Entrevue [Pv Bromar]

Depuis combien de temps travaillé-je ici ? Ca fait bien deux ou trois ans... Oui ce doit être ça. Je connu feu l'ancien Roi, Yordin. J'étais là lorsqu'on éleva son sépulcre et me voilà de par héritage, disons, sous les ordres de Mr Bromar Le Sage. Le digne successeur de feu le roi. J'étais pas là, moi quand Yedin expira son dernier souffle, mais l'on dit que sur son visage demeurait un paisible sourire, un air comblé et accompli car Yedin mourut en sachant que le peuple était entre de bonnes mains. Son successeur et fils de cœur avait été choisi par la Hache qu'on dit Sacrée. La hache qui depuis bien longtemps n'avait pas parlé, n'avait manifesté aucune distinction sinon celle d'être une hache parmi les armes des nains. On en parla beaucoup de cet évènement pour le moins surprenant... on en parlera beaucoup et longtemps. Jusqu'à ce que son pouvoir devienne de nouveau un mythe et qu'elle se remette à parler pour qu'on ne doute pas d'elle. Ou parce que Roi il y avait à élire... Que sais-je ?

Alors m'voilà à faire la popote pour Monseignur-l'Elu-Providentiel-Junior, à faire le ménage et ranger ses effets. Que reçus-je alors un jour ? Une lettre. Une lettre de Monseigneur Bromar lui même me priant une entrevue, car il aimait bien connaitre ses citoyens et plus personnellement les petites gens à son grand service... Ha !, avais-je envie de m'écrier. Moi Apolline Biloute, fille de bons forgerons de campagne, me voilà à Kirgan tenant une lettre du Roi - ou écrite par un de ses sbires - dans mes doigts émus ! Ça me faisait repenser aux chansons qu'on élevait à mon égard dans les auberges où je passai jadis : ils avaient foi en moi et moi je riais, jamais vraiment convaincue jamais vraiment douteuse. Mais après tout, ils devaient bien avoir raison : puisque j'étais là. C'est que je ne me posais jamais vraiment de questions : j'avançais droit devant mon nez et selon ma volonté. Je saisissais les chances sans hésiter. J'étais libre. Et j'étais tout autant libre d'accepter ou de refuser cette entrevue. Sotte ! Pourquoi refuser ? C'était là une chance de juger moi même, de connaître moi même et de rire à l'entente de certains potins qu'on raconte, fière de savoir, moi, la vérité sur son compte. Peut-être même que j'en tirerai bon compte, que ma langue de vipère se ferait un ami parmi les nains. Cela ne me ferait pas de mal étant donné le peu de gens qui me témoigne considération. C'est que dès que je m'aperçois de quelque chose je le dis et ça ne plait pas toujours. Soit ça blesse, soit ce qu'on se forçait à cacher dérange, et la vérité fait peur. Allons quoi ! Je tenterai de rester polie avec Monseigneur nain... dans la mesure où ce qui fait que je suis moi ne sera pas sacrifié.

Alors, le lendemain - puisque la lettre m'appelait au lendemain devant l'entre du bureau de Monseigneur Nain – je me rendis là où on m'attendait, puis frappa, comme la politesse le concevait, trois fois sur le côté du mur pour prévenir de mon arrivée. J'entrai. Fis don d'un large sourire expansif, puis salua de la manière la plus courtoise que je connusse :

- Bien le bonjour Monseigneur Bromar ! J'suis Apolline Biloute, vous m'avez mandé hier par dépêche et je suis ici, à l'heure comme on m'a demandé, et je vous salue, aussi.

J'avoue que c'est la première fois que je parlai à plus vénéré que moi et j'eus peine à remettre en question mes manières et à mesurer mon vocabulaire. D'habitude je suis précise et concise. Pas de blabla affectif et démonstration de politesse hypocrite. Mais je savais pas qui il était. Dans le doute, mieux valait tenir son derrière s'tenir à carreaux. Ma voix, un peu gaillarde, avait quelque chose de chevrotant, de timide. Et lorsque je remarquai ceci dans le timbre, ma peau précieuse de blonde me trahi et mes joues se teintèrent de rose... Je haussai les épaules et esquissai un sourire un peu confus. Alors, alors Bromar... je t'écoute. Toi : ta voix et tes gestes. Qui es-tu ? Attention... je saurai tout...

Je ne pris pas place, je le regardai d'un air poli et, certainement, curieux. Bromar le Sage s'imposa de suite comme beaucoup plus libre et à l'aise que moi et je fus contente de pouvoir me libérer de ces conventions qui ne m'allaient pas, et, un peu honteuse d'avoir voulu cacher ma spontanéité; allons donc, il voulait voir qui j'étais, je n'allai pas lui donner une image fausse de moi ! Je fis un large sourire sincère et même un petit rire mêlé au sien puis me posai sur la chaise en bois en face de lui. Première chose que je fis : lui avouer le fond de ma pensée :

- J'suis bien contente que tu me demandes ça, j'ai du mal avec la politesse hypocrite !

Deuxième chose, et c'était ainsi souvent lorsque je m'asseyais : je me mis en tailleur. Peu importe que l'on ait décidé un jour que ce n'était pas une position convenable à avoir devant un supérieur hierarchique. Puis, il m'avait même invité à le tutoyer alors...

- Questions barbantes ! Ah... je te promets d'essayer de les rendre plus drôles, fis-je avec un air fourbe, la première question c'est pas intéressant en effet, j'étais là sous le règne de Yordin y a d'ça deux ou trois ans, je suis désolée, j'ai pas compté. Je compte pas. Je me laisse aller, je saisis les opportunités, je fais pas un compte de ma vie. Voilà !, petit rire, et pour ce qui est de la deuxième question c'est plus intéressant. Ca te dérange pas que je parle beaucoup, hein ? Si ça te dérange tu me le dis je... enfin je... je ferai en sorte de me taire un peu.. oui donc si je compte rester la... mmh, bah, en fait, comme je l'ai un peu dit avant, je saisis les opportunités, je me laisse guider par ce que me propose la vie, je provoque les choses quand je le peux et je fais toujours ce qu'il me plait. J'suis quelqu'un de confiant, sure de moi, alors je pense pas que je resterai pas servante ici. P't'être qu'un jour, qui sait, je me trouverai à faire la guerre pour mon roi, dis-je en haussant les sourcils avec un large sourire, mais ça m'étonnerait... J'ai peut-être l'air de chercher la guerre à bien des gens, mais la voie diplomate c'est la meilleur j'pense. P't'être dans dix ans je serai encore là à faire la popotte aux grandes gens, p't'être encore que je tiendrai ma propre auberge, p't'être que j'aurai un p'tit mari bien courageux à entretenir, mais ça aussi ça m'étonnerait, faudrait quelqu'un qui puisse me supporter et me suivre dans mes frasques, j'suis libre. Voilà. J'aime toujours ce que j'fais. Voilà, répétai-je.

Je me mis à tapoter sur mes genoux un air dansant en levant les yeux au ciel, l'air pensif.

- Je crois qu'c'est tout... à moi d'poser une question !, m'écrai-je alors soudain, certainement contre toutes attentes de sa part. J'avais le minoi tout content et jovial, j'étais aise de pouvoir m'exprimer comme je le voulais. Comme tu m'as posé deux questions, moi aussi j'vais en poser deux : qu'est-ce que tu faisais avant d'être roi et mmmh..., je posai un doigt sur mon menton en cherchant bien la question qui était idéale au moment et je trouvai presque tout de suite : c'est quoi ton plat préféré ?

Je lui avais promi un entretien attracif et joviale. Allons donc, Apolline n'était pas là pour être une demi Apolline, partout elle était heureuse d'être Apolline en entier, et elle iradiait de pouvoir l'être, elle était heureuse de voyager, de voir beaucoup de gens et d'entendre beaucoup de pottins, de boire beaucoup de bière aux gouts différents selon les auberges, et de gouter aux mets qu'on proposait par tous les lointains pays de sa contrée.

Ah ! Je fus bien contente de moi quand je l'entendis rire aux éclats, l'œil vif et soudainement surprit de voir la petite naine blonde en face de lui changer radicalement de comportement. A moi, on ne me demande pas deux fois de me mettre à l'aise ! Et s'il avait cru à s'ennuyer, j'allai lui donner autre opinion de l'entretien basique et morne entre un roi et son serviteur. Mais ce n'était même pas un entretien ! Non... je prenais ça comme une joyeuse entrevue dont le but était de rendre aux questions barbantes un autre pli tout à fait confortable et divertissant. Nous nous serions rencontrés dans une auberge devant une bonne bière que c'eût été la même chose.

Alors, j'appris de lui qu'il avait été émissaire, puis conseiller avant d'être roi. Il avait donc connu Yordin, me dis-je, et j'imaginai bien que deux hommes nains de cette envergure n'avaient pu qu'être amis. Il avait vu du pays, lui aussi. Bien plus que moi, Apolline, je ne m'étais risquée à faire. Arpenter les chemins seule ce n'est ni habituel, ni sécurisant pour une naine... quoi qu'arpenter les chemins était déjà inhabituel tout court. Enfin, je fais tout dans l'originalité, ça n'est pas de ma faute !

La suite fut bien intéressante et informative sur Bromar le Sage. Voilà qu'il se met à ruminer des souvenirs, "le bon temps" que ça lui rappelait, et il sortit sa pipe, pensif et désireux d'un calme de vie antérieur. Quoi donc... la vie n'était-elle pas calme ? Ou regrettait-il de ne plus jouir de responsabilités moins pesantes... ? Quoi qu'il en soit, Bromar n'avait pas la tête tranquille. Ça devait lui faire du bien de lâcher un peu pression et de plaisanter gentiment. Allons donc ! C'est qu'il avait l'air d'une bonne âme ce roi nain, en bonne servante que j'étais, je lui offrais compagnie badine et légère.

Je frappai des mains en riant avec lui de bon cœur lorsqu'il me confia ses préférences culinaires et façons de manger bien peu magistrales. Loin de moi l'idée de le juger, j'espèrerai qu'il le comprenne bien. Il n'avait pas choisi d'être roi, puis, les bons nains pensent d'une façon bien humaine ou elfique depuis peu... ils s'inventent des manières et des règles de vie. Bah ! Qu'est-ce dont ça sinon de 'hypocrisie pure et simple ? Les restrictions c'est bon pour les fous, moi je dis !

Bref... Le bon Bromar me posa de nouvelles questions auxquelles il ne me fut pas difficile de répondre.
- Eh bien, Bromar le roi, tout d'abord, dans mon village je fus... hmm, dis-je en fronçant les sourcils, me grattant la tête en réfléchissant. Et je savais, que dans ce comportement on y voyait le reflet d'une enfant, cela pouvait faire rire, ou plaire. Puis je me mis à rire, bien en fait, je ne faisais pas grand chose sinon demeurer l'une des seules filles de mon village ! C'est plutôt moi que l'on servait, à la vérité, hihi. Mais ça m'a pas rendue vénale pour autant, oh non, la preuve, puisque je suis ici. Entre temps, en faisant les routes, je m'arrêtai pour offrir mon service à une auberge pour pouvoir garnir ma bourse et me remettre en chemin. C'était la taverne de Garmin, p't'être que tu connais ? En tout cas c'est une bonne taverne. Ensuite m'arriva chose bien opportune puisque Yordin invitait sa famille à venir le rejoindre à Kirgan. Fils il y avait, soubrette il fallait. La famille s'arrêta dans la taverne, et, leur serviteur et petit conseiller, voyant que je me débrouillais fort bien et que les enfants s'attachaient vite à ma petite personne, me demanda service auprès de la famille royale. Chose que je fis.

- Et... mon plat préféré... oh ! Je sais pas ! C'est que j'aime tant de choses ! Le lard fumé et les pommes de terre avec sauce à la bière, c'est un bon choix ! C'est vrai ! D'ailleurs, je le retiens... puisqu'ici de famille il n'y a plus, la soubrette que je suis est un peu au repos, alors je reste aux cuisines... je le ferai donc, ce plat qui t'est cher ! Et j'oublierai de distribuer des couverts ! Hihi. Oh ! Je sais ! Ce que j'aime par dessus tout je pense, c'est un bon rôti mariné dans une sauce aux pruneaux sertit de jolies pommes de terre toutes rondes et de carottes bien fraîches et croquantes, cuit sur la braise. Et pour nettoyer le gosier : une bière blanche désaltérante Mmmhh...

J'en sentais presque le gout, et, pensive, je m'accoudai sur son bureau en soutenant ma tête par l'un de mes bras. Me redressant soudain, je dis :

- A moi ! Quelle taille fais-tu ? Et aimes-tu la musique et aussi danser ?