Julas de la 4e ennéade de Fävrius
Onzième année du Onzième Cycle
Temple de Valas
Quelles que fussent les dernières péripéties auxquelles tu fus livré, en ce lieu tu trouverais toujours paix en tes braises. Le Temple de Valas est ton ancre, et l’incessante psalmodie des prêtres de La Chimère en est la chaîne. Les volutes de magie flottant en permanence ici sont l’océan dans lequel elle flotte. La statue du Gardien est le plancher dans lequel elle s’enfonce. Tu es né d’une des dévotes de cet endroit, et tu es né à toi-même à cet endroit, pour servir cet endroit.
Ce temple est ton héritage. Sa magie la tienne. Ses mystères tes découvertes futures. Le savoir qu’il renferme la graine et le fruit de ta vie. Ce temple est à la fois ta forteresse, ton foyer et ta prison.
Tu avances lentement, attirant sur ton chemin les regards des plus distraits des cultistes. Ils te connaissent. Ils savent ce que tu te revendiques, et pour majorité d’entre eux, s’ils ne te croient pas, ils sont conscients que ce n’est pas à eux de t’enseigner la vérité. Le blasphème ne survit jamais longtemps. Des mages bien plus puissants que toi se sont tentés à défier les Dieux, et ils n’y ont jamais obtenu que le rappel de leur condition de créature.
Seulement toi, tu ne les défies pas, les Dieux. Tu les attends. Tu attends qu’ils viennent poser leur main sur toi une seconde fois. Depuis longtemps déjà, tu attends le jour où La Chimère te considérera prêt à être clamé. Digne du reste de son pouvoir. Digne du reste de
ton pouvoir. Digne… tu avais déjà été plus digne par le passé que tu ne l’étais aujourd’hui. Quel Dieu accepterait de souffler la moindre lichette du Feu Primordiale sur l’être brisé que tu es ?
Tu te caches, Valsrik’Hrae. Tu combats le bon combat, mais tu le combats dissimulés derrière les Grands, alors que tu es toi-même Grand. Tu es toi-même Grand, et pourtant l’ombre des petits porte plus loin que la tienne. Tu es toi-même Grand, et tu ne fais jamais que réagir au chaos de la fourmilière, alors que tu pourrais depuis longtemps l’avoir noyée. Tu te caches, quand d’autres n’hésitent pas à se montrer, au risque de se couvrir de honte, au risque de couvrir tous tes pairs de honte, pour peu que cela puisse leur obtenir la moindre once d’influence.
Tu es un sorcier indigne. Et pourtant tu es là. À attendre. À prier. À joindre ta psalmodie à la leur. À chercher le courage là où il n’y en a pas. À chercher le courage là où il y a du pouvoir, alors que du pouvoir, tu en as déjà bien assez. Tu demandes pardon à La Chimère encore une fois, et encore cette fois La Chimère te rit au nez. La main posée contre la statue du Gardien, tu t’offres, tu offres ton pouvoir, tu tentes de l’offrir, mais comme chaque fois que tu penses avoir à faire amende, chaque fois que tu penses qu’offrir t’obtiendra le pardon, au lieu de prendre, le Dieu-Mage te donne.
Tu sens l’énergie courir à travers ton corps. Tu sens le pouvoir rugir à travers tes veines. Ton monde de vecteur s’éclaircit. Les yeux fermés, tu vois tout. Tu vois chaque mouvement, même le plus infime. Tu entends se frotter entre eux les grains de poussière. Tu entends mourir et naître tes congénères à la fois. Tu vois vibrer ceux qui pensent être immobiles. Et tu apprends. La main posée contre la statue du Gardien, tu apprends. Tu apprends la véritable forme de ce monde, la véritable physique de ce monde, les véritables énergies qui régissent ce monde.
Parce qu’en tant qu’enfant du Dieu-Mage, tu es le seul à le pouvoir.