Au marché, tu peux tout trouver, des savates et du savon... [Dante]

Frontière est plus près que le camp Nord. De plus, un homme seul va plus vite… Surtout s'il connait le terrain. L'assassin a fort à faire avant de disparaitre dans la nature. Il maintient une allure soutenue, puisant dans ses pérégrinations un réconfort certain. Il sait où il va, il a un but. Il demande de l'effort physique, mettant son endurance et son opiniâtreté à l'épreuve, c'est comme une chasse, mais à l'envers.

Il péterait bien des gueules, mais il voit plus loin, l'escalade, les représailles. Sa Ténébreuse…. L'absence de ses fidèles dagues à ses hanches lui est plus douloureuse qu'une torture. Elles ne l'ont jamais quitté. Etre seul en cause, il irait les chercher… Il faut être raisonnable cependant. Survivre.

Et sa vie coûte quatre dagues, trois superbes et fidèles compagnes, une compagne brisée mais tout aussi fidèle.

Il ne rebrousse pas chemin, puisant dans sa volonté pour ne pas aller les chercher. Il a un pari à tenir. Rester en vie peu importe ce que ca lui coûte. Et un nom reste un nom. Personne n'a jamais vu l'Ombre à Frontière. Il n'y a qu'un borgne grincheux répondant au nom de X'Andarin. Progressant d'ombre en ombre, il continue sa progression, dosant ses efforts pour arriver au bout de son marathon improvisé.

Il doit aviser Cécilie en premier lieu, pour qu'elle ne s'inquiète pas de un, et qu'elle fasse attention à sa pomme de deux. Ils ont leur lieu pour se laisser des messages. Ensuite, il doit avertir les autres mercenaires. Les drows payent bien, mais c'est de la foutaise pour les endormir.  Ils ne feront pas de cadeau. Ils camoufleront leur propre merde avec la peau des contractuels.

Au premières lueurs de l'aube, là où le ciel s'éclaircit pour se teinter de vert, l'assassin grimpe la fenêtre pour rejoindre la chambre qu'il partage avec sa Ténébreuse mais elle n'est pas là en ce moment. Entre deux planches disjointes, il lui laisse un message. Ensuite, il se prend une dague de secours. Droite, simple, mais elle devra faire l'affaire.

Note de Dante à Cécilie:

Avec dans l'idée de s'en piquer une autre dans le dortoir commun, L'Ombre se métamorphose. Rabaissant sa capuche et sa cagoule, il sort de sa sacoche de taille un bandeau pour couvrir son œil vert. Puis, il sort de sa chambre. Refermant le battant doucement, il relève les yeux..

Il la voit.

La drow de l'An 14… Il la reconnait tout de suite. Couturée de cicatrice, sa robe arborant le blason de cet infernal Ost. La prunelle visible de Dante, déjà teintée de miel, devient quasiment blanche… Elle n'a pas encore refermé sa putain de porte, lui oui… Il n'y a personne dans le couloir.

Un coup de pied violent acceuille la guérisseuse en plein milieu du plastron, la renvoyant dans son cagibi. Foncant sur ses pas, Dante referme la porte derrière eux. Il a le même regard que lors du duel avec Shyn'Tae… D'un geste sec, il défait sa lanière de cuir de sa tresse. Il en a l'utilité.

Zhak'Bar, en lui, rugit de contentement. Tant de chose à faire avec celle là.

Doucement, Dante sourit. Et ce doux sourire, dans ce visage, est incongru. Il repasse à l'attaque. Il ne s'est pas passé cinq secondes.
 

Elle se bat bien mais ils s’en foutent, la faire saigner n’est pas le but non plus. Il ne veut pas l’humilier non plus. Trois choses que Kerath voulait à tout prix et que l’humain veut montrer  qu’il ne désire pas pas. Il ne se rendra certainement pas par contre. Non, dominer pour que les possibilités puissent effleurer l'esprit de la drow, pour que son témoignage n'en soit que plus fort. Les Eldéens ne respectent pas les faibles.  

La maîtriser d’abord en faisant le minimum de dommages nécessaire , lui donner le message ensuite. Et a ces connards de décider de la suite. Qu’ils le chassent ou le laissent tranquille. D’un côté comme de l’autre, il est prêt à toute éventualité. Mais eux, le sont ils?

Dans un bruit de métal malmené, le broc tombe au sol.

Dante accompagne et termine son mouvement, utilisant le mur sur lequel il s’appuie de la main gauche, la droite reprenant contact avec la matelas pour le stabiliser et reprendre position debout de l'autre côté, en diagonale de la prêtresse vautrée sur le pieu. Le filin de cuir se déroule tandis qu’il fait mine de vouloir attaquer juste ce qu’il faut pour que la drow frappe des jambes. D’un mouvement leste il enroule sa lanière de cuir autour des mollets de son adversaire. Un tour de poignet expert et l’entrave devient garrot.

Na'ri, ses cuisses bloquées par le lacet, se redresse vivement et s'agrippe à gorge de l'assaillant. Juste sous le menton. Pas pour étrangler, là où elle sait que la douleur est la plus forte et que la gêne perdurera. Il ne peut ni parler, ni déglutir.  La prêtresse ne cherche plus à savoir pourquoi. C'est la guerre. Le pourquoi n'est pas de son ressort. Il n'y a plus que des combattants. Des ennemis. Seulement, cet homme, elle le reconnait. Les yeux vairons, elle n'en a pas croisé très souvent. C'était il y a deux ans. C'était aux jeux.  

Je ne déferai pas tout de suite mon travail. Lâchez moi. Siffle t'elle entre ses dents serrées.

La mâchoire de Dante se carre tandis qu’une main aux longs doigts, impitoyable, s’abat sur le fin poignet de la drow. Sans retenue, l'humain appuie de toute ses forces sur le poing de pression adéquat, forçant Na’Ri à relâcher sa poigne sur le larynx, rendant la main de son adversaire inutilisable momentanément. La voix grave de Dante s’élève dans l’air confiné de la pièce simple murmure de puissance contrôlée malgré sa gorge malmenée.

Si j’avais voulu te tuer ça serait déjà fait…. Plus tu te bat pire ça sera.  

Violemment il pousse sur la main maîtrisée. Et pourtant la drow ne cesse de résister. Et pourtant malgré tous ses efforts, malgré sa grande expérience du combat, elle ne fait pas le poids face à éphémère, qui finit par la maitriser. Utilisant son lacet avec un art consommé pour la retourner comme du bétail, l'enfoncer dans la paillasse d'un genou pour finir de la ligoter comme un veau de rodéo. Sans brutalité excessive ni délicatesse. La drow se défend bien, très bien même….  

Ainsi Na’Ri se retrouve t’elle solidement ligotée, poignets et chevilles attachées dans le dos par une autre lanière plus longue et large. Signe de son professionnalisme, Dante ne coupe pas la circulation aux extrémités mais ne lui laisse pas de jeu pour se défaire de ses liens.  Alors seulement consent il a reprendre la parole. Dans un drow parfait, il lui dit. Calme, posé.

On va faire ca court…. Ta mieux à faire et moi aussi. Je veux que tu fasse passer un  message  

Le tissus du turban noir de la servante de Kiran pendait lamentablement sur la couche. Dans les multiples manipulations, il s'est défait, dévoilant ainsi les cheveux neigeux. Bien que la sombre ne dise rien, les oreilles effilées tressautent.  

Que voulait elle préparer avant la rencontre ? Des patiences. Tant pis pour Patience. Mais elle finit par prendre le partie de prendre son mal en patience. Le moustique voulait faire passer un message. Quelle étrange idée. Mais soit. Aujourd'hui, elle saurait être un réceptacle. Alors, elle ouvre grand les yeux et les oreilles après avoir fermé son coeur. Qu'il parle une bonne fois pour toute. Il y a un bruit de pas tandis que l’assassin change de place pour faire face à la drow. Les prunelles vairons se posent sans aucune émotions dans les yeux de la drow. Vert radioactif et couleur de terre riche. La voix grave de Dante reprend, calme et froide comme la Mort elle-même.  

Je veux que tu dise ce que je vais te dire devant Al'Serath et ton boss... Et tout ceux que tu veux.  

Ton Obok Senger m’a pas écouté, a promis de me faire son esclave avant la mission pour me traiter de traître après qu'il ait bien posé sa merde. Une flèche, la tête de la cible aurait tombé et la mission aurait pu être finie... Il m'a enlevé mes filles et frappé.  Attaqué ma réputation, m'a trainé comme un trophée, attaché... j'avais mieux à foutre que de l'attendre...  

Dante a un moment de pause, fixant intensément Na'Ri, la tête légèrement penchée sur le côté, ses mèches noires, relâchées, lui balayant le front et la pommette blessée, accentuant le côté sauvage de ses traits.  Une lueur inhumaine danse dans les prunelles atypiques, mais aucune lueur homicide. Une vilaine couleur violacée commence à poindre son nez sur la pommette gauche, donnant à son visage abîmé une tout autre allure.  

J'aurais pu te tuer, t'estropier, t'humilier, te faire saigner pour me venger,  pour attaquer la réputation, affaiblir ton Ost. Je veux qu'ils sachent qu'il ne tient maintenant  qu'à eux que je devienne le traître qu'ils veulent faire de moi.

Oui.

S'il avait été possible la voix de Na'ri n'aurait pas charrié des glaçons mais des icebergs.  Oui elle avait compris. Oh pas tout, mais le principal. Que cet homme avait eu affaire avec Kerath et que quelque chose avait mal tourné.
Que c'était il passé pour ce moustique ? C'était hier qu'il foulait le sable des arènes de Thaar et qu'il avait fini par mettre sa vie en jeu. Hier, il voulait à tout prix rejoindre sa compagne. Hier, ils s'aimaient au point de trop craindre pour l'autre.

Hier encore, je croyais que ta vie valait la peine d'être vécue. Hier, j'étais heureuse que tu puisses embrasser ton Irulan, plutôt que la Mort. C'était hier…
Aujourd'hui, je suis furieuse.
Furieuse d'avoir écouter Shyn'tae. Furieuse de t'avoir tant donné que je n'ai pu la secourir quand elle en avait vraiment BESOIN. Elle.  
Furieuse de voir ce que tu as fait de cette vie.
Furieuse que tu te sentes obliger en premier lieu d'user de tes poings au lieu des mots. Ces mots, la sombres avait tellement envie de les lui envoyer au visage… Mais, cela n'était pas raisonnable. Pas dans cette position. Et elle avait une mission qu'elle comptait mener.

Alors elle ferma les paupières pour ne plus voir les prunelles non assorties de son vis-à-vis. Il tenta de lui donner à manger et à boire, mais elle refusait en bougeant du peu qu'elle pouvait son visage.
C'est alors qu'il récupéra toute les affaires de la sombre et, fort curieusement, avec un soin maniaque, les place proprement sur le bord du lit, à sa vue et à sa portée. Il y avait son livre de cuisine, des bandes, un assortiment de pots de toute taille dans un étui, un fusain. La lame et l'épée dans son fourreau fut quant à elles placées de telle sorte que la sombre ne puisse pas mettre la main dessus. Mais tout de même bien visibles. Il ne prit rien. Ni matériel, ni argent.
En guise d'aurevoir, il vérifia une nouvelle fois les liens et les réajusta pour s'assurer qu'ils ne soient pas douloureux sans compromettre le maintient. Puis il partit comme il était venu. En silence
Enfin.

Dans le verrou, la clef tourna.

C'est alors qu'une longue attente commença.
Elle en avait décidé ainsi : elle ne crierai pas, ne bougerai pas.

Patience.
Patiences. Des œufs, du sucre farine, de l'essence d'amande, de la farine, de l'huile pour la plaque.
Patience. Des cicatrices invisibles, Ryth'en, Sincère.
Patience. Mère des sagesses. La vengeance est meilleure quand elle est froide.

Elle sentit les rayons de l'âtre solaire tourner, les différentes odeurs de la rue et de cuisine.
Elle entendit les allées et venue des personnes dans la bâtisse.
Au final, elle apprécia quelque part son jour de congés forcé. Et c'est avec beaucoup d'humour qu'elle surprit les nouveaux occupants de la chambre.
Ils avaient prévu autre chose que de devoir délassé une drow. Drow qui avait presque hurlé quand ils avaient saisi son épée… et exigée que le lien soit intact.  Cela prit du temps, mais ils y arrivèrent. Puis elle partit avec un remerciement.

- Une chambre et une place à l'écurie pour une nuit et une journée.
- Refusé pour la chambre : comptez moi qu'une nuit. Il faut vraiment que vous régler vos problèmes de vermines… Je n'ai pas choisi de rester plus longtemps.

Après une longue négociation, à dos de chameau, la messagère gagna rapidement le camp sud.