[Mariage] Ne faire qu'un... | Les mariés

Le soir venu...

La fête battait son plein dans une grande partie de la cité. Fenris aurait été bien incapable de dire combien de mains il avait serré et combien de félicitations ils avaient reçu pour leur union et pour la cérémonie qualifiée de touchante et sincère. Il n'y avait guère que la petite Ciryië pour ne rien en avoir dit tellement tout ce qu'il s'était passé lui échappait, même après traduction. Quelqu'un se proposerait bien pour tout lui expliquer, à moins que le jeune époux ne s'en charge mais plus tard. Car, même si les festivités n'en étaient pas encore à leur apogée, les mariés ne devaient pas en profiter. Il s'éclipsèrent pour laisser leurs invités mais aussi les autres se réjouir de leurs noces. C'était des réjouissances toutes différentes qui les attendaient de leur côté.

Lorsque le moment fut venu, Fenris avait attiré Halie hors de la foule pour prendre de petites rues bien plus calmes afin de pouvoir circuler en espérant ne pas se faire arrêté tous les dix pas. Curieusement, il ne prit pas la direction du quartier qui abritait leur appartement. Il avait une ultime surprise pour sa toute jeune épouse et espérait qu'elle serait à son goût. Lorsque la rousse s'en montra étonnée, le jeune homme sortit un morceau de tissu et s'en servit pour lui bander les yeux. Il la guida ensuite à travers la cité, n'hésitant pas à faire quelques détours afin de la perdre.
Ce bandeau, il ne l'avait pas au moment de la cérémonie. Il lui avait été discrètement transmis par Mederith lorsqu'il était venu les féliciter. Celui-ci lui avait ensuite glissé quelques mots à son oreille et leur avait souhaité bonne soirée après que Fenris l'ait remercié. Si l'ex-Protectrice avait capté leur échange, le Telsorn aurait répondu très vaguement et aurait silencieusement remercié les multiples personnes qui se pressaient encore pour venir les féliciter et détourner l'attention de la jeune femme.

Ainsi, le cavalier conduisit son épouse jusqu'au Palais, mais pas à l'entrée principale qu'elle ne connaissait que trop bien. Il passa par une porte annexe où les gardes les laissèrent passer sans dire un mot, tel que cela leur avait été commandé. Il les remercia d'un signe de tête puis continua sa progression. A l'intérieur, il poursuivit son manège, essayant de la désorienter en changeant sans arrêt d'étage, montant plus qu'il ne descendait, faisant des détours par les jardins aussi souvent que possible. Finalement, après un trajet qui devait paraître interminable à l'aveugle momentanée, Fenris s'arrêta devant une porte dont il actionna le mécanisme avant de faire entrer Halyalindë à l'intérieur. Il referma derrière eux puis, de sa main libre, découvrit les yeux de la belle.
Les lieux avaient un peu changé mais il ne doutait pas que la jeune femme les reconnaîtrait. Mederith avait aménagé les appartements dévolus au Protecteur à son goût mais les principaux meubles étaient toujours à leur place. Cela pouvait paraître surprenant comme choix... Les faire dormir dans une chambre qui représentait l'ancienne vie d'Halie et dans un lit qui n'était plus le sien... Mais ce n'était pas vraiment ce qu'il avait en tête.

-Rassure-toi, c'est seulement pour te montrer où nous sommes. Mederith nous a laissé ses appartements mais la surprise n'est pas ici. Pas tout à fait... Ajouta-t-il d'un air énigmatique.

Un sourire espiègle aux lèvres, il l'attira à travers la pièce qu'il lui fit entièrement traverser. Devant la porte fenêtre qui donnait sur la terrasse et sur le jardin suspendu privatisé à la chambre du Protecteur, il s'arrêta, l'ouvrit et dévoila l'espace de verdure. Là encore, Kireth avait mis son grain de sel. Dans les arbres, de petites touches phosphorescentes éclairaient la nuit d'une douce aura bleue et verte. L'endroit semblait ainsi emprunt d'une grande magie et criait clairement que c'était ici que quelque chose allait se jouer.
Sans rien ajouter, il l'attira entre les allées façonnées par le temps. Il déambula, a priori au hasard, entre les arbres dépourvus de feuilles à cause de l'hiver. Cependant, il restait un espace, plus au loin, où des résineux semblaient former comme un cercle. Ce n'était pas un endroit où l'on s'aventurait habituellement mais, pourtant, Fenris bifurqua dans leur direction lorsqu'ils en furent proches. A mesure qu'ils approchaient, Halyalindë put distinguer une concentration de lumière plus importante dans cette zone mais quelques fourrés au sol lui dissimulait encore la surprise.

Entrant dans le cercle de verdure, la jeune femme découvrit un aménagement plus que surprenant. Alors que le nombre de phosphorescences avait été multiplié par vingt ici, le sol avait été habillé d'une bonne épaisseur de plumes glissés dans deux grands draps cousus entre eux pour en faire un matelas moelleux. Plusieurs oreillers improvisaient une tête de lit élégante tandis qu'une série de draps et de couvertures finement ouvragées et dans les tons clairs attendaient patiemment comme sur une couche bien faite. Ce spectacle était l'alliance parfaite entre la simplicité de la nature et le confort de la cité. L'alliance de leurs goûts respectifs...

Le nez d'Halya c'était froncé avec suspicion lorsque Fenris avait sortit le bandeau. Non seulement elle n'avait pas remarqué le manège de Medherith, noyée sous les paroles et les félicitations des invités, mais elle n'avait pas non plus la moindre idée de ce que son comp... son époux avait put concocter. De sa part, les surprises ne la gênait pas. Elles étaient toujours plaisantes. Mais tout de même... Ce fut avec un sourire complice, mais débordant de curiosité qu'elle accepta de lui laisser couvrir ses yeux, l'aidant au passage puisque leurs mains étaient toujours liées. L'expérience fut assez particulière, mais après quelques essaies, le foulard tint bon.

Agrippée au bras du jeune guerrier, les oreilles de la rouquine semblait se dresser et s'orienter au moindre son. Sur les pavés, les marches, les passerelles de bois, de métal ou de verre, son pas peu assuré les obligeait tous deux a avancer beaucoup plus doucement. Perdre le contrôle qu'elle avait sur son environnement n'était pas si facile et si ça n'avait été Fenris, elle aurait retirer le bandeau au bout de dix pas. Mais elle se contenta juste de demander un nombre de fois incalculable jusqu'où il comptait la mener ainsi, plaisantant pour cacher son trouble.

- Nous sommes revenus au palais ? " sourit-elle soudain, les oreilles dressées par l'écho qui lui était soudain parvenu... Mais Fenris avait plus d'un tour dans son sac et après être passé deux fois par les jardins suspendus, elle était persuadé qu'ils s'étaient éloignés du Grand-Chêne. Puis ils s'arrêtèrent. Une porte s'ouvrit.

Et Fenris lui rendit enfin la vue.

- Les appartements du Protecteurs... ? "

Les meubles étaient les mêmes. L'organisation, la décoration et surtout l'odeur de la pièce avaient changés. Ce n'était plus sa chambre... Un peu déstabilisée, elle sourit tout de même à Fenris. Elle avait beaucoup aimé ces appartements, non pour ce qu'ils représentaient mais pour la hauteur et la vue. Elle avait toujours aimé l'altitude des plus hautes cimes de la ville, et elle avait fait une croix dessus sans hésité et sans regret pour que son amour puisse s'occuper sans mal d'une certaine mathandil. Elle n'était pas sûre de comprendre ce qu'ils faisaient là... Et son mari lui confirma de quelques mots qu'ils ne restaient pas...

Dehors, une fine brise les cueillit au visage, douce comme savent si bien l'être les hivers Ardamiris. Des Lueurs étaient accrochées dans les arbres qui poussaient sur le bois vivant nimbant le sentier d'une lueur éthérée. Le spectacle en était onirique. Elle interrogea Fenris du regard, l’œil brillant à la vue de ce spectacle, mais il ne répondit rien, l'attirant simplement à l'extérieur.

Elle avait passé bien des heures dans ce jardin. Elle y travaillait. Elle y mangeait. Elle s'y reposait... Mais jamais elle ne l'avait vu ainsi. C'était tout simplement magnifique... Et face au nid de verdure, c'était encore mieux que ça. Avec un sourire tendre, elle se tourna vers Fenris et effleura ses lèvre d'un baiser.

- Je ne sais pas combien de temps tu as mis pour prévoir ça ni durant combien d'années Kireth risque de nous bouder pour avoir chasser Medherith de chez lui, mais c'est parfait. " Souffla-t-elle en riant légèrement, portant la main au pendentif qui habillait son col. Les reliefs étaient semblables à ceux qu'elle avait sentit tant de fois sur la broche du plus jeune des trois frères. Familiers et nouveaux à la fois. " Tout est parfait. " répéta-t-elle. Et ses doigts s'avancèrent pour caresser la joue pleine de son... mari.

C'était fait... Pour l'éternité et par delà la mort... Son sourire se fit plus doux à cette idée et le contact de la peau sous ses doigts lui sembla étrange. Ils étaient mariés. Qu'un seul cœur. Qu'une seule vie. Sous les cordons, sa main raffermis son emprise sur celle de l'Aigle.

Fenris rit avec Halyalindë à la mention de Kireth. Il pouvait enfin pleinement se détendre. Tout était fait. Toutes les surprises étaient jouées. Et tout avait eu l'effet escompté. Le discours, le collier, les mots de Delyndil, et maintenant ceci... Il était heureux, pour tout. Heureux d'être marié, heureux que ses frères se soient associés à lui, heureux que tant de gens partagent leur joie, heureux qu'elle soit heureuse... Et ce bonheur rayonnait sur son visage qui n'affichait pourtant qu'un si discret sourire.

-Je suis sûr qu'il ne nous en voudra pas longtemps lorsqu'on lui rappellera que cela lui a donné l'occasion d'accueillir Medherith chez lui pour la nuit. Chose qui ne doit plus arriver souvent depuis qu'il est devenu Protecteur. Et puis, c'est lui qui s'est occupé de l'éclairage...

Kireth avait été présent à chaque étape de leur union, à chaque instant qui comptait pour l'Amant. Jusque dans ces heures intimes qu'ils allaient passer tous les deux pour conclure leur lien et retirer les cordons qui les symbolisaient jusque là. Alors que les doigts d'Halie quittaient son pendentif, ils furent bien vite remplacés par ceux du Telsorn qui avait à peine pris le temps de l'admirer quelques heures plus tôt. L'association des matières était idéale et elle le portait à la perfection avec ses yeux verts et sa chevelure de feu. Il eut un lent soupire de soulagement et de bonheur mêlés lorsqu'elle déclara que tout était parfait. Il lui sourit alors que sa main venait frôler sa joue. Ses doigts vinrent se poser sur les siens pour arrêter son geste puis il tourna la tête pour appliquer un baiser dans le creux de sa main. Puis il la regarda à nouveau de ses yeux bicolores.

-Les moments les plus importants que nous avons partagés, nous les avons passés dehors. Notre rencontre sur la route d'Ardamir. Notre première étreinte dans les jardins de ton père. Notre premier baiser quelque part dans l'un des nombreux jardins de ce palais. Sa voix se fit plus basse, comme s'il avait eu peur quelqu'un l'entende et il se rapprocha presque imperceptiblement. Notre première fois sur les rives de l'Oliya. La nuit que nous avons passé à Malereg, en partie dans l'eau et sur la plage. Laissant la main d'Halie sur sa joue, ses doigts glissèrent en une caresse le long de son bras. Sans parler de ta demande en mariage... Il me semblait normal que la conclusion de cette journée se passe aussi à l'extérieur. Et nous serons plus à l'abri des regard ici. Conclut-il avec un sourire taquin.

Il était vrai que, dans les bois, près du lieu des noces d'Artiön et Kaëlistravae, ils avaient pris un gros risque. Il y avait suffisamment de patrouilles alentours, sans parler des invités égarés comme ils en avaient croisé juste auparavant. Ici au moins, il n'y avait aucun danger. A part peut-être celui de voir débarquer Kireth à l'aube pour leur apporter le petit déjeuner ou Terond pour s'amuser à mettre son ami dans une position gênante, prétextant vouloir s'assurer que tout s'était bien passé. Mais il n'y pensait pas car, pour l'heure, ils étaient seuls pour les heures à venir. Personne n'aurait dans l'idée de venir les déranger avant les premiers rayons de jour, pour leur laisser leur intimité mais aussi parce qu'ils avaient bien mieux à faire avec la fête qui animait la cité.
Alors que leurs yeux se perdaient l'un dans l'autre, son regard fut attiré par une pression sur sa main liée. Il observa les cordons qui les unissaient encore et ses lèvres s'ornèrent d'un nouveau sourire. Oui, c'était fait...

-... pour aujourd'hui. Pour demain. Puis, relevant les les yeux vers Halie. Et à jamais...

Concluant dans un souffle ce rappel d'une promesse faite depuis longtemps, il acheva de combler les quelques centimètres qui les séparaient encore et leurs lèvres se retrouvèrent dans un baiser à la fois tendre et langoureux.