Le long de la Voie Blanche

Eté - 5e jour de la 1ere ennéade de Karfias
11e année du XIe Cycle

   Karfias étendait ses rayons mordorés sur les arbres titanesques de la région d’Ardamir. Les chênes, les hêtres et noyers ancestraux se partageaient la terre, les colossales racines dégagent de l’espace à leurs pieds et servant de muret à ceux qui souhaitaient faire une halte au bord de la Voie Blanche reliant Ellyrion à la Capitale. Une odeur de sève chaude et de terre humide prenait les voyageurs à la gorge. Des ombres furtives aux couleurs chamarrées apparaissent subrepticement dans la canopée, si loin au-dessus du sol que même les yeux aguerris avaient du mal à les distinguer.

   Cela faisait maintenant quatre jours qu’une étrange prêtresse de Tari marchait sur la route qui sinuait entre les arbres et les dénivelés pour relier Ardamir à ce qu’il restait d’Eraison. Droite et visiblement bien en chair malgré son ample vêtement de prêtresse qui la couvrait des chevilles au haut du crâne tout en cachant son visage, la voyageuse marchait d’un pas égal et rapide. De temps à autres, elle prenait l’enfant dans ses bras ou sur ses épaules pour le soulager. Leurs mains à tous deux étaient étroitement bandées mais le pansement semblait ne pas être frais du jour. Le gamin ne pesait pas bien lourd de toute façon. Tout en longueur et en nerf, ses bottes étaient bien trop grandes pour lui et il portait en bandoulière une ceinture à laquelle était accrochée une longue dague et une grappe de figue séchées. Ses cheveux mi longs était d’un blanc pur que sa peau inhabituellement pâle même pour un elfe tentait d’imiter.

   Ils conversaient à voix basse tandis que le soleil montait au zénith, quand soudain, le gamin sur les épaules de la prêtresse se redressa, les oreilles dressées frémissant de droite et de gauche. Il chuchota quelque chose. A quelques pas, une silhouette se dessinait entre les arbres. Un craquement dans leur dos les fit faire volte face. Une seconde silhouette. La créature n’était pas seule… Un couple… Une meute peut-être… Raffermissant d’une mains sa prise sur le gamin, la prêtresse remonta sa robe de l’autre, laissant apparaitre le bas de bottes qui lui remontaient jusqu’aux genoux, et commença à courir.

Une troupe de cavalier !

Impossible de les éviter. Salut ou trépas, elle n'avait pas le choix de toute façon. Le cœur battant, la respiration sifflante, une douleur atroce pesait dans sa poitrine. Elle savait pourtant qu'il ne fallait pas qu'elle force !! Ses jambes la portaient aussi loin, aussi vite qu'elle le pouvait... Mais c'était bien peu face aux puissantes bêtes de l'Anaëh. La chaleur et la fatigue empoissaient sa peau de sueur. Elle entendant la répercutions des pattes de ces bêtes fauves sur le sol. Ils gagnaient du terrain. On avait presque l'impression qu'il jouaient avec leur proie pour le simple plaisir de la faire courir.

Soudain, un corps svelte rayé d'orange et de noir sauta entre les brousses, apparaissant en pleine lumière. La femme endimanchée de bleu se laissa tomber au sol juste à temps pour que les griffes des énormes pattes de la bête passe au-dessus de son crâne. Le tigre se rétabli, quelques mètres plus loin, entre elle et les cavaliers, dans un dérapage maladroitement contrôlé, prêt à bondir de nouveau.

Sur la droite, dans l'ombre des arbres, une deuxième silhouette passa près de la prêtresse pour continuer sans même ralentir. Elle releva la tête juste à temps pour le percevoir. Que voulait-il f... Oh !

- A DROITE ! " cria-t-elle à l'intension du petit groupe en s'accompagnant d'un geste du bras malgré la présence des prédateur. Le second allait directement attaqué les cavaliers !

Uriz et Tesso enculent ces tigres et les elfes avec ! Les cavaliers étaient trop près. Elle ne pouvait pas dégainer, ni se défendre. Seulement esquiver maladroitement et de façon suffisamment pataude pour ne pas se vendre. Elghinn et ses réflexes faillirent leur coûter gros. Le gamin avait déjà à moitié dégainé son épée, prêt à sauter à la gorge du tigre pour le mettre à mort lorsqu'elle l’attrapa par le bras et le fit rouler au sol sous couvert d'une esquive supplémentaire.

- Ici les enfants ne se battent pas. " lui souffla-t-elle à l'oreille alors que le prédateur retombait à quelques mètres d'eux.

Tandis qu'elle dansait avec l'animal qui en voulait à sa vie sans pouvoir gouter à son sang, les elfes se débattaient également de leur côté. Les trois voyageurs étaient armés. Un premier fauve tomba, poussant les autres à la retraite, dans une cacophonie de rugissement et de cris de douleurs. L'oreille tendue sous sa capuche, Krish tenta d'évaluer leur distance avant de se relever tout a fait en soulevant Elghinn dans ses bras pour l'enlacer avec ferveur comme si elle venait de craindre réellement pour sa vie. En soit, elle avait éprouvé ce sentiment déjà tant de fois que ce n'était pas bien difficile à simuler. Les bras maigres du jeune garçon s'enroulèrent autour de son cou et comme à chaque fois, elle s'émerveillait des changements drastiques qu'il avait subit ces dernières ennéades.

Les mains bandées de la prêtresse caressaient la tête du garçonnet lorsque les elfes approchèrent à grand pas. Leur accent était légèrement différent de celui d'Halandarin et des habitants d'Ardamir. Heureusement la phrase était courte. Elghinn continua à se cramponner à son cou, le bandeau blanc lui obstruant les yeux collé à l'épaule de celle qui le portait, ne prêtant aucune attention à la capuche et au masque de tissus bleu qui se tournait dans la direction des cavaliers.

- Je suis Ellenis. Le père de ce petit est soldat à la frontière. J'ai pour mission de l'emmener là-bas.

Il n'y avait plus qu'à espérer que son accent exotique ne serait pas trop remarqué et que les elfes étaient aussi peu curieux qu'on le disait en Ithri'Vaan...

Lorsqu'il fut question de sa mère, l'enfant posa machinalement sa main sur la garde de la dague qui pendait à sa hanche, l'une des armes traditionnelle des Limiers d'Ardamir, gardant l'autre bras autour du cou de sa protectrice. Un humain ne lui aurait donné que quatre ou cinq ans et il se cramponnait à elle avec l'énergie de la peur qu'il venait de vivre. L'elfe continua ses questions sans que la prêtresse n'ai répondu. Elle ne put s'empêcher de trouver son ton condescendant. Alors c'était comme ça que les elfes s'adressaient à leur prêtres... Inutile de se demander pourquoi ils étaient si faibles et orgueilleux !

Accusation voilé sur jugement à l'emporte pièce, Krish n'avait même pas à feindre la moutarde qui lui montait aux nez. Le plus dur était surtout de rester stoïque. Ce ne fut finalement qu'après un instant de silence, comme si elle jaugeait l'elfe depuis l’abri de son masque de tissus, qu'elle répondit à toutes ses interrogation.

- Merci pour votre intervention. Une escorte nous attend au camps d'Eraison mais nous ne pouvions pas attendre qu'une caravane se décide à partir d'Ardamir pour rejoindre les ruines. " Elle resserra son étreinte sur l'enfant. " Sa mère est morte et son père le sera sans doute bientôt. "

Drapée dans sa dignité... Et dans ses vêtements couvrants, elle contourna l'elfe pour reprendre la route avec le maintien régalien des egos outragés.

- Oui. Je comprend la méfiance. Et vous êtes armés, moi non. " répondit-elle à ses premières tentatives de fausses excuses.

Il fallait qu'ils se tirent d'ici et fissa. Elle marchait d'un bon pas, l'enfant gardant le visage enfoui dans son cou. Ses lourdes bottes ne lui facilitaient pas les choses mais elle n'avait pas le choix. Le cœur battant comme celui d'une bête aux abois, elle aurait aimé pouvoir chercher une issue du coin de l’œil mais cette tenue qui lui permettait de survivre lui ôtait également une grande partie de ses perceptions.

Elle allait refuser l'offre du cavalier lorsqu'il ajouta qu'elle monterait sur un cheval avec le garçonnet. Elle le sentit sourire au travers du tissus et s'arrêta brusquement, jaugeant l'elfe.

- Soit. Nous... vous remercions. " Elle s'inclina légèrement en un signe universel de reconnaissance et attendit que les choses se mettent en train. Prenant garde à ne pas soulever sa tenue, montant sans aide, elle se retrouva juchée sur la selle d'une cavale particulièrement docile et un elfe lui tendait le bambin qui ne demandait qu'à retrouver ses bras. " Je vous suis, Heru... ? "