Entre vents et marées (PV Haize / Finn)

Un soir comme un autre, Kennet racontait ses aventures dans sa taverne favorite, « le mistral ». Les marins d’eau douce étaient friands de ces récits épique, où il était question de monstre, de trésor et même de demoiselles en détresse… Malgré son apparence de jeune homme, Kennet semblait avoir vécu assez d’aventures pour de nombreuses vies. Assis au fond de la salle, sur une petite estrade, Kennet était accompagné d’un joueur de mandoline, qui s’amusait à rythmer le récit de sa musique. L’ambiance était bonne, les habitués étaient présents en nombre, tant homme que femme d’ailleurs. Ces dernières ne se lassaient pas d’entendre cette voix et faisaient tout pour accrocher le moindre regard de leur héros.

Les quelques sceptiques, car oui, il y en avait, s’étaient regroupés sur une table près de l’entrée. « Ou est-ce qu’il va chercher tout ça encore... » « Regarde Melvin, le pire c’est qu’ils le croît ! Tu attends quoi pour lui clouer le bec ?». Melvin Dendacier fumait tranquillement sa pipe près de la fenêtre. Après plus de trente ans passés à parcourir les eaux, il était un capitaine respecté de ses pairs. « Que veux-tu que je dise ? Depuis que Kennet est devenu le petit protégé du Roi, il est intouchable. Ma retraite à Naelis me plaît bien et je n’ai pas envie de me retrouver à la rue. Et puis quoi, la taverne est pleine, les gens consomment et ses histoires ont le mérite d’être intéressante et de faire passer une bonne soirée à des gens qui en ont besoin. » Melvin recracha quelques ronds de fumées. Ses compagnons ne répondirent pas, car il savait qu’il n’avait pas tort. Alors ils écoutèrent, non sans une légère grimace :

- … Une fois le butin en notre possession, c’est là que les ennuies commencèrent ! Une escadre de la flotte royale était à nos trousses. Nous étions coincés, pris au piège ! Les vaisseaux nous encerclaient, si bien qu’une seule sortie nous était possible : le fameux maelstrom. La tempête ou de la marine royale ? Comme j’ai plus peur de la potence que de la mer, mon choix a été rapide. Comme je l’avais escompté, les vaisseaux ne nous suivirent pas dans la tempête. Ou du moins si, ils le firent, mais timidement, jusqu’à rebrousser chemin. C’est là, c’est là que mon timonier m’annonce : « Capitaine ! Capitaine ! Monstre a bâbord ! »… »

« Ah non, il a déjà fait le coup du monstre il y a deux ennéades, s’estompa un compagnon de tablé de Melvin ». Ce dernier ne disait rien. Il avait déjà entendu cette histoire, celle où traditionnellement, il perdait sa main gauche de la bouche d’un kraken ou autre monstruosité délirante. Le vieux loup de mer savait que la véritable histoire de la main était toute autre. En fait, La vérité n’était connu que de quelques anciens membres de la marine marchande qui avaient travaillés avec Kennet… Tandis qu’il pensait à cette lointaine époque, quelle ne fut pas la surprise de Melvin quand il reconnut en la personne du nouveau venu dans la taverne, Haize Sepiida, son ancien patron ! Ainsi, les rumeurs sur le fossoyeur étaient donc vraies ! Restant assis, Melvin essayait de capter l’attention de Haize, pour l’inviter à sa table et discuter. Mais Kennet, du haut de son estrade, avait tôt fait de ramener l’attention sur sa personne. Comment Haize allait-il réagir à une telle mise en scène ?  

avec les silences...:

Finnegan connaissait le Quartier de l’Aigle. Sepiida, lui, n’avait pas eu le temps de le connaître. Pas encore. Ça viendrait. Rapidement, du moins tout dépendait combien de jours ils resteraient ici. Il avait certainement plus envie de retourner sur l’Eris, question de voir comment elle allait l’accueillir. Parce que bon, après plus de dix ans, peut-être serait-elle vexée qu’il ait été absent si longtemps ? Mais guidé par Finnegan, il se faisait un plan mental des environs assez rapidement. Il dépassait en hauteur bien des gens, c’était pratique pour se faire des points de repères. Et puis la foule n’était pas si dense.

- Quand tu seras grand, se moque-t-il en lui reprenant la chope. C’est une question de perception, pas de pauvreté, ajoute-t-il, effectivement distrait.

Non, Sickert ne laissait jamais son petit frère avoir sa propre chope. C’était aussi pratique que tactique. Fallait bien qu’un des deux reste presque sobre et ça lui permettait également d’être plus sobre qu’il en avait l’air. Accessoirement, si Finn arrivait à attirer l’attention de la serveuse, Sickert ne demandait pas une seconde chope.  Mais dès qu’elle passe, il lui fait signe et elle vient aussitôt remplir leur choppe commune. Haize est distrait par deux choses. Premièrement par l’histoire raconté avec beaucoup plus de dramatique que ce qui s’était réellement passé. Et de deux parce qu’il voit bien Melvin, à la table voisine, tenter d’attirer son attention. Parce que si le conteur ne lui semble pas si familier, sans doute parc que Haize n’a pas mis les pieds sur Meca depuis plus de dix ans, et que le conteur semble assez jeune, le visage et l’attitude de Melvin lui reviennent rapidement en mémoire. Et parce que Melvin était sur les lieux lorsque ce trésor a été récupéré avant de fuir ce qui restait des navire royaux et se cacher dans la tempête. Mais il n’y a jamais eu de monstre. Et ce n’était pas le conteur le Capitaine. Finn lui fait remarquer que l’histoire diffère de celle qu’il lui a raconté.

- Il n’y a jamais eu de monstres durant cette tempête. Pas plus que de maelstrom. Il n’y en a jamais eu dans ce secteur. Les monstres ne sont pas friands de tempêtes. Les journées et les nuits pluvieuses d’accord, mais pas les tempêtes, dit-il, sérieusement à son petit frère. Parce que oui, Haize Sepiida avait survécut à de nombreuses tempêtes et à quelques monstres. Enfin, j’exagère également la tempête aussi quand je la raconte. La Marine Royale a rebroussé chemin uniquement parce qu’ils étaient trop près les uns des autres pour que ce soit un risque prudent de s’y aventurer, annonce-t-il, sans se rendre compte que comme les bruits ambiants étaient fort, il a élevé le ton, mais que durant une pose dramatique pour accentuer l’histoire, le conteur s’est fait volé la vedette par les précisions de l’amiral déchu de la Marine Marchande.

Les déclarations du nouvel arrivant troublèrent quelque peu Kennet. Qui était cet homme et surtout comment savait-il ? Le jeune conteur et amiral à ses heures perdues se leva d’un bond de sa chaise, accompagné de quelques notes dramatiques du joueur de luth. Il dévisagea alors celui qui avait osé, par sa gêne, interrompre son récit. Mais en cet étranger, il ne reconnut pas l’ancien amiral de la marine marchande, celui qu’il avait servit en tant que simple matelot sur son propre bateau. Les souvenirs étaient trop vieux, trop vagues…

- Eh bien, si mon histoire ne vous plaît pas matelot, montez sur scène, venez, et racontez nous la votre ! »

Au vue de la tournure pris par les événements, Melvin interpella l’aubergiste pour une nouvelle tournée pour sa table. Comme il le précisait à ses camarades, s’il y avait bien quelqu’un qui pouvait mettre fin aux bobards de Kennet le vaniteux, c’était bien celui-là ! Néanmoins, l’intervention de Haize eut une conséquence que même Melvin n’aurait pu soupçonner. En effet, elle donna le courage de parler à certaines âmes timides qui ne cherchaient qu’à s’exprimer mais que l’alcool, seul, ne pouvait rien faire pour eux :

- Ta gueule l’estropié, le matelot a raison, tu dis que des conneries ! »

Mais Kennet n’était pas là par hasard. Si son comportement en agaçait certain, la grande majorité, elle, était totalement éprise du jeune amiral charismatique. Et cette majorité, bien que d’ordinaire silencieuse, ne pouvait laisser son idole se faire ainsi souiller.

- Comment oses-tu ivrogne ?! Insulter le digne amiral Kennet de la sorte, tu as perdu la raison ! »

Le dit ivrogne se leva alors, dévoilant une trogne des plus ravagés. De sa main droite, il cherchait machinalement quelque chose à balancer. Finalement, après quelques péripéties dont lui seul avait la teneur, il attrapa une bouteille, encore à moitié pleine, et la lança dans la direction strictement opposé de celui qui l’avait interpellé, soit juste au dessus de la tête de Melvin. « Non d’une pipe ! ». La bouteille s’éclata avec fracas contre le mur, répandant bouts de verres et liquide rougeâtre sur les compères du vieux capitaine. Il n’en fallut pas plus pour faire bouillir ce dernier, déçu de son emplacement qu’il pensait stratégique. Mais ce fut l’un de ses compagnons, probablement le plus mouillé et le moins malin qui réagit le premier, se saisissant d’une chope à peine entamé pour la balancer à son tour. Le tir était juste et atteint sa cible, non sans arroser au passage une bonne partie de l’assemblée. Déjà que l’’on s’insultait, on commença alors à se bousculer, à se frapper. En homme avisé, le patron du mistral se replia derrière le bar avec ses employés, déterminer à mettre un maximum de boissons hors de portée des clients. Kennet, lui, restait sur la scène, en spectateur, quelque peu surpris de la tournure des événements. A ses côtés, le musicien jouait de plus belle, couvrant à peine le chaos sans nom qu’était devenu le mistral.

Ouais, c'est toujours quand on a pas envie d'être entendu de tout le monde que tout le monde entend. Évidemment, c'est ce qui devait se produire. Il aurait pourtant préféré que ça ne reste qu'entre Finn et lui. Ou du moins que le conteur n'entende pas, mais ce type prend vraiment les pauses dramatiques d'une histoire au sérieux. Qui fait des pauses si longues, hein ?

Quoi ? Monter sur scène et raconter ? Nan, pas envie. Et puis vraiment, il n'avait eu l'intention que d'en parler à Finn, pas à tout le monde. Malheureusement, la taverne n'est pas très vaste. Savoir raconter demandait une bonne dose d'action et souvent rehausser l'aspect dramatique, mais il ne fallait pas trop exagérer. Sinon ça devenait n'importe quoi. Clairement, la marine royale, la tempête, le maelström et maintenant le monstre, c'était un peu trop exagérer. On rencontrait rarement tout ça en même temps. Savoir doser son histoire, comme l'alcool, c'était parfois plus facile à dire qu'à faire. Il échange un regard avec Finn qui en dit long sur son appréhension de la situation.

- Non merci, ça ira, dit-il à ce conteur, essayant de se faire petit, mais sa stature imposante rend l'essaie infructueux. L'alcool aidant, sans doute, heureusement que Finn buvait dans sa chope également, il se permet toutefois une précisions. Mais tant qu'à vous attribuer tout le mérite, précise-t-il, parce que le capitaine en question, c'était lui, à l'époque, vous auriez pu faire trois histoires avec tout ça. Ça pourrait varier votre répertoire, se moque-t-il juste un peu, avant que ça dégénère.

Un première intervention un peu trop agressive, il aurait fallu doser. De toute évidence, pas mal de types étaient largement plus alcoolisés que lui. C'est pour ça qu'il partageait avec Finn. Ça donnait l'impression de boire beaucoup plus qu'il n'avait bu en réalité. Contrairement à jadis, il ne ressentait plus le besoin que ça tangue constamment lorsqu'il se retrouvait à terre. Mais bon, il n'aurait pas traité tout ça de connerie. C'était de l'exagération de conteurs… mais un peu trop.

Et une autre intervention, tout aussi agressive, d'un défenseur de l'amiral Kennet ? Amiral ? Ce type est amiral ? De Naelis ? Eh merde, il aurait pu mieux choisir qui narguer, bien que concrètement, Ça n'a pas été volontaire de sa part de le provoquer. Mais en même temps, c'était le genre de choses qui lui arrivait constamment. Un sorte de loi de Murphy. Il se demande souvent si c'est juste du pas de chance ou si c'est si son destin de se retrouver sans les situations inconfortable et de malaise. Comme le fait que si Ange soit mariée avec un connard et pire que ça se soit fait au moment où il remettait les pieds dans la péninsule et également au moment où il aurait pu se retrouver tout à fait légitimement, Jameson Sickert aurait pu creuser sa place dans la péninsule. Mais personne ne le saura jamais. A tout coup, le fait d'avoir involontairement provoqué ce Kennet allait le mettre dans une situation précaire.

Et rapidement, c'est la bagarre générale. Et ça m'étonne en rien Sepiida. N'est-ce pas tout à fait normal dans une taverne qu'il y ait à un moment où à un autre dans les nuit, une bagarre ? Oui, il a rarement passé une nuit sans basculer personne ou, plus fréquemment, se faire bousculer. Sans doute que sa carrure provoque naturellement la virilité masculine. Mais bon, il devait avouer que cette fois, c'est vraiment lui qui à échauffé les esprits, mais que ça semble être quelque chose de refoulé depuis longtemps. Tant pis.

Il retient une table poussée sur Finn et la repousse avec peut-être un peu trop de violence dans les hanches de l'auteur de la poussée. Sans faire ni une ni deux, il attrape Finn et le hisse sans difficulté apparente sur la scène. Faisant écran pour le protéger, il se charge, avec un certain calme blasé, de redistribuer les coups en sa direction et surtout en direction de son cadet.

avec les silences...:

La situation avait complètement échappé à Kennet. Il en avait connu des bousculades, des bagarres dans les tavernes mais celle là devait être la pire à en juger par le nombre de chopes en l’air. Il le savait, une patrouille de la légion ne tarderait pas à intervenir. En tant que chef de la marine de Naelis, il ne disposait d’aucun passe droit vis à vis des terriens. S’il était arrêté et accusé d’avoir causé ces troubles, on viendrait directement voir sa bourse. Pas le choix, il fallait prendre la poudre d’escampette ! Mais voilà que les responsables de ce carnage, ceux qui avaient mis le feu aux poudres, n’en démordaient pas. En plus de nouvelles remarques, le jeune homme qui accompagnait le grand matelot lui lança sa propre chope à la figure. Le gamin cherchait le contact et voulu déstabiliser l’amiral. C’était sans compter la différence de taille entre eux ! De sa main droite encore valide, Kennet le saisit à la gorge et le menaça directement avec le crochet métallique qui lui faisait office de main gauche :

- J’ai du mal à t’entendre gamin. Répète plus fort pour voir ? »

Déjà, son protecteur s’élança à sa rescousse. Kennet était un vantard, un orgueilleux, mais pas un salopard. Il avait ce sens de l’honneur qui caractérisait l’élite naelisienne. Il relâcha immédiatement la pression sur le gamin pour faire face au grand matelot. A cette distance, il pouvait aisément voir le visage de son adversaire. Il le connaissait, il l’avait déjà vu. Cela remontait à plusieurs années… Dix, peut être quinze !

- Kennet ! Arrête Kennet ! C’est Haize Sepiida ! »

Melvin s’était rapproché de la scène. A l’entrée de la taverne, Kennet aperçut alors un légionnaire. Ce dernier restait sur le pas de porte pour évaluer la situation. Aux gestes qu’il fit à l’encontre de ses subordonnés, Kennet comprit qu’il attendait des renforts pour intervenir.

- Venez, il ne faut pas rester là, ces gars là ne plaisantent pas. »

Kennet invita Haize et son compagnon à le suivre. D’un geste souple et vif, il sauta de la scène pour atterrir sur une table, évitant au passage une nouvelle bouteille. Son objectif était les escaliers, que gardait le tavernier, ou plutôt la large bedaine du tavernier. Mais il fallait d’abord passer par un groupe de marins qui s’en mettait plein la gueule. Sans marquer d’arrêt, Kennet donna un coup de jambe au premier qui le fit basculer ventre contre terre, avant d’asséner un formidable coup de poing sur le crâne du deuxième qui recula en arrière. Quand il le vit, le tavernier s’écarta pour le laisser passer. Le trio que formait Kennet, Finn et Haize était suivit de Melvin et ses comparses, mais également du joueur de mandoline qui ne manqua pas de se vautrer sur la table. Arrivé à l’étage, Kennet se dirigea vers la fenêtre au bout du couloir. Il sauta et attrapa une corde qui lui permit de se balancer pour arriver dans le bâtiment d’en face.

- Vous attendez quoi pour sauter ?»

Par cette petite course, l’amiral crochet avait fait montre de nombreux talents. Il avait été pirate, et avait toujours fait partie de l’équipe d’abordage. C’est en tant que tel qu’il avait connu Haize, servant même pendant un temps sur son propre navire. Il fallait se dépêcher, car déjà les légionnaires étaient revenus en force. Distribuant les coups de bâtons, ils arrêtaient les plus éméchés. Mais le petit manège des fuyards n’échappa pas à l’œil de certains. Surtout après le bruit que provoqua la chute du musicien qui prit la corde trop bas et s’écrasa contre la porte du bâtiment.

D’accord, il devait bien l’avouer, s’il avait assisté à quelque bagarres de tavernes ces dernières années, la dernière où il avait vraiment participé de bon coeur, c’était à Langehack, l’an dernier, avec Rhys. Ou du moins c’était la dernière bagarre mémorable où, concrètement, il s’était bien amusé. Les fois suivantes, il y était pour une raison particulière, il devait être concentré. Là, maintenant, il y était pour le plaisir. Et la bagarre aussi. Après quelques coups et esquives, il se surprit à apprécier la combativité alcoolisée des Naelissien. Ils s’y adonnaient avec enthousiasme et festive. Et Haize était du même humeur. Pas question de blesser gravement, il n’était pas du genre à briser des os pour une bagarre de taverne, et pourtant, il en aurait été capable, sauf bien sûr si on en voulait vraiment à sa vie, mais la bagarre était trop générale pour que ce soit personnel. Une saine rivalité, semble-t-il.  

Finnegan en situation délicate, il grimpe à son tout sur la scène, avec peut-être cette fois une pointe un peu plus agressive dans le regard. On ne touche pas à son petit frère, mais il n’a même pas le temps de parler, ce qui franchement n’est pas coutumier, avec que le conteur, ne relâche Finn, sentant sûrement que le combat serait inégal pour lui à deux contre un… mais à un contre un, actuellement, le combat restait inégal pour le conteur. Mais pourtant, il ne frappe pas le premier. Et il perçoit chez le dénommé Kennet un quelque chose de familier. Quelque chose qui semble se confirmer quand la voix de Melvin, se détache du fond pour prononcer son nom. Bon, merde, il a été reconnu. Et la contrariété se lit quelques instant sur son visage, avant de baiser le regard sur Finn et de hausser les épaules.

Oui, mieux valait partir d’ici, parce que effectivement, ces gars-là n’avaient pas l’air de plaisanter. Si la bagarre actuelle était bon enfant, du moins pour des marins ivres, l’arrivée des autres allait corser la chose. Là, il y aurait peut-être des os brisés. Et il n’avait pas vraiment envie que ça dégénère. Alors oui, il lui Kennet, attrapant Finnegan par l’épaule et le tirant dans son sillage. Il apprécie la technique de Kennet pour se frayer un passage. Si le conteur évite la bouteille, Haize, lui, la saisit au vol. Ooooh, elle est pleine, même pas ouverte, constate-t-il avec joie. Passant devant le tavernier pour monter à l’étage, il montre la bouteille et jette une pièce qui vaut largement la bouteille, à la serveuse, le tout agrémenté d’un sourire dont il a le secret. Il entend Finn soupirer derrière lui.

- Ne jamais se priver de faire bonne impression envers les taverniers.
- .. ……. … ……… .. .... ….. !
- Tout à fait. Oh, justement, dit-il en croisant les dames aux charmes négociable. Faudra que je revienne sous peu… note-t-il pour lui-même, avant de répéter, à voix basse, mais en s’adressant directement à elle, Je repasserai, bientôt.
- !!

Et ils arrivent sur le rebord d’un toit, d’où s’élance soudainement Kennet. Ooook… il y a une corde… il se demande si toute la ville est parsemée de cordes pour faciliter les fuites. Mais c’est peut-être seulement la corde du monte charge ? Sans doute, ouais. Il ne peut quand même pas avoir semé des cordes partout, si ? Le musicien prend la suite, mais se vautre plutôt dans la porte du bâtiment plus bas et attire l’attention. À ce rythme là, ils n’auront pas tous le temps d’attendre la corde. Haize laisse passer Melvin et cherche un autre passage. Ce n’est que deux étages, mais à l’opposé de la taverne.

Si Kennet était de l’équipe d’abordage, Haize, avant d’être Capitaine, et même avant d’être maître de manoeuvre avait été gabier. Il y a un autre passage, mais ça demandait de l’équilibre. Il pointe une direction à Finn et saute sur la structure de la remise à bois. Ou la remise tout court, va savoir. Il tend la main à Finn qui suit le même chemin avec aisance, bien qu’il la retienne à quelques reprises. Et puis, ils sont des espions, non ? Se glisser partout et fuir de n’importe où silencieusement, c’est leur truc, non ? Ils atteignent le sol tandis que les derniers utilisent la corde et Haize fait rempart entre les légionnaires qui ont en tête de s’approcher et les fuyards. Il récupère même le joueur de luth et le soulève pour le redresser, avant de le pousser vers Finn. Ceux qui restent derrière, restent derrière. Haize s’est toujours assuré d’être le dernier, quand il le pouvait. Kennet avait un poste de haut gradé et qu’il se fasse prendre n’était pas une bonne idée. Lui, pour sa part, ça n’avait pas vraiment d’importance.

- J’ai payé la bouteille, c’est une très mauvaise idée d’essayer de me l’enlever, dit-il à leur adresse, en les menaçant de la dite bouteille, les faisant brièvement douter du bien fondé de cette prise en chasse.

Mais cette hésitation permet aux autres de toucher le sol et de fuir. Haize pousse Finn et le musicien dans leur direction pour qu’il rattrappe leur avance et il s’élance à leur suite.

- Ça faisait longtemps, hum ? demande-t-il à Finn, souriant, en se collant à ses talons.

C'est Finn l'expert en déplacement urbain et il use à bon escient de leurs talents respectifs. Il s’amuse bien, à vrai dire. Pour le moment, du moins. Mais il profite de l’instant, parce que ça risque de ne pas durer, parce que franchement, il n’a aucune idée de ce qui l’attend une fois que les légionnaires auront préféré les laisser courir ou auront perdu leur trace. Alors il suit Kennet, Melvin et les autres. Et il se souvient que Melvin du moins, aurait dû être de ceux qui auraient dû mourir dans le guêpier d’Ajilah… ainsi donc, certains y avaient survécut ? Outre l’équipage du Fossoyeur, en fait.

Haize avait aussi de a ressource. Comprenant que la corde prendrait trop de temps pour leur groupe, il trouva une autre voie, par de nombreuses acrobaties. Il trouva même le temps de relever le joueur de mandoline et de le remettre dans la course, tout en faisant un pied au nez des légionnaires au passage. S’en suivit alors une course folle dans les ruelles sombres et tordues de la vieille cité de Naelis. Tous suivaient Kennet et heureusement pour eux, ce n’était pas un coup de bluff car l’amiral savait où aller. Ce ne fut que lorsqu’ils passèrent la porte du trident, qui n’était pas gardé, que l’ancien pirate relâcha sa course. C’est en marchant qu’il les conduisit à travers les quais dans une petite bicoque. Ils empruntèrent un escalier extérieur pour se rendre à l’étage de la bâtisse. De l’extérieur, cette dernière faisait des plus quelconque. Pourtant, il s’agissait bien de la maison de l’amiral de Naelis.

- Faites comme chez-vous, laissez moi juste le temps de sortir les chopes. On va pas finir la soirée sur une course non ? Mais on est combien au fait ? »

Kennet posa sur la table centrale une bouteille pleine d’un alcool cher aux hommes de mer, le rhum.  Au final, ils étaient sept, mais il ne sortit que six chopes. Elles étaient toutes de taille où de style différent qui ne laissait que peu de doutes quand à leur origine… En effet, elles provenaient de toutes les tavernes du royaume, de Ruven à Port Jasen en passant par l’auberge des faubourgs de l’aurore.

- Ouais gamin, vu comment tu t’en sers, je préfère pas t’en donner, tu boiras dans celle de ton maître. Avant de jeter une chope sur la tête de quelqu’un, on la vide bordel ! »

Enfin, Kennet ouvrit les grandes fenêtres de la pièce, dévoilant une vue imprenable sur le port de Naelis, le phare illuminé et même les falaises de l’Oëstkjord… Puis évidemment, l’olienne. C’était pour cette vue que l’amiral de Naelis, contrairement aux autres grande pontes du royaume, ne vivait pas dans la ville haute.

- Pardonnez-moi Haize, mais je ne vous ai pas reconnu. Je vous remercie pour avoir évité la tôle à mon comparse Alessio. Vous ne me reconnaissez sûrement pas, mais j’ai servi sur votre navire autrefois, dans l’équipe d’abordage, quand j’avais encore ma main. 
- Qu’est-ce qui vous amène à Naelis patron ? Vous cherchez du travail ? Ce n’est pas ce qui manque ici. On est plusieurs à s’être engagé dans la marine ici, après Ajilah… Ici ils avaient des bateaux, mais personne pour les diriger ! Les ydrilotes en ont formés certain puis le Roi a recruté des anciens pirates, comme nous. Au moins la solde tombe régulièrement puis… Le Roi Glenn n’est pas un monarque ordinaire ! Vous avez peut être entendu parlé de notre invasion d’Ydril ? On est parti à l’assaut du port de Marcalm, du jamais vu. »

Lors de la prise de Naelis en l’an deux, la cité ne comptait aucun navire. Glenn, bien que n’ayant au préalable aucune affinité particulière avec le monde marin, fit de la constitution d’une flotte l’une de ses priorités.

Une agréable course, mais heureusement plus courte qu'il l'avait cru. C'était bien. Il tenait la distance, mais les courses de longues durées, c'était pas son truc. C'est peut-être pour cette raison qu'il traînait souvent derrière. Accessoirement, ça lui avait toujours permis de récupérer ceux qui se fatiguait. Finn par contre y arrivait bien, tant pour le sprint que pour la distance. Chacun ses forces. Après tout, c’était le gamin l’éclaireur. Il traînait également pour noter mentalement le chemin. On ne sort pas le cartographe, ni le pirate, de l'homme même après une décennie. D'un autre côté il n'avait jamais cessé de dessiner des cartes. Il revenaient sur les quais. Intéressant à savoir. On ne sait jamais quand on doit revenir sur ses pas. L'amiral les invite à entrer chez lui, comme s’il était quelqu'un de bien. Enfin, Sickert on l'invitait, c'était cordial mais Sepiida ? Soit c'était dangereux, soit… soit quoi ? Il ajoute la bouteille du Mistral sur la table.

- Et quand il n'y en aura plus, il y en aura encore.

Ils lui ont quand même permis d’échapper aux légionnaires, ce qui lui évite de finir son premier jour en ville en prison. Ça mérite une récompense. L'amiral dispose des clopes devant eux et omet Finnegan, ce qui lui attire deux regards perplexes, jusqu'à ce que Kennet explique, ce à quoi Haize ne peut retenir un éclat de rire, ce qui lui vaut un regard courroucé de son petit frère, mais qui se le fait rapidement retourné lorsqu’il entend la fin.

- Quoi ? Tu la lui a envoyé pleine ?
- ... ......, .... ... .. .. ......! .. ...... .. .....! articula silencieusement le gamin.
- Je ne suis pas son maître, dit-il en glissant la chope devant lui vers Finnegan et en s'emparant de la bouteille qu'il a lui même apporté, avant de l’ouvrir et de servir tout le monde.
- ...... ....... ... ...... ? .. .... ...... ? .. .. ..... .... ... ..... .. .... ?

Haize ricane, mais ne prend pas la peine de traduire, ne dément plus rien. Est-ce impoli d’ouvrir sa bouteille avant celle de l’hôte ? Peu importe, après tout, il l’avait déjà insulté, devant tout le monde, alors il n’était plus vraiment à une impolitesse près. Il suspend son geste de porter la bouteille à sa bouche lorsque Kennet lui demande de lui pardonner parce qu’il ne l’a pas reconnu.

- Les bons bardes se font rare, il ne vaut pas gaspiller. Pas d'offense, Kennet, je ne suis pas ici pour être reconnu. Il semble que Melvin ait encore la vue claire. Contrairement à moi, parce que je ne suis pas certain de te reconnaître en fait…, se désole-t-il, l’air sincère. Melvin, par contre, je l’ai reconnu et j’ai soigneusement évité de le regarder. Non, parce qu’il ne voulait pas être reconnu. Avant d’insulter, sans le vouloir, le conteur, il n’aurait jamais fait quoique ce soit pour se désigner comme étant Haize Sepiida. Et franchement, il ne s’attendait vraiment pas à être reconnu. Du travail ? Nan. Je suis ici pour… déposer un précieuse cargaison, dit-il avant de jeter un rapide coup d’oeil à Finnegan. Le temps de nous réapprovisionner et de prendre un peu de repos et nous reprendrons la mer… enfin, si notre guérisseuse réussit à remplir notre pharmacie.

La pharmacie et le vivres étaient toujours essentiel aux pirates, bien avant les pièces d’or et les pierres précieuses. C’est ce qui avait toujours été la priorité du Capitaine Sepiida. Au nom d’Ajilah, le regard bleu du capitaine Sepiida s’assombrit. Tellement de morts pour rien… et pourtant, Sepiida avait été désigné responsable. Certains l’avaient démenti, comme l’équipage déchu du Fossoyeur et on les avait abandonné sur une presque épave, en nommant cette ruine le Petit Fossoyeur. Et non seulement, ils n’avaient pas sombrés, mais le Petit Fossoyeur se trouvait présentement amarré aux quais du port de Naelis et malgré sa taille peu imposante, avait un certain prestige. Pendant une décennie, l’équipage du Petit Fossoyeur avait été désigné presque comme des parias. Mais leur résistance et leur hargne à défendre le nom de Sepiida avait attiré un certain respect. Tous ne croyaient pas à la version officielle du guêpier d’Ajilah. Mais le Conseil des pirates n’avait jamais démenti, même après la disparition d’Ajilah pour éviter les débordements.

- Oui, il semblerait que Naelis soit une terre de liberté… mais j’ai toujours eu du mal à associer un roi à la notion de liberté, dit-il avec franchise et ça ne semble pas l’intéresser. En vrai, Haize avait assez fricotté avec la noblesse de la péninsule pour frôler l’overdose. Mais ce n’était pas une information à dévoiler. Et puis, c’était sous le nom de Mercenaire Sickert, pas Sepiida. Par contre, l’assaut de Marcalm semble nettement plus intéressante. Vaguement entendu, je dois l’avouer. Mais puisque je n’y étais pas, je n’aurais pas le loisir de contredire ton récit, cette fois, dit-il en levant la bouteille , bon joueur, avant d’en prendre une longue gorgée.

Il s’était étonné que l’amiral de Naelis ait une résidence hors de la Haute Ville, mais il devait avouer que le point de vue en valait la peine.

avec les silences...:

Haize Sepiida ne tenait pas les nobles, simple seigneur ou puissant roi, en haute estime. Pour ainsi dire, il méprisait toutes les têtes couronnées. Il s’agissait de pensées partagées par l’ensemble des pirates, rebelles contre l’autorité par excellence… Kennet comprenait-cela. Il but une nouvelle gorgée et voulu répondre, mais fut coupé par Melvin. Le vieux marin avait sorti sa pipe et s’était approché de la fenêtre, pour ne pas enfumer toute la pièce et surtout causer du tort à l’enfant qui s’y trouvait, le jeune Finn :

- Il faut bien que quelqu’un décide, Haize. Roi et capitaine, quelle différence ? »

Pour Kennet, Melvin avait raison. Naelis pouvait s’apparenter à un vaste navire qui flottait sur les eaux du monde.

- Pourquoi ne pas le rencontrer ? Glenn Hereon je veux dire. Je peux m’arranger pour qu’il te reçoive. »

Remis de ses émotions, le jeune barde s’était remis à produire quelques notes de musiques pour accompagner la boisson des marins. L’atmosphère était détendue, bon enfant. On laissa même sa propre choppe au jeune Finn, même si Kennet avait toujours du mal à comprendre ce qu’il disait et aussi quel lien l’unissait au grand pirate. Le lendemain, Kennet arrangerait une entrevue à l’Oëstkjord. Il savait que Glenn ne refuserait pas une occasion de discuter avec Haize. C’était risqué, car le Roi était capable de lui proposer sa propre place ! Mais l’amiral crocher n’en avait cure.

HRP:

HRP:

Avec les silences...: