teint grisâtre et sa voix blanche.
Puis tout repris son cours dans le ronflement caractéristique et presque silencieux du feu de lave et les coups éclatant du marteau sur l'enclume. A la fin de la journée, une fois les châtiments de la journée distribués, les compagnons partirent un par un. Il ne restait plus que le maître en personne et trois novices qui lavaient, vérifiaient, étiquetaient, et rangeant la salle et les entrepôts attenants avec le plus grand soin. L'heure était tardive lorsque Ge'Hen ferma enfin son foyer pour la nuit. Couvert de suie et de sueur, il défit le lacet qui retenaient ses cheveux noirs, s'étira, et quitta l'atelier pour se diriger dans la boutique. L'intendant était encore là, assis derrière le comptoir en train de revérifier les commandes et les acomptes de la journée. Les rideaux de cuir étaient tirés et la porte de sortie ostensiblement claquée.
- Bonne journée ? demanda l'intendant, grand et longiligne à côté du petit maître trapus.
- Si on veut. Trouve moi de nouveaux aspirants apprentis. Je peux te parier que d'ici la fin du mois nous aurons un novice en moins.
- Bien. " répondit sérieusement le jeune administrateur en tirant de sous son espace de travail une bouteille et deux godets. Il avait l'air distrait. Sa longue ganache creuse était moins charmante que d'habitude.
- Un soucis ?
- Non. La fatigue.Tout en servant la liqueur translucide, son regard se tourna pourtant lourdement vers le rideau de cuir. Passant de son compagnon d'affaire au coin de repos dérobé à la vue par les lourdes tenture, il repris son manège plusieurs fois, tendant peu à peu l'échine de Ge'Hen.
- Bof. Ne t'inquiète pas. La mort du fils Xaran a levé une vague de paranoïa, cela nous fait de travail mais dans quelques ennéades il n'y paraîtra plus.
- J'espère que tu as raison, sinon il va me falloir un aide supplémentaire et un nouveau dos. Doucement, tout doucement, le Maître Forgeron avait tiré une dague recourbée de sa ceinture. L'empoignant fermement, il s'apprêta à se tourner vers l'alcôve.
- Tu m'excuses une seconde, je vais me débarb...La fin de sa phrase s'éteignit avec la pointe d'une lame noire et droite sur sa gorge. Il s'était tout juste retourné. Devant lui, une longue silhouette encapuchonnée lui imposait une surface d'argent polie pour tout visage. Quoi qu'il se passe ici, cela ne sentait pas bon. En bougeant suffisament vite de côté il devrait pouvoir...
- Je te le déconseille." Une voix autoritaire et hautaine claqua dans l'air, lui faisant tourner le visage vers la femme qui venait d'ouvrir en grand les rideaux. Derrière elle, une troupe de guerriers et de guerrières tous masqués d'argents... quatre vendeurs, trois novices et quatre compagnons.
La femme était bien plus grande que la moyenne et bien que son visage soit caché par une capuche rouge, ce qu'il voyait de son corps insolemment dévoilé entre ses soieries noires lui indiquait qu'elle n'était plus de prime jeunesse.
Ses yeux s'écarquillèrent soudain. A sa ceinture pendaient deux lames en demi-cercle. L'une blanche, l'autre noire.
- Krish Al'Serat..." murmura l'homme abasourdit.
" Tu as mis tout ce temps à venir jusqu'ici...
- Je voulais regarder de quoi tu étais capable avant.
- Cela ne te concerne pas. Tu n'es plus la bienvenue ici !
- Silence. Je revendique mes droits, rien de plus.
- Et c'est pour ça que tu séquestre mes assistants ?
- Non, ça c'est pour avoir ton entière collaboration. A partir d'aujourd'hui, cet endroit sera un quartier général absolument parfait.Le ton méprisant de la vieille femme se fit plus hautin encore. On la disait imbue de sa personne mais il n'aurait pas cru que c'était à ce point. Il serra les dents. Il avait déjà perdu deux fois contre elle en concourant pour le titre de meilleur forgeron d'Elda, et contrairement à lui, elle ne prenait aucun apprenti, n'avait laissé aucune faille pour qu'il puisse la faire assassiner pendant qu'elle était loin du Puy. Ce qu'il craignait le plus était sur le point de se produire... Il allait redevenir un simple sou-fifre en ces lieux.
- Sale garce. Tu pars et tu pense pouvoir revenir voler l'oeuvre d'une vie ?!
- Bien sûr que non. Je veux que tu restes en place et que tu continue ton travail comme tu l'entend. Tu n'accepteras toujours que les commandes que tu veux, tu t'organisera et tu traitera tes assistants comme tu le souhaite. Mais les employés vont légèrement changé. Tous les vendeurs seront choisis par moi. Tous les novices également. Chaque cargaison sera apporté et livrée par mes coursiers. Rien de plus. Tu ne verras même pas que nous sommes là. Et en attendant deux de tes compagnons et l’intégralité des employés seront emmener en lieu sûr le temps de vérifier la loyauté de tout ce beau monde.Pour l'instant en tout cas...
Tout en parlant, elle s'était approché d'une démarche aussi raide que royale. Mais lorsqu'elle s'appuya sur le comptoir à côté du forgeron, il blêmis autant que le novice qu'il avait condamné au fouet. Il ne détachait pas les yeux du visage ombragé par la capuche.
- Tu... T-tu... Tu n'es pas...
- Je suis ses yeux et ses oreilles. Qui se soucis d'autre chose ? Wid. " lança-t-elle avec un sourire condescendant. Aussitôt, la silhouette qui le tenait en joue lui arracha son couteau des mains et le fouilla entièrement.
" Trinquons. nous avons à causer. Dit-moi. Que serais-tu prêt à sacrifier au nom des Dieux et d'Elda ? "