Dépendre de la haine [PV T'sisra]

Les avertissements hurlés retentissaient par-delà les haies encadrant la cour intérieure. Et alors que tout rentrait, à peu de choses près, dans l’ordre, et qu’un semblant de calme, malgré les tensions, avait été ramené au prix de l’effort du chef des gardes et du guérisseur… Noruì débarquait comme un sauvage sur le pied de guerre. Tout le monde ressentit ce moment de « flottement », où chacun, y comprit la noiraude, se demandait si tout ceci était réel.

Les miliciens avancèrent et prirent position, au moins pour barrer la route des deux étrangers au domaine en cas de pépin. La daedhelle ne réagissait pas plus que cela, se contentant de se pincer l’arrête nasale en poussant un soupir de désarroi. Fort heureusement, le chef de la milice comme le guérisseur cherchaient à éviter les emmerdes.

- Ça me va très bien. Accorda la drow au guérisseur en opinant du chef. Évitons les débordements et faisons ainsi.

Elle se rapprocha un peu du vieil homme, pour pouvoir lui lancer la bourse que l’elfe lui avait confiée plus tôt. Puis, tournant la tête vers Noruì et revenant vers lui d'un pas lent, elle l’interrogea du regard, un sourcil arqué sous l’incrédulité de la situation.

- Vous avez de la chance que le chef de la garde ait du sang-froid. Murmura la daedhelle à son comparse aux longues oreilles. Je suis aussi calée qu'une larve en mélodie, mais je suis certaine de ne pas avoir sifflé votre fameux signal.

En arrivant, tu t’étais attendu à la retrouver en difficulté. En réelle difficulté. Il n’en était rien. En ce qui concerne Vìrin par contre, la situation était tout autre. De ce que tu crois comprendre T’sisra Do’Ath avait cherché à appuyer le fait que l’animal et toi partagiez un lien particulier, et si tu ne te méprends pas, ton arrivée avait servi de confirmation. Ce n’était peut-être pas la manière la plus douce d’obtenir du marchand qu’il renonce au « droit » qu’il avait acheté sur la vie de ta partenaire, mais tu t’en contenterais sans broncher. Ta réputation ici n’est pas bien importante. La vie de la faïra est la seule chose qui compte à tes yeux.

- Si vous aviez sifflé n’importe quel signal en entier tu lui murmures en retour peut-être que je n’aurais pas craint qu’on vous en ait empêché.

Là où T’sisra s’était dirigée vers Medath, tu avais ensuite pris le chemin de la cage. Un sourire désolé, pour l’instant c’était tout ce que tu pouvais lui offrir, mais Vìrin semblait y trouver au moins un peu de soulagement. Tu étais là, tu ne l’avais pas abandonnée, si tu étais là alors elle sortirait de cette cage, elle en était sûre. Plus sûre que toi en tout cas.

- Faites attention à vous en ouvrant. tu confies au soigneur Même dans cet état je ne sais pas de quoi elle serait capable une fois libérée. tes pupilles à la fois soulagées et accusatrices se dirigent vers celles de l’animal Elle n’a jamais été enfermée de toute sa vie.

- Et bien je n’ai plus qu’à compter sur vous pour la contenir !

La clef dans le verrou du sceau, le soigneur t’accorde un bien étrange sourire. Le dénouement se jouerait maintenant. La bourse arrive entre les doigts de Medath. La serrure clique. Le félin se lève sur ses pattes chancelantes. Ton regard sévère oscille entre ta pauvre partenaire dans un état déplorable et des miliciens toujours en position de tenter quelque chose. La porte s’ouvre. Le soigneur s’éloigne. Vìrin grogne en direction du marchand à terre.

- Vìrin ! tu poses un œil sentencieux sur l’animal Edledhain !
                                                                     On s'en va !

C’est en elfique que tu t’adresses à l’animal, et il semblerait que rien qu’à entendre à nouveau la langue, elle se soit un peu calmée. Ta main droite vient chercher son encolure, la flatter, la rassurer, et tu commences ton chemin vers la sortie.

- Du calme glyssrow… devant l’état de l’animal, tu es forcé de t’arrêter un instant Je suis désolé. le fait que tu aies repris l’oliyan laissait comprendre à tous que tu ne t’adressais plus à l’animal Je pensais pouvoir supporter de la voir comme ça et vous épargner ce stress-là, mais je ne peux vraiment pas me permettre de la laisser dans cet état. tu soupires Accordez-moi juste une minute.

Ton sceptre se pare à nouveau d’éclat, fait à nouveau un tour entre tes doigts, et sa tête posée contre le flanc de ta partenaire féline, il lui transmet sa lumière. Sans complètement lui rendre sa superbe, tu rends à la Faïra un peu de la vigueur de sa pulsation. Assez pour que sa marche ne lui soit plus une souffrance. Pas assez pour qu’aux yeux des braconniers elle devienne véritablement menaçante.

- C’est bon. Et ne vous inquiétez pas, tu rends ton focaliseur à son fourreau pour soutenir l’animal des deux mains tant qu’elle ne se sent pas agressée elle ne vous fera rien.

Lentement mais sûrement, vous arrivez jusqu’à la grande porte, ouverte pour vous offrir un départ avec les honneurs. Sans même un au-revoir, vous êtes chassés par des gardes et un soigneur soulagés et un marchand rageux. L’animal qui manqua de mourir, toi, et la daedhelle qui avec plus ou moins de succès et plus ou moins intentionnellement avait permis de vous réunir.

- Les choses ne se sont visiblement pas passées comme prévu, mais merci. tu baisses la tête en signe de reconnaissance Maintenant je vous doit de l’aide avec un livre il me semble.

Et tu étais prêt à commencer dès maintenant, mais qu’elle ne t’empêche pas de marcher vers ta première échappée de cette ville toxique. Si elle voulait commencer maintenant, elle commencerait là où tu l’as décidé, et tu as décidé que tu en avais assez des murs, des bidons et des clôtures. Un peu de nature presque sauvage, un peu d’air vous ferait du bien, à toi et surtout à Vìrin.

Rien n’avait suivi un semblant de plan, aussi bien pour le négociant que la daedhelle, et encore moins pour le taledhel. Et pourtant, les voilà tous les deux parcourant les rues de Thaar, en compagnie du fairä. L’essentiel, au final, était que tout ceci n’ait pas dégénéré en une regrettable situation. Cependant peu confiante, elle ne pouvait s’empêcher de jeter régulièrement des coups d’œil par-dessus son épaule, de peur d’être suivie ou épiée.

Noruì exprimait d’ailleurs un constat similaire concernant le déroulement des événements.

- C’est le moins que l'on puisse dire. Fort heureusement, il n’y a pas eu de débordements. Souligna la noirelfe en opinant du chef. Pas encore en tous cas.

T’sisra suivait les pas du taledhel sans réellement se demander où ils iraient.

- En vous voyant arriver comme un sauvage, j’ai bien cru que ça finirait mal. Je veux dire… Nous sommes à Thaar, les rapports de force ne sont pas les mêmes qu’en pleine forêt. D’ailleurs, ça ne m’étonnerait pas vraiment que cette histoire nous cause des ennuis plus tard.

La noiraude haussa les épaules et se répandit en soupirs. De toute manière, s’il devait y avoir une suite, rien ne servait de se rendre malade d’inquiétude dès maintenant. En revanche, elle commençait déjà à envisager de mettre les bouts, puisqu’à chaque fois qu’elle mettait les pieds dans les contrées Sud de ce monde, les choses allaient de mal en pis.

- Quant à votre livre, j’ai juste besoin d’une poignée d’heures. Il faut que je puisse comparer avec les informations que j’ai déjà, peut-être bien copier certains passages. Ni plus, ni moins. Tant que vous me trouver un endroit calme.

Et sur cette étrange conclusion à leur matinée, tous trois quittèrent le quartier des Soieries pour rallier les berges de l’Oliya.