Mieux vaut prévenir que couler | Royauté

Trois messagers quittèrent promptement la cité côtière de Sybrondil. L’un se dirigeait vers Soltariel, l’autre vers Port-Réal et le troisième, enfin vers Laréor, tous trois délivraient la même lettre, qui, de base fut adressée au Vice-Amiral de la Flotte Royale.

Au 1er jour de la 7ème ennéade
Bàrkios, mois de printemps
De l'an 10 du 11ème cycle

A Francesco di Castigliani, Vice-Amiral de la Flotte de Sa Majesté.

Messire, je tiens à vous faire parvenir cette missive, et ce au plus preste.

J’ai récemment appris que les traitres ydrilottes tentaient des échappées par la mer, et ce à bord de petits navires.

Même si j’ose espérer que ceux-ci se noient par dizaine pour rejoindre le Royaume de la Voilée, mon instinct me dit d’être prudente. Si des messagers sont envoyés et que ceux-ci arrivent à déjouer les patrouilles Sybrondes, ce n’est que pour atteindre une seule destination selon moi ; Naëlis, l’éternel allié du traitre Altiom !

Je vous demande donc d’être sur vos gardes et de maintenir la flotte de sa Majesté le Roy en alerte ; Naëlis pourrait attaquer à nouveau ! Je me tarde à penser qu’il ne viendait peut-être pas Ydril mais attaquera les ports vidés de nos armadas.

Que les fidèles marins de sa Majesté se tiennent donc en alerte, là est ma seule demande.


Que les cinq vous gardent.

Victoria di Maldi
Comtesse de Sybrondil
Vicomtesse d’Aphel

Que ne fut pas sa surprise lorsqu'un messager au blason sybrond fit irruption dans Port-Réal. Adonc le pauvre ère trouva le vice-amiral sur le pied de guerre, à gueuler ordres et jurons à tout va. Sa curiosité s’amplifia lorsqu'il vit le vélin armorié du blason de la comtesse sybronde, Victoria di Maldi. Francesco prit son temps afin de lire une première fois, puis de reparcourir les mots ancrés afin de s'assurer de leur bonne contenance. Sans détours ni artifices, la comtesse lui fit part de ses inquiétudes quant au passage des ydrilotes souhaitant rejoindre les terres étrangères de Naelis. La chose était donc vraie. Ses poings se serrèrent autour du vélin. Car pour l'heure, la marine royale s'était contentée d'attendre les ordres sans mener d'opérations de grande ampleur afin de bloquer la marine ennemie. Une lettre, arrivée depuis peu, était néanmoins venue mettre un terme à la latence pesante. Celle-ci, écrite de la main du chancelier, avait su trouver en lui toute l'attention nécessaire. Les choses allaient enfin bouger.

A sa Grandeur Victoria di Maldi, comtesse de Sybrondil, vicomtesse d'Aphel.

C'est avec grand intérêt que je pris compte de vos mots et de vos recommandations. Soyez assurée, ma Dame di Maldi, que nous prendrons toutes les mesures nécessaires afin d'empêcher et de bloquer l'Olienne aux traîtres d'Ydril qui souhaiteraient rejoindre Naelis. Dans sa grande clairvoyance, le chancelier du Royaume m'a également demandé de prendre le contrôle des opérations. Ce sur quoi je m'évertuerai à récupérer le travail de mon prédécesseur, laissé trop longtemps au repos. A cela ma Dame, j'ajouterai que nous n'obéirons qu'aux ordres royaux et que si ces derniers nous demandent de venir à votre aide, ce sera avec joie que nous viendrons démettre Altiom Sans-Terres.

Recevez avec cela la bienveillance des cinq.

Francesco Cortès di Castigliani, vice-amiral de la marine royale

 « Alors ? Qu’avez-vous à m’apprendre ?
-Eh bien… Comtesse… Je n’sais pas quoi v’dire de plus q’mon collègue.
-Faites un effort.
-Bah… c’que j’fais m’Dame. Mais vrément. On a vu d’nouveaux bateaux mais on n’saurait dire d’où qu’ça vient ni qui est l’friqué à qui c’navires appartiennent.
-Bon. Soit. Mais vous affirmez bel et bien que ces navires étaient flambants neufs ? Tous droit sortit de chantier ?
-Oui m’Dame ! Sur le con d’Tyra, je vous jure qu’ces bateaux n’avaient jamais vu l’Olienne d’leur vie !
-Et à quoi voyez-vous cela ?
-Le bois m’Dame, le bois… Oui… un bateau qui navigue d’puis longtemps, ça se voit au bois, n’importe quel marin pourrait vous l’dire m’Dame !
-Naëlis se serait alors procuré une toute nouvelle flotte ?
-Oui m'dame
-Et cela ne vous est pas venu à l’esprit de nous prévenir ?!
-Mais… m’Dame… on ne savait pas… On ne savait pas où y s’allaient… S’avez, on est que…
-Cela suffit. J’en ai assez entendu. Si vous n’avez rien d’autre à m’apprendre, je n’ai plus besoin de vous.
-Tendez, tendez ! Il y a p’t’être…
-Peut-être quoi ?
-Bah, v’savez, on est p’t’être un p’tit quartier à Naelis mais c’la nous empêche pas d’ouvrir l’œil et d’remarquer les trucs bizarres.
-Ouais, comme la fois où on a vu des mecs à poil pour la fête d’Arcam, de vrais timbrés ceux-là !
-Venez-en au fait !
-Bah, eh ben… on a vu l’traitre là, Altiom. Il flânait dans les rues d’la cité, quelques mois avant qu’il ne vienne… euhm… attaquer sa Majesté.
-Donc Altiom était déjà sur place depuis bien longtemps avant le départ de la nouvelle flotte ?
-Oui d’Dame.
-Je vois. Rien d’autre ?
-Il recrutaient des gars… dans une des tavernes. C’lui-là même qui a dû mettre la clef sous la porte, d’puis qu’on a découvert qu’il s’torchait le cul avec les serviettes du bar. Bah, il recrutait, à c’qu’on dit, de drôle de gars, sans aucun doute des mercenaires sans cervelle !
-Ouais… et c’tait genre, au début du printemps. »

La discussion dura encore un certain temps. Victoria écoutait et n’hésita pas à demander de plus amples précisions notamment sur les caractéristiques de ces bateaux. Après tout, la construction d’une flotte flambant neuve n’était pas anodine, même au pays de l’or, en Itri’Vaan. Cette information allait l’aider à cibler un peu plus précisément le fournisseur du Roi de Naëlis. Il était d’ailleurs tout à fait hasardeux que ces deux marchands, vivant dans le quartier Aphelois de Naëlis, lui offrait telle information, alors qu’elle venait tout juste de recevoir un nouveau rapport de ses espions, à Thaar. Ceux-ci avaient réussi à dresser une liste des armateurs Vaanies.

Au 1er jour de la 1ière ennéade
Vérimios, mois d'été
De l'an 10 du 11ème cycle

A Francesco di Castigliani, Vice-Amiral de la Flotte de Sa Majesté.

Messire,

Je dois vous avouer que vos dernières paroles m’ont étonnées. En aucun cas n’ai-je voulu vous offenser. Sans doute mes mots furent mal choisis, car je n'ai point voulu ordonner, mais sans conteste conseiller.

Je me permets néanmoins de vous écrire une seconde fois, car j’ai en ma possession certaines informations au sujet du Royaume de Naelis qui pourraient éventuellement vous intéresser.

J’ai depuis plusieurs ennéades une cellule active d’espionnage en Ithri’Vaan qui a pour mission de récolter des informations utiles quant au niveau d’implication de l’Estrévent dans l’invasion des terres de notre Seigneur, sa Majesté le Roy.

Je reste persuadée que Naelis n’avait en sa possession aucun moyen qui aurait permis tel déplacement en mer. Je soupçonne donc que les ennemis de sa Majestés sont bien plus nombreux que nous voulons le croire et espère ainsi mettre un nom sur ceux qui auront permis telle entreprise et qui pour l’heure ont décidé de rester tapi dans l’ombre.

Mes informations actuelles sont les suivantes :

Plusieurs ouvriers et marchands Sybronds, séjournant dans le Quartier Aphelois de la cité de Naelis ont affirmé que l’armée de Glenn Hereon aurait embarqué sur une flotte flambant neuve en provenance direct d’un chantier naval Thaari vu que les nôtres étaient employés à reconstruire celle de sa Majesté.

Le petit Royaume de Naelis commerce certainement avec bon nombre d’autres provinces mais leurs finances me semblent pourtant bien minces pour engager l’armée dans une guerre en plus de recruter un millier de mercenaires et acheter une flotte nécessaire au déplacement de trois mille soldats.

Néanmoins, aussi riches soient ces terres de l’Est, la livraison d’une toute nouvelle flopée de bateaux n’est pas anodine. Cela m’a donc permis de réduire la liste des fournisseurs potentiels que nous devrions faire étroitement surveiller.

Raxkhi Sorthcol, Skelgu Mornwyn et Garan Crommsteel sont tous trois de riches et influents armateurs qui auraient pu livrer une telle commande dans les délais. Mais nous devrions également nous intéresser à la compagnie Savarius qui semble largement dominer ce marché, sans compter que son propriétaire ne cesse de faire des courbettes aux Princes Marchands pour obtenir un siège au conseil et qu’il entreprend actuellement la construction d'un comptoir commercial à Naelis.

J’espère néanmoins que ces minces informations vous seront utiles et je m’engage à vous tenir informé si mes investigations apportent d’autres éléments.

Que Tyra vous offre de voguer en toute tranquillité.

Victoria di Maldi
Comtesse de Sybrondil
Vicomtesse d’Aphel

Fin première ennéade de Vérimios, an X, XIe cycle

Il était intéressant de voir tout ce qui pouvait résulter de plusieurs mois d'enquêtes et d'investigations secrètes en tout genre. Qui plus est, lorsque ces dites informations venaient d'ailleurs et qu'elles savaient, non sans mal, aiguiser la curiosité. Adonc, la comtesse sybronde, semblait être de ces suzeraines capables de pouvoir fouiner aux endroits les plus intéressants. Si, lui, avait appris certaines choses depuis son arrivée à l'archipel de Nelen, les nouvelles rapportées ne firent que consolider quelques soupçons où en faire apparaître de nouveaux. Que l'estrévent ait été derrière tout ça ne choquait en rien. Mais de voir que tous les regards commençaient à se braquer sur un énigmatique personnage briguant une place au plus haut sommet de Thaar, suffit à rassembler bien des points de concordance. Tout en souhaitant rester le plus prudent qui soit, Francesco soupira un bref instant avant de prendre sa plume.

Lui aussi avait bien des choses à raconter.

A sa Grandeur Victoria di Maldi, comtesse de Sybrondil, vicomtesse d'Aphel.

Il m'étonne fortement que vous m'ayez pensée offensé par vos premières paroles. N'y voyez là que la rudesse d'un marin ayant passé toute sa vie sur la mer, et non un manque de courtoisie de ma part. Je n'ai jamais vu en vos lettres le moindre ordre, mais seulement des conseils avisés censés m'aider à lutter contre l'envahisseur étranger. Dans cette histoire, nous sommes des alliés et je vois d'ores-et-déjà dans votre dernière lettre la preuve irréfutable que vous soutenez notre cause.

Ce nom de Savarius dont vous me fîtes part, sonne étrangement familier à mes oreilles. A cela j'ajouterai que l'archipel de Nelen est en proie à une révolte lancée de l'intérieur, mais soutenue également par des investisseurs étrangers voyant probablement là une bonne occasion de conquérir les îles en faisant verser le sang d'innocents et non le leur. Ce sont des lâches qu'il nous faut affronter chaque instant et soyez assurée que nous leur rendrons coup pour coup.

Je mènerai ma propre enquête afin d'en apprendre plus sur ce mystérieux individu, quitte à aller jusqu'à la cité de Thaar pour y demander des explications de la part des princes marchands en personne.

A cela, je vous informe une bien sombre nouvelle puisque nos hommes ont retrouvé la trace du duc de Soltariel, Franco di Celini. Celui-ci a été aperçu à Port-Cinglant et s'est fait prendre en filature jusque dans les ruelles. L'homme qui le suivait a payé de sa vie et a été retrouvé sauvagement assassiné. Les morts d'agents royaux sont quotidiennes dans ces ruelles et nous craignons malheureusement que le duc ait été aidé par les rebelles dans sa fuite. Pis encore, qu'il ait pu rejoindre le mouvement séditieux.

Je reste à votre disposition, ma dame, et n'oublierai point de paraître moins rude à votre égard.

Recevez avec cela la bienveillance des cinq.

Francesco Cortès di Castigliani, vice-amiral de la marine royale.