Nakor repartait de la terre des nains avec des images mentales multiples, des théories aussi effrayantes qu'intéressantes, des doutes évidemment mais aussi de beaux souvenirs. Il fallait avouer que les fêtes naines avaient de quoi marquer les esprits de ceux qui y participaient. Ou de s'en effacer définitivement lorsqu'ils n'étaient pas prêt à supporter la bière naine qui coulait comme un torrent ou l'alcool apte à dissoudre toute sorte de matière organique. Un repos bien mérité dans les montagnes naines, des au revoirs dignes de vieux amis et voilà que le sorcier était reparti sur les routes. Il fallait qu'il passe voir le roi elfe avant, sans doute, de bifurquer droit sur la Péninsule. Un grand tour de Miradelphia comme il n'en avait pas fait depuis quelques années maintenant.
"Quel serait donc le bon moyen d'obtenir cette audience ... il faut que je pense comme un elfe ... comme un elfe ... un elfe ... elfe ... ."
Et une moue s'installa sur le visage de Nakor alors qu'il était assis en tailleur sur son tapis volant. Lorsque rien ne pressait, il préférait marcher le long des grands chemins qui reliaient les différentes zones du monde. Il y avait toujours des paysages à couper le souffle et battre la campagne permettait des rencontres toujours plus surprenantes les unes que les autres. Il en était ainsi depuis six cent trente huit ans maintenant. Un battement de cil dans le temps. Cependant, avec cette intrigante histoire de mare noire, il fallait obtenir des réponses avec un étrange empressement qu'il ressentait jusqu'au fond de son vieux coeur. C'est en apercevant au loin, la lisière de la dense forêt elfique que Nakor décida de se poser. Une fois au sol, il rangea son étoffe puis fouilla dans sa barbe avant de sortir une longue feuille et une plume. Fouillant dans sa manche gauche, il sortir un encrier puis se posa sur un rocher. Il rédigea la missive suivante après avoir maronné dans sa barbe
"Le protocole ... le protocole en premier lieu. Le temps ne presse jamais les elfes ... oui ... mesure et longueur de temps"
C'est donc de sa belle écriture ronde et fine, que Nakor écrivit en elfique
"Aran Lin Artiön,
Je sollicite une entrevue auprès de votre royale personne. Je reviens du grand nord avec des nouvelles troublantes et il me faut lever des incertitudes importantes pour le bien de nos peuples respectifs. Cela sera aussi l'occasion de partager avec vous, quelques instants toujours trop brefs et rares.
Votre ami humain. Nakor"
Le sorcier roula son parchemin et marcha tranquillement, son bâton dans la main droite, en direction de la forêt. Il passa alors machinalement sa main sur son torse, là où se trouvait la marque d'abord maudite puis modifiée, souvenir de son combat dans la forêt en présence de feu son très cher ami Loethwil. Très vite, il fut arrêté par une patrouille d'elfe à qui le mage répondit dans son elfique parfait.
"Soldats de la forêt, je viens en paix. Je demande le droit de passage afin de tenir audience à l'Aran Lin Artiön, mon ami."
Nakor s'inclina légèrement en tentant son parchemin. Les soldats décideraient vite de la marche à suivre. Avaient-ils des ordres du roi en ce qui concernait le vieux fou? En effet, il était plutôt facilement reconnaissable, on ne croisait pas souvent un vieillard humain à longue barbe portant une robe et un chapeau, tous deux violet à étoile jaune. Bénéficierait-il d'un droit d'accès? Devrait-il tranquillement attendre que le message s'envole vers le palais royal d'Anaëh? Peu importait et c'était extrêmement étonnant. Avant ses mésaventures aux côtés de Loethwil, Nehril, Dante et Glenn, il aurait forcé le passage, exigé qu'une décision soit prise rapidement et qu'elle aille dans son sens. Depuis, il avait accepté le fait qu'il fallait se comporter un peu plus comme attendu en ces lieux afin de ne froisser personne. Il y aurait toujours une forme d'impulsion et d'empressement chez l'archimage mais il canalisait cela au mieux. Et les elfes semblaient percevoir et apprécier l'effort chez l'étrange énergumène bien connu de tous. Voilà donc qu'il se tenait là, un grand sourire sur les lèvres, attendant la réponse des soldats en espérant tout de même au fond de lui, qu'il ne devrait pas passer des jours entiers à attendre là que le roi soit mis au courant de sa présence. Ces mares noires inquiétaient réellement Nakor, s'il y en avait plusieurs évidemment. Et s'il n'y en avait qu'une seule chez les nains ... ne serait-ce pas encore plus inquiétant pour ses amis sous la montagne? L'avenir finirait par lui dire.
Artiön Laergûl
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Nombre de messages : 1630 Âge : 27 Date d'inscription : 23/01/2017
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 719 ans Taille : 2m54 Niveau Magique : Maître.
Nuit de Tariho de la 7e ennéade de Karfias 17e année du Onzième Cycle Palais du Trône Blanc
Sous le pâle regard des lueurs, la mine consternée et l’œil fatigué, tu raclais de la plume contre le papier de riz depuis de longues heures déjà. Voilà longtemps en réalité que les missives relevant de tes fonctions avaient été rédigées. C’est à des préoccupations plus personnelles que tu te livrais maintenant. Ta famille et tes amis restés à Daranovar. L’entourage de Kaëlistravaë en Ardamir. Après l’éternité qu’avait semblé durer ton voyage à Thaar, tous ces gens t’avaient atrocement manqué, et malheureusement, les responsabilités de la couronne te tenaient aujourd’hui encore loin d’eux. Alors tu ne pouvais qu’écrire, et espérer trouver le temps, entre tes responsabilités envers ton peuple, envers ta famille, et envers toi-même, de leur répondre une fois de plus. Pour autant, tes lèvres refusaient de se départir de leur sourire. Ton retour en Anaëh avait été bien moins douloureux que tu ne l’aurais cru. Ton échappée vers Thaar avait été une entreprise osée, en particulier en des temps de réformes importantes. Et même sans savoir à quel point avait fleuri la méfiance des Ardamiris envers l’extérieur, tu ne t’attendais pas à ce que les Protecteurs te rendent la défense de ta position aussi aisée. Tu sais maintenant pour sûr qu’ils ne voudront rien entendre de ce genre d’alliance, mais tu sais aussi qu’ils te font assez confiance pour choisir ce que tu peux croire venant des étrangers. Et ça, pour ce que tu lui avais récemment montré de toi, Cìryon serait certainement ravi de l’apprendre.
- Aran Lîn ! tu ouvres la porte de tes quartiers au jeune elfe qui venait d’y toquer Les derniers courriers d’aujourd’hui. Dont une missive urgente d’heru Lòmion du Chapitre Blanc.
- Merci beaucoup. tu récupères les quelques missives avec un doux sourire Tu devrais aller dormir maintenant.
- J’y vais sur l’heure ! il sourit timidement Bonne nuit à vous et à votre épouse.
- Bonne nuit à toi.
Une missive urgente de la part de Lòmion… tout ça ne te disait rien qui vaille. S’il était une qualité que l’on pouvait accorder au Doyen de l’Académie, c’était bien son calme et sa patience à toute épreuves. Qu’il ressente le besoin de presser une affaire… et qu’il ressente le besoin de te faire savoir à toi d’entre tous qu’il s’agissait d’une affaire pressante. Quelque chose ne tournait pas rond, et les mots du vénérable Ineinior ne seraient pas pour te rassurer. Te voilà reprenant la plume, dans une humeur autrement plus tendue, et ta calligraphie déjà effilée se faisant plus tranchante encore qu’à l’accoutumée.
La dernière des missives rédigée, il était maintenant temps de t’organiser pour qu’elles arrivent à destination aussi vite que possible.
Une fois le courrier transmis aux gardes elfes, le vieux sorcier leur ajouta quelques mots
"Si cela ne vous dérange pas, je vais aller méditer sur le rocher là bas. Merci de me prévenir lorsqu'un retour arrive. Que vôtre journée soit douce et paisible".
Et le magicien se retira de quelques centaines de pas avant de se placer sur un haut rocher.
"Hum ... un rocher mou, parfait!"
Et il se mit en tailleur sur le granit froid. Son bâton en travers des jambes, il ferma les yeux et entra en transe méditative. Une puissante aura fini par émaner du vieillard au bout de quelques minutes et cela dura des heures et des heures. Ce n'est que le lendemain matin que les voix des elfes tirèrent Nakor de son flux arcanique.
"La réponse du roi Seigneur Nakor. - La réponse ne s'est pas fait attendre. Merci Messieurs!"
L'archimage déroula la missive et lut. Un sourcil froncé alors que l'autre ne bougeait pas, il relut encore. Un torrent de colère et de stupeur monta du très fond de son âme et il allait éructer puis posa les yeux sur les elfes. Seules ses mains se serrèrent sur le parchemin. Ne pas réagir au quart de tour ... était-ce encore une blague du peuple immortel pour le tester? Ils étaient drôle ceux là, quand ils avaient besoin de lui c'était dans l'immédiat et quand lui avait besoin d'eux, c'était dans trois lunes au minimum. Et il fallait encore s'étonner de leur incapacité à se faire totalement comprendre par les autres peuples? Nakor prit une profonde respiration puis relut une dernière fois la missive avant de la tendre aux gardes elfiques en haussant les épaules.
"Vôtre roi a trop à faire pour se permettre de me recevoir. Et je viens de me souvenir que finalement j'avais trop à faire aussi pour rester plus longtemps en vôtre bonne compagnie. Vous saluerez le roi de ma part si vous le croisez. Puisse vôtre peuple vivre dans la quiétude de la mère forêt."
Il s'inclina et s'en alla en marchant. Une fois les émotions fortes et la rancœur surmontée, il repassa en mémoire les mots du roi et en prononça certains en les marmonnant
"Les cités requièrent à l'instant mon urgente et entière attention"
Un problème qui concernerait toutes les cités elfiques d'un seul coup et qui serait soudain. Voilà de quoi bouleverser les elfes en effet. Mais un problème de quel ordre.
"Si la forêt est de nouveau fermée et que le roi ne peut s'entretenir avec personne, même un ami ... c'est que c'est un problème grave. Ou alors, je ne suis pas un ami et ils n'ont rien à faire de ma petite personne. Cela m'apprendra à donner mon aide sans compter et sans jamais transiger sur rien. Je ne suis pas plus avancé que cela. A-t-il pris mon courrier au sérieux? Si oui, sa réponse pourrait aller dans le sens de mon inquiétude."
Nakor frappa avec vigueur dans le sol à l'aide de son bâton. Il n'était pas plus avancé et pouvait se perdre en conjecture. Damnés soient les elfes et leur incapacité à être compris clairement. La réponse du roi pouvait être un aveu ou parler de totalement autre chose. Une guerre en préparation contre des troupes drows, le transit des leurs dans les parties plus profondes de la forêt, une rébellion du Noss ... les explications pouvaient être milliers et Nakor détestait une chose par dessus tout : ne pas savoir. Cela pouvait le mettre dans des états de colère tels qu'il valait mieux alors ne pas rester dans son entourage. Fulminant il lâcha dans le vide
"De douces pensées à votre égard hein? Huuuuuuuuuuu!"
Il fouilla avec rage dans sa manche et balança son étoffe dans les airs. Le tapis volant se déploya avec force, il sauta dessus et s'envola en vitesse vers la Péninsule. Comment pouvait-il aider qui que ce soit si personne n'était prêt à lui révéler quoi que ce soit. Un aveugle dans le brouillard dense d'une nuit d'automne. Et c'est ça qui le mettait en rage. Les nains lui avaient donné une indication importante, les elfes semblaient vouloir cacher quelque chose ... il était à peine plus avancé s'il décidait de donner certains sens aux propos du seigneur elfique.
"Allons voir ce qu'il se passe chez les miens. La Péninsule ne compte qu'un seul archimage dans ses rangs. Je dois me tenir prêt si une aide est requise."
Et ce qui alimentait sa noire colère, là, sur son tapis volant au milieu du ciel, c'était cette étrange crainte qui enserrait son cœur et qui lui disait que quelque chose n'allait pas.