Avant qu'il ne soit trop tard [Glenn & Gli]

Troisième ennéade de Vérimios, an X du XIe cycle

Quelques jours auparavant, une lettre arborant le sceau du Lys couronné parvint en la cité de Naelis. Le porteur, sans nom connu, n'eut guère de mal à trouver la garde pour leur transmettre le papier. L'on imagina fort bien que ce dernier voyagea quelque temps avant de finalement finir sa course dans les mains mêmes de sa majesté Glenn Hereon, Roi de Naelis, mais aussi de son épouse elfique, Glinaina. Pour l'occasion, ce n'était non plus les petits projets d'un seul qui était visé, mais bien l'entièreté d'un Royaume.

A leurs majestés Glenn et Glinaina Hereon, Roi et Reine du Royaume de Naelis, salut.

C'est en ces temps troublés par la guerre d'Ydril, que nous vous demandons de nous recevoir afin de connaître vos véritables intentions. Si vous l'acceptez, nous vous demanderons également de garantir un sauf conduit au navire et à tout ses membres d'équipage, jusqu'en dehors de votre Royaume et de vos eaux. Vous comprendrez qu'en cas de violation de l'accord, cela ne ferait qu'aggraver une situation déjà bien compliquée.

Je serai représenté par le contre-amiral Arminio di Sfalzi.

Recevez la bienveillance des cinq.  

Francesco Cortès di Castigliani, Vice-Amiral de la Marine Royale.

Courte lettre, mais facile à comprendre. Le couple royal verrait sûrement là une rencontre attendue depuis longtemps. Nuls émissaires royaux en étaient venus jusqu'à chez eux depuis le début des hostilités d'Ydril. S'étaient-ils sentis délaissés ? Ignorés ? S'étaient-ils imaginés qu'ils ne seraient jamais inquiétés malgré l'envoi d'une troupe sur les terres d'un Royaume étranger ? Il y aurait beaucoup à discuter, peut-être à négocier qui sait ! Mais s'il y avait bien une chose que le vieux contre-amiral souhaitait, c'était bien de savoir qu'elle mouche avait pu piquer un Roi, au point que celui-ci se mette en tête d'affronter un ennemi dont la puissance pourrait être suffisante pour rayer son Royaume de toutes les cartes connues du monde.

Adonc, le vieil Arminio di Sflazi attendit que le porteur de la lettre s'en revienne pour leur donner l'accord. Bien entendu, celui-ci fut positif. Sans attendre plus longtemps, lui et sa galiote nommée Justicia, s'en allèrent à l'approche du port de Naelis. Après avoir pu constater la très forte agitation, les gardes ne lui laissèrent point le temps de trop s'éterniser. On le mena au plus vite jusqu'au castel où l'attendaient nombre de notables du coin venus pour l'occasion. Il eut préféré un lieu plus discret et reclus, mais se contenterait de ce qu'on lui offrirait. Quand bien même les cinq péninsulaires semblèrent minoritaire entourés de la sorte, ils n'en perdirent pas moins leur fierté et leur prestance de représentants royaux.  Car contrairement à d'autres occasions, ils ne venaient pas ici dans le but de courber l'échine où de supplier.

Ils venaient simplement pour comprendre.

Comprendre et trouver une solution si celle-ci pouvait exister.

– Majestés, fit Arminio en s'inclinant respectueusement. C'est un honneur de pouvoir être reçu en ce royaume.

Il redressa la tête et jeta un œil rapide sur toutes les personnes présentes. En de très nombreux points, celles-ci ne différaient que très peu avec les caboches que l'on avait habitude de voir dans les cours péninsulaires. Sauf que là se tenaient également d'autres races... Il ne montra rien de son étonnement.

– Je viens à vous, majestés, dans le but de comprendre vos véritables motivations concernant votre présence dans le Comté d'Ydril, s'enquit-il. Nous sommes aux faits de votre volonté d'aider le dénommé Altiom a récupéré ce qu'il a perdu il y a quelques années. Mais au Royaume de Diantra, nous nous demandons, très sincèrement, ce qui a pu vous pousser à apporter des hommes d'armes sur un territoire qui n'était pas le vôtre, sans même faire part d'un Cassus Belli préalablement.

Il était sincère. Il n'y avait nulle trace de cynisme où de sentiment de supériorité dans son discours. Il n'y avait, en réalité, qu'une volonté de comprendre le fin mot de l'histoire.

– Pourquoi Majestés ? Pourquoi s'être emparés des terres royales ? Vouliez-vous vraiment déclarer la guerre au Royaume de Diantra ? Pourrions-nous trouver une solution, un accord, une entente afin d'apaiser les tensions ou avons nous déjà atteint le point de non retour ?

La petite cour ainsi rassemblée dans la salle du trône de l'Oëstkjord, le château de Naelis, semblait bien soucieuse devant la venue de ces visiteurs péninsulaires. Les membres du conseil étaient dissimulés parmi les représentants des corporations marchande et les gouverneurs qui avaient pu faire le déplacement. Comme de coutume à Naelis, la soldatesque était représenté en nombre puisqu'elle constituait la majorité de l'élite du jeune royaume.

Face à eux, le trône, un ouvrage de pierre somme toute assez simple, réhaussé de quelques marches par une dalle. Y était assis, vêtu d'une tunique bleu sombre, un homme costaud à la longue barbe grisonnante  proprement taillée et à la coiffure impeccable. Ses yeux marrons fixaient tour à tour ceux des cinq émissaires. Il ne les interrompit pas et attendit poliment que le contre amiral Arminio termine de poser ses questions avant de répondre :

- Veuillez m'excuser messires, on vous a mal informé, je ne suis pas le Roi Hereon. Le couple royal a quitté Naelis depuis le début du mois. En leur absence je suis chargé de la gestion courante du royaume, avec l'aide du conseil. Je me nomme Trimack Malfer, sénéchal de Naelis."

Par prudence, Trimack se garda bien de préciser la nature et la durée du voyage entrepris par le Roi et la Reine. Néanmoins, ce n'était pas un secret bien gardé et un habitant intéressé pouvait très bien être en mesure de leur répondre... Si leur escorte leur laissait le temps de flâner, ce qui n'avait pas été le cas pour l'aller entre le port et la cour. Ancien soldat de Serramire, Trimack était un vétéran et compagnon de la première heure de Glenn. Il faisait parti avec Erestor et Raymond du fameux trio qui avait fait la renommée de la compagnie du centaure. Si Trimack s'était montré compétent dans les tâches qui lui avaient été confiées, il avait bien conscience que cette visite d'émissaires royaux était des plus délicate.

- Avant de poursuivre, je vous invite à regarder les bannières qui trônent au dessus de nos têtes. Toutes ont appartenu à des seigneurs de guerre drow que nous avons vaincu. Naelis n'a toujours eu que deux ennemis, le Puy et Sol'Dorn. Maintenant, je comprends votre inquiétude pour Ydril. En ce sens, je vous propose de quitter le cadre officielle de la salle du trône pour un endroit plus intimiste, où nous pourrions parler plus simplement.

¤(musique d'ambiance)Naelis la belle, Naelis la rebelle, Naelis souveraine¤

N'en déplaise à l'assemblée, la discussion allait se poursuivre en privé, sur la terrasse du "jardin d'Ydril", un espace convivial où le cadre se voulait être le reflet du jardin le plus raffiné du Sud de la péninsule. Glenn avait tenu à transformer ce qui était au préalable une arrière cour servant de debaras à la garde du château en un lieu chaleureux. Trimack proposa aux émissaires du vin, le célèbre Limencello dont Naelis contrôlait les exportations. Hormis la présence de quelques chevaliers de Naelis, la garde royale, les émissaires étaient seuls avec Trimack. Ce dernier, après s'être assis confortablement sur sa chaise, prit un air très sérieux :

- En aidant Altiom à redevenir Comte d'Ydril, Naelis a répondu à une dette d'honneur. En effet, le sieur Altiom est un ami de la cité depuis que ce dernier nous a apporté son aide lors de la bataille de Ruven. Sans son aide et celle d'Alonna, un seigneur de guerre drow vous aurait accueillit à ma place... Mais ce seul fait n'explique pas la participation de Naelis à cette guerre. Revenons à l'invasion d'Oësgard par les Drows, la terre natale de notre Roi. Nous avons rassemblé les légions pour prêter main forte aux nordique et avons livré bataille en Aduram, coupant les Drows d'Amblère de tout ravitaillement par l'est. Mais en dépassant la dross, alors que les frontières d'Oësgard approchaient, nous nous sommes confrontés à des forces obscures, terreurs d'un autre temps qui décimèrent notre avant garde avant de blesser mortellement notre Roi. Son corps inaminé fut aussitôt ramené en Naelis et la Reine ordonna le retrait des troupes. A ce moment là, Altiom se tenait à ses côtés et continua son chemin en Oësgard pour participer au siège d'Amblère au nom de Naelis. La Reine était désespéré car rien ni personne ne pouvait sortir Glenn de son état : son âme était comme enfermé dans le royaume des morts alors que son corps, lui, refusait de partir. Après plusieurs mois dans cet état, ce fut Altiom qui découvrit le moyen de le libérer. Par un sombre rituel appris des zurthan, il ramena le Roi Glenn Hereon d'entre les morts, le payant de son âme."

Glenn Hereon avait fait de Naelis ce quelle était devenue aujourd'hui : une puissante cité indépendante capable de tenir tête à Thaar et aux Drows. Il avait redonné l'espoir à un peuple ayant vécu longtemps sous le joug de la servitude. Sa mort prématurée aurait été un coup dur pour Naelis, un coup dont elle aurait très bien pu ne pas se relever.

- Vous comprenez mieux sans doute tout le sens de cette dette. Glenn a promis au duché de soltariel de quitter la péninsule une fois le trône d'Altiom retrouvé, ce qui fut fait. Nous avons respecté notre engagement et regagné l'Ithri'Vaan."

Les émissaires s'attendaient-ils à une telle réponse ? Au moins avaient-il appris de la bouche de Trimack la vérité.

- Maintenant, il est regrettable de voir que la présence de Altiom vous soit à ce point intolérable... Car le peuple d'Ydril est derrière lui et il ne cache pas sa volonté de respecter son serment de vassalité vis à vis du Roi Bohemond. Si Diantra veut que le sud de la péninsule soit fort, elle doit accepter Altiom."

HRP:

S’il comprenait le sens de cette dette ? Il n’était point homme à en décider, ni même à en commenter la teneur. Néanmoins, durant l’intervention du Sénéchal de Naelis, il eut tout le temps d’y penser afin d’en saisir l’importance et la gravité. Adonc, Naelis avait seulement répondu à une dette d’honneur en envahissant le sud du Royaume. Réussirait-il alors à comprendre que cette dette pourrait leur coûter plus cher que tous les trésors de ce vaste monde ? Comprendrait-il qu’en s’acquittant de sa dette, le Roi Hereon avait joué à un jeu bien trop dangereux en menant avec lui tous ses sujets dans sa quête… d’honneur. Mais le paradoxe était plus grand que ça. En justifiant leur cause commune contre le puysard et leurs – semble-t-il – bonnes intentions envers Ydril, Arminio comprit une chose. Une seule. Que Naelis n’avait juste point anticipé les répercussions d’une telle action. Car tout le Royaume était en branle pour bouter celui que l’on nommait déjà le Sans-Terres. De là à l’accepter, ni plus ni moins, en omettant toutes les actions commises contre les terres royales d’Ydril. Soit le Sénéchal cherchait à le leurrer, soit il pensait vraiment ce qu’il disait. L’un comme l’autre, Naelis était au bord du drame.

-J’entends tout ce que vous me dites, et sachez que mes seigneurs l’entendront aussi, sans que je ne transforme votre discours. Votre Roi est un homme d’honneur et a prouvé sa loyauté envers un ami qui lui était cher. Ceci sera entendu.

Il se racla la gorge, s’imaginant déjà que ses prochains mots risqueraient de créer un certain malaise à l’égard de celui qui parlait au nom de tout Naelis.

-Mais… souffla-t-il avec une certaine retenue. Si Altiom était autant dévoué au Roy Bohémond, pourquoi ne pas être simplement venu plaider sa cause et ses bonnes intentions à l’égard d’Ydril ? s’enquit-il à titre personnel. Du point de vue royal, son arrivée a été perçue comme une invasion appuyée par un Royaume étranger. Comment accepter un tel homme qui n’a fait qu’insuffler un vent de chaos au lieu d’exprimer clairement au Roi son attachement et sa loyauté ?

Il venait de cibler la contradiction de tout ce remue-ménage. Et il n’en avait point terminé.

-En ce moment-même Sénéchal, la plus grande armée jamais levée est en marche sur l’Ydril. Les seigneurs qui mènent les ost se font un devoir de prouver leur loyauté au Roi en éliminant celui que vous avez aidé à conquérir. Nos flottes ratissent l’Olienne en quête de navires à couler. L’archipel de Nelen s’est débarrassé de ses révoltés et est devenue maintenant une forteresse parée à faire face à l’estrévent et à votre Royaume. Qu’adviendra-t-il de nos relations si vos hommes, restés là-bas, font face aux hommes du Roy ? Si la dette envers l’ami de votre suzerain est payée, il est encore temps de sauver ce qu’il reste à sauver de nos relations et d’éviter à Naelis d’être en guerre contre un voisin bien plus grand que lui. Ainsi vous dirais-je ce que l’on m’a demandé de vous dire : sauver vos hommes d’Ydril et ramenez-les auprès de leurs femmes et de leurs enfants. Dites à votre suzerain que le Royaume de Naelis peut encore s’en sortir, quand bien même il faudra du temps pour effacer le douloureux souvenir d’Ydril.

Sinon quoi ?  Sinon la reconquête d’Ydril ne serait qu’une première étape. D’ores-et-déjà, Naelis avait dû se rendre compte du peu de passage des navires marchands en provenance de la péninsule. Arminio savait plus que quiconque comment l’on menait une guerre, lui qui avait mené tant de batailles aux pirates mecans. Mais pour Naelis, si elle persistait dans sa dette, les restrictions seraient tout d’abord économiques, puis les Grands du Royaume, voulant prouver qu’aucuns crimes envers sa Majesté Bohémond ne sauraient rester impunis, auraient à cœur de venger l’affront subi un jour où l'autre. Le Médian venait tout juste d'en faire les frais.

-Vous l’avez bien mentionné toute à l’heure, Sénéchal, nous avons un combat commun à mener contre la menace puysarde. Vous, en premier y êtes exposé alors je ne puis que vous conseiller de plaider pour le retour de vos troupes auprès de votre Roi pour qu’à l’avenir la Péninsule et Naelis puissent unir leur force afin de mener le combat... ensemble.

Il faudrait du temps et énormément de patience, ainsi que d’efforts diplomatiques pour que les rapports entre les deux royaumes redeviennent stables. Et pour ce, Naelis devrait faire le premier pas à n’en point douter.

¤(musique d'ambiance)Naelis la belle, Naelis la rebelle, Naelis souveraine¤

Trimack écouta attentivement les paroles du contre amiral.  C'était une situation dont il se serait bien passé. En effet, lui n'avait pas participé au conflit et n'avait que supervisé de loin l'entraînement des légions. Lui, le sénéchal, pourtant en tête de la hiérarchie militaire, était resté à Naelis pour seconder la Reine dans sa gestion du royaume. A l'inverse, les généraux Potemsk et Damons s'étaient couverts de gloire tant à Marcalm que a Valméro. Fort de cette expérience, les légions en étaient ressorties plus forte que jamais. Pourtant, c'était à lui d'assumer la responsabilité de cette guerre devant la couronne de Diantra ! Même si cela le rebutait, il savait pourquoi. En effet, c'était lui qui bénéficiait de la confiance du Roi.

- Contre-amiral... Altiom à été retenu dans vos geôles sans ménagement, il a passé ses dernières années en exil, loin des siens, pendant que tout le monde se disputait des petits bouts des terre de son peuple. L'heure n'était plus aux pleurs, mais à l'affrontement. Sans cela, jamais les scylleens et soltarii ne se seraient retirés d'Ydril."

Car finalement, plus que d'une quête de puissance, c'était une quête de vengeance que poursuivait Altiom. Pour l'avoir côtoyé a de nombreuses reprises, Trimack en était persuadé. Quand l'émissaire en vint à parler des conséquences sur l'évolution des relations entre Diantra et Naelis, il fronca les sourcils. Les péninsulaires ne comprenaient décidément pas ce que Glenn Hereon et les centaures avaient fait de la petite cité d'Ithri'Vaan soumise aux Drows qu'était devenue Naelis.

- Je pense que votre jugement est erronée sur plusieurs points. Vous semblez grandement sous-estimer notre jeune Royaume. C'est la première fois que vous vous rendez a Naelis, n'est-ce pas ? Depuis 10 ans que nous, les centaures, avons repris ces terres aux Drows, vous êtes restés centrés sur vous, occupé à défendre  l'unité et la stabilité en péninsule. Pendant ce temps, le monde bouge.De nouveaux seigneurs de guerre Drows, plus jeunes et plus ambitieux ont pris le pouvoir en Elda. La cité d'Abysséa a refait surface, les nains ferment leurs portes et les elfes ne nous traitent plus en ami."

C'était la vérité, pendant que les querelles internes ravagaient la péninsule, le monde avançait. Naelis, au centre de celui-ci, était bien placé pour le savoir. Le Sénéchal ne revint pas sur les propos du contre amiral concernant les forces rassemblés contre Ydril. De quelle armée parlait-il ? Celle qui avait défait le Médian, alors que le ban arrivait à son terme ?

-En vérité, notre Roi ne devrait pas tarder à revenir puisqu'il est déjà sur le retour. En attendant, notre volonté n'est pas de poursuivre le conflit. Si vous pouviez garantir le libre passage aux derniers Naelisiens restés en Ydril, Naelis renoncera à toute prétention sur le vicomté du Curzio. Tout deux n'avons pas la prérogative pour conclure ce genre d'accord, mais nous pouvons en être les artisans. Je pense que votre démarche de venir à notre rencontre est bonne et cela ne peut que nous pousser en ce sens."

Quelques jours plus tôt, était arrivé d'Ydril un message tacheté de sang. Le signe que l'aide de Naelis y était demandée. Trimack avait aussitôt envoyé un messager pour en avertir Glenn Hereon. Avec l'émissaire royal, Trimack tentait de lui offrir des alternatives. Mais que déciderait-il a la fin ? Nul ne le saurait dire.

Arminio resta figé tout du long, écoutant avec attention la verve sortir de la bouche du Sénéchal naelisien. Il apprit ainsi, sans que ce ne soit une véritable nouvelle, que le but de cette conquête répondait en priorité à une promesse de vandetta faite depuis longtemps. Il n'était guère là pour juger, seulement pour parler au nom d'autres que lui, et écouter pour retransmettre. Combien même la cause de Naelis aurait été la plus juste et la plus intelligente possible, il n'aurait pu qu'acquiescer et promettre une nouvelle fois que tout serait redit. Cela était en théorie, puisqu'il avait déjà fait part de ses pensées personnelles non pas pour piéger l'ennemi, mais seulement pour comprendre. Sans doute que la chose avait dû être mal interprétée. Adonc s'en tiendrait-il qu'aux simples formules d'usage puisque la tentative de raisonnement précédente avait déjà échouée.

Quant au fait de sous-estimer le royaume de Naelis, au sein même du Royaume de Naelis. Que nenni, il n'avait fait que pointer une autre réalité. Ce qu'il nommait royaume ici, en terme géographique et démographique, ils l’appelait comté où duché chez eux. De facto, ils ne jouaient définitivement pas dans la même cour. S'offusquer d'une telle différence flagrante et réelle eut été signe d'un esprit malade où embrumé. Pour sûr, Naelis représentait néanmoins d'autres avantages : Celui de posséder d'une armée bien équipée et bien entraînée; celui de servir de point de passage pour les navires voguant sur l'Olienne; celui aussi d'offrir un formidable bouclier contre d'éventuels puysards en quête de destruction. Le Sénéchal avait lui-même signalé ce détail précédemment et venait de nouveau de le répéter. Car le monde bougeait, c'était certain. Mais le monde pouvait aussi s'arrêter pour d'autres.

Quant à la suite, et bien, elle fut plus plaisante à entendre. Cela lui appris une chose qu'il n'oublierait certainement pas pour les autres entretiens. Naelis était fier et pourtant consciente de son état. La rabaisser, c'était s'exposer aux foudres de son  Roi parti de rien. Si en revanche, on lui donnait enfin l'impression d'être prise au sérieux, la balance pouvait enfin basculer.

– Je puis d'ores-et-déjà vous fournir la garantie qu'un sauf conduit sera accordé aux hommes de Naelis restés en Ydril. Nos flottes les escorteront jusque sur vos eaux et chacun repartira de son côté.

Arminio ne sut expliquer pourquoi, mais il eut une petite pointe d'inquiétude. Cela était en rapport à des paroles marmonnées par le vice-amiral juste avant son départ. Dès lors, il n'avait pu que donner raison à son commandant et rester perplexe à son tour quant à la potentielle suite des opérations. Car garantir un sauf conduit avait été la première étape. Le signore di Castigliani s'y était engagé et s'y tiendrait. Le problème n'était pas là, mais ailleurs sur l'Olienne. La crainte avait été d'anticiper ce qu'il se passerait une fois la jonction établie entre les troupes rapatriées et l'amirauté naelisienne. Profiteraient-ils de cette occasion pour se retourner contre eux afin de leur planter une dague dans le dos ? Naelis obtiendrait pendant un temps le contrôle de l'Olienne, tout comme Thaar avait failli le faire. Paradoxalement, en s'attaquant à l'amirauté royale et alliées, Naelis s'attireraient non plus seulement les foudres des suderons, mais aussi celles des médianais et des nordiens. Ainsi, l'Olienne serait perdue au prix de milliers de marins morts. Mais Naelis donnerait à Diantra un merveilleux motif d'unité pour que toutes les rancœurs d'un Royaume soient orientées vers elle. N'y avait-il jamais eu de meilleure occasion qu'un ennemi commun pour entendre un Royaume travailler de concert ?

– Si vous me le permettez, Sénéchal, je souhaiterais attendre votre suzerain afin de m'entretenir avec lui. Le convaincre ne sera sûrement pas chose aisée, je le conçois, mais vous semblez tout comme moi enclin à trouver une issue à cette histoire. M'aiderez-vous au près de votre Roi ?

- En effet, c’est une décision que je ne peux prendre seul. Je ne vois pas d’inconvénients à ce que vous restiez, mais le Roi en a au moins pour une bonne ennéade avant de revenir dans la cité. De l’aide? Eh bien comme je viens de vous le dire, Naelis n’a aucun intérêt à rentrer en conflit avec Diantra, alors oui, je défendrai mon point de vue devant le Roi Hereon.  Maintenant, nous gagnerions tout deux du temps si vous profitiez de cette ennéade pour faire part à votre hiérarchie de notre entretien et que celle-ci vous donne les autorisations nécessaire pour signer quelconque traité. Après tout, peut être que le Vice-Amiral souhaiterait participer à ces négociations. »

La question sous-jacente du sénéchal tenait quant à la confiance que plaçait la régence en la personne du contre amiral Arminio. S’il n’était qu’un simple rapporteur et non un véritable ambassadeur, il n’était finalement que peu d’utilité pour des négociations. Trimack porta une nouvelle fois sa coupe à ses lèvres. Les soltarii n’avaient guère touchés à leur coupe depuis le début de la conversation. Pour le sénéchal, ce vin avait été la plus grande réussite de toute cette folle aventure en Ydril ; alors il ne s’en privait pas.

Une ennéade plus tard…

Afin d’anticiper les choses, Trimack avait dépêché des hommes de confiance à Ruven pour y attendre le Roi. Il fallait que ce dernier ne soit pas pris au dépourvu en rentrant dans l’Oëstkjord. Durant ce temps, la délégation suderonne avait été libre de tout mouvement, non sans avoir fait l’objet d’une attention toute particulière de la part d’œils inquisiteurs. Tenu au fait des événements récents en Ydril, Glenn était des plus dubitatif. Il comprenait que Diantra ne reconnaîtrait jamais Altiom, son ami, comme comte d’Ydril. Quand bien même la victoire militaire sur Soltariel pouvait leur être acquise, affronter le reste des grands vassaux de la péninsule était au dessus de leur force à tous les deux.

- Faites savoir aux émissaires de Diantra que je les recevrai demain, à la première heure. Pour le reste, rassemblez immédiatement la haute hiérarchie militaire dans la salle du conseil. »

Des décisions importantes allaient être prises. Aux conseillers d’apporter leur expertise durant une séance qui fut de loin la plus chaotique depuis la prise de la cité, ou sa fondation même ! Toutefois, cette séance tenante fut interrompue par l’arrivée d’un invité pour le moins… Inattendue.

HRP:

L'entrée au port du vice-amiral fut discrète. Il n'y eut nul étalement de puissance, ni démonstration de supériorité. Le Roi de Naelis en personne avait souhaité un entretien avec la perspective avancée d'une fin totale des hostilités. L'information avait d'abord été relayé par le contre-amiral Arminio, confirmant ainsi ses volontés diplomatiques de trouver dans tout ce foutoir un peu de raison et de logique. Il y eut bien entendu les avertissements aboyés des capitaines et autres seigneurs péninsulaires, quant à son déplacement dans la cité devenue ennemie. A cela, il n'eut que quelques mots dans la bouche à leur marmonner du genre « Si je meurs, un autre que moi reprendra la barre pour la leur mettre jusqu'à l'os ». Bref, Francesco, sous couvert de l'autorité royale s'en alla à Naelis à la quatrième ennéade et y fut accueilli comme s'il avait voulu visiter une cité péninsulaire. On ne lui fit évidemment nuls éloges, ni d'applaudissements où de hourras. On le scruta plutôt de la tête aux pieds, comme pour voir à quoi pouvait bien ressembler l'adversaire. Qu'ils n'aient crainte, car eux firent de même.

Puisque Francesco n'était non point arriver seul, mais avec quelques navires aux étendards provenant de moult terres du royaume des Hommes. La démarche était simple : montrer que Diantra était arrivé et non seulement quelques marins. Adonc, on leur fit montre de leurs quartiers une fois arrivée aux abords de la ville forte. Bien qu'il n'y eut ni hostilités, ni insultes entre les naelisiens et les siens, l'on ne put parler pour autant d'une franche camaraderie. Pour cette raison, les royaux avaient reçu comme consigne de rester les plus corrects possibles.

On attendit sagement l'entrevu du lendemain, puis on partagea le sel et le pain avec des notables de la cité venus les acceuillir. Pour ceux qui étaient restés aux navires, les activités ne manquèrent aucunement. Sans parler de l'étude faite de la cité et de ses capacités navales et portuaires, il y eut une étonnante accalmie générale qui se mit à régner sur les ponts. D'autre part, du côté de Francesco et des émissaires royaux, on peaufina les derniers détails avant la rencontre. Arminio se montra fort bon analyste en faisant part de ses premières impressions depuis son arrivée.  Puis, l'heure de bouger arriva enfin. Ils étaient une dizaine d'officiers de la couronne arborant écharpes et autres broutilles signalant leur rang. D'autres gardes, portant les bannières au Lys les suivaient.

Lorsqu'on les présenta au Roi Hereon, Francesco et les autres s'inclinèrent lentement afin de montrer que même malgré les animosité, la politesse existait toujours. Ce n'est qu'après que le vice-amiral se laissa céder à la curiosité en jetant un œil à celui qu'il était venu rencontrer. De ce Roi, il n'en connaissait que quelques récits. On le disait natif du Royaume de Diantra. On le disait  aussi parti de rien pour bâtir son monde. Pour cette raison, il ne pouvait éprouver que respect et admiration. Néanmoins, le spectre de l'intervention ydrilote revenait au triple galop et le faisait paraître comme un envahisseur assoiffé de vengeance.

Quel visage donnerait-il cette fois ?

– Votre Majesté, Diantra a répondu à votre appel et souhaite voir avec vous les termes d'une cessation des hostilités entre nos deux royaumes. Est-ce également votre désir ?

A nouveau, l’ensemble hétéroclite qui formait la cour de Naelis se rassembla dans la salle du trône. L’entrée dans le port de diverses navires de guerre arborant les couleurs des grands territoires du royaume de Diantra n’était pas passée inaperçue. Quand l’on apprit que le Roi, de retour, avait décidé de recevoir le Vice-Amiral, représentant de la couronne, le lendemain matin aux premières heures, d’aucun se dirent que le moment allait être historique. Bourgeois, représentants des guildes marchandes, chef des corporations d’artisans, gouverneurs et conseillers, tous étaient présent ce matin, dans le fond d’une salle bien remplie. Les chevaliers de Naelis, gardes aux armures de plates et à la cape de gueule aux épées d’argent, étaient également présent en nombre pour représenter l’autorité royale.

- Messieurs, mesdames, sa majesté le Roi Hereon Ier, Roi de Naelis, souverain de La Dross et vicomte du Curzio ! Annonça l’intendant Himbert. »

Glenn avançait d’un pas assuré, droit vers le trône de chêne sur lequel il s’asseyait depuis près de huit ans. Il avait revêtu sa plus belle tunique, de diverses nuances de gris relevé par des nuances d’un rouge ocre. Les cheveux proprement coiffés et la barbe taillé de près, cette ensemble sombre mettait en valeur tant ses yeux d’un bleu éclatant que la couronne d’or qu’il portait. Une fois assis, il dévisagea l’assemblée qui lui faisait face. Des visages connus, certains d’amis proche… Il avait cette chance de ne pas compter d’ennemis dans son entourage, dans sa cour. Jusqu’alors ces décisions avaient conquis l’unanimité, mais qu’allait-il en être pour aujourd’hui ?

- Votre majesté, messieurs, mesdames, le Vice Amiral di Castigliani, commandant de la flotte royale de Diantra et ambassadeur de sa majesté Bohémond Ier, suivi de (il énonça ainsi le grade et le nom de chaque personne qui accompagnait le vice-amiral)... »

L’ensemble s’inclina poliment. Glenn plongea son regard dans celui du vice-amiral. Il savait cet homme responsable de la victoire face aux insurgés de Nelen, mettant ainsi à mal le plan dont l’armateur Savarius, partenaire commercial du royaume, lui avait fait part le mois dernier. L’amiral de Naelis, Kennet, était bien présent dans l’assemblée. Si ce jeune prodige ne l’avait jamais déçu jusqu’à présent, Glenn doutait fortement de la capacité de l’ancien pirate à vaincre le loup de mer à la moustache raffiné qui lui faisait face.

- Oui, cela est bien ma volonté. Je suis prêt à signer une paix avec Diantra et à renoncer à toute prétention sur le vicomté du Curzio… Sous certaines conditions ! Premièrement, l’immunité diplomatique pour un navire, celui où embarqueront les derniers naelisiens restés en Ydril. Restés pour assurer l’intendance du Curzio, ce sont des hommes de valeur auquel je tiens. Deuxièmement, je voudrai fixer certaines garanties concernant l’avenir du comté. Que celui-ci ne subisse pas de sanctions pécuniaires ni commerciales dès la fin du conflit. Qu’importe le futur régent que vous choisirez, mais que le trône reste aux systolie, dont la jeune Aléandra pourra prétendre à nouveau le titre à sa vingtième année, après avoir rendue un hommage lige au Roi Bohémond. Enfin, que Ydril reste souveraine de l’entièreté de ses vicomtés. Si vous êtes prêt à accepter ces conditions, qui pour moi sont le seul moyen d’apaiser définitivement le peuple ydrilote, je suis prêt à vous livrer Altiom d’Ydril, pour un juste procès et mettre fin à la guerre. »

Glenn n’y était pas allé par quatre chemin. Il avait beaucoup réfléchi et sa discussion avec Angelina aidant, avait pris sa décision. Maintenant qu’il avait soumis son offre, restait à l’ambassadeur de l’accepter, revoir certains termes ou bien la décliner… Si Francesco pensait, à juste titre, que négocier avec Naelis serait un grand pas vers la fin de la guerre en Ydril, il n’avait certainement pas prévu de se voir proposer un accord pour en finir. Que Naelis lâche Altiom était une chose mais que Naelis livre Altiom à Diantra en était une autre.

Il s'était préparé à plusieurs éventualités et celle-là n'en faisait clairement pas partie. Tout d'abord surpris que le Roi ne propose pas une entrevue à huis-clos afin de s'épargner les yeux et les oreilles de tout son royaume, il lâcha ses conditions de paix comme on lâchait une commande dans une taverne. C'était bien là que l'on voyait d'où venait l'homme. Simplicité et rusticité étaient les premiers termes qui lui vinrent à l'esprit en l'entendant parler. Au moins, avec lui, ils ne tourneraient pas autour du pot. Néanmoins, il dut bien avouer qu'une chose le laissa perplexe. Le naelisien s'octroyait le droit de traiter au nom du comté d'Ydril. De mémoire d'homme, aucun étranger n'avait déjà fait une telle chose. Il y eut fort à parier qu'en agissant de la sorte avec d'autres hommes forts du Diantra, Hereon n'aurait eu pour réponse qu'un silence glaçant et blessant. Heureusement qu'il n'était ni le Sénéchal du Royaume, ni le Chancelier, mais seulement un homme voulant la paix pour tous.

Il se trouva finalement que les négociations évoquées, quoique exigeantes, ne tombaient pas non plus de nulle part. Évidemment, la livraison d'Altiom venait se rajouter comme la promesse d'une paix solide et durable entre les deux royaumes. Fallait-il encore que Naelis se tienne à la hauteur de ses promesses. Jusque-là, elle n'avait pas faillie à son allié d'Ydril, les chances étaient donc.... plutôt bonnes.

– Majesté, reprit-il, nous sommes venus ici dans l'optique de signer la paix entre nos deux royaumes, en vous offrant un sauf conduit pour vos hommes restés en Ydril. Cela est dans mes attributions et je respecterai ma parole, ainsi que les mots que j'alignerai sur le traité, dit-il, le regard fixant celui du Roi. Mais sachez qu'il n'est pas dans nos habitudes de traiter les conditions de paix d'une terre du Royaume de Diantra avec un Roi étranger et qu'à ce titre-là, tout ce qui sera décidé maintenant où dans les prochains jours devront trouver l'aval de notre nouveau régent.

La vice-amirauté lui permettait certaines libertés, comme celle d'avoir carte blanche pour faire régner la paix dans l'Olienne. Celle aussi de négocier tout ce qui se rapprochait de près où de loin à l'Océan. Mais lorsqu'il s'agissait de traiter au nom d'une terre vassale, mieux valait prévenir d'entrée de jeu que s'il négocierait au nom de Diantra, il n'aurait certainement pas le dernier mot sur l'histoire. Il ne restait plus qu'à préparer le terrain pour que celui-ci satisfasse suffisamment les Grands du Royaume.

– J'entends bien vos conditions et votre offre de nous livrer le dénommé Altiom. J'entends aussi votre profond attachement à cette terre et à tout ce que vous êtes prêts à concéder. Il va de soit que toutes les sanctions économiques seront abandonnées dès lors que Ydril recouvrera le calme. S'il me faut l'écrire pour que vous ayez la certitude, je le ferais de bon gré.

Pour l'heure, les officiers de la couronne restés derrière lui étaient encore calmes. L'on entendait dans l'assemblée entourant le Roi quelques chuchotements, mais rien de bien méchant. Le plus dur restait pourtant à venir. Car l'on allait passer aux sujets délicats.

– Aléandra di Systolie s'est montrée fortement impliquée dans le cas ydrilote. A Diantra et dans tout le Royaume, il est désormais connu de tous que la demoiselle a pris les armes contre son Roi. Vous comprendrez assurément que l'on ne peut garder sa place et la confiance d'un Roi, si l'on s'est montré belliqueux à son encontre, car un chien qui mord une fois, sera bien susceptible de récidiver. Il semble donc certain que la place de la demoiselle reste incertaine si cette dernière ne montre pas un minimum d'intention bienveillante à l'égard de son Roi. Alors rajoutons dans les conditions, Majesté, que la dénommée Aléandra di Systolie pourra conserver le comté que si cette dernière reconnaît publiquement avoir été sous l'emprise totale et entière de son oncle Altiom.

Il était sûr et certain que de nombreuses voix s’élèverait à la cour de Diantra. Car ceux qui en voulaient à la Systolie étaient en nombre généreux. A commencer par la duchesse de Soltariel en personne. L'on pouvait ainsi dire que le destin d'Aléandra était maintenant entre ses propres mains.

– Concernant votre dernière condition, il n'est pas dans notre volonté que le comté d'Ydril subisse une guerre civile longue et meurtrière. Il est temps que la paix revienne et regagne enfin tous les sujets de sa Majesté Bohémond. Néanmoins, ce sont des terres royales qui ont été attaqué sans l'ombre d'un cassus belli en amont et sans l'ombre d'une tentative diplomatique afin de proposer au Roi d'autres alternatives pouvant éviter un tel affrontement. Vous comprendrez sans doute, votre Majesté, qu'il ne m'appartient pas de droit de concéder des terres royales sans en référer à la seule personne capable de prendre une telle décision, qui j'en suis convaincu, vous sera refusée et balaiera d'un revers de main toutes chances et notre travail pour restaurer la paix. Je vous propose néanmoins d'écouter ma proposition qui pourrait être le seul compromis envisageable.

Il s'avança vers le Roi, provoquant ainsi la méfiance des gardes royaux.

– La guerre est aux portes d'Ydril. Vous êtes sans nul doute au courant qu'un ost colossal a été levé pour défaire Altiom et récupérer les terres royales conquises par les vôtres. Il y a de fortes chances pour que le futur régent soit lui-même à la tête de son armée pour inspirer ses hommes d'une part, mais aussi pour marquer symboliquement la puissance royale restaurée.

Ce qui était arrivé au Médian, tout le monde le savait désormais. Même à Naelis pour sûr.

– Voici notre proposition, reprit-il aussi vite sans ajouter qu'il serait compliqué de faire mieux. Les hommes et femmes d'Ydril pourront rester seuls en leur comté. Les vicomtés anciennement royaux pourront avoir à leurs têtes des nobles d'Ydril. Mais ces vicomtés devront faire l'office de bailliages royaux.

C'était là que résidait le compromis. Comme dans les terres royales entourant Diantra, les baillis étaient des familles de la noblesse locale. Les Altenberg en Apreplaine par exemple. Le roi gardait donc un œil sur les aspects administratifs, juridiques et fiscaux. Pour le reste, comme la politique « sociale », urbaine et rurale, les nobles du cru avaient les mains libres et s'affairaient du mieux possible à satisfaire leurs sujets, mais aussi leur roi.

Adonc, Ydril resterait aux Ydrilotes et Diantra récupérerait ses acquis perdus.

A prendre où à laisser.

En débutant les pourparlers dans la salle du trône, Glenn Hereon conviait son peuple au dénouement de l’expédition de ydrilote. Si la plupart des légionnaires en étaient sortis grandi d’une expérience nouvelle, d’innombrables histoires à raconter au coin du feu et surtout une coquette prime, d’autres n’avaient trouvés dans cette terre lointaine que la mort et la souffrance pour leur famille… Beaucoup parmi le peuple naelisien, et même dans l’entourage du Roi, pensaient qu’on avait débarqué en Ydril pour remplir les caves à vin du Royaume. Pouvait-on vraiment leur donner tort ? Cela répondait donc à un objectif, celui d’assumer l’expédition devant le peuple naelisien. Glenn s’était montré fidèle à Altiom, celui qui s’était porté au secours de Naelis pour la bataille de Ruven. Depuis, et grâce à travers de l’amitié entre les deux hommes, Glenn considérait le peuple ydrilote comme un peuple frère. Sans cela, il ne serait pas permis de poser des conditions sur l’avenir du comté, car c’était justement cela qui avait donné du sens à cette expédition. Je suis sûr que tu comprendras Altiom. Tu m’en voudras, mais au fond tu sauras que j’avais raison.

- Amiral, vos propositions vont dans le sens de la paix. Compte tenu du fait que vous comptez préserver le peuple ydrilote, je peux d’ores et déjà vous dire que je les accepte. Maintenant, il conviendrait pour nous de continuer cette discussion dans un cadre plus intime. Si vous voulez-bien me suivre. »

Le Roi de Naelis, suivit de chevaliers qui encadrèrent sa sortie. Cette sortie ne se fit pas sans bruit du côté de la cour. Il ne s’attendait certainement pas à un dénouement aussi rapide, aussi simple, aussi… Facile. Surpris, certes, mais aussi grandement soulagé. Il fallait dire que la perspective d’une guerre ouverte contre la péninsule, en passe de s’unifier sous la bannière du nouveau régent, les avaient grandement inquiété. Présent parmi l’assemblée, le sénéchal Trimack Malfer cherchait du regard le contre-amiral Arminio, pour lui signifier par un simple geste de tête que leur engagement avait porté ses fruits.

Francesco et les nobles qui l’accompagnait furent reçu dans les jardins de l’Oëstkjord, ancienne cour intérieure boueuse aménagé en jardin avec sa lavande et ses oliviers rappelant fortement le sud de la péninsule. Sur une table, un serviteur avait disposé un verre de vin pour chacun des invités. Étaient présent aux côtés de Glenn plusieurs figures importantes du Royaume. Le plus jeune, reconnaissable de par sa tunique bleu-ciel, était sans nul doute Kennet, dit l’amiral « crochet », ancienne figure de la marine marchande et corsaire, qui œuvrait maintenant en tant que chef de la flotte naelisienne. Le seul qui était en armure, c’était Raymond de Dircal, commandant des chevaliers de naelis fils cadet d’une petite famille noble de Serramire. Plus discret et un peu en retrait, Letwyn, maître d’un réseau d’espions au service du royaume, dont l’efficacité n’était plus à prouver. Enfin, il y avait Trimack Malfer, le sénéchal et bras droit de Glenn.

- Mes seigneurs, prenez une coupe et trinquons, oui trinquons à la paix ! Vos propositions sont sérieuses, Amiral. J’ai confiance que cela dépasse largement le cadre de Naelis, mais si je ne parlais pas en leur nom, qui aurait pu ? Je ne vous aurai pas fais de telles demande si je n’étais pas en mesure de vous livrer Altiom. J’ai rempli ma dette d’honneur envers lui, mais aujourd’hui, je ne peux cautionner ce sacrifice. Amiral, venez je vous prie je voudrai que l’on puisse converser seul à seul. »

Trimack Malfer relança la discussion auprès des nobles qui avait accompagné le vice-amiral. D’autres serviteurs revinrent pour remplir les verres et apporter quelques mets à se mettre sous la dent en cette chaude matinée d’été. Descendant les marches de la terrasse, Glenn amena Francesco jusqu’à une fontaine, dont le bruit de l’eau couvrait leur voix auprès des autres.

- J’ai toujours en Ydril une unité de commando, qui excelle dans l’infiltration et le sabotage. Je ne pourrai pas forcer Altiom à se rendre, mais eux pourront le kidnapper et vous le remettre. Je ne vous aurai jamais proposé ça si je n’avais pas les moyens de le faire. D’où venez-vous, amiral ? De Soltariel ? Je dois dire que je suis rassuré de voir qu’il reste quelques gens compétents dans ce duché, à défaut d’un duc et d’une duchesse. »

Si le vice-amiral avait des questions, Glenn lui en laissait l’occasion. Même s’ils devaient parler plus en détail du traité qu’ils allaient signer, c’était aussi le moment pour eux d’en apprendre plus sur l’autre. Il est en position de force en Olienne, maintenant que Faeron s’est retiré… Nous affronter serait du gachis et ne servirait que les intérêts de Thaar et du Puy.

Aux premiers mots lâchés par le Roi de Naelis, Francesco sut que la fin de toute cette triste comédie était sur le point de se réaliser. Bien sûr, il y avait toujours les coups foireux possibles, mais il eut la l'envie sincère de participer à un dénouement pacifique, plutôt que d'autres hommes comme son fils cadet ne trouvent la mort sur les champs d'Ydril où les océans. Son âge faisait qu'il n'éprouvait plus pour la guerre une fascination dévorante, ni même une motivation flagrante. Il obéissait à son devoir qui était celui de protéger le Royaume, ni plus, ni moins. C'était la seule chose que ses ennemis avaient besoin de savoir. Pour ce qui était de l'esprit revanchard et de la haine, il laissait ça à ses plus jeunes années à combattre la piraterie mecanne, et aussi aux serpents soltaar qui avaient autrefois participés à la mort des hommes de sa famille.

De bon gré, sans éprouver la moindre méfiance, il accepta de suivre le Roi et ses proches dans un lieu plus intime et adéquat pour la conversation d'une telle teneur. Invité à suivre le suzerain des lieux dans un endroit à l'abri des oreilles et des regards, il ne put que continuer à l'accompagner tout en écoutant les derniers propos évoqués. Hereon faisait là l'accent sur la capture de l'homme qu'il avait aidé à s'emparer d'Ydril. Encore une fois, Francesco ne put que s'interroger quant à un tel retournement. Il était probable que le Roi ait eu à cœur de ne pas s'attirer les foudres de Diantra en leur offrant une sorte d'excuse et preuve de bonne foi. Pourtant, il restait encore à comprendre l'étroit lien qui le liait à Altiom et les raisons profondes d'une telle opération.

Il ne comprenait pas pourquoi Altiom s'était attaqué aux terres royales alors qu'il se disait loyal au Roi Bohémond. Il ne comprenait toujours pas pourquoi Altiom n'était allé tout simplement s'agenouiller devant sa Majesté et ses conseillers pour demander qu'on lui confit la régence d'Ydril en attendant la majorité de sa nièce. Tout aurait pu être plus simple, tout aurait pu se passer sans qu'aucun sang ne soit versé. Et pourtant, ils avaient choisi la solution la plus meurtrière et coûteuse.

Alors leur conquête d'Ydril avait été un succès dans ses débuts. Mais avaient-ils réellement pensé aux retombées ?

Tant de mystères qui ne trouveraient probablement jamais de réponse. Et à vrai dire, Francesco s'en foutait puisqu'ils venaient tous ensemble de trouver un échappatoire à tout ceci.

– Vous plus que moi connaissez cet homme. J'ai entière confiance en vos hommes pour parvenir à telle prouesse, Majesté. Diantra ne pourra qu'apprécier un tel geste de votre part et je veillerais personnellement à ce que les tensions à votre encontre s'apaise pour que cette histoire reste loin derrière nous. Mais la mémoire est tenace, et je ne puis vous garantir que le feu s'éteindra complètement.

Quant à Soltariel et de sa provenance, il comprit que le Roi cherchait à mieux le connaître. Après tout, n'était-il pas vrai qu'on ne pouvait gagner qu'en connaissant son ennemi ? Mais de ça, il espéra dès lors qu'ils ne l'étaient plus.

– Vous dites vrai, Majesté, je viens de Soltariel. Et vous seriez sans doute étonné de connaître le nombre de gens bien plus compétents que moi qui sont morts ces dernières années à cause des vices et des têtes corrompues de la cour ducale.

Il y avait de l'amertume dans ses dernières paroles. Son esprit avait été tourné vers Ydril pour répondre à ses devoirs et obligations envers son Roi. Mais son cœur, lui, était resté accaparé par Soltariel. Au moment même où il s'entretenait, son frère et toute sa famille se retrouvaient à batailler contre le pouvoir en place pour mettre un terme à la médiocrité du couple ducal.

– Soltariel vit des jours sombres, et non seulement à cause d'Altiom, Majesté. A ce propos, le duc de Soltariel est recherché pour félonnie. D'après nos derniers renseignements, il aurait rejoint la rébellion nélennite avant de s'embarquer pour l'Ithri'vaan. Son épouse quant à elle, sera bientôt jugée pour avoir laissé la situation d'Ydril dégénérer.

Il eut une mine épuisée.  

– Les coupables ne sont pas toujours ceux que l'on croit, ajouta-t-il en regardant l'eau de la fontaine couler. Votre ami aura droit à un procès juste et équitable et je veillerais à ce qu'il soit correctement traité.

Tant de gâchis. Tant d'hommes brillants et compétents mis à terre. Si seulement cette guerre n'avait jamais eu lieu...

-Signons la paix demain et tentons d'aller de l'avant. Si l'avenir se fait sombre, tâchons de l'éclairer... ensemble.

Glenn écouta attentivement le vice-amiral.

- Si l’ancien Duc de Soltariel est vraiment en Itrhi’Vaan, mes espions ne tarderont pas à le repérer. Les principautés de Thaar peuvent être de bonnes enclaves à celui qui cherche une nouvelle-vie, mais la concurrence est rude et le joug des princes marchands, est disons, lourd… Si j’apprends quelque chose je vous en ferai part, à vous ou directement à la régence. A ce propos, la dame Angelina de Solaria est en ce moment même à Naelis. Elle n'est venue ici que dans l'unique but de m'implorer de faire cesser cette guerre. Cela n'a pas été vain puisque nous y sommes parvenu... Peut-être peut-elle vous en apprendre plus sur les troubles en Soltariel qui ont conduis la duchesse Tibéria à l'enfermer. Je me dois simplement de vous dire qu'elle est ici sous ma protection  »

Glenn énonça cela comme gage de bonne volonté. Si jamais il mettait la main sur Franco, rien ne l’obligerait à le livrer à la péninsule. Seul compterait alors les intérêts du royaume de Naelis. C’était là tout l’avantage d’être souverain.

- Altiom était un dirigeant éclairé. Ce fut le premier à venir à notre rencontre et à nous soutenir face aux drows. C’est pour honorer cette dette que nous lui avons prêté assistance. Je pense qu’il a fait bien plus pour le sud que n’importe quelle autre comte ou duc, mais il était dans le mauvais camp. Aujourd’hui, je ne peux cautionner qu’il sacrifie ainsi son peuple. Pour que son honneur soit sauf, il doit être jugé. C’est pourquoi je vous remercie d’en tenir compte. En parlant de gens compétents, qu’en est-il du poste de Amiral ? Il sera tenu par l’un des pairs ?»

Francesco voulait signer le traité demain. Ce temps sera mis à profit par les scribes pour rédiger un acte respectant les volontés des deux parties. Naelis, comme en témoignait toutes ses activités récente, gardait la réputation de tenir ses engagements et Glenn ne tenait pas à y déroger.

- Dans l’immédiat, j’aurai besoin d’un sauf conduit pour un de mes navires. Je dois transmettre mes instructions à une personne fiable, ce serait trop risqué d’envoyer un volatile, il pourrait être intercepté. Ce navire accostera à Valméro. De là vous devrez être prêt à réceptionner Altiom, car je vous le livrerai par la mer. Je ne vous cache pas que l’opération sera risquée, mais j’ai pleinement confiance en les hommes qui vont la conduire. »

Le succès de cette opération dépendrait de trois hommes, Raymond, Erestor et Damons. Trois fidèles de Glenn, combattant à ses côtés depuis le début, au temps de la troupe du centaure. Ces trois centaures auraient la tâche difficile de renverser l’Hydre.

La nouvelle le prit de court. Angelina de Solaria était à Naelis. C'était en partie à cause de son emprisonnement soudain et sans procès que la Magna Carta était née. Pourtant, le Roi Hereon semblait ignorer qu'il en avait été l'instigateur en appuyant le fait qu'elle était dorénavant sous sa protection et que nulle méfait ne pourrait lui être intenté. Au contraire, s'il pouvait la voir, ce serait pour lui rappeler que Soltariel ne l'avait pas oublié et que de nombreux nobles l'avaient soutenu en rejoignant la Charte.

– Il serait effectivement bon de m'entretenir avec elle, Majesté. Et ne voyez pas en moi une éventuelle menace pour elle, puisque c'est pour réparer l'injustice qui lui a été faite que nous avons rédigé la Magna Carta Soltarii afin de dénoncer l'emprisonnement sans procès qui lui a été commis. De nombreuses voix se sont élevées en l'apprenant et ses soutiens sont bien plus importants que ceux de la duchesse actuelle.

Pour ce qui était d'Altiom. Il ne le connaissait que de réputation et l'avait probablement croisé durant quelques opérations dans l'Eris où dans l'Olienne du temps où l'homme était fait Archonte. Il n'eut donc pas le désir de revenir dessus et se contenta de rebondir sur la situation quant à l'amirauté royale laissée encore vacante.

– Franco di Celini, le duc de Soltariel, était l'amiral de la Marine royale jusqu'à son départ soudain. Il est désormais démis de ses fonctions et de ses responsabilités. Depuis, il n'y a plus que moi aux commandes de ce navire fougueux. J'ignore encore qui le remplacera, mais ce ne sont pas les brillants marins qui manquent par chez nous.

En ce qui concernait l'opération pour la capture d'Altiom, Francesco acquiesça aux derniers propos. Le Roi de Naelis connaissait mieux l'individu que lui et saurait régler à n'en point douter cette action.

– Vous aurez votre sauf conduit, Majesté. Mes hommes attendront les vôtres au point de rendez-vous qui vous conviendra le mieux. Pour ma part, il me faudra d'abord aller m'entretenir avec les Princes-Marchands de Thaar avant de le retrouver. Il nous faut encore connaître leurs véritables intentions.

En disant cela, Francesco se doutait que l'Hereon savait sûrement des choses. Pour ce, il suffisait de voir la qualité de leur nouvelle flotte présente sur les quais et revenir sur les capacités de transport utilisées pour amener un corps expéditionnaire jusqu'en Ydril. Les connivences entre Naelis la dénommée compagnie Savarius était donc probablement fondée, mais il n'eut point l'envie d'étaler toute sa théorie alors que la paix était sur le point d'être conclue.

HRP:

En effet, Glenn ignorait l’existence de cette magna carta destinée à évincer la duchesse de soltariel. Ses informations du sud de la péninsule lui venait directement de ses gens en Ydril mais concernait plutôt la situation terrestre et navale, soit stratégique, du comté. A ce titre il ne pouvait pas savoir que Francesco était un des soutien de Ange. Il accueillit cette nouvelle avec enthousiasme. Elle n’est pas aussi déchue qu’elle le prétend, si déjà le vice-amiral la soutient… Un retour en péninsule ne lui est donc pas impossible, ce serait dommage mais je comprendrai qu’elle refuse mon offre. Si mon comportement d’hier soir ne l’a fait pas fuir avant. Je ne sais toujours pas ce qui m’a pris !

Glenn prit bonne note de ce que lui révéla le vice-amiral. Il ne put cacher son étonnement devant la mention d’une visite de Francesco aux princes marchands. Le Roi de Naelis s’était toujours montré prudent avec eux, ne les rencontrant qu’individuellement et toujours à Naelis, sur son terrain. Depuis plus d’un an que sa cellule d’espionnage était pleinement active, Glenn en apprenait toujours plus sur la nature du pouvoir des princes, notamment sur comment Thaar était administré. Les tentacules de la pieuvre ne semblait avoir aucune limite… De quoi vont-ils bien pouvoir se parler ? Pour Glenn, il y avait un risque à ce que ces deux géants s’entendent. Même si cela était difficilement envisageable du fait de la proximité entre les princes et le Puy, on était à l’abri de rien… Mais si la péninsule s’intéressait à l’ithri’vaan, son allié naturel serait évidemment le royaume de naelis, dominé par des hommes libre. Il constituait un contre pouvoir face à l’hégémonie de Thaar et à la puissance dormante de Sol’Dorn.

- Vous allez vraiment rencontrer le conseil des princes marchands ? Au Joyaux ? Je me dois de vous mettre en garde, amiral. Il n’y a pas plus fourbe et trompeur que ces gens. Le Puy d’Elda a toujours une emprise certaine sur eux aussi bien je vous recommande la plus extrême prudence. »

Lui ne s’y ai jamais aventuré et ne s’y risquerait pas. Jusque là, ses soutiens à Thaar n’étaient pas provenu des princes mais de riches marchands, entrepreneurs, à qui seul le titre manquait. Depuis sa prise de Naelis, Glenn avait vu les princes se succéder, certains ne tenant pas plus d’une année au conseil.

- Bien amiral, rejoignons les autres. Nous signerons donc le traité demain, en attendant vous êtes libre de profiter de la cité. »

Libre à lui de profiter des thermes de la ville haute ou du marché sur la place Messaliera où ses navires devaient se réapprovisionner.

Il fut étonné d’entendre le Roi de Naelis lui conseiller la plus extrême prudence quant à sa future rencontre avec les princes-marchands thaari. Non pas que l’homme devait sans doute être de bonne foi, pour le prévenir des fourberies habituelles des estréventins, mais plutôt parce qu’on lui avait pareillement conseillé une grande vigilance avant sa rencontre avec ce même homme. Ainsi était donc fait le monde. Les alliés d’autrefois s’accusaient, les ennemis pactisaient. Car la complicité de Naelis et de l’estrevent ne faisait aucun doute et qu’il restait, n’en déplaise au naelisien, à éclaircir les points encore mystérieux.

-Qu’importe les vices de ces princes-marchands, nous n’y allons point pour négocier, seulement pour comprendre les raisons de leur intervention militaire en Olienne, trancha-t-il. Nous possédons suffisamment de renseignements concordants pour établir des liens et des noms entre eux. Il ne nous reste plus qu’à savoir si Thaar se montrera franc où pensera nous duper. A ce moment-là, nous saurons ce qu’il en est ; surtout si la guerre est déclarée.

Il se figea un bref instant.

-Ce que je ne crois sincèrement pas, ajouta-t-il avant de se retourner de nouveau vers le Roi. Bien, Majesté, rejoignons les autres.

Demain, ils signeraient la fin de la guerre aux yeux de tous. Le geste serait symbolique à n’en point douter et ferait assurément passer le Roi naelisien comme un homme consciencieux et garant de la sécurité de son peuple. De son côté, pourtant, Francesco s’assurerait qu’il subsiste une clause quant à la bonne application de ce traité. Celle s’appuierait sur une garantie que le Roi même avait mentionnée sans qu’il n’y fasse la demande. Adonc la paix ne serait obtenue qu’au moment même où Altiom serait livré comme convenu aux troupes royales. Dès lors, Naelis pourrait dormir sur ses deux oreilles.