[Esplanade des 9] Trame de l'hydre :: L'Ordalie des Flammes

Un étaux s'est refermé sur sa gorge, enserrant la fragile trachée perceptible sous la peau pâle. D'une pression, elle peut l'écraser. D'une pression, elle peut lui offrir une mort attroce, celle du souffle qui ne passe plus, de la lutte désespérée pour obtenir un air à jamais interdit, perdant rapidemment toute force tout en étant conscient de sa flamme se mourrant du fait de son impuissance. Des siècles de luttes, de rage et de sang, pour une pathétique fin dans un temple puant, de la main du Feu d'Uriz.

Le Haut-Prêtre de Zhak'Bar considère cette perspective comme une bonne fin. Mais d'abord, il lui faut relâcher ce qui a enflé dans sa gorge, tandis que la Kel'Sherat la comprime de sa poigne de forgeronne : un rire de ravissement. Etouffé par l'étaux de ses doigts, douloureux et rauque, mais ô combien libérateur. La rage s'est évanouie de ses mires, remplacée par une chaleur adoratrice, alors que ses traits affichent un bonheur d'une sincérité dérangeante.

"J'ai ma réponse. Exulte-t-il d'une voix opressée avant d'ajouter après un instant. Tueras-tu l'un de tes servants comme le fit l'Indigne Xaran ?"

Plus le drow lutte pour parler et plus un voile de douleur exquise et d'opression tente d'altérer son esprit, de voiler son regard... Et pourtant, l'ironie de la situation ne manque pas de le faire d'eslaffer à nouveau. Sa main armée étant libérée, la nouvelle scarification qu'il fait naître d'un coup précis, croisant la première sur son avant-bras, ne perturbe en rien son éclat. Qu'importe de manquer d'air ! Il a sous les yeux le Feu d'Uriz !

Un sourire étira les lèvres de la forgelâme. Il la provoquait. Encore et toujours. Comme il s'était emparé de son bras une petite éternité auparavant pour la soulever du sol sans ménagement. Un éclat de rire étouffé glissa hors de sa gorge et elle relâcha sa poigne, éloigna son bras barbouillé de sang de celui de son vis à vis, et se laissa maladroitement tombé sur le bord du matelas.

- Et gaspiller une folie aussi résistante que la tienne ? Ce serait dommage. " Elle se passa une main sur le visage pour repousser les mèches blanches éparses qui y étaient collées " Tu n'aurais pas quelque chose à boire par le plus grand des hasards ? " Puis elle continua, une idée lui traversant la tête. " D'ailleurs je ne sais pas si quelqu'un vous a présenter. Urgoll'Ven, je te présente ma fille, Driz'na. Elle vivait avec son père jusqu'à il y a peu, mais elle présente déjà une belle capacité à se mettre dans les ennuis et à s'en sortir sans trop de problèmes. Driz'na, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar, Urgoll'ven. Un homme que je ne connaissais que de nom jusqu'à hier et - il semblerait - un nouvel ami. "

La main de Dren'Zess caressa doucement le cuir chevelu de sa fille, apportant une chaleur bienfaitrice et familiale à la jeune enfant. Au fur et à mesure que la main entraînait Driz'na vers le coeur de la forgelâme, le capuchon retombait en arrière pour laisser le renifleur découvrir quelle bouille se trouvait derrière les yeux violacés qui l'avaient détaillé. Ce n'était qu'une enfant, une petite qui avait à peine quelques cheveux blancs et qui ne devait même pas avoir passé le Clor d’Dormagyn. Ses joues encore arrondies, bien que la finesse de son corps en disait long sur la dure vie qu'elle avait vécue jusque là, étaient une preuve flagrante. Un chuchotement, des éteincelles d'admiration qui naquirent dans les yeux de l'enfant puis cette dernière se redressa sur sa chaise pour laisser sa mère se lever.

Tout du long de la scène si particulière qui se déroulait devant elle, Driz'na ne dit rien. Elle observait et écoutait tout, s'appliquant par habitude et par passion à retenir la moindre miette de cet échange. Un moment intime, sacré, de ceux méritant de rester gravés à tout jamais dans la mémoire, vifs pour l'éternité. L'enfant se demanda, à cet instant, si ces quelques moments passés dans une petite pièce au coeur de la vie courante ne devraient pas être inscrits dans un cahier. Ou un livre, à force. Etre gravés dans le papier à l'encre ou au sang, puis gardés précieusement dans une bibliothèque cachée à bien des regards. Cette promesse à laquelle elle assistait serait le premier récit d'une très longue suite... si seulement elle pouvait écrire correctement. Parce qu'avec son bras directeur toujours en écharpe, ce n'était franchement pas évident. Au moins cela l'entraînait à s'améliorer avec sa main droite.

"D'ailleurs je ne sais pas si quelqu'un vous a présentés. Urgoll'Ven, je te présente ma fille, Driz'na. Elle vivait avec son père jusqu'à il y a peu, mais elle présente déjà une belle capacité à se mettre dans les ennuis et à s'en sortir sans trop de problèmes. Driz'na, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar, Urgoll'ven. Un homme que je ne connaissais que de nom jusqu'à hier et - il semblerait - un nouvel ami.
La petite regarda sa mère qui venait de se rasseoir, limite honteuse.
- Je ne fais pas exprès d'être dans les ennuis...
Puis elle releva les yeux vers le grand renifleur.
- Enchantée ! C'est un honneur de vous rencontrer."

Hé bien... il y a encore deux mois elle était loin d'imaginer qu'elle puisse un jour rencontrer tel personnage, quel que soit le culte. Mais là, à l'instant, tout ce qu'elle désirait était de se lover contre Dren'Zess. Retrouver cette douce chaleur si précieuse à ses yeux. Mais elle ne se voyait pas demander, elle n'était pas encore à l'aise avec sa relation avec Krish... Alors elle se contenta juste de poser à nouveau ses yeux sur ceux magnifiques de sa mère.

Ainsi, c'est dit. Car il est Son Foudre de Guerre et je suis Son serviteur... Cette certitude s'inscrit dans son âme, avec la douceur des plaies de son bras, dont le liquide poisseux goute lentement sur le sol. La gorge libérée, le Gobelin se la racle sans discrétion tout en écoutant. De nouveau, cette importance que la drow donne à son rejeton... Des sacrifices, des poids, de petites choses qu'il faut former jusqu'à ce qu'enfin elles comprennent comment va le monde, comment y survivre. La compréhension d'Urgoll'Ven ne va guère plus loin. Songeur, il observe l'enfant et ses mirettes curieuses. Le descriptif qui en fut fait lui tire un reniflement amusé.

"Un enfant sans ennuis est un enfant mort. Un enfant qui se débrouille peut vivre... Longtemps. dit-il, avec une forme d'approbation. Il ajoute, après un temps d'hésitation. Glorieuse vie à toi... Driz'na."

Sans trop y réfléchir, il lui ébouriffe les cheveux, dans un geste mécanique et froid. D'une certaine manière, cela peut rappeler les gestes qu'il avait pour des créatures domptées dans la fosse, dont l'existence était alors dévouée au service du peuple sombre. L'enfant n'est pas dans ce cas. Elle n'est ni une novice ayant du mérite, ni une misérable dont l'existence peut prendre fin sous ses yeux sans qu'il n'en ait cure. A-t-elle sa place dans les projets du Feu d'Uriz ? Est-elle un divertissement... ? En un sens, le noirelfe ne sait quoi en penser. Poser les yeux sur elle fait naître une touche de contrariété dans rictus sauvage.

Pour se distraire de ces questionnements parasites, le Haut-Prêtre laisse son regard s'égarer un instant, ses bras se contorsionnant dans un enchaînement précis et maîtrisé. La magie vint à lui sans résistance et bientôt, une sphère aqueuse de la taille d'un poing se forma. L'air sembla quelque peu plus sec, de même que le sang apparent des deux drows. Dans un même temps, une masse de poussière se condensa, s'humidifia et finit par prendre la forme d'un verre. Une fois ce dernier suffisamment solidifié, Urgoll' inclina la main et le liquide vint s'y lover, après quoi il l'offrit à la drow.

Krish reçut le verre que lui tendait le prêtre avec un signe de tête reconnaissant. C'était surement le verre le plus pompeux qu'on lui avait sûrement servi de sa vie. Inutilement compliqué mais tellement classe et donc tellement indispensable. Elle l'avala jusqu'à la dernière goutte.

- Si ça te va, je vais me reposer un peu. Cette Ordalie a été... difficile... Et pendant que j'y pense, je ne suis pas Haute-Prêtresse. J'ai obtenu Justice, c'est tout ce qui importe. " Elle se renfonça dans ses oreillers. " Viens, Driz'na. Il faut qu'on parle de l'incendie de l'autre jour. "

HRP:

La gamine regarda curieusement le grand renifleur, mettant un petit temps à comprendre ce qu'il voulait dire. Un enfant sans ennuis est un enfant mort... un enfant qui se débrouille peut vivre longtemps. Ah. Elle avait compris. Si c'était le cas, alors elle n'avait pas trop à craindre, non ? L'adulte l'ébouriffa, avec une force qui lui fit limite mal à la tête. Lotha Suru replaça par la suite les cheveux sur sa tête, d'une main fort maladroite, puis s'intéressa à nouveau à l'échange qu'avaient les deux adultes. Echange très court puisque Dren'Zess voulait se reposer. Une fois que le haut-prêtre se fut décallé de l'avatar, Driz'na vint s'asseoir auprès d'elle, cette fois-ci directement sur le lit. Elle attendit qu'Urgoll'Ven soit sorti pour à nouveau poser son regard sur sa mère, sans dire un mot. Parler de l'incendie dela veille ? Y avait-il quelque chose à rajouter ? Ou voulait-elle en savoir plus sur celui qui l'avait secourue ? C'est vrai qu'elle ne lui avait pas posé de question quand elle l'avait évoqué... Ou peut-être y avait-il autre chose qu'elle ne savait pas, un point à connaître. Alors elle attendit que Dren'Zess aborde le sujet la première.

Le noirelfe pouffe, guettant un signe d'ironie chez son interlocutrice. Réaliser qu'il n'y en a pas le fait s'esclaffer de plus belle.

"Le Grand Incendie couta au culte de notre Père nombre de ses meilleurs éléments, le Destructeur lui-même imposa sa volonté à travers toi, la Xaran choisit le trépas... Qui reste-t-il pour s'opposer à Son propre Vaisseau ? Urgoll'Ven secoue la tête avec un rictus amusé, tout en balayant son propre argumentaire d'un geste dédaigneux de la main. Son sourire s'élargit, en une mimique joueuse. Mais puisque tu le dis... Bon repos, Feu d'Uriz."

D'une inclinaison il salue la drow ainsi que sa progéniture, qu'il regarde à peine. Puis il fait volt-face, quittant la pièce d'un pas guilleret, tel un enfant ayant une douceur en bouche, laissant dans son sillage des confettis de sang séché.