Dites, mam'zelle, ca fait quoi d'être une championne? (mal) [libre]

Le huitième jour de la deuxième ennéade de Barkios de l’An 14:XI, dans les Grands Sablons

Elle flottait au creux d'un nuage d'ouate réconfortant et chaleureux. Ici il n'y avait rien hormis une sensation diffuse de plaisir qui imbibait chaque parcelle de son corps. Quel corps d'ailleurs? Une lueur d'angoisse traversa l'esprit de la noirelfe. La vie ne ressemblait pas comme ca. L'angoisse grandit un peu plus, son esprit se cabra contre la situation. Où était-elle? Le plaisir se mua peu à peu en douleur, qui pénétrait son corps.. si faible, découvrait-elle. La panique s'empara d'elle, son corps battant la chamade.

Ses yeux rouges s'ouvrirent brusquement et elle reprit son souffle. Elle essaya aussitôt de se redresser mais échoua, prise de nouveaux vertiges. Elle.. était confuse. Shyn'tae se forca à tourner la tête, son regard passant des voutes de pierre à une desserte couverte d'ustensiles et de gaze couverte de sang, positionnée à coté de ce qui devait être son lit. Tout n'était pas très clair, sa bouche pâteuse, et elle avait l'impression qu'on remuait une tige de metal chauffée au rouge dans sa tête à chaque fois qu'elle tentait de se concentrer.

Une image franchit les brumes pour s'imprimer sur son esprit. Les deux triumvir s'embrassant dans les tribunes. La daedhelle soupira. Des brides de souvenir suivirent, et cette certitude, illustrée par cette image, qui pourtant était accompagnée de la plus grande incrédulité. Elle avait gagné? Shyn'tae nota que, sur l'image si claire qu'elle aurait pu être gravée dans son esprit, un détail clochait. N'était-ce pas Ascanio qui lorgnait sur les fesses de Viconia tel un bagron globulant (1)?

La noirelfe chassa l'image de son esprit en espérant qu'elle ne provenait pas de son imagination féconde, et entreprit de compter ses membres. Un visage apparut soudain dans son champs de vision.

- "Que vois-je ? Deux rubis étincelants !" Na'ri, la prêtresse de Kiran, lui souriait. Shyn'tae tenta un sourire en retour. "Où la stupidité brille autant que le désir de vivre. C'est bien tu as gagné." Le sourire s'était effacé, le sien se maintint, son esprit un peu lent. "Tu as gagné le droit d'apprendre à vivre avec un bras en moins." La magicienne frémit. Sa main droite se serra… Aucune sensation n'émanait de la gauche. Ni du bras d'ailleurs, confirma-t-elle. Avaient-ils du le couper? "Il est là. Mais plus fonctionnel.Peut être que tu arriveras avec beaucoup de travail à en retrouver l'usage… Mais j'ai jamais vu quelqu'un dans ton cas récupérer totalement."

- "Oh..." Ne put que croasser la drow, dont le cœur venait peut-être bien de manquer un battement. La prêtresse n'y était pas allée par quatre chemins. Il fallait que cela soit dit, le plus tôt était le mieux.
- "Veux tu que je t'aide à te redresser ?" Shyn'tae observa Na'ri. Na'ri observa Shyn'tae. De longues secondes de silence s'écoulèrent. La daedhelle serra les dents, et s'appuya sur son bras valide pour commencer à se redresser. Avant de renoncer.

- "Je veux bien." C'était assez dur à admettre. Peut-être n'aimait-elle pas qu'on l'aide, mais elle pouvait certainement faire une exception aujourd'hui.

Elle avait gagné les deux tournois. Et la seule émotion que cela suscitait en elle était provoquée par le plaisir manifeste exprimé par Viconia et Krish en train de célébrer cette victoire à leur façon. Elle n'était décidemment pas complétement normale. Elle chassa à nouveau l'image du bagron en train de baver devant la croupe de la triumvir.

(1): Il était bien entendu connu de tous que les bagrons ne globulaient pas. Mais néanmoins, c'est bien cette image qui était restée figée -peut-être à tout jamais- dans son esprit probablement déjà en proie au manque d'oxygène.

Dans les gradins, les conversations avaient durée quelque peu, mais Krish s'esquiva rapidement... Enfin aussi rapidement que possible. Sortir de la cohue n'avait pas été facile, se faufiler hors d'atteinte des imbéciles qui se pressaient vers la sortie ou vers les coulisse l'avait été encore plus... Mais sa petite garde et l'aura des princes marchants avaient ça d'intéressant que même une foule en liesse y faisait un minimum attention.

La robe blanche de Krish s'était glissé le long des couloirs immenses de l'arène immense qui avait accueilli les immenses jeux de Thaar. Des soigneurs, des groupies, des sponsors, des messagers portant des présents... Les finalistes, gagnant ou non, avaient l'air d'avoir marqué les esprit comme jamais. Sur les trois, elle avait hâte d'en voir d'eux. L'une pour réactualiser une vieille promesse, l'autre pour avoir enfin le fin mot de l'histoire, et peut-être échanger enfin quelques mots avec celui qui l'avait poussé à se découvrir devant des milliers d'yeux.

La primeur revenant néanmoins à la championne en titre.... Et ce n'était pas du tout parce qu'elle était la plus rapidement disponible.

Le visage d'un noir d'encre passa dans l'encadrement avec un air un matou curieux, les oreilles dressées et les griffes sur le battant de bois.

- Toc toc ? " lança-t-elle en se demandant si elle allait être refoulée par les guérisseurs... Mais non. Il semblait que la louve ait quitté son petit.

Plus ou moins assise, la Comète semblait absolument épuisée mais il semblait à Krish qu'elle n'avait jamais vu plus belle femme. Les bandes et les traces des derniers soins décoraient son corps meurtri comme autant de médailles.

- Je risque de me prendre un couteau ou je peux entrer ? " sourit félinement l'eldéenne.

Finalement, après de longs examen visant apparemment à s'assurer que la daedhelle ne risquait pas de décéder subitement en son absence, sa gardienne s'était finalement absentée pour la laisser seule. Bizarrement, elle avait aussi demandé, ou plutôt exigé de l'éldéenne qu'elle ne quitte pas sa couche.

Shyn'tae se demanda du même coup si elle pouvait parvenir à se lever. Refusait-elle de réaliser ce que la soigneuse venait de lui dire? Peut-être, admis-t-elle en regardant sa main gauche d'un air critique. Malgré ses efforts, ses doigts refusaient de lui obéir. Elle inclina la tête, et caressa doucement son propre avant bras, délicatement. Le manque de retour sensoriel était perturbant. Comme si cela avait été le membre d'une autre. Sa tête s'inclina un peu plus, ses oreilles frémirent. Une sensation d'angoisse à laquelle elle n'était pas habituée grandit en elle, lui serrant le cœur.

- Toc toc ? "
- Je risque de me prendre un couteau ou je peux entrer ? "

Brusquement, évoquant un chat qu'on venait de surprendre à piquer dans le plat, la jeune drow s'était tendue jusqu'aux oreilles et s'était tournée vers la porte pour y découvrir son illustre visiteuse. Ses méninges mirent quelques longues secondes à réconcilier l'image qui se trouvait devant elle, les mots qu'elle venait de prononcer, et l'idée qu'elle se faisait de la personne dont le visage été apparu dans l'encadrement.

Un sourire grandit sur son visage, ses yeux pétillants… Elle ne parvint que difficilement à retenir un rire, et gloussa à la place.

- Oh. Ils me les ont retirés pour que je ne les lance pas sur les invités. Na'ri… La prêtresse de Kiran n'a aucun humour." Le sourire de la noirelfe avait prit un tour malicieux assez proche de celui de son vis à vis. Curieusement elle rougit néanmoins jusqu'aux oreilles, ses yeux un instant comme ceux d'une biche devant le chasseur. Emotions contradictoires. Venait-elle vraiment de donner la réplique à un Triumvir? A CE Triumvir même?

- heu… Première flamme.. Désolée, les mots se… Hum." Elle fit une pause, elle devait avoir l'air complétement idiote, et ca l'agaçait. La suite suivit sans qu'elle n'y prenne vraiment garde. "Entrez! C'est très spacieux pour une cave vous verrez. Et ils m'ont laissée toute seule…"

Les mots se bousculaient en effet. Malgré tout, la seule interrogation qui habitait son esprit était de savoir si c'était joueuse ou séduisante que l'avatar d'Uriz était la plus séduisante. Il était difficile d'imaginer ce qu'il en serait si elle décidait d'être les deux. Ou plutôt si facile. La magicienne rougit plus encore.

Krish s'approcha, refermant doucement la porte derrière elle. Son sourire félin s'étira en apercevant le trouble dans le regard de la championne. Tous les coups qu'elle avait reçu sur la tête l'avaient visiblement assez chamboulée pour qu'elle obtienne un regard candide et un peu inquiet. C'était adorable quand on savait ce qu'elle venait de faire dans l'arène et ce qu'elle avait fait durant tout un mois au fil de l'épée et du ruban. Il fallut encore quelques paroles hésitantes et approximatives, mais la championne finit réellement par rougir, sa peau sombre renonçant à cacher son trouble.

- En effet c'est une bien belle cave. " ricana-t-elle en s'approchant jusqu'au lit de la jeune femme, du côté de son épaule saine.

Ce n'était pas la première fois que la triumvir avait l'occasion de voir un blessé juste après un combat. Les états délirants étaient de toutes sortes. Celui-ci semblait encore assez doux et prêtait plus à sourire qu'à s'inquiéter pour le moment. Les coups de boucliers pardonnaient rarement.

- Ne te force pas, je passe juste rendre hommage à ton succès. " Elle écarta une mèche blanche du front encore humide de la jeune femme sans changer d'expression. Qu'elle se souvienne de ce court entretien ou non sur le long terme n'était pas bien important. " Tu as été éblouissante dans l'arène. La façon dont tu as refuser de te rendre, quoi qu'il arrive... Tu étais grandiose. On dirait que tu as trouvé un moyen imparable pour que je connaisse ton nom en entier finalement... "

La daedhelle suivit sa compatriote du regard lorsqu'elle s'approcha, si féline, fit le tour du lit et finalement vint se placer à son coté. Pourquoi la troublait-elle tant? Était-ce cette confiance en elle? Qu'elle ne corresponde en rien à ce qu'elle aurait attendu de l'avatar d'Uriz? Mais d'ailleurs qu'aurait-elle attendu? L'image de sa mère s'imposa un instant, provoquant une irruption de colère que les paroles de Krish chassèrent aussitôt.

- Ne te force pas, je passe juste rendre hommage à ton succès. " La drow écarta une mèche de ses cheveux, sans que Shyn'tae ne l'arrête. La magicienne l'admirait.
- Je ne me force pas. Au contraire. murmura-t-elle.

" Tu as été éblouissante dans l'arène. La façon dont tu as refuser de te rendre, quoi qu'il arrive... Tu étais grandiose. On dirait que tu as trouvé un moyen imparable pour que je connaisse ton nom en entier finalement... " Shyn'tae rougit de plus belle. Ses oreilles s'abaissèrent subtilement, mais une lueur de malice éclairait en même temps ses yeux couleur rubis.

- Merci…  Ce n'était pas pour ca, mais… C'est une très belle conséquence…" Son sourire grandit. Pour tout dire, si quiconque lui avait dit qu'elle gagnerait ce.. non ces tournois quelques énnéades auparavant, elle aurait rit. N'importe qui aurait rit. Ceux qui avaient parié sur elle avait du empoché une très jolie plus value. La drow se fit plus pensive.

- Je voulais juste montrer… non, chercher de quoi j'étais capable…" Cela ressemblait un peu trop à une excuse. Elle n'avait jamais recherché la victoire. Grandiose? Elle ne savait pas, mis à part Viconia peut-être, personne n'avait jamais associé cet adjectif à sa personne.  "Je m'en serais voulue de m'arrêter alors que je pouvais encore continuer. Et puis… " Il y eut une pause, parce qu'elle n'était pas certaine de ce qu'elle avait en tête. Peut-être aurait-elle mieux fait de se taire, on d'en parler à Na'ri. Mais ce n'était pas Na'ri qu'elle avait face à elle. "Je crois aussi que je n'ai pas pensé à arrêter. Le plus important… C'était seulement de vivre."

Prise d'une impulsion soudaine, elle tenta de se redresser un peu plus pour poser ses lèvres sur celle du feu d'Uriz. Comme lors de cette soirée. N'était-ce pas il y avait à peine une année?

Voyant le mouvement que faisait la blessé, Krish ne s'approcha pas pour autant. Elle attendit, sans se baisser, que la jeune femme bande une fois de plus sa volonté pour arriver jusqu'à elle. Elle arriva à peine à effleurer les lèvres de la Triumvir avant de retomber sur ses oreillers, lestée par son bras blessé. Il restait visiblement inerte à son côté. La dame en robe blanche y lança un regard subreptice mais ne fit aucun commentaire à ce sujet. L'important n'était pas là.

Ce qu'elle entendait était encore plus plaisant que ce qu'elle voyait et que ce qu'elle avait vu, dans l'arène ou sur la piste de danse. Elle se pencha vers le visage contusionné, ses yeux brillant d'une curiosité respectueuse.

- Ne t'arrête jamais. Tu as déjà tout compris. " souffla-t-elle tout bas avant de sceller leurs lèvres du baiser langoureux que la championne avait eu la force de réclamer du geste sans aller jusqu'au bout.

Incapable de s'arrêter. Survivre. Avancer. Tomber. Se relever. Vivre. Un peu plus fort. Plus pleinement. Plus violemment. Elle avait compris le principal. L'important n'était pas le nombre de batailles perdues ou d'ennemis défait. L'important était de continuer à affronter les choses qui allaient et venaient sans jamais rien lâcher. La résilience. Le courage. L'affrontement qui permet de polir les adversaire jusqu'à la meilleur version d'eux mêmes. La base des enseignements d'Uriz.

Shyn'tae avait tout dit. Peut-être ne s'en souviendrait-elle pas tout à fait, mais c'était en elle. C'était ainsi que sa flamme brûlait.

S'éloignant des lèvres de la championne, Krish fila jusqu'à son oreille effilée.

- Il est satisfait. " murmura-t-elle, son nez heurtant la pointe au passage. " Continue. J'ai hâte de voir si tu trouveras un jour des limites... Mais j'en doute. " ricana son sourire carnassier avant qu'elle ne tente de se remettre debout.

Elle s'était tendue pour chercher ce baiser... Mais la flamme d'Uriz n'avait rien fait pour l'y aider. Certains en auraient peut être été déçus, mais Shyn'tae n'avait trouvé cela que plus attirant. La daedhelle s'était peu à peu plus redressée, ses yeux plongés dans ceux de la triumvir, son visage trahissant l'effort. Comment pouvait-elle être aussi faible et vulnérable? Ses lèvres frôlèrent celles de Krish, son corps tremblant sous l'effort. Puis elle retomba, reprenant son souffle, frustrée et électrisée en même temps.

La drow vêtue de blanc ne la fit pourtant pas attendre, et, l'instant d'après, elle étaient unis dans un baiser langoureux auquel la jeune daedhelle s'abandonna toute entière, le cœur battant. Elle avait déjà tout compris? Ses angoisses, ses colères refirent surface en un maelstrom d'émotions qu'elle canalisa en ne mettant que plus de fougue dans l'étreinte.

L'avatar d'Uriz lui disait qu'elle avait tout compris. Alors même que le résultat de tous ces efforts ne parvenait qu'à susciter en elle que de l'incrédulité. Que pour elle, seul le chemin avait eu de l'importance. Seul le chemin l'avait fait vivre. Et à quel prix? Qu'avait-elle perdu dans l'affaire? Au fond d'elle, la petite voix de la raison s'interrogea sur ce que les drows avaient perdu collectivement à l'issue de chaque épreuve qu'ils s'étaient imposés. Cette épreuve là, c'était elle aussi qui était allée la chercher, et personne d'autre. Inculquer les bases de la magie à des apprentis parfois inepte semblait appartenir à une vie lointaine, qui n'était plus la sienne.

Leurs lèvres se séparèrent finalement, laissant la magicienne étourdie, ses yeux pétillants d'un désir que son corps aurait bien du mal à assouvir.

- Il est satisfait... Continue. J'ai hâte de voir si tu trouveras un jour des limites... Mais j'en doute. " L'oreille frémit vivement, le contact autant que le ton de Krish faisant naître un soupir plaisant à l'oreille sur les lèvres de la demoiselle alitée. Il était satisfait? d'elle? Voilà quelque chose qu'elle n'aurait jamais imaginé entendre, et son trouble fut évident. Elle aurait voulu croire qu'il y avait erreur. Mais... cela aurait été se mentir à elle-même. Car malgré la douleur et la fatigue, tout faisait bien trop sens à cet instant. Oui, c'était la base des enseignements d'Uriz, et elle n'aurait jamais pu agir autrement.

La jeune daedhelle la retint un peu plus longtemps, ses doigts effleurèrent doucement la peau d'ébène du visage penché sur elle, et remonter sur l'oreille pointue.

- D'accord. Je ne comptais pas arrêter de courir! Trop peur de m'ennuyer.... Ou de tomber. La dernière réflexion était venue toute seule, et elle pensa à Na'ri. Son humeur oscillait bien trop rapidement et elle avait bien trop de questions, malheureusement, une forte migraine suivie d'un vertige la poussa à retirer sa main griffée par le sable. Elle attendit avec agacement que cela se calme avant de continuer. "M'autoriserez-vous à en apprendre plus sur vous? Je veux bien m'offrir en échange." La remarque avait été faite sur le ton et avec le sourire angélique de la plus charmante des fausses innocences.

Krish ne put cacher le frisson que provoqua le touché de Shyn'tae sur son oreille. Chacun avait ses points faibles, certains étaient plus exposés que d'autres. Son sourire redoubla, plus joueur pour absorber l'émoi de l'innocente caresse.

- Tu tomberas. L'important est de toujours se relever. " rit-elle de bon cœur face aux paroles sincères de la jeune femme. Elle ne s'éloigna pas, respectant la demande de cette main qui dû se résoudre à la lâcher malgré tout. Vraiment, cette femme valait la peine d'être connue et écouté. Cette journée pouvait réellement être festive et le fait qu'une eldéenne ait gagné le tournois de Thaar n'y était pas pour grand chose. Son minois angélique aiguisa l'air matois de la visiteuse.

- J'accepte le cadeau avec Grand plaisir. " ronronna-t-elle, féline et amusée comme un chat avec une nouvelle pelote de laine. " Mais quitte à apprendre des choses sur mon compte, tu ne voudrais pas être sûre de t'en souvenir plus de quelques heures ? Les commotions n'ont pas la bienséance de laisser ce genre de luxe... " Et elle avait horreur de se répéter.
- oh.. je pensais exactement la même chose. Je crois que j'ai un peu cassé votre cadeau, vous ne pourriez peut-être pas en profiter comme il faudrait. Ce serait dommage.. non?" La noirelfe arborait la mine contrite de l'enfant qu'on réprimande, bien qu'il suffisait de jeter un oeil à son regard de chat pour l'interpréter pour ce qu'elle était en réalité: Une malicieuse provocation.
- Tu devrais t'en faire moins pour moi et plus pour le cadeau. Je n'aurais aucun mal à en profiter... " avait-elle déjà su résister à une provocation de ce type ? Pas sûr... Ou alors c'était il y a très très longtemps. Alors qu'elle avait réussit à se redresser un peu, elle revint partager le même souffle que la blessée. Vrillant son regard dans le sien, elle flirtait avec ses lèvres sans les toucher. " Mais il a trop de risque qu'il n'en reste que des éclats éparpillés. " Serait-ce vraiment un problème ? A jouer avec le Feu, on se brûle, après tout. Elle devait le savoir... Bon... Ce sera un peu dommage, c'est vrai. Elle n'était pas là pour ça. Son sourire insolent s'éloigna de nouveau. " Tant qu'à m'offrir quelque chose, tu pourrais au moins faire en sorte qu'il dure un peu. " finit-elle avec une moue des plus outrancière en se redressant tout à fait.

Quelques éclats de rire ponctuèrent sa retraite, mais elle ne s'éloigna pas du bord du lit. A la place, elle commença a défaire méthodiquement les chainettes et les fermoirs d'argent qui enlaçaient son poignet droit. N'ayant qu'une main pour défaire les entrelacs, elle procédait pourtant avec une facilité qui suggérait une grande habitude. En un rien de temps, le bracelet rigide lié aux dentelles d'argent qui couvraient les doigts de la Princesse pour se terminer en griffes glissa sur la peau de jais.

Lançant un regard mutin à la championne, elle posa ce bijou si caractéristique sur les draps qui couvraient la jeune femme, près de sa hanche.

- Comme ça tu seras obligé de venir me les rendre... ou tu les porteras, à toi de voir. " Elle s'écarta d'un pas et son expression se fit plus franche, plus rayonnante. " Et gloire à notre championne ! Meilleure guerrière des confins du Puy à la pointe de la Péninsule ! " hilare, parfaitement consciente de l'énormité de la chose, elle salua théâtralement avant de s'esquiver par la porte.

Le Senger n’avait pas assisté à la finale, il n’avait pas voulu et l’absence de son armure écarlate dans les gradins réservés à la délégation puysarde avait sûrement été remarqué mais il s’en moquait. De toute façon il avait d’autres choses à faire, des choses plus importantes que regarder une parodie de combat. Combattre était une affaire privée, quelque chose qui ne devait pas être livré pour l’amusement d’un publique qui n’avait rien à faire dans le combat en question. Ce qui l’énervait particulièrement ce moment ce n’était pas vraiment que le combat dans l’arène avait lieu ou même que sa fille y participe mais c’était qu’il n’y avait personne de suffisament puissant pour lui servir de partenaire d’entraînement ; tous les prêtres d’Uriz dignes de ce nom de la ville assistaient au combat. Alors il déambulait dans les rues plus ou moins désertes jusqu’à ce qu’une pierre rebondisse contre son plastron. A sa gauche un humain se baissait pour en ramasser une autre tout en crachant dans un dialecte plus ou moins incompréhensible qu’il n’aimait pas les étrangers et que les noireaux feraient mieux de se casser de sa Thaar adorée. Kerath ne savait pas vraiment quelle quantité d’alcool ou de drogue cet homme avait consommé mais il devait arriver à des quantités astronomiques. En tout cas c’était la seule explication sinon comme expliquer que ce qui ressemblait à un marin avec sa peau de mouton sur le dos et un hachoir rouillé dans la main tente de tenir tête du haut de son mètre soixante-dix et ses soixantes kilos au mastodonte en armure lourde armé d’Elrie ? Peut-être qu’avec Murrpau il n’aurait rien fait mais bon le félin à pointe était mal vu dans les rues alors il l’avait laissé et maintenant il se rendait compte de son erreur car même si Kerath cherchait quelqu’un avec qui se battre… et bien justement il cherchait un combat et pas une perte de temps. Sous son heaume les yeux brûlant de haine se tournèrent vers l’inconscient puis le général détourna le regard et continua son chemin, l’humain n’en valait pas la peine et quelques secondes plus tard le Senger entendit des voix, il se retourna à nouveau pour voir l’homme se faire enmenner, sûrement par ses amis, ces derniers l’injuriant copieusement.

Kerath voulut reprendre sa route mais il ne fit pas un pas de plus. S’il n’était pas tout seul alors peut-être que la distraction vaudrait la perte d’une minute ou deux. Peut-être… un sourire carnassier passa sur ses lèvres alors qu’il s’avança vers la ruelle, le groupe d’humains se trouvait au bout, un gars un peu plus grand que les autres et surtout avec un coutelas levé vers le visage de ce que Kerath avait pensé être son camarade ; il avait visiblement mal jugé la situation mais en tout cas Peau de Mouton très vite déssoulé. Un pas lourdement appuyé suffit à faire tourner des têtes alors que le général réaffirmait sa prise sur son arme avant de charger la dizaine de mètres qui le séparait de ses nouvelles cibles. En quelques enjambés il fut sur les humains, un coup de marteau broya les côtes d’un et l’envoya contre un second qui ne bougea plus après avoir être projeté contre le mur sous l’impact. Le troisième homme sur le côté reçut un coup d’épaule du mastodonte le plaquant contre le mur pour le neutraliser, au cas où il avait survécut au coup, sait-on jamais. Ainsi Kerath n’eut qu’à se retourner via un magnifique mouvement du bassin pour arracher la tête du dernier d’un coup net et l’envoyer voler au loin et il lui sembla entendre quelqu’un crier « delmah z’haan ! » au loin mais peut-être était-ce son imagination.

Adossé contre le mur celui qu’il avait sauvé se laissa tomber sur le sol, regardant sa peau de mouton maculée de sang de ses agresseurs il n’osa rien dire et de toute façon Kerath n’attendit pas, il retourna d’où il était venu.

Il continua à rôder dans les rues, désoeuvré au point d’attendre la moindre provocation mais personne n’avait envie de se battre car la finale venait de se terminer et tous célébraient la victoire d’une drow, il y avait peu de gens capable de prononcer le nom de Shyn’tae, que ce soit à cause de l’alcool ou parce que tout le monde n’avait pas l’habitude de prononcer des noms drows, mais il n’en avait pas besoin. Il termina son verre, prit son marteau qu’il avait nettoyé sur en rentrant dans la taverne douteuse et il alla vers l’arène. Maintenant était un moment comme un autre pour parler enfin à sa fille de façon sérieuse. Il n’eut pas à demander à beaucoup de monde pour savoir où se trouvait la nouvelle championne par contre il avait dû utiliser de sa carrure pour se frayer un chemin, il ne frappa pas à la porte et il ne demanda pas s’il pouvait entrer, il se contenta d’agir, son heaume sous le bras. Il lança un regard à sa fille et la lueur du jaune cerclant ses yeux se ternit quelque peu, la rage refluant pour laisser place à la déception, son état repoussant toujours plus loin sa colère.

« J’espère qu’au moins ça valait le coup. »

La flamme d'Uriz l'avait laissée autant séduite qu'interdite. Les pensées se bousculèrent dans sa petite tête en trop mauvais état, et la fatigue la saisit malgré elle, accompagnée du vertige que la discussion était parvenue à faire oublier. La douleur revint. Trop de risque qu'il en reste des morceaux éparpillés… Oui.. Ce n'était pas un très beau cadeau en l'état. Déjà brisé. Mais… Le rire de la triumvir fit bruler plus fort une étincelle qui était trop vacillante. Bien sûr qu'elle reviendrait. Et elle serait tout à fait en mesure de lui offrir un cadeau à sa mesure.

- Comme ça tu seras obligé de venir me les rendre... ou tu les porteras, à toi de voir. " Non.. Elle ne venait pas de lui prêter? Offrir? La daedhelle était incapable de se décider sur le terme à adopter… Elle nota confusément que le bijoux était destiné à la main droite, alors que ses pensées lui échappaient malgré tous les efforts de sa volonté pour ne pas succomber au sommeil. Le sourire franc, rayonnant de la première flamme se marqua sur sa rétine, tout comme son salue théatral " Et gloire à notre championne ! Meilleure guerrière des confins du Puy à la pointe de la Péninsule ! " Elle voulut rire, le regard brillant. C'était ridicule… Et… enthousiasmant. Elle reviendrait. Elle le devait. Et le néant l'accueillit.

***

Agacement. La drow était concentrée, assise sur sa couche, le regard sur son membre immobile. Elle s'était réveillée un peu plus tôt, avant d'alterner malgré elle, inexorablement, entre des phases de désespoir et de colère. Puis elle s'était reprise. Tout comme le Puy, ce n'était pas en se lamentant qu'elle était arrivée là où elle en était aujourd'hui. Et ce n'était pas en se lamentant qu'elle parviendrait à se sortir de ce trou, ou de ce sommet, puisqu'elle avait l'impression que c'était les deux à la fois. Le feu d'Uriz était passée, sans nul doute, puisque ses griffes emblématiques reposaient maintenant à ses cotés. La sombre se souvenait de son sourire rayonnant, lequel réchauffait son cœur. Mais c'était bien tout, ce qui s'avérait agaçant, excitant, honteux, décevant et fascinant à la fois.  

Alors, pour s'occuper, les griffes posées au coté d'Eveil sur le drap, elle tentait de serrer la main. Ou de faire bouger quelque chose. N'importe quoi conviendrait. La main droite serrée, les oreilles tendues, la drow était concentrée.

« J’espère qu’au moins ça valait le coup. »

Elle se retourna soudainement, ses pupilles dilatées, pour découvrir le drow qui était entré sans être invité. La drow le connaissait bien, même si elle ne se souvenait pas lui avoir déjà parlé en personne. La voix de sa mère s'insinua depuis les tréfonds de sa mémoire. "Celle-là, on n'en fera rien." Une colère sourde grimpa depuis son ventre devant la critique implicite. Les deux rubis s'éveillèrent, ardents.

Comment ca, cela valait-il le coup? Shyn'tae n'était pas certaine d'avoir de réponse à cette question. Par contre, une autre question surgit si vite qu'elle ne put que la prononcer.

- Heureuse d'avoir finalement réussi à attirer votre attention. J'espère qu'au moins toutes ces victoires au fil des siècles valaient le coup des sacrifices accomplis. Parce qu'on est toujours au Puy, Père." Retorqua-t-elle froidement.

Un sourire carnassier passa sur les lèvres de Kerath en entendant la remarque cinglante.

"Oui, tu as finalement attiré mon attention même si j’aurai préféré que ce soit parce que tu es autre chose qu’une déception sur pattes, ça changerait un peu. Cela dit, oui nous sommes toujours au Puy et contrairement à toi ça va changer sous peu mais j’admets que tes mots sont courageux pour quelqu’un qui n’a aucune idée de ce qu’est un sacrifice."

"- Oh, je ne veux pas me lancer dans un concours de sacrifices avec toi, rassure-toi." elle frôle la poignet de son épée sur la couche à coté d'elle. "Tu ne comprends rien. Pourquoi faut-il que le monde tourne autour de toi? Comme mère il suffit que je fasse ce que tu n'as pas décidé pour te décevoir!"

"Tu reconnais une bataille perdue d'avance? Tu apprends enfin." Kerath posa la tête de son marteau sur le sol et son casque sur une table proche. Il regardait sa fille avec insistance, la mettant au défi de se servir de son arme. "Le monde se mettra à tourner autour de toi lorsque tes mots ne seront plus vides ou vains mais je t'en prie, éclaire moi, expliques moi en quoi gâcher ton potentiel pourrait faire autre chose que nous décevoir?"

la drow en reste quelques instants interloquée, et serre la poignet de l'arme. Le monde tourner autour de moi? Tu crois que c'est mon but? rit Tu me rends tellement jalouse. l'ironie suinte, et elle continue, froide comme la glace Du potentiel? C'est la première fois que j'entends ca. C'est parce que je réussis ce que je décide moi d'accomplir que tu reconnais que j'en ai?" elle s'incline. "Flattée. En fait. Je m'en fiche royalement de te décevoir. Ca me fait même plaisir. Oh, je suis sûre que Mamba est prête à proposer une fortune pour que je reste ici. Qu'en penses-tu?"

"Évidemment que tu as du potentiel. Avec tes trois cents ans tu n'as fait... qu'as-tu fait exactement ? Qu'as-tu fais avant le vol de ta victoire ? Et que comptes tu faire ensuite ? Vas tu continuer à danser pour des humains?" Il mit dans l'emphase tout le mépris dont il était capable, c'est à dire beaucoup. " Vas-tu tourner le dos aux dieux et rester ici pour... Une fortune ? Le sentiment passagé d'être admiré ? C'est la ton prix ?" Le regard de Kerath était passé de déçu à amusé sous les répliques de sa fille mais à la fin de sa rafale de question il avait encore changé. "Tu ne me déçois pas, tu me dégoutes."

"Et toi tu ne vois les choses que par le petit bout de ta lorgnette. Tu méprises ceux qui ne te ressemble pas. Tu luttes pour que le monde soit celui que tu veux. Mais il ne le sera jamais. Alors tu n'es que colère. Qu'ai-je fais en 300 ans? J'ai travaillé! Toute seule. Je suis devenue une magicienne respectée. Une professeur de l'étude noire. J'ai convaincu des vieux croutons aussi cons que toi que j'étais digne de leur confiance. Je lis et j'écris des langues de peuples que tu ne connais que pour avoir versé leur sang. Je sais comment est fabriquée l'armure que tu portes et je peux t'étouffer avec si l'envie m'en prends comme je peux t'écraser sous ton propre marteau. Mais le plus important: Je trace ma route. La mienne. Et non, je ne compte pas accepter les propositions des Vaani. Que tu ais cru ca possible, c'est ce qui me dégoute le plus. A peine plus que tu ne crois que j'ai fait tout ca pour des humains."

"Tu peux me tuer et alors? Je peux dire la même chose pour toi. Tu lis et écris des langues de peuples que je massacre et qu'en as-tu retiré, qu'est-ce que ça t'as apporté à part... ça?" D'un geste du menton il montre son bras blessé. "Tu devrais surtout te demander pourquoi est-ce que je peux croire ça possible et tu es d'une naïveté ou d'une stupidité sans nom si tu penses avoir convaincu qui que ce soit que tu es digne de confiance. Ces vieux croutons comme tu les appelles ne sont pas devenus vieux en faisant confiance à quiconque et surtout pas à une gamine. Et en trois cents ans tu n'as gagné la confiance de personne, personne d'important en tout cas. Laisses moi donc te dire ce que tu as fait en trois siècles : rien. Et le pire c'est que tu sais pourquoi et en plus tu en es fière: tu travailles seule."

Elle se redresse un peu plus, penchée vers lui "Puisque manifestement tu es obtu, je vais préciser. On m'a fait confiance pour former des mages qui rejoindraient plus tard le C'nros ou le culte du Prime dragon. Mais j'imagine que cela ne compte pas... Tout autant que l'artisanat necessaires à la réussite de l'Elda ne trouve pas grâce à tes yeux. Qu'aurais tu dis si j'étais devenue forgeronne? J'en ai fait un peu, ma magie s'y prête bien. Mais je n'ai pas eu le temps d'y consacrer le temps que cette discipline mérite. Elle dégaina l'épée pour en montrer la lame aussi réfléchissante qu'un miroir, tremblant de rage. On reconnaissait l'épée que sa mère lui avait offert il y a si longtemps, mais on l'avait polie, simplifiée, aiguisée pour être réduite à l'essentiel avec une perfection qu'aucun outil n'aurait pu accomplir Vous avez tenté de décider pour moi. Je me suis battue, je n'ai jamais arrêté de me battre, et je ne m'arrêterai jamais. Même si c'est inutile"

"Tu n'as pas besoin de confirmer ce que je pense déjà tu sais? Non ça ne compte pas, si mon temps dans l'armée m'a appris une chose c'est que les meilleurs font là où les pires enseignent. J'aurai préféré que tu devienne forgeronne, au moins tu aurais pu accomplir quelque chose mais même ça tu n'en as pas été capable. Tu peux me montrer tes jouets tant que tu veux ça ne m'intéresse pas, montres nous plutôt que tu n'es plus une enfant et nous arrêterons de te traiter comme tel."

"- Si vieux, et tu n'as toujours rien compris. Et toi, qu'est ce que ca t'a apporté, à part ca? D'un geste de la lame, elle montre son visage déformé. "D'ailleurs, comment est-ce arrivé?"

"Ça, comme tu dis, m'a apporté bien des choses." Ça main se porte à son cou pour récupérer l'anneau qu'il portait en collier, montrant l'émeraude qui trônait dessus quelques instants avant de le laisser retomber sous son plastron. "Je l'ai mérité en massacrant ces peuples que tu adores tant mais qui ne sont pas assez forts pour recevoir l'attention d'Uriz, seulement celle de Zhak'Bar ou Kiel pour les pires."

"- Félicitation. Heureuse que ta persistance ait finit par flatter ton égo boursouflé. Ca fait combien déjà? plus de 600 ans? Tu pourrais le porter au doigt tu sais. C'est fait pour ca un anneau. Mais ce n'était pas le vrai sens de ma question. Qu'est ce que tu penses toi, que ca a apporté à des choses qui comptent vraiment?"

Il souffla du nez à la remarque. "Mon égo n'est pas aussi boursouflé que le tien visiblement. Non je ne vais pas le porter au doigt, hors de question que je le fasse modifier, même si j'avais une fille qui en était capable mais je ne m'attends pas à ce que tu comprennes. Cet anneau, et ces cicatrices, m'ont apporté  la force nécessaire pour réussir là où les autres ont échoués. Cet anneau me permet de servir le Puy et les dieux en mettant à leurs services mes compétences pour réaliser l'Eda Vengeur. Et ça m'a aidé à dresser une des créatures les plus dangereuses que l'on puisse trouver."

"- tu brules de me raconter, fais-donc."

"Un jour peut-être, quand tu t'en sera montré digne."

"Si tu n'as que des conneries comme ca à me sortir, tu peux t'en aller. Et ton anneau est un outil, pas une breloque qu'on agite au bout d'un fil. Tu ferais plus honneur à tes prédécesseurs en le portant de la manière qu'ils ont prévu. L'objet est sans importance. Il peut être perdu, on pourrait remplacer la pierre, le métal, le reforger, ce sera toujours l'anneau de l'Obok, Sagar."

"Encore une fois tu te trompes mais tu dois avoir l'habitude depuis le temps. C'est un symbole porté depuis des cycles par les Obok du Second Ost et tu es particulièrement stupide si tu penses vraiment qu'il est allé au doigt de tous. Pourtant regardes le, ne t'inquiète pas il n'y a pas besoin d'être forgeron pour voir qu'il est antique, il n'a pas été touché depuis des cycles si ce n'est depuis sa création. Personne n'y a touché justement parce que c'est un symbole. Peut-être que d'autres le portaient comme moi, peut-être que certains l'ont mit sur leurs armes, peut-être que d'autres ne l'ont même jamais porté, le laissant dans son écrin. Donc non cet anneau n'est pas fait pour être porté au doigt mais comme je te l'ai dit: je ne m'attends pas à ce que tu comprennes. Mais de toute façon ça n'a pas beaucoup d'importance pour toi. Tu as appris mon prénom, ta mère je suppose?"

"- Oui." elle haussa les épaules, sa main reposait sur ses jambes. La lueur des bougies se reflétait sur la lame qu'elle tenait toujours trop fermement. Elle état rayé en maints endroits, nota-t-elle. Rien de surprenant, il faudrait réparer. " - Pourquoi es-tu venu?"

"Il était temps que je te parle. Je voulais savoir si tu comptais continuer à gâcher ton potentiel comme tu le fais si bien. Si jamais tu comptes faire quelque chose de ta vie fais moi signe."

"- Après plus de deux siècles. Pas mal. Tu découvriras ce que je compte faire bien assez tôt.

"C'est après plus de deux siècles que tu as touché le fond, il fallait bien que apparaisse avant que tu ne te mettes à creuser."

Sur ces derniers mots Kerath reprit son casque sous son bras, souleva son marteau et repartit, il avait passé suffisamment de temps comme ça à Thaar et il ne voulait y retourner qu'à la tête de son armée, si la délégation ne partait pas sous peu il prendrait de l'avance.

Malgré tout ce que je pensais d’Hanegard maintenant, j’allais suivre un de ses conseils, un qui n’était pas mauvais, même si je ne pouvais l’admettre à quiconque. Du moins, une partie de ses conseils, je ne m’abaisserais pas à aller voir le premier tombé lors de ce combat, la vainqueure suffirait. Et puis, au moins je la connaissais, je n’avais vraiment pas l’intention d’aller rencontrer une nouvelle gigantesque brute drow…

Parce que j’avais un pas assuré et altier, parce qu’on me reconnaissait ou parce qu’on laissait tout le monde se déplacer facilement maintenant que les jeux étaient terminés. Quelle qu’en soit la raison on me laissa me déplacer facilement et on ne m’arrêta pas à la porte de l’eldéenne alors que je la poussai discrètement. Je fus surprise de la voir inconsciente alors qu’Hanegard avait semblé si vif mais cela me rassura un peu en réalité. Une Shyn’tae éveillée – puisque tel semblait être son véritable nom – n’aurait probablement pas pu s’empêcher de remuer le couteau dans la plaie béante qu’elle m’avait laissée et aurait beaucoup trop profité du moment. Là, elle était vulnérable, et cette vulnérabilité me protègerait certainement des mauvaises pensées qui pouvaient m’atteindre, ironiquement.

Quelques paires d’yeux dans la pièce me surveillaient, mais je ne faisais aucun secret de mon intention et me rapprochai du corps assoupi un sourire aux lèvres. Le sourire devint plus hésitant alors que je remarquai les griffes de Krish posées là. Un peu de jalousie vint rejoindre un questionnement qui se formulait peu à peu dans mon esprit, comment faisait-elle pour être partout comme elle l’était ? Mais une pointe d’admiration aussi, alors que je pouvais rapidement venir à la conclusion que les trois finalistes avaient vraisemblablement quelque chose à faire avec elle, et qu’elle avait placé ses pions partout, s’assurant une victoire quelle que soit l’issue du tournoi. Une approche moins idéaliste, qui reposait plus sur de la logique que sur de la loyauté, mais finalement la bonne.

Je détournai non sans peine mon attention de Krish Al’Serat avant de la reporter sur mon amante de cette fameuse soirée. Son corps était plus abîmé que celui auquel j’avais fait face, sans aucune surprise, et plus tôt dans la journée je n’aurais certainement pas été émue de le voir plus froid qu’il ne l’était. Au lieu d’y remédier, je me penchai au dessus d’elle et déposai un petit baiser sur son front. Ni elle ni personne autour de moi ne réagit, et ça ne fit que m’inciter à aller un tout petit peu plus loin. Je n’avais aucun cadeau à lui faire, aussi imitais-je ce que Krish aurait pu faire pour marquer sa présence, ce qu’elle avait fait pour sceller une promesse. Me penchant un peu plus loin sur Shyn’tae, titillée par sa respiration chaude, trouvant une zone vierge de toute blessure ou bandage, une zone juste au dessus de son sein droit, je la marquai d’un suçon qu’elle pourrait voir rien qu’en abaissant la tête et les yeux.

Je me redressai, fière de mon idée, un sourire renouvelé m’étirant la bouche. Je m’adressai au premier qui plongea son regard dans le mien d’une voix un peu détachée. « Dites-lui si elle se réveille qu’Aerianna Hiisi est passée la voir et qu’elle lui a laissé un cadeau. » Et comme ça, sans m’attarder, je disparus de la pièce.