Fin de la seconde ennéade de Karfias 17 : XI
Même sans la triumvir, chose surprenante car étrange, il semblerait que les drows continuaient à faire leur devoir comme si de rien n’était, Kerath le premier, mais ce dernier eut une idée. Une idée qui pourrait considérablement accélérer le siège ; à condition d’avoir les dieux de son côté ce qui n’était pas dit avec ces êtres capricieux mais bon, qui ne tente rien n’a rien et encore moins les faveurs d’Uriz or c’était, entre autres, ce qu’il cherchait. Le daedhel alla donc voir les diplomates la veille d’une énième réunion pour faire plier le conseil théocratique et il leur demanda, aussi gentiment qu’il en était capable, de bien vouloir faire passer le message suivant de sa part: celui qui joue au haut-prêtre de Meingal est invité à arrêter ses conneries et accepter les conditions dictées par le Puy comme les autres et s’il refuse Kerath’Elghinn l’attend dans le no man’s land qui sépare le camp sud des remparts de Sol’Dorn, sur la berge droite de l’Oliya, pour voir de quel côté sont les dieux. Le général laissa ensuite les négociateurs trouver une façon de tourner le message de façon un poil plus diplomatique afin de ne pas ruiner tous leurs efforts, les mots n’étant pas spécialement le fort dudit général il préférait laisser ce genre de considération à autrui.
Ensuite il n’y avait plus qu’à attendre. Le Senger alla manger puis passa par le temple de Kiran du camp nord afin de vérifier qu’il n’y aurait pas de problème en cas de combat, c’eut été dommage qu’une vieille blessure se rouvre. Ensuite il s’entraîna contre des volontaires dans l’une des nombreuses arènes qui avaient été aménagées par les prêtres de Zhak’Bar pour s’échauffer, les combats à un contre deux ou trois sont particulièrement efficace pour ça. Il n’y avait peut-être pas beaucoup de gens capable de tenir tête au haut-prêtre de Meingal dans le camp mais il devait bien y en avoir quelques-uns et pour préparer un combat que Kerath savait plus ou moins inévitable il chercha les meilleurs combattants de sa connaissance ; il serait bien allé voir Krish mais elle n’était pas là, et puis même si elle était au camp il n’était pas certain qu’elle ait le temps pour une session d’entraînement, alors il passa directement à son second choix : le streea du second régiment. Un drow qui ne se battait pas souvent mais qui, pourtant, aurait bien des choses à apprendre à tout un paquet de monde, le Senger inclut. Le combat fut suffisamment serré pour se poursuivre jusqu’à la nuit tombée c’est donc un général fatigué qui alla se coucher mais avec un sourire accroché aux lèves, déjà parce qu’un bon combat avait le don de le mettre de bonne humeur mais surtout parce qu’il savait que le lendemain ou le surlendemain il aurait un autre affrontement digne de ce nom.
Etonnement, Kyorlin Do'iryn, le haut-prêtre de Meingal du conseil théocratique de Sol’Dorn, refusa la demande de Kerath. Qui l’eut cru ? Le lendemain il fut donc décidé d’un endroit pour mener cette fameuse ordalie. Le terrain fut choisi hors de portée d’arbalète du camp et des remparts de la ville et des prêtres des deux côtés, le Senger précisa que si qui que ce soit s’attaquait à un dornien le Senger en question s’assurerait que le fautif redécouvre le doux touché de Kiel, consacrèrent l’endroit. Le général profita de la préparation pour ordonner que l’on déplace les balistes afin de s’assurer que si jamais les dorniens tentaient d’interférer d’une façon ou d’une autre dans le combat, le Second Ost pourrait réagir ; les ingénieurs qui maniaient les balistes visaient les murs où les propres machines de siège de la ville s’activaient.
C’est donc sous la chaleur toute relative du soleil couchant, que Kyorlin se trouva face à son adversaire du jour. Il n’y avait pas de règle mis à part que l’un des d’eux finirait par suivre Teiweon à la fin du combat, que ce soit pour rejoindre l'Elghinyrr ou les P’leiks. Dans son armure rouge et avec l’épée bâtarde qu’il avait faite forger spécialement pour châtier les traîtres, les apostats, les blasphémateurs et autres personnages tout aussi peu recommandables, Kerath observa un instant le haut-prêtre dans son armure légère, une hallebarde à la main, une dague attendait patiemment, pendue au ceinturon d’arme de son propriétaire. Puis il fut temps de prier Uriz et Meingal ; le premier dans l’espoir qu’il puisse être témoin des faits d’arme des deux participants et le second pour qu’il daigne départager les deux drows.
Une fois les deux combattants relevés, les prêtres qui délimitaient la zone de combat déclarèrent l’ordalie pouvait officiellement commencer sous le regard du Juste. Kerath fit quelques moulinets avec son épée, faisant voleter son manteau bleu qu’il détacha de ses spallières. Ils s’approchèrent en marchant, le général se concentra sur son adversaire, il ne restait plus que ce dernier et son arme, tout le reste fut recouvert d’un manteau blanc comme si une couche de neige recouvrait le paysage. Il n’eut aucune difficulté à voir le prêtre attaquer. Un sourire carnassier passa sur les lèvres de Kerath, lui non plus ne voyait pas d’intérêt à se tourner autour plus longtemp, il n’avait pas vu d’ouverture alors autant la créer soi-même.
Le général fit un pas de côté pour éviter le coup d’estoc et frappa dans la hallebarde. Il fit un pas en avant et de sa main libre tenta d’attraper son adversaire. Ce dernier fit tourner son arme d’hast et repoussa Kerath d’un coup de hampe dans le torse, l’impact le fit reculer malgré son armure. Après une grande inspiration les combattants reprirent leur danse et le Senger se trouva rapidement face à un gros problème : Kyorlin profitait de sa portée supérieure, empêchant son adversaire de s’approcher. Après plusieurs coups qui ricochèrent contre son torse ou ses spalières ainsi qu’une poignée qui touchèrent directement la tête, faisant goûter à Kerath le goût métallique de son propre sang, ce dernier décida de changer de tactique. Il recula pour se remettre en position, s’il avait su il aurait pris un bouclier avec lui mais ce n’était plus possible alors il changea de tactique. Avec sa main gauche il attrapa sa lame légèrement en dessous du point médiant, utilisant son épée bâtarde comme une sorte de lance courte. Le général repartit à l’assaut, se montrant plus agressif encore, réussissant cette fois à s’approcher bien plus qu’auparavant, c’était plus facile de dévier en demi-épée. Après quelques échanges son adversaire para une attaque montante et Kerath profita de l’ouverture qui se présentait à lui, sa main gauche revint se placer sur la poignée de son épée et il appuya de toute ses forces sur la hallebarde ; la lame glissa le long de la hampe jusqu’à tomber sur les doigts du prêtre. Ce fut la tête de la hallebarde, qui vint heurter de plein fouet le casque du Senger, qui sauva le reste de la main d’un destin peu enviable. Kerath tituba en arrière, secoué par le choc il vit double mais peu importait le nombre de haut-prêtre qu’il avait en face de lui ils étaient tous trop occupé à tenir leur main ensanglantée pour s’occuper de leur adversaire. Alors dans un grognement il retira son casque, maintenant qu’il était trop déformé il le gênait plus qu’autre chose, et une arrête saillante lui entailla la joue droite jusqu’au sommet de l’œil ajoutant une énième cicatrice à son visage tuméfié par les coups qu’il avait reçu précédemment.
En voyant l’index, le majeur et l’annulaire de Kyorlin dans le sable Kerath fut reconnaissant envers le forgeron qui avait fait son épée de ne pas avoir oublié la garde. Le général essuya ensuite le sang qui lui coulait dans l’œil et cracha un bon coup, l’hémoglobine mélangée à la salive fut rapidement absorbée par le sable. Le prêtre ne pouvant plus utiliser sa hallebarde sortit sa dague mais malheureusement pour lui il n’était pas ambidextre et la main la plus haute sur une arme d’hast est généralement la main d’épée, ou du moins d’arme, c’était donc celle qu’il venait de perdre.
Kyorlin s’approcha de Kerath en marchant, sa dague tenue à l’envers, jusqu’à être juste en dehors de la portée de ce dernier puis ce fut le général qui prit l’initiative, l’attaque fut esquivé sans trop de difficulté, le général en question commençait à fatiguer, et la contre-attaque ne tarda pas, le traître fit un bond en avant pour se retrouver dans la garde de son adversaire avant que celui-ci ne puisse réagir et il attaqua la seule partie découverte : la tête. Le Senger leva son bras libre pour se protéger le visage, déviant la dague qui, au lieu de lui crever l’œil et faire connaissance avec son cerveau, fut dirigée vers le bas. La lame plongea dans la chair, racla contre la clavicule et s’enfonça dans le grand pectoral avant de s’arrêter ; Le bras du traître fut bloqué par la forme saillante du gorgerin mais aussi, et surtout, par la main droite de Kerath qui avait lâché son épée pour attraper son ennemi.
A partir de cet instant le combat se termina vite, le Senger maintint fermement son adversaire en place d’une main et de l’autre attrapa le bras qui tenait la dague puis serra jusqu’à entendre les os craquer. Ensuite il ne fallut qu’une poignée de coups de poing pour mettre le prêtre hors d’état de nuire. Après avoir retiré la dague avec moult grognement de douleur et juron il la jeta au sol et ramassa son épée pour achever le traître en le décapitant proprement d’un coup net.
Kerath se laisse à moitié tomber, haletant, il ne se releva difficilement que pour aider les prêtres de Kiran à retirer son armure afin de le soigner. Le lendemain, parce que les soins magiques ça épuise, le Senger avait un autre message à délivrer via les diplomates mais celui-ci était destiné exclusivement à Ssassha ; il en avait marre d’attendre, plus il restait autour de Sol’Dorn à rien foutre et plus il gaspillait de temps, un temps précieux qui serait bien plus utile s’il le passait à entrainer ses troupes à se battre en milieux forestier dense par exemple. Le message que seule la haute prêtresse de Teiweon était sensée entendre, du moins c’était ce que Kerath avait demandé, disait qu’en échange de sa voix elle aurait la tête de la prima avec laquelle elle s’était brouillée.