le relais du bord des morues (pv Zaahrian)

« Zaahrian, tu ne peux pas être sérieux? » Guilin marchait sur les pas de Zaahrian en essayant d’ignorer l’odeur de poissons et d’algues qui, par sa puissance, lui brulait les narines. Le blond, apparemment insensible, s’était arrêté devant une échoppe, attiré par la devanture et son enseigne toute particulière. « Une taverne dont l’affiche est un poisson sortant d’une chope de bière ne peut qu’être un endroit sympathique. » Déclara joyeusement Zaahrian, peu impressionné par les lamentations de Guilin. « Daeron va nous tuer. » Zaahrian tourna la tête vers lui. « Je ne compte plus les fois que tu as dit ça et ce n’est jamais arrivé. Nous sommes ses meilleurs éléments. Sans nous, il n’est rien du tout. » Le blond regarda son ami des pieds à la tête. « Tu as décidément besoin de te détendre un peu. Viens, on va pêcher quelques poissons… » Sans plus hésiter, il franchit les portes sans prêter attention aux dernières protestations de son ami.

Son arrivée attira quelques regards sur lui. C’est que Zaahrian est grand, très grand. En général, il dépasse les gens d’une bonne tête. Du coup, on voyait en lui soit un objet de curiosité ou un adversaire potentiel. Il fit comme si de rien n’était et se dirigea vers une table vide. Le tabouret craqua sous son poids et Guilin vint le rejoindre en lui jetant des regards assassins. « On prend une bière et on s’en va. Si ce n’est pas Daeron qui a notre peau, ce sera quelqu’un d’autre. » Zaahrian pencha la tête de côté, un sourire sur les lèvres. « Relax, tout est sous contrôle. À ce que je sache, nous avons le droit de manger et de boire. Puis, le bateau qu’on attend ne sera là que demain. Tu veux qu’on fasse quoi en attendant? »

« Explorer les alentours, établir une stratégie… » Commença Guilin avant d’être interrompu par un regard de Zaahrian lui intimant de se taire. Oui, ils avaient un contrat à remplir, mais compte tenu des occasions qu’ils avaient d’aller à Thaar, Zaahrian comptait bien en profiter. D’ailleurs, l’arrivée de deux jeunes hommes au physique fort avantageux ne tarda pas à attirer l’attention des demoiselles en mal d’attention. En réalité, elles désiraient plus que tout changer des habituelles brutes épaisses qui leur servaient de client. « Oh, ça tombe bien mesdemoiselles, ce jeune homme ici à désespérément besoin de compagnie! » Guilin ouvrit la bouche, le regard plus meurtrier que jamais. Zaahrian lui répondit avec son plus charmant sourire et fit plutôt signe pour qu’on lui apporte une bière tandis qu’il regardait son meilleur ami se dépêtrer de cette situation.

Zaahrian regardait son ami tenter de garder sa contenance devant les deux dames aux manières très insistantes tout en se tordant de rire sur sa chaise. Guilin défendait vaillamment sa vertu, mais ces femmes avaient les mains baladeuses et beaucoup de volonté. Malheureusement pour Zaahrian, le karma décida de frapper et il fut nettement moins amusé lorsque deux femmes s’intéressèrent à lui avec plus de détermination encore. Elles étaient assises sur lui! « Mesdemme, je suis vraiment, mais vraiment touché par votre attention… Ah mais attention la main! Mais, attendez, c’est la main à qui ça? » Toute forme de protestation furent soudainement interrompus lorsque Zaahrian se retrouva le visage écraser contre la poitrine aux proportions généreuses de l’une de ses dames qui sentait le parfum bon marcher avec une note désagréable de sueur. Il la saisit par les épaules et la repoussa juste assez pour pouvoir parler. « Non vraiment, je ne suis pas le client qu’il vous faut… et j’aimerais bien boire ma bière! Merci! » Voyant le peu de réactivité de la part du semi-elfe, elles battirent en retraite en sachant trop bien maintenant quel genre de client il est. À peine s’étaient-elles éloignée que les hommes le regardaient avec intérêt, mais Zaahrian était trop absorbé par sa bière pour leur prêter de l’attention, pour l’instant. « Zaahrian… » Le Zaahrian en question ne put s’empêcher de sourire au-dessus de sa bière. « Il y a quelques spécimens intéressants si on aime le côté pas trop propre. » Guilin haussa un sourcil. « C’est toi qui as insisté, je te rappelle. La bière est bonne? » Zaahrian en but une gorgée. « On m’a déjà servi des trucs pires que ça. »

Son regard glissa vers un étranger assis à une table plus loin. Il attira son attention par son attitude. Visiblement, il n’était pas un marin. Comme Guilin et lui, cet homme détonnait dans le décor tout en ayant l’aisance du type qui vient souvent. « Qu’est-ce que tu regardes? » Demanda soudainement Guilin. « Oh, rien. » Il fit un petit signe avec sa main. Son frère compris aussitôt. « Je pensais surtout au fait qu’il nous faudrait trouver un endroit où dormir ce soir. » Guilin regarda rapidement dans la direction indiquée par Zaahrian. « Parce que tu ne penses pas rester ici cette nuit. » Le blond grimaça. « Dormir dans un lit plein de puces... » Son attention glissa à nouveau vers l’autre autre et Guilin lui donna aussitôt un coup sous la table. « Ouch! »

« Tu me frappes tellement souvent que je me demande si tu n’y prends pas du plaisir. J’ai entendu dire que certains bordels offraient ce genre de service... » L’assassin évita la claque de peu, ce qui le fit éclater de rire. Une femme s’approcha alors de leur table, un pichet à la main. Zaahrian la regarda déposer la bière devant eux, puis l’inconnu confortablement installé un peu plus loin, apparemment, le généreux donateur de ce pichet. Il haussa un sourcil interrogateur, avant de se tourner vers Guilin « T’as entendu, tarif de groupe… Dis, ça t’intéresse? » Un sourire de prédateur se dessina sur son visage. Guilin leva les yeux vers le plafond, totalement découragé par l’attitude de son ami. « Dans tes rêves. » Zaahrian posa le coude sur la table, sa tête appuyée contre sa main. « Dans mes rêves, j'ai beaucoup d'imagination... » Sur ce, il éclata de rire. Visiblement, embêter Guilin était son activité préférée et il le faisait dès que l’occasion se présentait.

Apparemment, celui qui leur avait offert ce pichet de bière ne se contentait pas de vouloir les enivrer, il écoutait également leur conversation. Zaahrian porta son attention sur l’étranger. Il avait toujours une lueur amusée dans son regard. Il ne tenait pas particulièrement à s’attirer des ennuis, mais le blond avait cette aptitude toute naturelle pour les faire venir à lui sans même lever le petit doigt. « Je parle surtout par expérience. J’ai visité quelques auberges en ville qui auraient intérêt à suivre cet exemple. » Si Zaahrian était détendu, Guilin restait sur la défensive, mais il n’était pas tant embêté par la présence de l’autre mec que par l’attitude de son frère. Zaahrian poursuivit la conversation. « J’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part... » Il mentait, mais c’était pour le faire parler. Il était presque certain que c’était un humain, donc ridiculement jeune comparativement à lui. Il n’était clairement pas un marin, donc se pouvait-il qu’il soit un assassin? Non, plus probable qu’il soit un mercenaire, mais dans les deux cas, il avait une gueule franchement inquiétante, mais pas totalement repoussante.

pensée :

Visiblement, Dante avait eu la vie dure, mais les marques sur son visage ne firent pas réagir le semi-elfe, habitué à voir des choses nettement plus choquantes. Guilin l’observa avec un peu plus d’insistance, autant par curiosité que pour tenter de jauger l’homme devant eux. Tous les deux savaient déjà que ce n’était pas un marin, mais la différence entre un mercenaire et un assassin n’est pas toujours évidente à voir. « Hum, c’est les oreilles, c’est ça ? » Zaahrian replaça une mèche de ses cheveux blonds derrière une oreille à peine pointue, mais suffisamment pour trahir ses origines. Sa grande taille était également un excellent indicateur, mais sa musculature, plus massive qu’un elfe typique, en confondait certains. À côté de lui, Guilin était aussi grand que le blond, mais élancé comme un roseau. Avec ses cheveux presque noirs, les deux compagnons étaient tels le jour et la nuit. « Je suis tellement un mauvais joueur. » Grimaça Zaahrian. « Mais je veux bien me joindre à toi. T’as déjà l’air moins grognon que celui-là. » D’un geste de tête il désigna Guilin dont les lèvres frémirent à la remarque de son ami. « Allez, ne fait pas cette tête. Il faut vraiment que tu apprennes à te détendre ! » Zaahrian tourna la tête vers Dante. « Zaahrian et lui c’est Guilin. » Du coin de l’œil, il remarqua l’apparition aussi surprenante que soudaine d’un jeune homme dont la profession transpirait par tous les pores de sa peau. Il se frotta distraitement les lèvres. Seul, il y aurait sérieusement pensé, mais avec Guilin et Dante… Non, Zaahrian ne s’affichait pas ouvertement à ses proches. Même s'il taquinait souvent Guilin, jamais ce dernier ne l'avait vu partir avec un autre homme. « Alors on parie quoi ? J’opte pour que le perdant paie la bière aux autres…  On fait ça jusqu’à ce que l’un de nous ne puisse plus tenir debout.» Un large sourire apparu sur le visage de Zaahrian. « Oublie ça, te saouler reviendrait à vider les réserves de la taverne. » Le blond éclata de rire. « Bon voilà, ça veut juste dire que ce ne sera pas moi qui va tomber le premier. T’inquiète pas, je te ramènerai à ta chambre, promis. Alors? »

Finalement, Dante n’était pas aussi sinistre qu’il en avait l’air. Seul Guilin continuait de se méfier, mais Zaahrian soupçonnait le jeune homme de se méfier de tout dès l’instant où il fut expulsé du ventre de sa mère. Il aura des cheveux blancs avant l’heure, mais l’un d’eux devait bien rester attentif à ce qui se passait autour d’eux. Zaahrian n’hésita pas un seul instant à s’installer confortablement aux côtés de Dante alors que Guilin choisit plutôt une place où il pouvait avoir Dante et Zaahrian dans son champ de vision en plus de pouvoir surveiller l’entrée de la taverne. Le blond remarqua aussitôt le manège de son ami et gloussa sans pour autant passer de commentaire. « J’adore Thaar, j’y viens aussi souvent que je peux. Ça doit bien faire quelques décennies que j’y fais des allers-retours réguliers. » Il se gratta le menton. Avec son air décidément juvénile, Dante ne pouvait être qu’un humain et au moment de sa naissance, Zaahrian devait être dans le métier depuis un certain temps déjà. « Ah! C’est que tu ne sais pas où regarder. J’ai quelques séjours mémorables passés dans cette ville. » Pour Zaahrian, la définition du mot mémorable implique généralement beaucoup d’alcool et une « quasi » arrestation. « J’aimerais bien entendre les derniers potins. » Souffla Guilin en penchant légèrement la tête de côté.

Dante s’exécuta donc, Zaahrian l’écoutant d’une oreille distraite. Un meurtre attira son attention. Il regarda Guilin qui gardait une expression de parfaite neutralité. Si les deux comparses étaient souvent ensemble, il arrivait qu’à l’occasion ils soient déployés sur des missions différentes. Guilin avait fait un bref séjour à Thaar durant la dernière ennéade et comme Zaahrian avait entendu Daeron parler de ce type. Bref, l’équation n’était pas tellement difficile à faire. « Hum… Jurian, ce n’était pas le type qui ne voyageait jamais sans son armée de mignons? Bon, ce n’est pas comme si cela avait de l’importance, il est mort! » Guilin haussa les épaules comme si cela n’avait aucune importance. Devant le peu de réactions de son ami, Zaahrian s’empara des osselets. « Pour avoir beaucoup voyagé dans la région, rien ne vaut Thaar si tu veux mon avis. Cela dit, j’aimerais bien, un jour, aller du côté de la Péninsule et rendre une petite visite à tous ses culs coincés. » En fait, Zaahrian voulait y aller seulement pour ajouter une tête couronnée à son palmarès. « Mais sinon, c’est… des villes et en dehors des villes, le néant? Je déteste la campagne... »