Tout cela pour une plante | Shyn'Tae

Karfias de l'an 14:XI
Terres stériles

Sable. Vent. Soleil ardent. Sécheresse. Soif... Une douce balade à travers les terres pour le Gobelin, son invitée surprise, et leurs montures. Se déplaçant le plus souvent de nuit pour éviter de cuire vivant, épuisant rapidement leur vivre pour mieux se nourir des créatures ayant le malheurs de croiser leur route, s'abritant à l'ombre des os du désert, pics rocheux sortant au hasard dans l'infinité sableuse. Quant à l'eau... Le Gobelin l'extrayait des bêtes croisées, répandant leur sang dans le sable pour en tirer l'humidité. Là où un mage de la Vie pouvait faire de corps vivants des cadavres momifiés, l'élémentaliste devait d'abord les mettre à mort. Cela tombait bien, cela était son "plaisir" depuis des siècles.

Leur peau s'assèche et se craquèle, mais quoi de plus normal, comme tribut à verser aux terres mortelles entourant le Puy ? Leur survie y est un continuel pied de nez, et tout du long, le Gobelin ne se défait que rarement d'un rictus de satisfaction carnassière. Avancer, éviter le Soleil, chasser... Jusqu'à ce qu'enfin, l'air sec du désert laisse place au marasme des marais toxiques. Une belle balade, vraiment.

Quelque part dans les marais de Faélia

Pour un nez, les marais puent l'humus et la vase. Pour un nez sensible, c'est un vin capiteux, immonde mais riches en information. Leur Soleil n'est plus leur ennemi, mais la faune et la flores le remplacent, riches en spore et poison qui, s'ils laissent de marbre les sombres, affaiblissent leurs montures. Cependant, les Jumelles se révèlent clémentes quand, au détour d'arbres tortueux, aux racines serpentines s'enfonçant dans la vase, se révèle à leurs yeux une drosera... De la taille d'un poing. Là n'est pas le plus beau, alors que tableau se révèle dvantage à chacun de leur pas. Des droseras, il y en a plusieurs, allant grossissant, droit dans une gueule de fils pâles et de lianes, formant des motifs complexes... Des tisseuses, nulle trace.

Souriant, tenant fermement les rènes de son morgal, Urgoll'Ven inspire, sentant une odeur de vieille charogne se mêlée au lourd parfum des marais. Ses mires s'étrécissent d'anticipation, devant se piège délicat. Clémentes, les Jumelles ? Ou d'humeur joueuse... ? Son visage, rendu encore plus rugueux et anguleux par le temps passés dans les Terres Stériles, se tourne vers sa semblable.

"Ton avis... ?" demande-t-il simplement, amusé.

Des terres desséchées, s'étendant à l'infini dans toutes les directions. Le sol de terre craquelé par l'absence d'eau défilait sous les pas de leurs montures. Nul présence à part les deux voyageurs sur la vieille piste.  Derrière eux, L'abri du Puy d'Elda se dessinait, sinistre, à l'horizon, de plus en plus négligeable devant l'immensité qui les écrasait, entre terre brulante et astre du jour, terre gelée et astres de la nuit.

Le jour, le soleil frappait la daedhel sans répit et sans pitié.  Elle avait su dés le départ que l'experience serait bien différente que de parcourir les routes bien fréquentées menant Thaar. Elle avait su dés le départ que son guide ne serait guère compréhensif, ni très loquace, et pour dire la vérité, la réalité était bien au delà de toutes ses espérances.

Elle n'aurait pas cru qu'il y aient des abris contre les rayons ardents qui brulaient sa peau sans égard pour les maigres protections qu'elle s'était procuré. Bien trop vite, elle épuisa ses réserves d'eau en les partageant avec sa monture qui semblait bien mieux supporter la situation qu'elle. Chaque jour, la chaleur étouffante rendait son sommeil difficile, jusqu'à ce qu'elle s'effondre littéralement de fatigue.

Pourtant, dans cet enfer, son guide faisait des miracles. Il trouvait les coins d'ombres dans lesquels patienter pour ne pas cuire sur place pendant les heures les plus chaudes, il savait comment obtenir de l'eau, il savait comment se nourrir, et comment ne pas mourir. C'était une évidence, l'arcaniste n'aurait pas survécu deux jours dans le desert ardent sans l'avoir à ses cotés.

Il l'avait menacé de la laisser sur place si elle le ralentissait? La menace l'avait vexée, car elle l'avait compris comme une crainte qu'elle ne fasse pas tous les efforts necessaires. Alors elle suivait scrupuleusement les instructions du haut prêtre. Sous ce soleil abrutissant, soumise au manque de sommeil, il aurait été si simple de se contenter de suivre, d'obéir, mais une telle idée répugnait la demoiselle. Alors elle suivait le moindre de ses gestes, ses paroles réservées à répondre aux questions que le triumvir lui posait autant qu'aux demandes de précision dont elle avait régulièrement besoin pour comprendre les décisions du gobelin.

La magicienne avait été particulièrement impressionnée par la technique de récupération d'eau de l'élémentariste. C'était malin, et elle se surprit à lui poser de questions passionnées sur le sujet, avant d'opérer une prompte retraite devant ses réponses concises et minimalistes. Peut-être pouvait-elle optimiser le processus? La question occupa ses nuits et le carnet qu'elle avait conservé plusieurs soirées durant.

Peu à peu, elle eut la satisfaction de progresser. Sa mine perpétuellement concentrée fut traversée par des sourires de contentement. Elle mourrait toujours de soif, sa peau la faisait toujours plus souffrir du froid et de la chaleur, mais quelle importance, car elle commençait à savoir ce qu'elle faisait: La drow était utile. Ou du moins pas un poids. Et ca n'avait pas de prix.

Lorsque finalement, la moiteur des marais remplaça la brûlure du desert, la daedhel se permit même une touche de dérision expérimentale, et surveilla la réaction du triumvir: le gobelin avait beau ne pas être aussi inquiétant que sa réputation le laissait croire, elle s'en méfiait encore.

***

On aurait pu espérer que les marais soient meilleurs hôtes que le desert, mais les tendances pessimistes de Shyn'tae l'avaient poussé à supposer qu'il en serait autrement. Sans grande surprise, elle avait eu raison. L'atmosphère putride et malsaine affectait Noisette, qui devint graduellement encore plus difficile à supporter, et c'était peu dire.

Au dessus d'eux, un couvert fait de grands arbres tortueux aux branches tordues masquait la lumière du soleil, plongeant l'environnement dans une semi obscurité permanente. Pour ne rien arranger, le brouillard qui ne semblait jamais vouloir se lever plaçait l'horizon bien trop prêt pour son confort personnel, et, par endroit, masquait même les sabots de son cheval. Autour d'eux, les lianes omniprésentes, la brume et la vegetation formaient des jeux d'ombre traitres et inquiétants. Plusieurs fois, la magicienne, sa monture ou les deux avaient manqué de peu de trébucher sur des mares tourbeuses et vicieuses. Le Morgal du triumvir semblait un peu plus adapté à cet environnement.

Quelques jours de ce traitement, décida-t-elle, et personne ne serait capable de reconnaitre une daedhel sous le tas de boue. Le bas de sa tunique, de sa cape et toute la longueur de ses jambes en tout cas en avaient déjà la couleur comme la saveur. C'était compréhensible qu'un tel environnement affecte la monture, avoua-t-elle.

***

Les deux cavaliers avançaient prudemment depuis des heures. La jeune drow s'était mise à fouiller dans son sac à la recherche d'un reste de champignon séché, qu'elle retira aux cotés de son carnet, tous deux couverts de boue. Cette saloperie s'infiltrait décidemment partout.  Elle hésitait à jeter le champignon lorsque Noisette s'arrêta brusquement en regardant droit devant. Le triumvir suivit, et la daedhel remarqua finalement la plante. Oh. Peut-être les dieux leurs étaient-ils favorables? Une drosera se tenait au milieu du chemin. Manque de chance, elle était bien trop petite pour servir aux prélèvements qu'on lui avait demandé.

Mais une autre suivait, puis d'autres plus loin entre les arbres. La magicienne s'était renseignée sur sa cible. Elles poussaient en groupe le plus souvent, et il était probable que des specimens plus imposants habitent plus loin. Sauf que… Noisette ne fixait pas la drosera, mais les filaments de soie, toujours plus nombreux, qui tissaient leurs motifs plus loin sur le chemin, entre les arbres et les drosera.

Genial, pensa la thaumaturge. Les dieux n'étaient jamais cléments, c'était pourtant ce qu'on apprenait aux tous petits. Comment avait-elle pu faire erreur?

Le gobelin dut avoir une pensée similaire, puisque sa voix rocailleuse résonna, étouffée par le brouillard et la vegetation.

"Ton avis... ?" Rêvait-elle, ou y-avait-il une once d'amusement dans sa voix? Ca c'était de l'humour qu'elle appréciait.
- Des droséra capables de dévorer un cheval, des araignées géantes, le tout dans un écrin des plus charmants... La daedhel s'essuya le front du revers de la main, y laissant une trainée marron. Les dieux les avaient conduit ici, elle se voyait mal refuser leur message, d'autant plus que le prochain n'avait aucune raison d'être plus réjouissant, bien au contraire. Pour ce qu'elle en savait, ils étaient toujours têtus. Et dotés d'un mauvais caractère.
- C'est un piège... Comment refuser l'invitation? Permettez-moi quand même de verifier qu'on y trouvera ce que l'on cherche, Triumvir.

Noisette, qui n'était pas stupide, refusa néanmoins de faire un pas de plus. Ce n'était pas plus mal, elle se voyait mal emmener un canasson dans un endroit pareil. La drow descendit gracieusement de la bête, et dégaina sa lame d'un geste. C'était une lame droite et biseautée à l'extrémité, sans fioriture aucune, acier aiguisé comme un rasoir, poli comme le plus parfait des miroirs, et la demoiselle la maniait comme une extension de son bras.

Attentive, elle s'approcha lentement de l'entrelac de soie, et en pénétra la frontière en prenant bien garde à souplement esquiver les soies et les lianes traitresses. Elle s'arrêta, jetant un oeil à la ronde. Nul trace des araignées, mais plus loin se trouvait ce qu'on aurait pu appeler une clairiere en d'autres lieux.

La daedhel en eut le souffle coupé. D'une certaine façon c'était magnifique, de l'autre cauchemardesque, et l'esprit de la drow fut incapable de choisir. Peut-être était-ce une trouée dans les arbres, mais le ciel n'en était pas plus visible. Les araignées avaient construit une cathédrale de soie cyclopéenne à la beauté époustouflante.

Comme des lustres pendant du plafond des salles d'un riche manoir, des cocons desquels dépassaient là quelques os couverts d'une peau parcheminée, là de la viande à moitié en decomposition. Shyn'tae fronça un sourcil. N'était-ce pas un morceau de Morgal encore équipé de sa selle qui oscillait doucement? Encore récent, il gouttait doucement de fluides sur… Un imposant groupe de drosera,  les plus petites à l'extérieur, de plus en plus grandes à l'intérieur, certaines de plus de deux mètres, ouvertes ou fermées.

Quel intéressant écosystème, ne put s'empêcher de penser la magicienne. Les drosera servaient-elles aux araignées à éliminer leurs restes? C'était charmant.

Prenant bien garde à ne toucher aucun fil de soie, la drow se retourna et fit un signe au Gobelin. Oui il y avait bien ici ce dont elle avait besoin. Le problème, se dit la thaumaturge, c'était qu'elle n'était plus très sûre de vouloir prélever le venin ici.

Très distinctement, derriere Urgoll'ven et son Morgal, elle vit Noisette se planquer derriere un tronc d'arbre. C'était presque comme si le cheval s'attendait à ce que quelque chose tourne mal. Etonnant.

Elle parle toujours trop... Cela n'empêcha pas Urgoll'Ven de lui emboîter le pas, non sans un rictus amusé, après avoir sifflé son morgal, lui intimant de rester immobile. A quelques mètres de distances de sa semblable, il embrassa du regard le piège mortel des créatures qui vivaient là, en appréciant la complexité et leurs signes de réussite. A vrai dire, il s'amusa tout particulièrement des restes reptilien, entendant un léger sifflement de nervosité dans son dos. A ne pas sous-estimer... La soie recouvrait presque tout, la moindre avancée dans ce royaume demandant une attention certaine pour ne pas déclencher ce piège majestueux. Marcher sur de la vase, des racines moussues ou de la soie... Une vraie partie de plaisir.

Les mires sanguines cherchaient dans les recoins, la moindre ombre dans ce tableau prédateur. Aux aguets, quelque part... Tout en prenant garde à ne pas, lui non plus, attirer l'attention des prédatrices, il prit grand soin de débuter de simples mouvements de bras, attirant petit-à-petit la magie à lui. Défense ou attaque ? Il aviserait. Étant donné la taille de la structure, mieux valait se tenir prêt. Observant la situation et leur objectif, le Gobelin sourit.

"Que j'agisse, et elles nous repèreront. commenta-t-il, d'une voix vibrante... D'impatience. Comptes-tu le collecter à leur insu... Ou te frayer un passage entre leurs mandibules ?"

A voir la nuance joviale venue se glissait dans le faciès sculptural et hideux du sombre, sa préférence se devinait aisément. Cela dit, Urgoll'Ven avait eu le temps d'intégrer que cette chasse s'accompagnait d'un objectif autre, donc laisser à la mage la possibilité de se servir avant de rendre hommage à Zhak'Bar semblait la moindre des politesses. Pendant ce temps, la magie s'accumulait lentement, presque langoureusement, dans son étreinte...

Quel genre d'araignées avaient pu construire un machin pareil. Le monde était fascinant, Si seulement son carnet n'avait pas été transformé en tas de boue, la daedhel aurait volontiers fait quelques croquis. Ses oreilles s'aplatirent sensiblement lorsqu'elle entendit l'intervention de son comparse soupe au lait.

Ce dernier l'avait sensiblement rattrapée, mais elle se trouvait encore à une petite distance en avant. La carrure imposante du haut prêtre ne devait pas lui simplifier la vie pour éviter de faire chanter les cordes de soie, pièges prêts à informer les propriétaires des lieux qu'elles avaient de délicieux invités, reconnu-elle. Combien de temps avant que l'un des deux ne commettent une erreur et n'attirent l'attention? La drow, r ses pieds nus boueux sur un rocher moussu, pencha la tête, pensive en observant Urgoll, lequel semblait toujours autant s'amuser. En même temps, il n'avait pas tort, c'était amusant.

Théoriquement, parvenir à récolter le venin sans que les arachnides ne s'en aperçoivent était la plus sûre des solution. Sauf qu'en pratique, la daedhel était certaine qu'un tel plan était voué à l'échec, auquel cas les créatures les attaqueraient alors qu'ils seraient vulnérables et menacés par les drosera. Aussi amusante que cette situation puisse paraitre sur le papier, la drow avait prévu de revenir au Puy vivante.

Du haut de son rocher, la demoiselle commença à accumuler la magie à son tour, son épée décrivant de lentes arabesques alors qu'elle influençait subtilement le dessin complexe de la magie.

- Devançons les problèmes plutôt que d'attendre qu'ils nous tombent dessus, Triumvir. La daedhel sentit dans sa poitrine son cœur battre plus fort. Combien pouvait-il y avoir de créature là dedans, cachées dans la soie, dans les arbres morts, dans le sol? A quoi ressemblaient-elles? Et surtout… Pouvait-elle les vaincre? Le risque était grisant. Les yeux de la demoiselles brillèrent, et elle sourit au haut prêtre. Un sourire dangereux qu'il ne l'avait pas encore vu arborer jusqu'à présent.

- Je vais les pousser à se dévoiler, à votre signal. La bas. Sa main libre pointa l'autre bout de la clairière. Un plus large sourire encore apparut sur le visage de son vis à vis pendant qu'il accumulait plus de magie. Puis, elle sut que c'était le moment.

Eveil accomplit un arc de cercle, sifflant dans l'air putride pour pointer à son tour dans la direction qu'elle avait indiqué. Un peu de magie coula. Le changement dans les motif se propagea comme une vague dans le dessin, la magicienne sentit la légère pression qui retenait la lame. Une seconde s'écoula. A l'autre bout de la clairiere, une masse invisible fit ondoyer la toile.

La vibration se propagea dans la soie, remontant au sommet des arbres, dans les colonnes de la cathédrale. De longues secondes de silence s'écoulèrent, que Shyn'tae utilisa pour reprendre ses incantations. Il leur fallait de l'espace, elle pouvait leur en donner, mais pas avant que leurs adversaires ne se soient montré.

Puis les yeux de la daedhel s'ouvrirent grand, à contempler un phénomène extraordinaire. De la soie, partout, des formes noire surgirent pour former une marée frétillante qui s'élança vers l'endroit où elle avait déclenché le sortilège. La drow n'avait rien contre les araignées, mais là, une sensation de dégout et d'effroi l'envahit. Elle se raccrocha à une pensée: Elles n'étaient pas bien grosses finalement. Juste nombreuses. Une cible parfaite pour la magie du triumvir.

Alors que ce dernier agissait, Eveil fit un nouvel arc de cercle. Dans toute la clairiere, les fragiles fils de soie retombèrent, coupés par la lame sans que cette dernière ne les ait même effleurés.

Il n'en fallut guère plus pour ravir le Haut-Prêtre de Zhak'Bar. Qu'est-ce que son rang, le Puy, les responsabilités, face aux défis envoyés par son dieu ? Vaincre ou périr. Il n'y avait guère plus d'autre volonté en lui, et son désir de vie, de destruction aux dépends de ces créatures, dont la multitude noircissait les pans de leur royaume de soie, rugit dans ses veines. Bondissant sur l'espace découvert le plus proche, il se mit à danser de plus belle. Le Gobelin n'était pas fou - pas complétement - : la taille de la structure de soie, comparée à celle des araignées visibles, laissait présager qu'elles n'étaient pas les seules. Plutôt qu'une vague de flamme, son attaque se fit multitudes, multitudes de petites boules de feu visant les agglomérats les plus importants. Briser la vague, les disperser, là était son but. Plus avancée, la drow sur son rocher vit filer moult projectiles autour d'elle.

Dans des petits 'pouf', les sphères enflammées explosèrent au contact des humbles arachnéens, se répandant sur les individus, faisant craqueler et siffler leur carapace. Si la lame de la mage avait réalisé une tranchée dans le motif pâle, le sol n'en restait pas moins couvert, de même que les hauteurs. Ainsi, la soie s'embrasa par endroit, tandis que les araignées touchées tombaient, emmenant avec elles les flammèches qui feraient naître d'humbles foyers dans la mer de fils délicats. Malgré cette marée noire, Urgoll'Ven gardait une vue d'ensemble, et guettait... A juste titre.

Telles des ombres de cauchemars, des spécimens plus massifs surgirent des tunnels soyeux, leurs longues pattes se répandant sur la soie comme des ossements noircies, avec la légèreté de voiles mortuaires. Magnifique. Avec un sourire carnassier, il salua l'arrivée d'une géante par une boule de feu plus massive, qui la projeta au sol au milieu de ses petites consœurs.

"Les mères arrivent." grogna-t-il avec plaisir, en guise d'avertissement.

Dans un même temps, il vit son ombre s'agrandir... Et découvrit au dessus de lui des mandibules frémissantes, d'innombrables mires le lorgnant avec une froideur inhumaine. Avec un rugissement animal, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar virevolta. Un grondement terrestre, et soudain une pique de roche s’érigea, l'arachnide impatiente s'y empalant en frémissant, agitant en tout sens ses pttes sans que le vide ne lui donne la moindre prise pour échapper à l'attaque. Une fine pellicule de sueur sur son derme gris, le Gobelin n'en jubila pas moins.

Les grandes colonies d'araignées constituent des sociétés complexes et fascinantes, à propos desquelles Shyn'tae réalisait qu'elle ignorait tout, ou presque. Ainsi, les jeunes specimens, premiers maillon de la chaine, étaient les premieres à chasser au sein de la toile. Très nombreux, car peu atteignaient le stade suivant de leur croissance, ils comptaient sur leur nombre et leur vitesse pour submerger jusqu'à d'imposants adversaires. Leurs corps lisses et d'une noirceur semblables aux abysses, desquels dépassaient de longues pattes auraient pu être charmant, si elles n'avaient eu aussi faim.

La daedhel dansait, les fils de soie tombant autour d'eux. Les projectiles de l'élémentaliste rugirent autour d'elle, au point qu'elle sente leur chaleur, mais elle n'en avait cure. Ses mouvements se firent plus sinueux brièvement plus lent, alors qu'elle accumulait à nouveau la magie. Sa main libre saisit le stylet à sa ceinture, et elle le lança soudainement dans les airs.

La multitude de petites créatures fut désorientée par les multiples impacts qui ébranla la masse, faisant voltiger de petits corps. L'odeur de chair carbonisée s'ajouta à celle de la charogne. Shyn'tae se désintéressa d'elles momentanément pour regarder le stylet s'élever, puis commencer à retomber. Elle put ainsi assister au spectacle des corps massifs s'extrayant du nid avec majesté, à la recherche des intrus qui massacraient impunément leur progeniture. Elles étaient superbes, mais la drow ne pouvait se laisser dévorer pour autant.

"Les mères arrivent." Il n'y avait pas grand chose à ajouter et, de toute manière, le triumvir avait l'air de préférer qu'elle se taise. Eveil décrit une arabesque vive et, d'un coup, le stylet fendit l'air pour traverser de part en part une araignée alors qu'elle descendait sur eux, la bête poussa un son strident, et tomba au sol à coté d'eux alors qu'une autre s'empalait sur le pic rocheux qui venait de surgir du sol marécageux, projetant sur les deux mages une pluie de boue.

L'araignée au sol se redressa, alors, rageusement la magicienne dirigea la pointe de metal contre la créature, coupant ses pattes d'une nouvelle arabesque chargée de magie.

Revenue au cotés du haut prêtre, la petite drow dansait plus frénétiquement maintenant. Les perturbations qu'Urgoll propageait dans les motifs étaient brutales, sèches, les siennes fines et vives. Le stylet continua sa course, comme animé d'une vie propre, sifflant autour d'eux si vite qu'on ne pouvait le distinguer et semant la mort sur son passage.

Mais Les araignées avaient maintenant trouvé les intrus, et la drow distingua une grande araignée s'élancer vers elle, les mandibules luisantes. Le stylet se planta dans le tronc d'un arbre lorsque sa maitresse porta son attention sur le problème autrement plus pressant. Heureusement, la créature dut être for maladroite, car au lieu de bondir sur sa victime, elle le fit directement sur le chemin d'Eveil, qui trancha plusieurs pattes et ouvrit son abdomen comme si la créature était faite de beurre. Le contenu s'en déversa, manquant ensevelir la valeureuse danseuse, qui en déblatéra une volée d'insultes

Une petite tenta d'imiter la mère, mais subit le même sort sur la lame de la si chanceuse danseuse à la chevelure virevoltante. Une patte pointue manqua de la transpercer lorsque sa propriétaire expira, déchirant sa tunique et griffant la peau en dessous, d'autres éraflures suivirent, douloureuses. Comme si elle s'en fichait, elle se mit à rire aux éclats, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, son corps brulant sous l'effort. Elle le regretterait sans aucun doute plus tard. Mais pour le moment, elle vivait. Autour du pilier inébranlable qu'était le Triumvir, la brindille, légère comme une plume et virevoltante dans un vent qu'elle seule pouvait percevoir cherchait de nouveaux adversaires.

Au rire de la mage, répondit celui du Triumvir, extatique et dément. Animé par les pulsations de son cœur, ravivé chaque coup qu'il délivre, faisant naître une nouvelle flamme à la gueule frétillante d'une créature, le Gobelin appréciait chaque détail du carnage, de la danse de sa semblable aux plaies que ses lames faisaient éclore sur les arachnides, en passant par le frétillement et l'odeur mortuaire des bestioles cramées. Cependant, la magie demandait de plus en plus son dû, et leurs ennemis étaient finalement arrivés à leur contact, augmentant grandement la pression, ne laissant plus guère de marge de manœuvre.

"Donne-moi du temps." exigea-t-il, alors que son hilarité laissait place à un silence concentré.

Sitôt que la mage s'exécuta, les attaques du Haut-Prêtre cessèrent, pour mieux accumuler la magie. Sa seule barrière était les lames virevoltantes de la drow et, aussi vives fussent-elles, cela étaient peu contre la multitude. Se focalisant sur les plus massives, la mage ne ût empêcher toutes les petites de s'approcher. Urgoll'Ven continua son oeuvre malgré les créatures qui lui bondissaient sur les jambes, montant à l'assaut de son torse, puis de ses bras et de son visage découvert. La danse martiale du Gobelin lui permettait d'en déloger certaines, mais pas toutes... Mais cela suffit. Lâche. Donnant libre court à la brûlure de la magie, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar tournoya sur lui-même, libérant une gerbe de flammes, au delà de Shyn'tae, embrasant les araignées par une couronne de flammes, dont il était le centre.

Souriant malgré la fatigue, il profita du répit pour sortir ses lames et entreprit de pourfendre les petits spécimens logés sur ses bras, dont les morsures le tiraillaient... Avant de se faire brutalement jeter au sol. Avec un grognement, il roula... Et découvrit les dessous d'une énorme arachnide, ayant suivi le chemin aérien de sa consœur, tout en évitant la pointe de roche. Des mandibules se rapprochèrent dangereusement de son visage, et le drow y cala son couteau pour les bloquer. Avec une secousse, l'araignée jeta la tête en tout sens pour s'en débarrasser, ses stridulations aiguë vrillant les oreilles du sombre.

HRP:

"Donne-moi du temps." Le ton impérieux du gobelin fit cesser le rire de la danseuse. Plus facile à dire qu'à faire, estima-t-elle en déglutissant, alors que la nuée de créature se précipitait sur eux. Sa magie taillait sans peine dans les rangs en apparence inépuisable des créatures qui convergeaient vers les envahisseurs. On aurait difficilement pu les blâmer:

Qui, confortablement installé dans son foyer douillé, aurait apprécié voir débouler deux psychopathes armés de couteaux et d'allumettes?

La daedhel savait que le salut ne viendrait certainement pas de sa magie, certes efficace, mais inadaptée à la multitude noire, brillante et grouillante. Il était clair que l'élémentaliste serait l'artisan de leur victoire. La drow dansait maintenant car sa vie en dépendait. Concentrée sur les sorts qui tailladaient de plus en plus maladroitement les arachnides qui escaladaient le Haut prêtre et lui évitaient d'être submergé, elle frissonnant en sentant les choses s'agripper à ses bras, ses jambes, menacer sa concentration défaillante alors qu'elle se demandait finalement si elle allait survivre. Quelques secondes de plus… Oublier les sensations, penser au motif. Une douleur vive et brulante à la jambe brisa finalement le sortilège alors qu'elle écrasait une arachnide et glissait sur l'ichor qu'elle contenait.

Une série d'insulte suivirent, alors que la demoiselle tombée au sol dégainait son couteau pour taillader frénétiquement des deux mains les petites créatures, son Energie décuplée par l'adrénaline et le désespoir. Il n'était plus question de magie, seulement d'un corps à corps poisseux et désordonné, multiples morsures contre coups de couteau. Une lutte perdue d'avance… Soudain l'éclat violent des flammes illumina son champ de vision, provoquant la panique des aranéides. Elles refluèrent, bloquées par les flammes, la sombre les poursuivant à 4 pattes le couteau à la main, car la trop longue Eveil lui avait échappé en cours de route.

Soudain la pointe d'une patte fit vibrer le sol en s'enfonçant dans le sol couvert de soie à un pas de son visage.  Shyn'tae était une demoiselle qui préférait les expressions polies à la vulgarité. Pourtant, elle murmura une série de grossièreté, la voix faible. Oh. Ce n'était pas leurs mère. La voilà. Elle doit être mécontente. Au dessus d'elle, le corps seul de l'araignée qui les surplombait aurait pu remplir sa chambre à l'étude(1) . L'animal poussa un cri si strident que la sombre fut certaine qu'il hanterait ses nuits, et se jeta sur son compagnon.

La tête de la drow tournait, l'envie de vomir la prit brusquement. Mais sur la sol, sa main toucha la lame d'Eveil et la coupure brulante qu'elle lui infligea la rappelant à la réalité, au mur de flamme, aux cadavres encore agités de spasmes autour d'elle, et au Triumvir qui luttait pour sa vie…

Saisissant la poignée poisseuse de l'arme, à moins que ce ne soit sa main, la daedhel se releva difficilement, son corps entier au supplice.

D'un bond, utilisant son couteau comme piolet, elle escalada la cyclopéenne créature. L'araignée poussa à nouveau un cri strident, et se redressa sur ses pattes arrière, abandonnant sa prise sur le gobelin. Eveil était planté jusqu'à la garde dans son abdomen, et la sombre, s'y accrochant tant bien que mal d'une main, le tailladait avec son couteau de l'autre.

Crève!! Crève!!! Il aurait été bien difficile de dire si c'était de la rage ou du désespoir.


(1): Laquelle n'était pas très spacieuse, il fallait le reconnaitre. Ce qui n'était pas un grand soulagement.

Le sourire revint, au son de la souffrance de la bête. Une lame plantée dans ses mandibules, une autre l'abdomen, une énième lui tailladant la carapace pour s'y frayer un autre chemin, la créature piaillait, se secouait avec vigueur pour délogée l'affreuse. Rictus au visage, le Gobelin en profita pour se relever et reculer d'un bond. Alourdi de fatigue, il n'en dansa pas moins à nouveau, attirant encore, malgré la torture infligée, la magie. Ses dents crissèrent, ses muscles gémirent... L'animal n'en vivait pas moins, s'agitant, bondissant, dans une frénésie de douleur. Protectrice, sa carapace lui faisait à présent défaut, rigide, l'empêchant d'atteindre la minuscule chose juchée sur son dos.

Jouissant de ce triste tableau - cela dépend pour qui -, Urgoll'Ven mit à l'effort ses muscles endolories, pulsant de douleur sous le coup des multiples morsures parsemant l'épiderme de ses bras. Grondant sous l'effort, il sentit la chaleur de la magie l'emplir, menaçant de le consumer au moindre faux pas... Faux pas fait il y avait des siècles. A présent, il dansait avec naturel sur la corde raide, savourant la fournaise du gouffre à la caresse duquel sa chair s'était déjà brûlée. Un abime de folie dévorante bien familier. Avec un râle, il s'arracha à cette torture, rejetant la magie hors de lui, la transformant, pour mieux faire surgir une nouvelle lame du sol de bourbe. Avec un chuintement aqueux, la roche fendit la boue et l'énorme masse de l'arachnide, perforant la carapace, ravageant les chairs cachées.

Les spasmes de l'araignée redoublèrent de violence. De son côté, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar vacilla un instant sous l'assaut d'un voile noir, battant des paupières pour le chasser de sa vue. La respiration forcée, il put voir leur ennemi s'arracher à la pointe, pour mieux claudiquer sur pluseurs mètres, un liquide immonde se déversant du trou laisser par la roche. Le nom du Prime Dragon aux lèvres, il la garda à l'oeil, tout en surveillant les environs, ses lippes s'étirant de satisfaction à la vue des carcasses fumantes, les survivantes s'étant semble-t-il repliées. Alors, ses mires sanglantes se posèrent à nouveau sur sa semblable acharnée et la créature mourante.

Rien n'existait d'autre que cette chitine lisse contre sa peau endolorie, que la douleur de ses muscles crispés sur Eveil, que ce couteau qui lacérait encore et encore le dos de la bête énorme, que le martyr de son corps que les soubresauts incessants de la reine secouaient comme une poupée délicate.

Une secousse brutale secoua la monture,  qui fut prise d'une série de spasme violents, manquant de la déloger, Le manche du couteau céda soudain, et la drow se rattrapa en saisissant à pleine main le coté de l'ouverture qu'elle avait creusé dans la carapace. La bête ralentit, prise de spasmes, ses crissements désespérés.

Et sous la regard du haut prêtre, la jeune sombre retira sa lame avant d'embrocher l'immense créature couleur d'abysse encore et encore, jusqu'à ce qu'elle finisse par s'effondrer sous l'effet de ses trop nombreuse blessures. Pourtant, la drow continua encore un peu, avant de se redresser sous les yeux du haut prêtre du Prime Dragon, couverte d'un mélange de sang et de liquide immonde, ses vêtements en lambeau, et complétement hagarde. Ils avaient vaincus… Était-ce un rêve ou la réalité? Une petite voix au fond de sa tête affirma très serieusement que c'était une bonne chose qu'ils aient fini de s'amuser, car il était temps de se mettre au travail: récupérer le venin des drosera.

L'instant d'après, elle dégringolait de l'imposant cadavre pour tomber dans une flaque qui s'était accumulée à son pied. Il faut croire que l'adrénaline, bien qu'un stimulant puissant, avait ses limites.

A peine allégé par la sensation de satisfaction à la vue de l'arachnide rendant son dernier soupir, le sombre se rapprocha d'un pas lourd de la mage qui venait de chuter. Non sans un dernier regard aux alentours, il se baissa sur elle. Sans grande douceur, il la saisit par le col et la souleva à moitié, lui tirant la tête des liquides internes de la bête morte. Avec un sourire, il constata qu'elle respirait toujours - quoiqu'elle eut le nez un peu pris par ce qu'elle venait d'inhaler par inadvertance -.

"Belle proie." fit-il de sa voix grondante, l'étant d'autant plus que la fatigue se faisait sentir.

Avec un grognement, il se releva brusquement, la relevant complètement dans un même élan. Comme pour lui faire payer cette futile démonstration de force, une crampe dans le bas du dos lui fit brusquement montrer les dents. Soufflant profondément alors que la lame de douleur refluait, il s'étira un instant, tout en regardant du côté de leur monture. Non sans surprise, il constata la présence du bourrin, quoique ses yeux montraient trop de blanc pour le bien de l'animal. Quant au morgal... Pinçant les lèvres, le Gobelin émit un sifflement aiguë, dont l'écho se perdit dans le marasme des marais. Revanant à sa semblable, il baissa la tête vers elle.

"Si tu veux ton venin, c'est maintenant." dit-il sombrement.

Dans son dos, malgré les brûlures ou les découpes opéraient dans le monument de soie, des drosera massives avaient survécu au déchaînement arcanique. Ne restait plus à la mage qu'à récupérer ce qu'elle était venue chercher... A condition de ne pas tomber dans le piège grossier, par épuisement. A l'ombre de ses arcades sourcilières, le rouge de ses billes s'animaient d'amusement. Après le plaisir, le travail.

L'idée n'est pas allée loin... Non sans un grondement amusé, le Gobelin s'approche, repousse l'équidé et se penche à nouveau sur la drow effondrée... Et sent une nappe d'épuisement se faire pesante. Sur ses épaules. Sur ses jambes. Sur son cœur. Malgré-lui, il doit poser un genoux à terre, un nouveau vertige tentant de faire vaciller son emprise sur son propre corps. Trop tôt. Avec un piaillement reptilien, son morgal revient, en réponse à son appel. Une once de satisfaction, c'est tout ce qu'en tire Urgoll'Ven, concerné qu'il est par sa survie. Par leur survie. C'est presque avec agacement qu'il observe la sombre inconsciente : se protéger soit en pareil lieu n'était déjà pas de tout repos, alors deux... Et elle se permettait de sombrer ainsi. Quoique la carcasse de l'araignée géante témoigner de ses efforts.

Non sans un grognement bas, d'anticipation comme de souffrance et d'épuisement, le Gris observa les environs, les possibles annonces du retour des araignées, ou d'autres créatures des marais peut-être. Non... Sur le territoire des arachnides, dans l'immédiat, il n'avait qu'elles à considérer comme danger potentiel. Ainsi, peut-être disposaient-ils d'un répit. Peut-être. Demeurer comme deux gibiers offerts, inconscients au milieu des restes de leurs semblables et de leur toile n'en paraissait pas moins une mauvaise idée.

Malgré les tiraillements de son corps, il fit de nouveau appel à la magie... Et sentit aussitôt les chaînes de l'épuisement brider sa tentative, peser d'autant plus lourd sur sa carcasse. Montrant les crocs, sous le regard nerveux de l'équidé, le Gobelin envisagea de s'en jouer. S'approcher doucement de la limite. Se frotter aux flammes de la magie... Un grondement sourd se répercuta dans son torse, bas et amusé. Les mires sanglantes observèrent les alentours. Il lui restait d'autres options.

Cela lui prit du temps. La gangue de fatigue se faisait sentir, alliée aux venins des arachnides, poussant son organisme à l'immobilisme et à la bénédiction de l'inconscience. Urgoll'Ven ne l'entendait cependant pas de cette oreille. Cela lui prit du temps, que de rassembler l'énergie pour saisir la drow, et la hisser sur son épaule. Cela lui prit du temps, que de marcher au milieu de la désolation du temple de soie, un pas après l'autre. Il prit son temps quand il atteignit les droseras. Ne manquerait plus qu'il les fasse tomber tous deux dans leur étreinte... Avec un sourire amusé, il repoussa prudemment les grands feuilles gluantes, usant d'un morceau mort pour se protéger de leur anesthésiant.

Tout en les repoussant, il fit ployer sa grande stature, serrant les dents pour ne pas s'écraser lamentablement par terre. Éreinté, il finit par déposer Shyn'tae, avant de s'allonger à son tour, replaçant tant que faire se peut les larges feuilles au dessus deux. Cachette et protection.
Alors seulement, il lâcha prise. Ses membres massifs se laissèrent aller, et lentement, la tête du Gobelin roula. Inconscient. Dans l'ombre des droseras.

Il ne faisait jamais ni très chaud ni très froid dans le Puy. Pourtant, la daedhelle frissonnait et suait en même temps. A moitié endormie, elle aurait aimé pesté contre cette couche bien trop austère. Depuis quand son lit était-il aussi dur? Un autre apprenti avait-il ajouté des cailloux sous sa paillasse?

La drow frémit et se recroquevilla, faisant rouler quelques cailloux. Son corps semblait engourdit. Oui, on avait mis des cailloux sous sa paillasse. C'était stupide, et quelqu'un allait le payer. Lorsqu'elle se réveillerait. Parce que là, elle ignorait ce qu'elle avait fait le soir précédent, mais ca avait été manifestement une mauvaise idée.

Fiévreuse, elle gémit et chercha sa couverture. Sa main toucha quelque chose de chaud. C'était mieux que rien, car elle avait de plus en plus froid. La daedhel se retourna, faisant rouler quelques cailloux, et se blottit contre la chose chaude en se tortillant.

Ses doigts fins tatèrent le terrain. Il y avait des morceaux durs et froids, mais d'autres bien plus mous et chaud. Un léger sourire aux lèvres, la demoiselle glissa ses doigts fins auprès des sources de chaleur si douces…

Une idée lui vint. C'était un corps, dans son lit. Peut-être savait-elle finalement ce qu'elle avait fait et qui l'avait laissée si endolorie. Quoique, elle était tout de même sacrément endolorie, ils avaient du y aller fort. Dommage qu'elle ne parvienne à se souvenir. Une nouvelle idée lui vint. Des araignées. Vu que ca n'avait pas beaucoup de sens, elle écarta la pensée et se réfugia un peu plus contre le corps chaud rassurant. Ses doigts fins et un peu tremblants l'effleurèrent d'eux-mêmes, en sensuelles caresses, à la recherche de la peau exposée, son imagination fertile peuplant de rêveries fort délicieuses ce qui manquaient à ses souvenirs. Mais pourquoi était-il habillé cet imbécile?

Était-ce un mâle ou une femelle? Oh, un mâle reconnu-t-elle, car il y avait des choses qui ne trompaient pas. Il devait être beau, et, le sourire aux lèvres, parce qu'elle en avait bien envie, elle poursuivit ses attentions. Pourtant, quelque chose la tracassait. Ce devait être les cailloux. Poursuivant les caresses d'une main, l'autre se posa sur la couche..  Son esprit fiévreux se mit difficilement en branle, Un os? Sa main tata le sol. Des os?

Le temps s'arrêta.

Brusquement, la réalité s'imposa à la daedhelle. Il y avait une bonne nouvelle: Les drosera. C'était malin de les y avoir caché. Il y avait aussi une mauvaise nouvelle: Ce n'était pas un charmant apprenti sans défense.

Non, à la place c'était le triumvir Urgoll'ven, Haut prêtre de Zhak'bar, sous des drosera, sur un tas d'ossements nettoyés comme des sous neufs. Un crâne lui lança un regard moqueur. La drow, elle, aurait voulu se cacher sous un tas de boue. C'était facile à trouver par ici.

Finalement, elle se décida à tendre la tête pour jeter un oeil au visage du mâle avec un mélange de curiosité et d'appréhension. Il ne lui avait pas encore arraché la tête, se réjouit-elle.

On se rassurait avec ce qu'on pouvait.

Éveillé. C'est ainsi que la drow curieuse trouva le grand sombre. Avec un grondement, les paupières lourdes, il se redressa à moitié par la force de son dos et de son bras endoloris, au doux son du craquement du cuir et du tintement du métal, qui l'avaient en parti protégé. Cela-dit, il n'avait pas échappé à la morsure des arachnides. D'épuisement et de venin, son corps était ivre, chaud, frémissant. Peut-être était-ce dû à cela que, en réaction au contact inquisiteur, il n'avait pas réagi avec un coup de poing préventif, mais laissé faire. Comme trop las pour même se protéger. Ou ses sens, peut-être, étaient demeurés suffisamment éveillés pour faire la différence entre le touché léger d'une femelle, et l'approche prédatrice d'une araignée.

Quoiqu'il en soit, il se redressait un peu, sans atteindre la voute végétale qui les cachait des regards. Au raclements bas qui s'arrachèrent à sa gorge, se mêlèrent de l'agacement comme... Autre chose. Un profond soupir de fatigue fait s'effondrer ses épaules tandis qu'il baisse la tête. Vers une main, qui n'est pas la sienne. Dans son mouvement, l'un de ses battoir s'est refermé presque paresseusement sur une main de la mage, main qu'il porte à son visage, en humant le parfum. Sueur, mucus d'arachnide... Femelle. Tournant ses mires sanglantes vers la drow, c'est un regard interrogatif et chargé de sommeil, qu'il lui rend, tandis que sa gueule se répand en grondement amusés. Grondement, ronronnement... Il y a là une barrière qui se brouille un instant, alors que le ton du Gobelin est songeur, son pouce caressant distraitement la paume délicate.

"Cela me semble risqué..." dit-il d'une voix basse.

Tout en disant cela, Urgoll'Ven ne sait plus trop lui-même où il en est. Une chasse... Des créatures... L'épuisement... Une femelle... Et cette langueur qui l'engourdit encore. Pourtant, cette chaleur qu'il tient au creux de sa main, et la langue de peau qui guide ses yeux jusqu'au visage fin... Isten ravive bien des flammes. Ses mires s'étrécissent alors que son sourire s'étire un peu plus. A situation cocasse...

…Repartie loquace? C'était tentant. Aussitôt, son esprit enfiévré avec simulé le scenario, lequel s'achevait par un grognement désapprobateur du haut prêtre et possiblement d'une baffe magistrale. C'était dommage, car le drow caressait pour l'heure distraitement sa main, ce qui valait bien mieux.

… Baiser vorace? Cela semblait risqué. N'était-ce pas d'ailleurs ce qu'Urgoll avait aussi fait remarquer, dubitatif? Voilà quelque chose qu'elle n'aurait jamais imaginé entendre dans sa bouche. Une réplique qu'elle n'oublierait donc jamais. Bien sûr que c'était risqué.

Bien sûr que c'était risqué, et c'était quelque chose de bien trop tentant. D'autant plus que les risques n'étaient pas si élevés. Il valait mieux rester sous les feuilles, c'est sûr. Mais elles étaient à bien plus d'un mètre au dessus d'eux, comme une tente végétale. Et pour l'heure, elle avait cette envie qui la grattait. Il la gratterait surement bien longtemps si elle n'en profitait pas. Et Isten serait déçue. Le gobelin n'était pas très beau, il fallait bien l'admettre. Mais c'était un détail. Son tempérament était étrangement séduisant.

Les yeux de la sombre dans ceux du Triumvir s'étrécirent à leur tour, et son sourire s'élargit, plein de malice. Plus bas sa main reprit ses audacieuses caresses. L'autre vint toucher son cou pour l'effleurer du bout des ongles. La daedhelle s'étira langoureusement, son nez toucha celui du mâle…

Puis elle se plaqua soudainement contre lui pour l'embrasser fougueusement, ses caresses brusquement tout aussi sauvages.

Les drosera s'agitèrent.

Ses premiers gestes titillèrent doucement les sens engourdis du grand drow. Un frisson dans le dos, une effluve qui l'atteint, des caresses... Avec lenteur. Presque paresse. Auxquels répondaient les lents battements de son cœur, ainsi qu'une respiration profonde. Et soudain, l'assaut. Un corps à la rencontre du sien, une bouche qui s'empare de la sienne, plaquant ses lèvres contre ses crocs, s'y heurtant presque. Une main s'égare et s'agite, au delà du plastron, sur les landes de cuir.

Un grondement bas monte dans son torse alors que ses doigts se perdent dans la toison blanche, poisseuse de mucus et de sueur, tandis que son autre battoir, d'abord pris au dépourvu, enserrer à présent Shyn'tae contre lui. Contre ce fichu plastron. Étourdi par la marée, la caresse capilaire du Gris se fait poigne, dure, et tire en arrière la tête de la mage, tandis que son étreinte lui coince la main entre eux deux.

"Du calme. souffle-t-il, comme essoufflé. Calme..."

Mais son propos se fond dans la brusque inspiration qu'il prend, si près de la daedhel. Paupières mi-closes, il lui tord la tête... Pour mieux enfouir son visage dans sa nuque. Ses cheveux. Son odeur. Sa respiration se fait rauque, le bras qui enserre la sombre se défait pour mieux se porter plus bas, agrippant un globe de chair, qu'il devine au touché, sous le tissu. Fatigue et venin se disputent la part belle, s'ajoutant au poids de la drow plaquée contre lui. Sans faire de résistance, le Gobelin se rallonge, l'éteignant toujours, telle une chose précieuse qui pourrait lui être arracher.

Sa chair tarde à s'éveiller au désir, cela n'est pas commun. L'envie est là, qui le réchauffe, mais la gangue de l'épuisement pèse, pèse... Il ne sait lui même s'il ne va pas se rendormir, là, malgré une sombre sur lui, sans même que son corps n'y ait réagi. Il se raccroche à cette odeur qui étourdit ses sens fatiguée, et ce pouls qu'il sent, frémissant, et ces formes qu'il explore lentement de la paume...

"Parfois, je regrette de porter une armure..." grommèle-t-il, un peu bêtement.

Rendue fébrile par le venin que son métabolisme éliminait peu à peu, les muscles encore engourdie, la daedhelle oscillait entre phases de frénésie et phases de langueur. L'énergie qu'elle avait mise dans ce baiser sauvage s'était trop vite épuisée, si bien que le mâle n'avait pas eu de grandes difficultés à la plaquer contre lui et à tirer sa tête en arrière. Son regard enfiévré, hésitant entre désir et confusion avait quelque chose d'animal.

Elle est fatiguée c'est vrai, engourdie, c'est vrai... La sombre si légère se laisse porter par l'imposant mâle dorénavant sur le dos. Son souffle la soulève doucement, elle profite des caresses sur sa chevelure, se calme un peu à ses mots qui lui donnent le sentiment d'être une bête un peu trop sauvage que le haut prêtre chercherait à domestiquer. Un sentiment qui, loin de réduire ses ardeurs, ne font que les aviver… Reprenant son souffle avec lui, elle prend plaisir à ses caresses, aux sensations de sa main sur son postérieur. Elle réagit d'un soupir de contentement et se cambre un peu plus, ondulant doucement en prenant appui sur ses genoux pour pousser cette croupe dans l'emprise du mâle.

Elle a bien du mal à libérer sa main prise entre leurs corps, et y renonce pour le moment, le temps de retrouver la force qui lui manque. Elle soupire à nouveau, heureuse de sentir son souffle si chaud contre sa nuque, malgré l'inconfort de sa position et la dureté du plastron.

Les doigts de sa main libre glissent avec nonchalance à la recherche de la peau nue qu'ils peuvent trouver, jusqu'à trouver une attache.. Qu'elle dénoue alors. Maintenant que la main s'est trouvée un but, elle continue, au rythme des caresses.

- "Faut... s'en débarrasser..." Finit-elle par gémir plus que décider. Brusquement, elle profite d'un regain d'énergie pour dégager son bras prisonnier de la contrainte du membre puissant de son partenaire et tourne à nouveau la tête vers lui, ses lèvres soyeuses à l'oeuvre dans le creux de son cou. Maladroitement d'abord, puis peu à peu plus assurément, cette main nouvellement affranchie rejoint la prochaine dans son oeuvre sur l'armure récalcitrante.

-"Ma robe aussi…" lui souffla-t-elle d'une voix fatiguée. Il n'était plus question de savoir si c'était une bonne idée ou pas, la raison avait quitté cette tête censément bien faite mais habitée pour l'heure d'idées bien plus primaires. Non, la question était de savoir s'ils allaient y parvenir.

Les réponses corporelles de la mage eurent cela de bien qu'elles réalisèrent un petit miracle, maintenant à flot la conscience du Gobelin, malgré les vagues d'épuisements qui menacaient de l'engloutir. Quoique, conscience est un bien grand mot : il semblerait plutôt que, là où son désir s'éveilla petit à petit, son esprit lui, sombra d'autant. Ainsi, ce n'est pas par des mots, mais par un grondement frustré qu'il répond à sa remarque. Fichu plastron. Fichue robe. Du moins, il fait montre d'encore assez de bon sens pour se dire qu'ils en auront besoin sur le retour, et que les endommager ne serait donc pas une bonne idée. Enfin, c'est l'idée qui parvient peu ou prou à l'atteindre, alors que la main, qui s'occupait jusque-là de caresser la croupe de la sombre, avait entrepris de remonter la robe dont était vêtue la sombre, malgré leur contact leur position horizontale.

Aussi rapidement qu'il s'était agacé de cette résistance de tissu, une nappe de fatigue se fit brutalement sentir. Tel une envolée perdant toute sa vitesse, Urgoll'Ven poussa un profond soupir. Sa tête, qui s'était relevée pour s'approcher de la nuque de Shyn'Tae, retomba presque durement, avec un bruit un peu sec. Grommelant, le drow gris montra les crocs aux sourires grimaçant et blancs qui les entouraient. Bêtes pour la plupart, il devinait quelques humanoïdes, dans l'ombre verte des droseras... Clignant des yeux, il ramena son regard sur son torse, et sur la daedhel dont les deux mains bataillaient pour défaire toutes les sangles de son plastron. Sur lui, ce n'était non pas un corps qu'il sentait, mais un poids, aux charmes qu'il entrapercevait sans pouvoir en percevoir la chaleur. Ces formes qu'il ne pouvait sentir que par ses mains, cette peau qu'il ne pouvait toucher que par ses caresses à elle...

Se réchauffant au feu de cette frustration, le Gobelin se redressa à nouveau, offrant à sa semblable un regard orageux. Son battoir se remit à la tâche dans le dos cambré, tirant toujours plus de tissu, tandis que l'autre attirait vers ses crocs la chair tendre du cou. Là, il put la mordiller. Léger et pointus, ces 'baisers', sans aller jusqu'au sang... Aussi concentré pour ne pas mordre que pour venir à bout de la gangue de tissu qui les séparait encore. Soudain, il le sentit : son plastron ne tenait plus que par la pression qu'exerçait la sombre dessus. Un sourire s'étira sur son faciès, tandis la repoussait, juste un instant. D'une main il repoussa le plastron, puis le retira brusquement, le lancer à moitié sur lit d'ossements où ils s'étaient couchés. Sur son torse à lui, une chemise, sur ses jambes, ses protections de cuir et ses chausses. Sur la femelle...

Avec un grondement, Urgoll'Ven s'aida d'un bras pour se redresser tout à fait, en position assise. De ses deux battoirs, il put saisir le vêtement de la mage, et tira vers le haut toute cette masse de tissu encombrant, effleurant au passage la voute végétale, dont l'autre versant les auraient renvoyés dans leur langueur maladive. Ainsi débarrassé de cet obstacle, le regard sanguin revint vers le visage un tantinet ensommeillé de sa semblable, sur son corps aux courbes si charmantes, et... Le Gobelin pouffa de rire. Il y en avait une autre, de robe. Bien plus fine, mais une autre. Encore. Tant d'efforts, et ils étaient encore habillés.

Comme contrecoup, il se sentit même s'affaler sur lui-même, deux forces luttant en lui, l'une l'enjoignant à se coucher et fermer les yeux, l'autre... L'autre l'enjoignant à s'emparer des formes qu'il devinait bien mieux, malgré le fin tissu qui les cachaient encore. Regardant un instant, en silence, ce corps qui se découvrait, le sombre éreinté trouva l'énergie pour poser la main sur une hanche, sa paume la contournant pour venir, à nouveau, envelopper une fesse. Plus indistincte. Bien là. Proche. L'autre battoir vint saisir l'autre hanche. Par sa poigne et un mouvement de bassin, il replaça la femelle. Tout contre son torse. Sans plastron. Il pouvait sentir la pression de son torse quand elle respirait. De ses collines. Un son rauque lui tint lieux de voix, plus animale que compréhensible.

"...Mieux..." fut le seul mot à se distinguer, dans le souffle bas et rauque.

Le venin courrait dans ses veines, et ses efforts soutenus ne faisait que mieux diffuser les toxines. Un humain serait probablement décédé d'une telle dose, mais les drows sont résistants, et, assidu, l'organisme de la demoiselle s'acharnait à éliminer le poison. Malheureusement, il fallait bien admettre que le processus ne laissait pas beaucoup d'énergie, si bien que l'esprit fiévreux de la magicienne était bien incapable de se concentrer sur autre chose que ses envies les plus immédiates. Mais tant d'obstacles en apparence insurmontables se dressaient sur son chemin.

Sa robe surtout. D'abord conçue pour la ville, elle n'avaient pas la resistance des vêtements dédiés aux activités du culte de Zhak'bar. Ainsi le voyage les avaient déjà mis un tantinet à l'épreuve. Par la suite, leur rencontre avec les araignées câlines n'avait en rien arrangé les choses. En l'état, elle tenait donc plus de haillons couverts de fluides infects (et maintenant en partie séchés) que d'une tenue appropriée à une sorcière noire digne de ce nom. Lorsque le gobelin lui permit de se redresser elle fut soulagée de l'aider à s'en débarrasser, enfin nue.

Ah… finalement non, elle n'était pas nue remarqua-t-elle incrédule. Mais pourquoi mettait-elle tout ca sur son dos exactement? Pas grave, ce n'était qu'un fâcheux contretemps pensa-t-elle. En équilibre sur lui, elle roula fort subtilement des hanches alors qu'il posait ses mains sur elles d'une danse qui montrait de manière fort évocatrice le paysage de ses vallées et de ses collines. Des deux mains, en équilibre, elle commença alors à soulever la fine robe un rien lacérée et humide. L'obsidienne de son ventre apparut aux yeux du mâle, jusqu'à ce qu'un mouvement brusque de ce dernier la surprenne, et que, prise de vertige, elle retombe sur son torse… Elle ne fut déçue qu'un court instant heureusement.

Un sourire bête apparut sur son visage posé contre le sombre.. Oui c'était mieux. Ces mains sur sa peau mise à nue, ce cœur qu'elle entendait battre si fort tout contre elle..

- Encore… Ce n'était qu'un souffle, un gémissement plus qu'un mot, qui fut suivit d'une autre tentative, guère moins animale Plus… Pour mieux faire passer le message, elle était parvenue à pousser la croupe contre ses mains en un témoignage assez universel de ce dont elle avait présentement envie.

Après une petite pause bien méritée, ses mains reprirent leurs caresses sur ce torse bien trop couvert de tissu à son goût. C'était injuste, il avait ses fesses et elle devait se contenter de sa chemise. Alors les doigts habituellement gracieux mais là surtout sauvages tentèrent de forcer la chemise. Qui résista. Il y eu un temps de reflexion ponctué de l'ondulation de ses hanches, son torse toujours vautré sur le mâle.

Puis elle se mit à défaire les lacets qui maintenaient le vêtement. Ses doigts maladroits rencontrèrent de grandes difficultés, et ses soupirs témoignaient bien assez de l'ardeur que suscitait en elle les efforts du valeureux triumvir. Aussi, sitôt obtenue satisfaction, elle se jeta aussi fougueusement que lui permettait son état sur la chair du mâle pour la consacrer de ses caresses e de ses baisers agressifs.

Mrrrmm…. Un soupir de contentement franchit les lèvres de la daedhelle. Une bataille difficile venait d'être remportée.

Elle est... Menue. Une pensée distraite, qui parvint à passer les étaux qui se refermaient sur l'esprit du sombre. La fatigue, pesante, lâchait néanmoins du terrain alors que les sens du sombres se focalisaient toujours plus sur ce qu'il avait entre les mains, ce qu'il percevait tout contre lui. Au soupir de la drow répondit un grondement, au désir à peine voilé, enveloppant même. Ayant compris ce qu'elle tentait de faire, il était parvenu à relâcher son étreinte, malgré une envie contraire, la laissant venir à bout des lacets du tissu qui les séparait encore. A présent, ne restait plus que celui, si fin, qui l'enveloppait elle.

A vrai dire, et le drow en fut vaguement surpris, cela ne lui déplaisait pas. Ses mains sur sa croupe, il se laissa même aller à s'étendre à nouveau, rallongeant son corps frémissant sur un lit d'ossements, sans prêter davantage attention à l'inconfort. Ce qui lui restait de conscience était béatement submergée la sensation que faisait naître en lui la peau tendre sous ses paumes caleuses, qui remontaient lentement le long des flancs de la daedhel. Ainsi, il faisait aussi glisser l'agaçant mais fascinant tissu qui la couvrait encore. Ce que ses yeux sanglant ne pouvaient voir, ses mains le lui suggéraient.

Dans un même temps, le son rauque, qui remontait dans son torse, se poursuivait, telle une plainte, presque douloureuse, exprimant sa frustration. Son désir enflait sous les caresses de la femelle, sous son roulement de bassin, auquel répondait celui du grand sombre, toujours prisonnier de ses chausses. Avoir replier une jambe ne lui permettait que de donner de l'amplitude à ce mouvement, sans en atteindre l'objectif avoué. D'un geste, il aurait pu changer la donne, cependant... Il n'en fit rien. La langueur, la faiblesse due au venin, n'avaient qu'en parti relâcher leur emprise sur lui. Qu'en était-il de la femelle dont les caresses le faisaient frissonner ?

Comme par précaution, il n'alla pas droit au but. Ayant remonté la robe légère jusqu'à la la poitrine de la sombre, l'un de ses battoirs préféra s'emparer de l'un de ses seins, définitivement à portée, s'y apposant avant de le caresser, d'en agacer la pointe. Dans un même temps, son autre main avait pris le chemin inverse, revenant flatter le siège ferme... Mais ne s'y arrêtant point, pas longtemps. D'un geste, il attira la drow plus à lui, décalant leur bassin, pour mieux donner de la marge à son bras. Par cette manœuvre, sa main put aller au delà du doux fessier, s'aventurant entre les jambes fines pour mieux en découvrir les replis cachés.

Là n'était pas l'attitude habituelle du Gobelin. Point de rugissement, point de vêtement déchiré, point de lutte - si ce n'est avec les-dits vêtements bien sûr -. Sa fatigue ne l'y rendait pas enclin, ni la langueur dont il sentait sa semblable prisonnière, au même titre que lui, ou presque. A contexte étrange, comportement étrange. L'érotisme de ces détours ne l'en revigoraient pas moins, l'amenant même à goûter le plaisir de gestes doux, à la lenteur presque cruelle. Il se retenait, oui, par rapport à son habitude. Mais pour une fois, cela ne le faisait pas trembler de frustration, seulement frémir d'un plaisir ambivalent.

Un soupir de contentement, des mouvements ralentis, alanguis par le venin. Ce n'était pas ainsi que cela devait se passer, mais la daedhelle n'en avait cure. Car si la persévérance devant l'adversité était inscrite dans l'essence même de son peuple, Shyn'tae était régulièrement qualifiée de têtue comme une mule.

Un nouveau soupir, qui s'acheva en tendre miaulement. Son oreille frémit, et ses yeux se réduisirent à de fines fentes pendant que la poigne du gobelin s'emparait d'un sein et l'autre s'attardait sur son postérieur, puis délicieusement entre ses cuisses nues. Voilà… C'était cela qu'elle voulait. Mais un peu plus…

Ses bras étaient sur le torse ferme du mâle… Sa tête montait et descendait au fil de sa respiration, et ses deux mains jouait de son ardeur, l'empêchaient de sombrer dans le sommeil qui menaçait de l'attirer à elle. Pourquoi… Comment son corps pouvait-il réclamer des choses si contradictoires? Le désir de plus, le désir de se laisser aller… Mais dans son esprit habité principalement de pulsions primaires, restait au moins cette étincelle: Elle n'abandonnait pas. Pas avant de s'effondrer.

Un nouveau miaulement accompagna une caresse un peu plus appuyée d'Urgoll, et l'éldéenne tenta de mordiller la peau du mâle, ce qui, étant donné sa position, était une opération bien complexe. Pas grave. Il y avait bien mieux à faire. Appuyée à la fois sur le sol par ses genoux, et sur le torse chaud par sa gorge et le coté de son visage, elle glissa les deux mains plus bas, caressa ce ventre, puis… trouva les chausse. Ces trucs là étaient une invention de Kerhel, en cet instant, elle en fut certaine. Pourquoi ces imbéciles ne pouvaient ils pas porter de jupes, comme tout le monde? Heureusement, l'idée retourna au néant sous les assauts aphrodisiaques des audacieuses paluches. Avec courage, les deux adorables pattes s'acharnèrent à dénouer les lacets entre deux murmures plus animaux que civilisés.

Victoire. Aussitôt, elles se faufilèrent au-dedans, et y trouvèrent ce qu'elles cherchaient. S'en saisissant avec la langueur qui devait suivire le grand effort, les deux mains fluettes furent quelque peu déçues. S'il était évident que le désir était là, il manquait ce petit quelque chose qui aurait rendu les choses vraiment inoubliables. Rien qui ne puisse s'arranger, décida son esprit manifestement trop embrumé pour être rationnel.

Laborieusement mais aussi avec la précipitation du désir, elle parvint à débarrasser son nouveau jouet des traitres vêtements. Quand Shyn'tae avait un objectif, même en apparence impossible, elle parvenait à ses fins...

...D'une façon ou d'une autre.

Par précaution, ou par langueur traîtresse ? La question pouvait être posée, alors que le Gobelin ne s'emballait guère. Ses caresses se faisaient plus amples, plus voluptueuses... Mais aussi plus lentes, alors que le feu dans sa chair se faisait braises, susurrantes plutôt que rugissantes. Cependant, l'initiative de sa semblable fit son effet. Avec un long soupir rauque, Urgoll'Ven frissonna de tous son être, éreinté, mais intéressé. Proche, si proche, sous leur main respective, l'intimité de l'autre, appréciant les caresses prodiguées. Cependant, apprécier n'était pas suffisant.

Avec un sursaut de lucidité luxurieuse, le Gobelin grogna, abandonnant ses positions sur le corps de la daedhel, pour lui saisir les cuisses. Son cœur pulsait à un rythme affreusement lent, l'amenant à être toujours plus alangui de désir, assommé de fatigue. Sans trop savoir comment, il profita des gestes de la femelle et, d'un mouvement de bassin, joignit leur corps de la plus intime des façons. Avec un grognement rauque, il se mit à bouger, lentement, langoureusement. Aucune rage ne s'empara de lui, le laissant simple appréciateur de ces gestes familiers, de cette chair nouvelle, au son d'une plainte qui rampait entre ses dents, échos d'un plaisir alangui et diffus. Sa tête, qu'il avait relevé dans la manœuvre, retomba lentement, retrouvant la couche d'ossement comme si ce fut la plus agréable des surfaces où s'étendre, et mourir à petit feu.

Son être frissonnait sous l'effet de la fraicheur ambiance, de la caresse du vêtement et de la peau de la sombre. Son désir n'était en rien impérieux, simple flamme à la chaleur de laquelle il sombrait sans résistance... L'un de ses bras se nicha presque naturellement dans le creux de la taille fine, sa paluche se reposant sur le coussin d'une fessier; l'autre se glissa sous une épaule de la sombre, maintenant contre son large torse la tendresse de ses formes, tandis que ses doigts se perdaient dans l’entrelacs de mèches blanches... Il y avait ce souffle dans sa nuque qui le chatouillait... Cette étreinte qui le faisait frémir au rythme lent de son bassin... Ses sens engourdis... C'était simple... Chaud... Confortable... C'était...

Les paupières frémissante achevèrent de s'abaisser sur les mires de sang; le souffle se fit plus profond; les membres se détendirent tout à fait. Non loin, les cadavres découpées et calcinées des arachnides gisaient; les ossements des restes de la végétation carnivore cessèrent de s'entrechoquer sous le poids qui les écrasait; futur repas des araignées survivantes, des macchabées attendaient, suspendis au plafond de la cathédrale de toile. Oubliant ce décors, sans autre son qu'un soupir tranquille, une sombre dans les bras, à l'ombre des droseras, Urgoll'Ven s'était endormi.

Ses yeux n'étaient plus que deux minces fentes ouvertes sur la peau sombre du mâle. Lorsqu'il avait saisi ses cuisses, elle avait commencé à descendre, prudemment… Et lui guidé par sa main, ils s'étaient unis. Un sourire enchanté ornait maintenant son visage alors que leurs corps unis ondulaient lentement l'un contre l'autre, le bassin du sombre délicieusement lové contre le sien. Des deux bras elle enlaçait son compagnon aussi fortement que son état le lui permettait. Elle avait eu ce qu'elle désirait et le sommeil la reprenait peu à peu… C'était délicieux… Leurs mouvements alanguis, ralentis, auraient été bien insuffisants pour la sanguine demoiselle en tant normal, qui en aurait voulu bien plus.

Mais en l'état, dans la nuit noire et contre la chaleur de ce torse robuste, le plaisir que leur lente danse diffusait en elle était la plus délectable des récompenses … La sombre soupira… Elle était si bien… c'était si voluptueux… Qu'elle ne sente plus ses bras aurait du l'inquiéter, mais dans son état délirant, rien n'avait d'autre importance que les sensations que son état semblait décupler.

Le mâle la berçait, un nouveau soupir épuisé quitta ses lèvres. Peu à peu, il s'immobilisa. Les oreilles de la demoiselle frémissaient, son bassin oscillant doucement, tendrement, en des mouvements relaxant, hypnotiques…. Ses yeux aux pupilles dilatées se fermèrent à leur tour…  Elle se sentait si bien… Flottant dans un nuage de désir et de plaisir, son monde réduit au souffle de son partenaire, au sensations dans son ventre… La sombre s'endormit sans y prendre garde.

***

L'oreille de la sombre endormie se tendit. Était-ce un bruit?

L'oreille se tendit à nouveau. C'était un hennissement, interpréta l'incroyable mécanique cérébrale logée derrière, qui devait provenir d'un animal. Le cerveau travailla un peu plus, et en tira une image: Celle d'une saloperie canasson blanc à la mine arrogante. Fort logiquement,  il décida donc de prolonger la sieste.

Hennissement, bruit de sabot impactant le sol. Soudain un petit caillou frappa douloureusement sa temps, la réveillant soudainement.  La sombre porta la main à la tête pour y trouver un peu de sang. Saloperie de canasson psychopathe… éblouie par la lumière, elle se redressa un peu plus. Où était-elle.. Un corps chaud sous elle… Elle ouvrit un peu plus les yeux, et son regard remonta le torse vers la tête. Ses yeux s'ouvrirent grand et les oreilles de la daedhel s'aplatirent.  Oui, elle était allongée, à peu près nue, sur Urgoll'ven, ce qui signifiait…

Non, il ne valait mieux pas y penser, refusa-t-elle d'admettre alors même qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de visualiser un déroulement possible des évènement. Un nouveau caillou passa à quelques centimètres de son oreille, la ramenant brusquement à la réalité.

Saleté de noisette. Elle se redressa à genoux sur le bas ventre du triumvir, là où leurs corps s'étaient clairement joint, ce qui, à sa grande inquiétude, réveilla un peu de son ardeur sans pour autant évoquer de souvenirs particulier. Le cheval hennit de nouveau, plus fort. Cet animal avait décidemment un problème.

La sombre sentit soudain quelque chose de froid frôler son petit pied nu. Tous les poils de son corps(1) se hérissèrent soudainement au moins autant que ses oreilles. Elle tourna la tête lentement, et déglutit.

Capables de dévorer rongeurs, drows et même ruminants de taille respectable, les anaconda étaient une composante essentielle de l'écosystème des marais de Faelia expliquait savamment l'ouvrage qu'avait consulté Shyn'tae avant d'entreprendre l'expédition.

En l'occurrence, le spécimen dont la tête se trouvait à un mètre d'elle devait  mesurer une dizaine de mètres. Il était somme toute de taille moyenne, pensa-t-elle, bien que ce ne soit un peu trop gros à son goût.

Pour sa part, le serpent était interrogatif. Il s'était demandé quelles étranges créatures iraient s'endormir sous des drosera. C'était un grand amateur de câlins, en particulier avec les animaux à sang chaud. Il était seulement dommage qu'ils deviennent souvent froids au bout d'un certain temps. Heureusement quand ca arrivait, il pouvait toujours les avaler. La vie était belle!

Lentement, la magicienne porta la main à sa taille. Pour ne rien y trouver, à part sa peau nue. Un sourire dément apparut sur son visage, et elle étouffa un gloussement stupide. C'était drôle, elle venait de se revoir tomber à coté du cadavre de l'arachnide, la lame lui échapper.  La grande tête du serpent s'avança lentement. En, même temps, précautionneusement la drow suivit le mouvement en gardant la distance. Ses jambes frôlèrent le torse du gobelin alors qu'elle l'enjambait lentement pour s'accroupir, prête à bondir. Du doigt, elle tapotait Urgoll'ven, le pressant de se réveiller.

Il lui fallait Eveil, et éloigner ce truc du triumvir(2). Brusquement, elle lança sa robe sur la tête de la créature qu'elle aveugla, et, esquivant l'attaque maladroite qui s'ensuivit, slaloma aussi vite qu'elle le pouvait entre les drosera vers la sortie du bosquet. Ses pieds nus trébuchant sur les ossements, son cœur battant à tout rompre, elle détala aussi vite que ses membres lui permettait, le serpent derrière elle.

Clairement, il ne pourrait plus rien leur arriver de plus affreux maintenant.

(1): ses cheveux donc surtout.
(2): pour de multiples raisons, les deux premieres étant qu'elle ne s'imaginait pas survivre au retour sans lui et qu'elle préférait ne pas avoir à expliquer qu'elle l'avait laissé se faire gober par un serpent.

Douleur. Sa chair que l'on écrase. Le souffle étranglé par la stupeur, le grand sombre est arraché au sommeil. Les premiers gestes lui coûtent : vouloir se redresser pèse sur ses jambes que quelque chose écrase. Stupéfait, ce sont des mètres d'écailles qui se dévoilent à ses mires sanglantes, dont la chair massive glisse, imperturbable, sur ses membres inférieurs. Tendu, grognant bas sous la pression, le sombre frappe des poings le lit d'ossement sur lequel il git, impuissant... Ou presque.

Agir, vite, tant que la bête ne fait pas volt face pour frapper. Bouger, bras, torse, poignet, malgré le bassin bloqué, malgré les éclairs de douleurs qui le traversent, écho des membres qu'il ne sent plus que par cette souffrance. Dents qui crissent, visage contracté, le Gobelin attire la  magie, attire, attire, encore, ENCORE. Du temps, il en a peu et tant à la fois. Trop peu, et ce sera vain, trop long, et il aura le temps de mourir deux fois. FRAPPE ! D'entre les ossements, des piques de roches surgissent, brutes, éparses, massives. Repoussent ou transpercent, mais pas complètement, imparfaites mais suffisantes. Le râle de douleur du drow dont le sang circule à nouveau vers le bas fait écho au sifflement furieux de l'anaconda, dont le corps a été soulevé, repoussé, blessé. Certaines pointes enfoncées dans la masse le font souffrir, d'autres s'effritent et s'effondrent.

Sur le torse luisant de sueur d'Urgoll'Ven, les pierres de phish oura autour de son cou sont chaudes alors qu'il se traîne, encore incapable de se relever, davantage sous les droseras. Son coeur pulse dans sa poitrine, rajeur, alors que dans ce même temps, son regard rouge embrase sa situation : à moitié nu, sous des plantes. Pourquoi... ? La vue de son plastron et de la robe gisant sur les os lui rend la mémoire. Stupéfait, il l'est une demi-seconde, avant que ne le balaye la colère. S'il meurt ainsi, ce sera comme un imbécile, s'étant laissé allé sur le territoire de Ses créatures. Si con... Pourtant, il sourit. Sourit face à cette nouvelle situation. Ce nouveau risque. Ce nouveau défi. Bougeant à peine ses jambes tuméfiées, le grand sombre reprend ses contorsions, sa chorégraphie amputée. Magie, à nouveau.