Crétin [Libre]

Cob' resta là, tout d'abord parce qu'il ne savait pas comment réagir face à la crise de rire de son vis à vis, puis parce qu'il n'en revenait pas de la proposition. Ce type n'était pas un simple freelance, il avait été élevé en assassin. Et il avait quand même finit par tuer son maître de guilde... Et il lui proposait de devenir son mentor...

Le jeune homme brun avait de suite ouvert la bouche pour accepter, mais il la referma sans avoir prononcer le moindre mot. Ouais... Une vie excitante de voyage et de défi devait rapporter gros. Et ça pourrait être marrant... Un temps... Mais il ne faisait pas tout ça pour mener une vie exaltante. L'homme qui lui proposait ça était actuellement en train de squatter une maison dans un quartier moisie de Thaar et une bonne partie de l'univers voulait sa peau. Non... Ce n'était pas ce qu'il voulait.

Peu à peu, les traits de Cob' s’affaissèrent. Il passa une main sur son visage.

- Merci. Mais non merci. Je fais ça pour l'argent moi. Le frisson, je m'en passe très bien. Je peux pas partir pour une longue durée si ça ne me rapporte pas la blinde. " Il eut un rire jaune. Il s'était promis de mettre sa mère hors des emmerdes pour ses vieux jours et c'est ce qu'il allait faire. " Ici, surtout si tu repars, j'aurais bientôt de quoi m'acheter un manoir dans les Soieries sans que personne ne tente de venir me trancher la gorge dans mon sommeil. Et je tiens à ma gorge. " Il remonta pensivement ses manches " Mais si Mon seigneur le grand manitou à besoin d'un coup de main dans la Cité, tu sais ou me trouver. Pour information je tire comme personne... a l'arc. Je tire à l'arc comme personne. " Boulet... Il fit volte face pour sortir.

C’était amusant de voir les émotions traverser le visage de Cob jusqu’à en arriver à un constat qui fit sourire un peu plus Zaahrian. Ce dernier, bien qu’amusé, n’en perdait pas moins ses réflexes. Aussi peu expérimenté que pouvait l’être son jeune comparse, il n’en restait pas moins une menace potentielle. Il ne l’avait pas tué pendant son sommeil, avait aussi commis quelques erreurs de débutant, mais qui sait ce qu’un homme peut faire lorsqu’il est profondément agacé. « Je ne vais pas ça pour l’argent non plus. Je fais ça, car c’est tout ce que je sais faire. Prends un enfant humain d’environ 8 ou 9 ans, mets-lui un couteau dans les mains et ordonne-lui de tuer le garçon en face de lui, sinon c’est lui qui meurt. À ton avis, quel genre d’homme devient cet enfant plus tard? » Il pencha la tête de côté, son regard brillait comme celui d’un prédateur devant une proie potentiel. « Oh? Rien de moins! Je ne sais pas sur quel contrat juteux tu t’es lancé, mais c’est sans doute le genre qu’une guilde ne laisserait pas passer… » Cob lui tourna le dos et le reste… Zaahrian fit un pas en avant, saisit sa dague au passage et s’élança tel un fauve sur le pauvre Cob qui ne vit rien venir. Ce n’était pas sans raison que Zaahrian était toujours de ce monde. Ce n’était pas uniquement par orgueil qu’il se vantait d’être le meilleur assassin de tout l’Ithri’Vaan. Il était diaboliquement efficace comme si c’était dans sa nature même d’être un assassin, comme si le couteau n’était plus un objet, mais une extension de sa main.

Son bras passa autour du cou de Cob et le ramena solidement contre son torse. Au même moment, la pointe de la dague s’appuyait contre son flan, entre deux côtes. Si la lame pénétrait la chair, elle irait directement dans son rein et le pauvre serait mort au bout de son sang en quelques minutes à peine. « Les guildes n’aiment pas trop les Freelances… et entre eux, ce n’est pas non plus le grand amour si tu vois ce que je veux dire… Vois-tu, j’ai assez d’argent pour fonder ma propre guilde. » Mensonge, mais Cob n’avait pas besoin de le savoir maintenant. « Je me cherche des recrues et des apprentis… Avec moi à la tête, on pourrait prendre le contrôle de la ville et même au-delà. J’ai des projets et je ne manque pas d’ambition. Il ne me reste plus qu’à retrouver Guilin… Alors? Un peu plus intéressé maintenant? Sinon... » La lame appuya un peu plus…

Cob prit le souvenir d'enfance comme une menace à peine voilée. Le regard de Zaahrian n'aidait pas à le prendre autrement. Mais au lieu de se ratatiner sur lui même, tout en sortant, une tension sérieuse s'était emparé de son dos. Sur le qui-vive, il ne put pourtant pas faire grand chose face à la prise du semi-elfe lus grand et plus entrainé que lui, malgré sa propre force musculaire. Il sentit la piqûre de la lame entre ses cotes alors que le rasoir caché dans sa manche glissait discrètement jusqu'à ses doigts. Il tenta de se défaire de l'étreinte de quelques soubresauts, passant un bras derrière lui pour essayer de se tourner mais ne parvenant qu'à le coincé entre eux dans une posture relativement gênante avant que la morsure de l'arme qui le tenait en joug ne devienne explicite.

- Bon sang. Arrête tes conneries. " souffla-t-il sans lever le ton. " T'es complètement lunatique. Tu viens de m'envoyer chier parce que je suis un débutant et qu'il vaut mieux que je retourne a mes foutus jobs et maintenant tu veux me recruter de force pour une guilde." Il cracha sur le parquet. " Je hais ces putains de rapaces. Je hais ces putains d'elfes. Et je hais qu'on me force la main. Alors concerte toi, met tes putains de personnalités d'accord et, bordel, lâche moi. "

Zaahrian devrait le tuer, être fidèle à sa réputation et l’éliminer. Un freelance en moins, c’était toujours ça de pris. Les assassins s’arrachaient les contrats et ne rataient jamais l’occasion d’éliminer la compétition. Le blond n’avait pas envie d’être un monstre, puis juste pour sa jolie gueule, Cob méritait de vivre. Le monde serait d’une tristesse sans quelques beaux culs décoratifs. Zaahrian soupira en sachant trop bien qu’il finirait par le regretter avant de le relâcher. Il se massa la tempe en grimaçant. « Va… ça ne vaut pas la peine. Mon crâne va probablement se fendre en deux et ma cervelle se répandre sur le plancher d’ici peu… Guilin va me tuer. » Il regarda autour de lui essayant de garder le peu de lucidité qui lui restait. Peu d’options se présentaient à lui, alors autant continuer ce qu’il avait entrepris la veille. « Je vais me rendre dans cette boutique d’armes et sans doute faire un petit coucou à Krish. Elle va sans doute essayer de me tuer, mais une journée qui passe sans quelqu’un qui essaie de me tuer, ce n’est pas une bonne journée... » Il rangea son couteau, conscient qu’il sautait du coq à l’âne. Zaahrian salua Cob d’un signe de la main avant de prendre les devants, sans s’attendre à être suivi.

Cob' regarda le blondinet sortir en se massant le cou. Bon... Il pouvait essayer de faire descendre un peu le nombre de battement de cœur par minute maintenant qu'il était presque sûr de ne pas y rester. Bordel... La prochaine fois qu'il essayait de se faire un associé, il faudrait sérieusement qu'il réfléchisse à ce qu'il était prêt à mettre dans la balance parce que là... Autant ce type avait l'air plus que bon, autant lui ne voulait qu'ouvrir une école de tir à l'arc dans la haute ville et y loger sa mère sur ses vieux jours... Ou alors il faudrait peut-être qu'il change de métier avant que ça ne tourne au vinaigre...

En tout cas, ce que lui avait clairement fait comprendre cette rencontre, c'est qu'il tenait à la vie et à sa ville plus qu'il ne l'aurait cru. Avec un soupire, le semi elfe se glissa à son tour dehors et obliqua vers chez lui avec le goût amer d'une aventure ratée qui lui rappait la langue... Mais l'inquiétude aimante dans les yeux de sa mère effaça ses regrets. Ouais. Il allait devoir se poser les bonnes questions.

En ne suivant pas Zaahrian, Cob faisait preuve d’une grande sagesse, mais surtout d’un excellent instinct de survie. Les gens dans l’entourage du blond mourraient souvent violemment et bien avant leur temps. Cob aurait donc une vie ennuyante, mais fera certainement de vieux os contrairement à Zaahrian. L’assassin poursuivit donc sa quête de réponse. Il devait absolument retourner chez ce marchand d’armes. Il ne savait pas du tout ce qu’il cherchait, mais son instinct lui disait d’aller là, alors il irait.

Tout d’abord, il retrouva l’auberge où il louait une chambre. Heureusement, ses quelques effets personnels s’y trouvaient encore. Il se lava comme il put avant de se changer et d’avaler sur le bout des lèvres un peu de pain dans l’espoir de calmer son estomac en pleine contestation. En quittant l’auberge, il pensa à Krish. Ils ne s’étaient pas laissés en très bon terme. Zaahrian s’était même juré de la tuer un de ces jours, mais même lui devait être pratique à l’occasion. Cette femme pouvait lui être vachement utile et si elle était la tête dirigeante derrière cette boutique d’armes, lui rendre une petite visite pourrait peut-être lui apporter quelques réponses. Puis bon, comment résister à l’envie d’aller l’embêter un peu. Et Wik… Oh Wik… Lui, il l’aimait bien, mais on ne pouvait pas dire que c’était réciproque. C’était décidé, il allait rendre une petite visite à Krish, celle qui terrifiait absolument tout le monde, sauf lui.

Ça n’avait pas tellement changé depuis sa dernière visite. Pour une drow, elle avait du goût. Bon, elle avait aussi un sérieux penchant pour le fer et les trucs qui coupe, mais en tant qu’assassin, ses propres préférences ne s’en éloignaient pas trop. Comme Zaahrian pouvait faire preuve de politesse à l’occasion, il décida de cogner à la porte. « Coucou c’est moi! Il y a quelqu’un? Ouvrez, je veux voir Krish. Je suis certain qu’elle s’est ennuyée de moi! Je suis aussi certain qu’elle me croit mort, mais… surprise! Wik, bouge ton joli cul et viens ouvrir la porte. Je sais que tu es là… Ma mère m’a toujours dit que ce n’est pas bien d’entrer par effraction chez les gens!»