Au marché tu peux tout trouver, des armes et du charme

suite de Au marché tu peux tout trouver, des savates et du savon

Frontière Thaarie, dans la ville nouvelle.
La 7ième ennéade de Verimios de l'an 16, 9 heures du matin

Frontière commence à s'éveiller. L'air du bidonville embaume les épices et le pains frais, la viande mise à mijoter et les autres trucs. Les vendeurs de diverses denrées sont installés, il est tôt, mais les mercenaires pullulent. Il y a toujours un truc à réparer, acheter, revendre. L'odeur du cuir tanné, animal, voisine celles, riches, des herbes diverses. Les cordonniers affilent leurs aiguilles, les rabouteux préparent leurs mixtures. Il y a des guérisseurs, certains charlatants, des bons herboristes que X'Andarin aime côtoyer pour affiner son art. Parce que les plantes… et plutôt leur effets néfastes sur les divers organismes, sont son petit péché mignon avec la mort et la douleur, évidemment. Le bruit des forgerons qui, après une préparation minutieuses, commencent à taper sur leur enclumes, entamant leur boulot du jour. Il est évident que les Osts ont raflés les meilleurs. Mais ceux qui restent ne sont pas mauvais, leur créations d'assez honnête facture. Les mauvais ne font pas longs feu à Frontière.

Il n'a pas le temps mais X'Andarin s'en approprie deux, avec la ceinture d'arme et les fourreaux qui vont avec. Grimaçant face à la qualité somme toute moyenne des outils, il paye néammoins le prix demandé. Il doit faire vite et n'a pas le temps réellement de marchander. La plus fine des deux lames trouve le chemin de sa botte tandis que l'autre va rejoindre sa dague de réserve, à sa hanche. Il ne peut s'empêcher de noter la différence de poids et d'équilibre que son nouvel attirail lui procure. Il n'a pas ce lien avec elles, elles ne sont pas SES filles. Si exceptionnelles et uniques. Elles ne lui ont pas sauvé la peau à de multiples reprises. Il les lancerait bien de toute ses forces, mais il a besoins d'elles pour le moment. Il ne sait pas dans quelles mains indélicates Révérence, Silencieuse et Berceuse  sont. il se doute bien que Sanglante doit être au fond d'un caniveau quelconque. Le butin incluant ses armes doivent avoir été séparé.

La vie est une garce vérolée.

L'Ombre aurait pu aller les chercher quand c'était le temps… C'était trop risqué de perdre le pari avec Irulan… Maintenant, elles peuvent être dans n'importe où. Et ca le fait chier, personne ne les traitera comme elles le méritent. Ses fidèles amies… Ce qui lui sert de coeur saigne abondamment de cette perte. Il se dit qu'avec un peu de chance, il les reverra…  C'est difficile cependant, il n'a qu'une envie, aller les rechercher même si c'est se foutre dans la gueule du loup. Les venger en versant le maximum de sang possible. Même s'il n'aura pas la même saveur sur d'autres aciers que celui de Ses Filles désormais perdues.

Grognant, sombre et taciturne, X'Andarin passe du côté des arcs, s'en achète un autre d'assez honnête facture lui aussi sans marchander, contrairement à son habitude. L'arme est usée, marquée, ayant manifestement fait ses preuves, probablement récupérée sur un cadavre. Il préfère les armes qui ont du vécu. Elles sont plus anonymes et ont fait leur preuves en quelque sorte. Ses achats faits, l'assassin retraverse rapidement le marché en passant par la périphérie, avec dans l'idée de se perdre en pleine nature avant que les drows ne décident de rappliquer pour éplucher Frontière à sa recherche.

Il ne se fait pas d'illusions, il est un humain et ils en ont rien à foutre des mortels. Ils vont vouloir faire un exemple… Le temps est compté en minutes et en secondes. Ils ne se contenteront sûrement pas de lui envoyer les bourrins de services s'ils décident de se mettre sur son cas. Au moins, la chasse en vaudra la peine.

X'Andarin s'arrête soudainement et s'appuie au mur, croisant les bras… Il n'a pas le temps, il le sait, mais il ne peut s'en empêcher, comme chaque fois qu'il La voit. Son air grognon s'adoucit un peu tandis qu'il l'admire en douce.  

Irulan est là. Superbe créature de Ténèbres et de Flammes… D'ivoire et d'encre… Soudainement, l'urgence de la voir, de la humer, de lui parler se fait plus que pressante, elle se fait impérieuse. Il y a un maelström d'émotions en lui qui déferle depuis la perte de ses filles, une soif de sang immense, amère… L'envie de faire mal, de tuer n'importe qui qui lui passerait à portée de main en cet instant précis…  Tempérée par cette vision enchanteresse qui lui donne du baume au coeur, cette glace qui peut terrasser n'importe qui si elle a envie. L'oeil marron, visible, est légèrement teinté de vert. X'Andarin ne sourit pas, personne n'a jamais vu cet individu sourire de toute façon. En apparence, il a l'air grincheux, mais en fait, il s'octroie une pause pour la fixer comme il se doit dans sa mémoire. X'Andarin ne sachant pas si ca sera la dernière avant une longue absence.

Depuis qu'il la connait, le mercenaire écoute les avis de sa compagne… Qui le pousse beaucoup, qui le tempère rarement. Il ose espérer que la réciproque est vraie. Libre, superbe et fière tueuse. La Raison dit qu'il faudrait être raisonnable et ne pas chercher le contact. Afin de la protéger elle majoritairement, lui un peu. Ils s'en serviraient pour le dominer lui sans doute. Son alter-Ego a un autre dessein par contre. Faisons fi de la plus élémentaire prudence!

Sans qu'il ne s'en rende compte, La Bête prend le contrôle du corp et s'avance vers sa belle… Un sourire mauvais se dessine sur la grande bouche, il perd un bon dix centimètres, sa posture devient coulante... Prenant son bandeau, il le change de côté, laissant son côté ravagé et son œil vert bien visible, surplombant sa joue d'un violet noir percutant, lui donnant une tout autre allure. Avec le changement de matériel, il est méconnaissable.

Silencieusement, La Bête traverse la foule et interrompt Irulan dans ce qu'elle fait, ce qui est contraire à Dante qui respecte toujours son espace vital. S'interposant droit devant la jeune femme avec une grossièreté sans nom,  l'oeil vert radioactif fixe la jeune femme droit dans les lacs de glace.  Sans un mot, La Bête se penche et, joue à joue, salue la Maitresse des Lamentations. Effleurant le doux épiderme de la  joue de la mage de son nez. Sur la joue de l'homme, l'hématome causé par le coup de poing de Kerath est en train de prendre une superbe teinte violette au niveau de la pommette. Ca n'empêche pas La Bête d'évaser les narines pour la humer profondément au passage d'une douce inspiration profonde. Sans un mot prononcée, La Bête plante Irulan là et  reprend sa progression, laissant la jeune femme et celui à qui elle parlait perplexes.

Avant de disparaitre dans les rues pour aller dans les bois où les poursuivants potentiels seront plus détectables, le mercenaire  se retourne brièvement et regarde la jeune femme d'un regard intense… Il vaut mieux ne pas s'éterniser ici. Qui sait quand ils arriveront.

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L'aube n'était qu'un mot. Un moment parmi d'autres que la jeune femme appréciait même plus que la tombée du jour. Plus calme. Plus poétique. Même le vent s’apaisait pour quelques instants. La lumière diffuse gommait les ombres et les profondeurs du paysage. Tout paraissait encore pâle. Une aquarelle aux tons pastels. Et d'un coup, le monde prenait vie. Les sons, les odeurs, les voix, les bruits, les rires, l'agitation.

Pourtant, Cécilie profitait plus souvent du crépuscule que de l'aube. Oiseau de nuit aux mœurs dissolues, elle profitait de ses nuits en ville pour se perdre dans les cercles étranges de mages peu recommandables lorsqu'elle ne jouait ni ne dansait dans une quelconque taverne. Si elle voyait l'aube elle était généralement fatiguée et ne pensait qu'à retrouver son lit pour dormir quelques heures. Puis, aussi longtemps que le soleil restait dans le ciel, elle méditait et lisait paisiblement dans la chambre ou dans la jungle verte que le limon des rives de l'Oliya leur offrait sur un côté de Frontière, l'autre étant exposé à l'aridité de la plaine de Valmar. La chaleur de l'été estréventin ne permettait pas de faire des folies durant la journée de toute façon.

Cette dernière année, elle avait passé de très nombreuses nuits dans ce coin de pestilence que personne ne pensait à ordonner. Quelques mafias locales se créaient peu à peu mais leurs conflits n'ajoutaient qu'un peu de sel à cette ville du crime capable de se vendre au plus offrant. La population était tellement débrouillarde et improbable que la jeune femme pouvait vivre parmi eux en ne se refrénant que bien peu. De là à appeler ce panier de crabe à arnaqueur, sa maison, il n'y avait qu'un pas qu'elle franchissait parfois.

Dans tous les cas, la veille au soir, ses pas l'avaient ramenée vers les caravanes, les bicoques et les tentes de Frontière. Revenant d'un long périple de plusieurs ennéades dans les principautés côtières à la recherche d'ouvrages péninsulaires pour une cliente et amie, elle avait retrouvé la chambre qu'elle partageait avec Dante aussi vide que lors de son dernier passage. A force de se manquer, ils ne s'étaient pas vu depuis le début du mois. Pourtant, elle n'en éprouva pas la moindre inquiétude. Sur la table de nuit, sous un épais volume dont son Chasseur s'était servi pour lui apprendre à lire l'Oliyan, un billet griffonné à l'encre rouge avait remplacé celui qu'elle y avait déposé la dernière fois. Une mission dans les seigneuries morcelées ? Un sourire amusée macula son visage fatigué. L'idée qu'il travaille avec des eldéens avait toujours quelque chose de comique.

Elle déposa sa cargaison de livre dans le coffre au pied de leur lit, changea le verrou et s'essaya à créer un piège  autour de l'objet... Sans succès. Après trois tentatives, trop énervée et fatiguée, elle laissa tomber et ressortit pour trouver de quoi se remplir l'estomac. Au final, elle poursuivit une partie de carte jusqu'à tard et se retrouva bien maladroitement au milieu d'une bagarre. Elle aurait pu s'en sortir sans dommage si la table à côté d'elle n'avait pas valsé sous le poids de deux rustauds. En tombant à la renverse, elle avait manqué se rompre le cou, mais c'était finalement son poignet qui avait cédé à l'impact. Elle avait faillit user de sa magie au milieu de la foule mais s'était retenue juste à temps pour sortir par l'entrée de service.  La douleur pulsait jusque dans son crâne, tétanisant tout son bras... Et sa main gonflait doucement. Un soulard en paya le prix. Elle espérait qu'avec ce surplus, elle mettrait moins de temps à se remettre... Et surtout que son articulation ne garderait aucune séquelle durable.

Anxieuse, et n'ayant plus qu'une grosse demie-heure à patienter, elle attendit néanmoins que la guérisseuse chez lequel elle était déjà aller une ou deux fois plutôt que de se risquer chez d'autres rebouteux ouverts durant la nuit. La vieille zurthane leva un sourcil étonné en la voyant planter devant sa tente en périphérie de la petite ville, mais elle ne posa aucune question. Dans son métier, on avait bien plus de clients lorsqu'on ne posait pas de question. Elle inspecta savamment la blessure et posa une attelle pour garder l'articulation dans l'axe, mais à priori, rien n'était cassé.

Soulagée, la jeune femme regagna le centre de l'agitation dans le petit jour. Le marché était déjà en place. Bon... Quitte à n'avoir plus qu'une main, autant ne pas avoir mal. Il lui restait quelques pièces, elle pouvait bien s'autoriser un petit extra... Bon par contre, il faudrait qu'elle trouve rapidement un petit boulot parce qu'elle n'aurait sûrement plus rien d'autre. Furetant entre les étals, ses cheveux noirs toujours aussi courts, elle finit par trouver un colporteur avec ce qu'elle cherchait : de l'écorce de bouleau. Avec ça, sa main devrait désenfler et elle aurait moins mal.

Avec l'air de rien, elle s'intéressa à l'étrange épice dont il avait de petites fioles juste à côté, se montrant de plus en plus intéressé, commençant à discuter le prix avant de passer sur les écorces une fois la négociation bien entamée. Elle s'était tout juste emparé d'un des rouleaux d'écorce pour en tester la qualité lorsqu'un œil vert s'imposa à la périphérie de sa vision floue. Elle avait à peine commencer à tourner la tête qu'un homme s'imposait dans son espace vital, entre elle et le colporteur.

Dante.

Un sourire franc illumina le visage de la jeune femme. Elle n'eut pas même le temps de lever la main jusqu'à sa joue qu'il se penchait vers elle, venant loger sa tête contre la sienne. Animal. Fébrile. Elle s'y appuya félinement. Un bref instant. Et aussi vite qu'il était apparut, il reprit sa marche.

Incrédule, elle le regarda disparaître au coin de la rue sans un mot. Quelque chose n'allait pas.

- Eh beh il avait pas l'air net celui-là... ça va gamine ?
- Hein ? " Au dernier moment, son Chasseur se retourne pour lui lancer un regard. Décidément, il  y avait quelque chose d'anormal. "... Oui oui. "

Elle jeta un coup d’œil par dessus son épaule. Le marchand avait l'air vaguement inquiet. Elle reposa pensivement le rouleau d'écorce sur son plateau.

- Finalement je ferais sans. Au plaisir. " lâcha-t-elle du bout des lèvres en se frayant déjà un chemin parmi les badauds. Elle remonta la rue, tourna à l'angle où avait disparut Dante quelques secondes plus tôt et le vit passer entre deux caravanes au bout de l'allée. Elle faillit l'appeler, mais s'il ne l'attendait pas, il devait avoir une bonne raison. Par réflexe, elle releva d'une main le jupon de sa robe de voyage noire et redoubla le pas. Derrière les caravanes, elle se glissa le long d'un enclos installé sur les premiers mètres d'herbe verte et se faufila entre les épais buissons. Les palmiers, les sycomores, les figuiers et les dattiers gardaient une atmosphère un peu plus vivable sous leurs feuillages. La chaleur estivale, déjà lourde en ce début de journée, se faisait un peu moins sentir. L'odeur de bois flotté et de sève s'ajoutaient à celles d'une chaleur devenue humide. Le bord de l'Oliya était sans doute à moins d'une centaine de mètres lorsqu'elle le trouva enfin. Le voyant à porter, elle lui sauta littéralement au cou sans hésiter. Elle se moquait de la poussière du voyage ou de sa blessure. Elle l'enlaça avec force. L'attelle qu'elle portait au poignet gauche protesta en tombant sur l'épaule du Chasseur.

En reculant légèrement pour repousser son bandeau et plonger dans ses yeux dépareillés, elle remarqua enfin ce qui aurait du lui sauter aux yeux. Les billes bleues s'ajustèrent avec application pour saisir tous les détails. Sa pommette était fraîchement abîmée. Si sa tenue était connue, il ne portait pas SES armes. Ses quatre dagues avaient disparues, tout comme son ceinturon. L'arc qu'il portait dans le dos était différent. Son allure souple et puissante était plus proche de celle qu'il avait en chasse que de celle qu'il montrait sous les traits de Xan'.  Il était tendu... Et en l'absence de son propre matériel, quoi de plus normal ? Elle le détailla encore un peu, profitant de son contact, humant son odeur, cherchant dans ses yeux la certitude qu'il allait bien malgré tout ce qui avait du déraper pour le mettre dans un état pareil.

La relative maitrise que l'assassin gardait sur lui s'envole au moment même où Cécilie lui saute au cou. Avec un genre de grondement qu'elle ne qui connait pas, Dante lui rend son étreinte. Il n'y a plus de foutage de gueule, plus d'identités auxiliaires, plus de chasse, plus rien. Il n'y a que lui et elle contre le monde, encore une fois. Les odeurs riches de terre et de végétaux lui emplissent le nez, parfait complément à celui de la jeune femme… Il remarque bien son attelle… Son épaule en prend douloureusement conscience, mais il compartimente cette information pour plus tard.

Et tandis que sa Maitresse lui repousse son bandeau, révélant une couleur singulière de son œil marron, couleur écorce terne, une nouveauté, l'assassin se rend compte d'une chose. Le prix de ses quatre filles est décidément bien peu payé pour avoir le droit de la revoir.  S'il hurle intérieurement leur perte, le contact physique de Cécilie, ces deux lacs de glaces mettent du baume au coeur sur son deuil. Apaise sa haine et son désir d'en découdre sans plus attendre. Leur exploser la gueule les uns après les autres. Pour un humain qui a eu plus d'intimité avec ses armes qu'avec ses pairs qui a vécu une lame à la main en place d'un hochet, ca peut se comprendre.

Et elle est là, l'entourant, le détaillant de ce regard si particulier. Lui instillant une once de raison dans son esprit à la dérive. Si la meilleure défense est l'attaque, Si tuer les membres du 2e Ost les uns après les autres est tentant, il y a  une variable sur laquelle il ne veut pas jouer. La vie de Cécilie.

Et tandis qu'il la ramène tout contre lui, que ses lèvres cherche les siennes, que sa pommette explose en un millier de petites échardes qui lui vrillent l'épiderme et les chairs, que le long du dos la grande main remonte pour lui empoigner fermement la crinière courte et sombre pour la maintenir en place tandis que la grande bouche continue de dévorer les lèvres de son amante avec plus que sa passion dévorante habituelle. Une détresse est palpable, perceptible.  

Il l'a mise en danger avec cette mission foirée. Krish sait qu'il est l'Ombre, Na'Ri sait qu'il est X'Andarin… Elle sait qu'ils sont ensemble. Un plus un… Des humains aux yeux comme les siens, il y en a pas des masses. Krish sait combien il est difficile de le trouver…

Etre en chasse, que ca soit pour lui dire qu'ils vont le laisser tranquille, un vœu pieu… Que l'assassin, toujours préparé au pire ne croit pas une seconde, ou lui envoyer la Doth'Ka au cul, Dante sait qu'ils ne l'attaqueront pas directement, trop risqué. Ils vont s'en prendre à son entourage pour le pousser à l'erreur.

El… Il est trop loin
Tessa… Personne ne sait.
Irulan… Si proche, si accessible… Tout le monde à Frontière sait qu'elle est sa compagne… Rapide, franc du collier… Ca le place en leur pouvoir. Pour lui faire payer quoi au juste? L'incompétence du gros lard.

C'est ce que lui ferait en tout cas. Et il ne le permettra pas, pas du tout, et Na'Ri va sûrement le deviner. Faut pas prendre les gens pour des cons, et les drows sont experts pour exploiter les faiblesses de leur adversaires. Dante s'octroie un long moment par contre. Quittant ces lèvres pleines, il s'enfouit la tête dans le cou délicat. Hume par grandes inspirations l'odeur de la jeune femme tandis que, dans sa tête, les plans défilent, repoussés, rencardés, annexées, acceptés comme plan A-B-C etc...

Comme plan A, placer sa Ténébreuse hors d'atteinte des drows. Si elle le consent. Dante ne prend jamais rien pour acquis chez sa douce. Ne lui impose rien. Mais ils doivent parler de sujets sérieux.  

Les drows m'ont dans la ligne de mire, j'ai dû la jouer pas très réglo pour pouvoir revenir t'avertir…. Et ils vont sûrement vouloir passer par toi. Je suggère qu'on décarre le plus vite possible. Le mieux on pourra se pousser tranquille, le pire on aura la Doth'Ka au cul.  

Il a un léger sourire mauvais et triste. Qu'une légère tristesse ait fait son chemin jusqu'à ce coeur atypique est déjà un phénomène en soit.

Rien qu'on pourra pas gérer à deux. Si tu veux rester par contre…

Il ne termine pas sa phrase.

Moi jpeux pas, peu importe comment ca va se goupiller, ils vont vouloir avoir ma peau sans que rien se sache. J'peux m'arranger pour que tu sois hors de soupçon par contre.

Il s'empare de sa courte chevelure. Elle frémit. Ses mains fines s'accrochent à ses épaule, même les doigts aux mouvement limités par l'attelle y trouvent leur place. Il l'embrasse et la serre avec cette force dépourvue de douceur. Mais aujourd'hui, la précision chirurgicale de ses gestes fait place à une fébrilité inconnue. Son œil est terne. Sa poigne possessive se serre de trop. Sa respiration. Son empressement. Si sa conscience ne trouve pas de raison ou de mots pour l'exprimer, quelque chose se serre dans la poitrine de la jeune femme. Un étau se referme sur sa gorge. Elle se serre davantage contre lui, lui rendant baisers sur baiser. Lorsqu'il enfouit son visage au creux du cou gracile de sa compagne, elle glisse les mains dans son dos et sur son crâne en de longue caresses.

Le simple fait qu'il semble à ce point déstabilisé et le voile terne sur son iris brune... Une colère sourde se mêle à l'inquiétude de la jeune mage. Qui a pu le mettre dans un état pareil ? Pourquoi ? Elle haïssait le voir ainsi... Là tout de suite, elle aurait même préférer le voir en manque. Au moins, ça il savait gérer et elle savait ce qui se passait. Là, elle était dans le noir. La Bête luisait avec force mais il semblait dissocié.

Mais elle ne dit rien. Elle lui laisse le temps. Le temps de se retrouver, de se calmer un peu, et peut-être de poser sa pensée.

Lorsqu'il se redresse et qu'il lui offre les premières bribes d'explication, il lui faut quelques instants pour replacer le contexte. Oui. Le billet. La mission dans les seigneuries morcelée avec les drows. Quelque chose s'était déroulé de travers. Il avait du fuir pour venir la prévenir. Les eldéens le croyaient coupable de quelque chose et voulaient sa peau. Logiquement, s'ils savaient qui était son Chasseur, ils ne tarderaient pas à la trouver elle. A Frontière, ils ne cachaient pas leur relation. En plus de Tisha, l'ancienne maquerelle devenue presque exclusivement aubergiste à laquelle ils louaient une chambre depuis plus d'un an, il y avait quelques habitués, quelques admirateurs un peu trop insistants, plusieurs partenaires de business, trois guérisseurs et bon nombres de voisins de chambre qui s'étaient plaints du bruit. Et puisqu'elle voyait Shyn'tae régulièrement, elle n'avait pas pris la peine de changer de pseudonyme. Ici, elle était Irulan. Aucun problème pour Shyn'tae ou la prêtresse qui l'accompagnait de faire le rapprochement si l'identité de X'Andarin était connue.

Alors quoi ? Partir ? Abandonner cet endroit si intéressant et plein de potentiel ? Les cours de Shyn'tae ? La cabale de Julio ? Le savoir de la vieille Zurthane ?

Force était d'admettre qu'elle... Et bien elle se plaisait dans ce village sordide où ni la loi ni l'ordre n'avaient leur place.

Et déjà il lui proposait de rester seule et de faire en sorte qu'elle soit hors de cause. Son sourire triste. Son hésitation. La main intacte de la jeune femme grimpe sur sa joue.

- Eh. Attend, tu veux ? Un seconde. " Elle scrutait de nouveau ses yeux, caressant du revers sa mâchoire anguleuse. " Dit moi ce qui s'est passé exactement. Qui t'en veut ? Et pourquoi ? Qu'est-ce que tu as fais pour pouvoir revenir ? Qu'est-ce que la Dotca ? " Elle hésita une seconde avant d'ajouter, l'air décidé. " Et où sont tes armes ? "

Il s'en doutait. Lui aussi se plaisait bien à Frontière. La réticence de Cécilie est justifiée. Et il y a une personne à qui il doit des explications sur ce monde pourri et c'est elle. La main sur sa joue malmenée amène un tressautement de l'épiderme, un léger éclair de douleur dans le regard atypique. Mais Dante ne se laisse pas distraire.

El l'a habitué à donner des rapports nets, concis. Le plus possible près de la réalité. Il l'entraine au sol, l'invitant à prendre place dans ce recoin qu'il sait quand même assez sécuritaire. Frontière, il l'a arpentée en long, large et en travers lors de ses entrainements.

La voix grave de Dante commence le pénible récit.  

Il pleuvait. Avant hier, selon les ordres, j'ai fait le tour de la forteresse de la despote sans y entrer, c'était calme, trop calme… Comme si yavait personne à la maison. Il y avait dix chemins de chasses fréquemment utilisés. Je ne les ai pas explorés, il y en avait trop pour une place de cette taille.  Avoir été avec Fern ou Gus, j'aurais remonté la piste. J'y suis pas allé, manque de ressources et de temps.

Ils sont arrivés à l'heure dite, vingt… Et Kerath, l'obok Senger lui même. Je lui ai fait mon rapport sur les chemins de chasses inexplorés, la no mans land du flanc sud et l'accès flanc nord, accessible à coup d'escalade. Je l'ai pris à part, Je lui ai dit que je pensais que c'était un piège.  Je lui ai demandé son plan, c'était de zigouiller le plus de patrouilles possibles avant de cogner aux grandes portes sous couvert de l'anonymat. Je sais pas si tu as vu le gus, mais le Grand Gobelin de Thaar fait dans le même gabarit. Il aurait jamais atteint la porte. Tu le sais que les despotes sont tissés serrés et sont méfiants. Je le lui ai dit que son plan était foireux de A à Z. On savait même pas si les armes étaient là.

Il m'a menacé… De faire de moi son esclave. Et a exposé son plan…

Dante a un grondement à cette pensée, une flambée de haine parait dans la prunelle verte. Une envie d'en découdre. Il grince des dents.

Je lui ai répondu que je voulais pas le voir emmener ses troupes au casse-pipe. Que j'allais faire mon boulot de mon bord. Et j'ai pris l'initiative d'aller escalader le flanc nord tout seul, sans ordres. Je les ai laissé à leur plan merdique.  Je suis monté, en plantant des pitons parce que ce mur est une saloperie et que je comptais bien redescendre essayer de trouver ce trou du cul pour lui dire ce que j'avais trouvé ou pas. D'en haut, il y avait des feux de camps visibles malgré la pluie. Dix. Parce que redescendre tout de suite 'était casse gueule, j'ai décidé de continuer à chercher avant de redescendre, histoire de pas faire 4 aller-retour.  Et je les ai trouvé, dans les écuries, bien placées, les armes volées. Les caisses sonnaient creuses par contre, je sais pas ce qu'il y avait exactement là dedans, mais c'était pas plein. J'ai continué à faire le tour, mais yavait une dizaines de personnes au fort, pas plus. Et c'était des gamins.  

La herse a commencé à se relever, je m'en allais redescendre quand ce crétin finalement a suivi le chemin que j'avais ouvert. On s'est retrouvé au haut des remparts. J'ai fait redescendre ses trois gus qu'ils aillent avertir j'sais pas qui. Mais a la place de m'envoyer avec eux, il m'a gardé avec lui. J'aurais pu me poster en haut de la tour pour identifier et tuer la chef, mais il m'a gardé dedans. Ils ont fait une sortie, en ont tué. Et la femelle, à la place de nous enfumer pour nous faire sortir comme des rats, a attaqué la tour et l'a défié en duel. Il a gagné. Après il m'a accusé d'être un traître. Pour gagner du temps, j'ai invoqué Meïngal, leur dieu de la justice. A la place de me tuer sur place, il m'a, ficelé pour me ramener comme trophé au milieu de ses félins à pointes. Ils se sont fait embusqués et j'en ai profité pour me barrer, lui laissant les Filles. J'ai crapahuté toute la nuit pour être ici à l'aube pour t'avertir. J'ai laissé des messages à nos potes, à copier et envoyer à des gens clefs si je donne pas signe de vie dans 3 ennéades au max. S'il m'arrive quelque chose… Ma version se rendra à Thaar d'une façon ou d'une autre.

Il marque une pause.

En sortant, je suis tombée sur la guérisseuse du 2e Ost. Je lui fait délivrer un message aux boss de me laisser tranquille. Je l'ai pas blessée t'a pas à t'inquiéter.  Donc, qui m'en veut… La guérisseuse, probablement, L'Obok Senger… Krish Al'Serath pour saloper ses efforts de gentils drows à tutus. Les Eldéens aiment les coups fourrés, ils vont vouloir se venger sans ruiner leur efforts d'amis-amis. La Doth'Ka ce sont leur assassins à eux.

Une nouvelle pause, où toute la douleur de la perte de ses lames chéries transparait dans l'éclat de l'oeil brun, le vert prenant une teinte on ne peut plus hilare. Pleurer des putains de lames, non mais quel con! La voix est égale, froide et impersonnelle… Pourtant, une infime inflexion douloureuse transparait dans la voix grave.

Je ne sais pas où elles sont. Probablement divisées en butin de guerre dans des mains d'imbéciles qui les apprécieront pas à leur juste valeurs et qui n'en prendront pas soin, Sanglante doit être dans un caniveau maintenant. J'aurais pu les reprendre, mais nous avons une partie en cours, tu te rappelle?

- Oui. Je me rappelle. " acquiesce-t-elle avec une étincelle de reconnaissance dans le regard.

Attirée vers le sol, agenouillée près de lui, elle l'avait rapidement attiré avec elle sur le flanc. Ou était-ce lui qui avait amorcé le mouvement ? Peu importait en réalité. Allongée près de lui, la tête posée sur son bras, elle l'écoutait avec attention, plongée dans ses yeux au point d'en oublié la nature sauvage qui les entourait. Elle repositionna son propre bras à deux reprises pour épargner son poignet blessé, mais pour une fois, la douleur encore aiguë avait au moins le mérite de se mêler à l'adrénaline pour la tenir éveillée et alerte.

Elle s'efforça d'ordonner et de ranger chaque détails qu'il lui contait dans sa mémoire soigneusement entrainée à se gorger de toutes sortes d'enseignements. Les incompréhensions. Les refus de coopération. Les changements de plan. La véhémence dur drow à son écart... et celle de Dante à l'égare de la guérisseuse. La jeune femme n'était pas née d'hier et s'il la plaçait d'office dans les gens qui devaient en avoir après lui, il ne devait pas y être allé de main morte, même s'il n'avait laissé aucune blessure dangereuse. Il s'était donc enfuit alors que les drows le ramenaient au camp pour éclaircir la situation. C'était un aveux de culpabilité des plus évidents. C'était même une question de bon sens. Du temps ou elle avait eu à gérer des brigands et des déserteurs, elle ne se serait pas payé le lux de faire le tri AVANT de mettre la main sur un fuyard, mort ou vif. Il avait raison, les drow devaient être après lui en ce moment même, et si l'Al'Serat était impliquée, ils étaient tous les deux en danger.  

... Et Dante souffrait. L'empathie sur laquelle elle s'était reposée pendant vingt ans faisait toujours partie d'elle. La colère et la haine l'avait bien transformée en autre chose, mais avec lui, c'était différent. Le naturel revenait au galop. Il n'avait pas besoin de lui dire que cette perte le bouleversait pour sentir qu'il en était affecté... Et doublement puisqu'il semblait être en désaccord avec lui-même sur ce point en particulier.

- Pour l'instant il n'y a rien à faire pour elles... " dit-elle à regret en laissant distraitement sa main caresser le cou et là mâchoire de son Chasseur.  " Je comprends le danger... Mais si nous partons, où pourrions-nous aller ? Tu dis toi-même que Krish est impliquée. Si elle veut te débusquer, ce n'est pas seulement ta Dotca qu'elle enverra. C'est une Princesse Marchande. Elle pourra nous atteindre n'importe où, aussi bien à Thaar que dans les autres principautés. Comment tu veux qu'on échappe à une emprise pareille ? " Si la question était sincère, le manque d'anxiété pouvait semblé incongrue. Pour l'instant elle ne réalisait peut-être pas entièrement. Peut-être était-ce le fait d'être dans les bras de son compagnon qui rendait tout ce dont ils parlaient moins réel. Ou peut-être encore simplement qu'elle voulait moins que tout rendre les choses encore plus douloureuses pour lui.

Meïngal est une farce, ils en ont rien à foutre des humains. Ils m'auraient blessés pour montrer la suprématie de leur sacro sain général, la justice drow est pour les drows, pas pour les humains. Quel standing y aurait il pour l'Eda Vengeur si un humain gagne en ordalie contre un de leur dirigeant? Ca aurait remis toute leur campagne en cause... Me rendre là-bas aurait été la fin de la partie. Un traître? Non, une excuse pour pouvoir soumettre un Vaani et faire frémir les principautés qui oseront plus lever le petit doigt par crainte de représailles. Ma réputation me protège partiellement… Mais je gagerai jamais ma peau sur ma réputation. L'Ombre a la réputation d'avoir fait chèrement payer les employeurs qui ont essayé de le baiser.  

Il a un moment de silence.

Je suis pas un combattant d'arène, on s'en est aperçu. Je suis un traqueur, un chasseur… Quand je jongle avec les variables et les possibilités je suis bon.   Comment on échappe à une emprise pareille? Il y a le chantage, la fuite, ce que je voulais faire pour te mettre en sûreté. La meilleure défense c'est l'attaque. Contrôler les lieux, rameuter des gens s'opposer à eux, pour se fondre dans la masse et simuler sa mort au moment opportun. Ou les tuer eux, avant qu'ils ne nous tue nous.

Il garde silence un moment. La voix altérée il continue. Manifestement, il manque un pan de la psychologie, son esprit n'est pas entraîné à faire un exercice de nuances autre qu'entre vivre et mourir. Et il le sait.

L'Ombre peut crever, X'Andarin aussi… Dante aussi… Tant qu'il reste toi et moi au final. Si t'a une suggestion, je t'écoute, je sais que tu es plus forte que moi à ce jeu.  

A son tour, elle prit un moment de réflexion, non sans avoir rappelé dans un soupire " Peut-être, mais je ne suis pas une tacticienne. " Et ce n'était que trop vrai. Ce porc d'Ethin, Anthoine, Gaël, Clarence, Jindanor. Elle avait toujours eu les conseils d'un esprit plus pragmatique que le sien quand il s'agissait de stratégie martiale. Elle ne l'avait étudié que très rapidement et aujourd'hui, la seule chose qu'elle voyait était plutôt décourageante.

- Ils sont des milliers. Entrainés et ordonnés. Même en réussissant à rassembler tous les mécontents de Frontière et d'Essalia assez fous pour s'opposer à eux à la vue de tous, nous ne serions qu'une ou deux dizaines. Et ils exposent les cadavres. Se faire passer pour mort de façon crédible alors que l'une de leur guérisseuse a vu tes cicatrices serait encore plus compliqué. " Mais démonter les idées une à une ne servait qu'à rendre leur situation plus inextricable. Mais que faire ? Si vraiment ils voulaient sa mort... ? Derrière ses traits immobiles, son esprit passait en revue le plus de solutions possible. Thaar. Les Principautés de la côte brûlée. Le Zurthan. Les elfes et leur nouveau fort à la frontière. Les nains... Ou même la Péninsule. Revenir chez elle... Non. Quoi d'autre. Ses yeux s'arrondirent un peu sous le coup de l'évidence. " Et Naelis ? " Certes c'était près de Nakor et de sa clique, mais elle avait suffisamment changé pour qu'on ne la reconnaisse pas. Et puis surtout... " Le pourvoyeur de reliques avec lequel j'ai fait affaire à Ashaï m'a dit que Naelis était plus difficile à atteindre parce que depuis la mort du roi, la reine a expulsé tous les investisseurs Thaaris, fermé les comptoirs et rompu la plupart des accords d'échanges. C'est un royaume indépendant, où les drows ne sont pas bien venus et de toute façon ils auront bien d'autres choses à penser pour stabiliser Sol'Dorn et les Principautés estréventines. "

Un silence acceuille la déclaration de Cécilie. Les yeux clos, Dante se remémore la carte de l'Itrii'Vaan. Evalue les chemins possibles, les risques. Il avait pensé piquer carrément par le territoire des Drows pour aller à Celimë. Mais Naelis semble effectivement plus judicieux. Par bateau il pourrait rallier facilement Thaar de Naelis pour accomplir différentes choses. Des contrebandiers seront bien contents de filer un coup de main pour qu'il apparaisse et disparaisse de sa ville sans laisser de traces.

Cécilie pourrait étudier, peinarde, en faisant profil bas, chez le vieux croûton. Et quand elle en aurait assez, ils pourraient tout aussi bien rallier le fort elfique pour offrir leur services. Et elle pourrait étudier leur connaissances à eux. Il faudrait par contre être particulièrement prudent. Sa Ténébreuse pourrait apprendre beaucoup. Et la seule expérience de Dante avec les elfes purs se limite à Loethwil, un mec qui l'a toujours traité correctement lorsque les autres lui ont opposé méfiance. Peut-être les autres elfes seront ils pareil.

Oui, Donc, Naelis comme point de chute tombe sous le sens… Mais ca soulève une autre question.

Est ce que c'est vers là que les drows vont avoir le réflexe de les chercher? A priori, il dirait que non. A chaque fois qu'une proie se sentait en danger, il a le réflexe de vouloir rentrer à la maison. Et sa maison à lui est Thaar, même s'il déteste cette ville. Elle fait partie de lui. Un chasseur, pour brouiller les pistes, prendrait vers le Puy. Là où le danger est le plus grand, pour ensuite bifurquer et entrer en Zurthanie. Ou, carrément, traverserait en ligne droite le territoire drow, vers le Nord, vers les elfes, en comptant sur ce que ses ennemis ne s'y attende pas.

De chasseur à chasseur, s'il avait à traquer un autre prédateur, il ferait surveiller attentivement la frontière elfe, mais les yeux rivés sur l'intérieur pour prévenir une exfiltration ou la périphérie des voies d'approvisionnement Eldéennes. Il enverrai quelques éclaireurs vers chez lui aussi, pour aller surveiller les bordels, les ruelles et y voir si la cible se pointe. Le Puy a beaucoup d'yeux et d'oreilles à Thaar.

Non, Naelis n'entrerait pas dans ses options. Il y enverrait peut-être un assassin ou deux, juste peut-être, au cas où. Mais juste au cas. La cible n'aurait jamais aucun avantage à aller se terrer là-bas, comme un couard, comme un lâche. L'Ombre ne s'est jamais terrée, ni n'a jamais reculée. Donc non, ils ne s'attendront pas à ce mouvement. Il n'a jamais eu 1500 gus d'un Ost bâtard à gérer non plus, comme sa compagne le lui a fait judicieusement remarquer. Personne n'ira le traiter de lâche certain, ils seront juste étonnés de le trouver un peu moins suicidaire qu'usuellement. Non, ils vont s'attendre à ce qu'il reste dans le coin, pour frapper vite et fort au coeur même de leur campement. Parce que c'est ca qu'il fait habituellement.

Ce repli tactique est effectivement, à la lumière de ce que lui dit sa Maitresse, le plus sage et le plus étonnant de sa part. Maintenant, comment rallier Naelis. Une autre question de logistique. La rallier en ligne droite est hors de question. Prendre les chemins aussi, suivre le cours d'eau? Par bateau? De Thaar? Non, il y a des villages de pêcheurs qui longent la côte. Il y en a bien un qui acceptera de les prendre pour les amener à Naelis sur son esquif. Sur l'eau, ils seront bien, les Eldéens n'étant pas des navigateurs du tout. Il ne faut pas traverser en une ligne droite cependant, au cas ou. Non, un angle de 60 degrés vers le nord, dans un angle que personne pensera qu'ils auront pris… A pieds bien sûr. Les canassons ca va plus vite, mais ca laisse des traces. Et ca ne passe pas partout.

Les prunelles, vives, s'ouvrent sur les lacs de glace. Il n'est pas souriant, ni content. Il a son air des jours ou il sait qu'il va faire de quoi de désagréable pour lui mais qu'il n'y coupera pas. Son air est stoïque. Non pas résigné, mais il est en relative paix avec cette décision. La vengeance viendra plus tard. Et elle se bouffera glacée dans son cas. Sa vengeance attendra, il y a plus important à tenir compte en cet instant précis.

Bien... Ma Ténébreuse? Va ramasser tes choses et prend ton manteau, je vais aller créer les leurres pendant ce temps là. Fais vite, le temps est compté en secondes. Ca sera pas une promenade de santé. Par chance, ils m'ont juste pris mes armes. Je pourrai te soulager.

La motion semblait être adoptée... Et il n'allait pas aimer la suite. Déjà qu'elle le sentait agacé d'avance de devoir se taper tout ce voyage, il y avait peu de chance que ce qui lui reste a dire l'enchante au plus haut point.

- Créer des leurres et prend un peu d'avance. Avant qu'on se mette à fuir les personnes les plus dangereuses de ce continent, je partirais cette nuit avant le levé du soleil. J'ai quelqu'un à consulter, et puis... " Ses traits se firent plus dur, attendant la réaction qui ne tarderait pas à venir. " Je veux voir Shyn'tae.
- Non. " La réponse fusa, tranchante. Elle s'y attendait. Son visage ne montra ni surprise ni déception. Elle se préparait à lui rappeler que c'était son choix et que ce n'était pas négociable avant d'adoucir la pilule, mais il ne lui en laissa pas l'occasion. " On part ensemble ou pas du tout.  Je te laisse libre de tes choix, mais hors de question que je te laisse avec des drows, seule. "

Prise d'une envie soudaine, elle l'embrassa à pleine bouche, l'attirant plus fermement contre elle. Un long instant s'écoula avant qu'elle ne reprenne son souffle, juste assez loin pour qu'apparaissent deux tâches de couleurs brune et verte.

- Alors on partira cette nuit. Shyn'tae pourrait être un moyen de régler cette affaire avant qu'elle ne dégénère définitivement. J'ai appris qu'elle avait un rôle important parmi les mages du Camp et nous n'avons intérêt ni l'une ni l'autre à une confrontation. Elle en sait assez sur moi pour être sûre que je représente un danger et me poser quelques problèmes, mais pas assez pour me détruire. La réciproque est vrai également. " Et maintenant qu'elle avait un bras en moins, elle était certaine de pouvoir s'en tirer, même si c'était toujours dangereux. " Je ferais particulièrement attention au lieu de rendez-vous mais il faudra que tu reste hors de vue et hors de perceptions magiques. Elle peut jouer sur les zones d'ombre de son règlement, mais si elle a reçu des ordres directes te concernant, je suis sûre qu'elle ne risquera pas sa carrière pour nous. "

Parfois, Dante énonce du simple bon sens qui a le don de faire chavirer sa compagne. Aussi le baiser sauvage qu’elle lui accorde, il l’accueille de bonne grâce, le lui rendant avec une fougue égale à la sienne et une détresse non moins palpable. Il la tient contre lui sans douceur ni brutalité, savourant cette intimité déraisonnable . Ils n’ont pas le temps, ils jouent avec le feu.

Mais La Raison fond, comme toujours, devant les désirs de la jeune femme. De plus, que serait la vie sans une once de risque?  Ils se séparent et les prunelles dépareillées se fondent dans la glace. Il tuerait un royaume pour elle. Il prend des risques insensés pour elle alors qu'elle l'enjoint à être prudent pour lui.

Paradoxe.

Tu donne une trop grande bonne volonté à l’Eldéenne. Je suis pas si sûr que toi de ce qui va se passer. Prenons nos précautions veux tu? Dis moi où et quand tu la rencontre. Tu m’entendra pas, promis. Mais je serai là. Arrange toi pour contrôler ton environnement… M'identifier ce queje devrai surveiller.  Tu dois rester près de la fenêtre, si y’a du danger que je vois yaura une flèche. Maintenant, je veux que tu réfléchisse au signaux…. Que fera tu si tu es dans une merde que je peux pas voir? S’il faut que je vienne? Comment fuira tu avec ton poignet? Par où?

Et les amants, enlacés dans le recoin intime du bidonville, discutent longuement. Des possibilités. Embuscade, chasse trappe. Si elle est capturée, si il ne peut l'atteindre sans risques. Ils en parlent longuement, mettant au point chaque détail, chaque variable. chaque scénario possible, du plus idéal au plus merdique.

Il y a des couples qui parlent d'art, d'autres de jardinages… Eux, ils parlent de leur survie comme s'ils parlaient de leur repas du soir. Non pas que leur vie n'est pas importante, au contraire. Comme a déjà dit quelqu'un dont Dante ne se rappelle plus l'identité: La chance sourit aux préparés.

Après avoir pallié à ces éventualités, le couple se sépare, chacun allant faire ce qu'il doit pour leur bien commun. Une dernière caresse, un regard, et ils se tournent le dos mutuellement sans crainte, chacun sachant ce qu'il a à faire et certain que l'autre veillera au grain de son côté.