Mille visages moins un| Dante

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été - 2e jour de la 5e ennéade de Karfias
Soieries de Thaar
Milieu de soirée

En sortant précipitamment du palais d'Aerianna, les pas de Dante et Cécilie restèrent dans l'ombre des ruelles de service et de livraison, ne croisant que quelques serviteurs et quelques artistes en chemin pour leur office ou une quelconque table attendant leur prestation. On pouvait commencer à qualifier décemment l'heure de "diné" mais c'était une toute autre affaire qui préoccupait les deux vagabonds.

Ils s'éloignaient des oreilles, Cécilie s'en assurait, tirant son compagnon par la manche si c'était nécessaire, mais lorsqu'ils trouvèrent enfin un peu de solitude au sein du dédale de pierre que formait Thaar, elle l'arrêta, mi-inquiète, mi-agacée. Elle était toutefois calme et son ton était impliqué, pas courroucé.

- Attend... Tu peux m'expliquer ce qui vient de se passer ? "

Leur départ était... sur-réaliste et elle n'avait pas compris pourquoi il avait dérapé d'un coup. En avait-elle trop dit ? Ou au contraire pas assez ? Elle cherchait son regard à l'ombre de son ample capuche, se plaçant entre lui et le mur pour que personne d'autre ne puisse voir ses traits s'il ne le désirait pas.

- Nault Ilta… Tu ne veux pas que je travail à l'occasion pour elle, ou c'était pour lui, ou... ?

Cécilie doutait que la princesse qu'ils venaient de quitté aurait jamais demandé qu'ils tuent leur proie pour elle. Elle ne pensait même jamais recevoir une mission de sa part, mais Dante n'était pas rationnel actuellement. La corde que les mots et les actes d'Aerianna avait touchée n'avait rien de rationnel, ni pour l'un, ni pour l'autre.

Elle écouta et noté tout le scénario qu'il s'était fait pendant que la princesse répondait à leurs questions. Elle entend le rythme fêlé venu de son passé et la façon dont lui s'était identifié à l'eldéen qu'ils traquaient pendant qu'elle s'était laissé prendre par une ressemblance de façade entre elle et Aerianna avant de se rendre compte qu'elle n'était pas une victime ou un loup mais un bourreau naïf. Elle comprend. Il n'y a pas grand chose à dire et rien à objecter.

- D'accord. " D'accord pour le fait de travailler seule si elle acceptait un boulot de cette femme. D'accord pour son explication. D'accord pour lui laisser le cadavre de X'Andarin. D'accord pour le fait qu'il se soit sentit souillé par le regard de cette femme. Elle comprenait et n'avait pas besoin d'autre chose sur ce coup. Elle se hisse sur la pointe des pieds pour venir poser son front contre celui de l'Ombre, cherchant le contact sans rien de plus. Elle n'avait pas besoin de lui dire qu'elle ne laisserait pas plus Aerianna le toucher que la prêtresse de Geresh n'avait eu l'occasion de le faire. Il le savait. Elle avait l'intime conviction que ce n'était pas ça qui comptait à ce moment précis.  

- Ce drow, ce n'est pas toi. " se contenta-t-elle d'ajouter en se pelotonnant dans ses iris inexpressives.

Elle respire calmement, profondément, ses mains posées avec légèreté sur les épaules de son compagnon, dialoguant du regard pour se remettre de cette drôle de rencontre. ELle le laisse parler, sans le pousser ni l'interrompre. Elle l'écoute. Elle sait qu'il n'a pas tout dit dans le détail. Elle ne l'a pas fait non plus. Et c'est bien ainsi. Ils savent. Ils sentent. Pas tout, mais suffisamment pour comprendre. Si enclins à se réjouir de la souffrance et de la destructions des abrutis répugnants qui constituaient ce monde, ils sont pourtant sensibles l'un à l'autre et, ça aussi, c'était suffisant.  

Quelque  part, plus loin dans la rue un discret bruit de pas passe à la périphérie de leur monde sans que cela ne les affecte. Elle inspire l'odeur de cette cape qu'il porte si souvent et redécouvre que son propre dos est entièrement tendu. Les frêles épaules redescendent de plusieurs centimètres. L'éclat des prunelles de Dante s'adoucit. La glace scintille.

- Ça va... mieux. " Elle sourit. " Au début j'ai vu mon reflet en elle. Un reflet du pire, déformé et faux. Et avec X'An à côté, j'ai pensé que j'aurais pu être à sa place. J'ai vu une femme qui a remis son corps entre les mains d'une Bête et qui en a payé le prix. Ce que j'avais peur de devenir quand j'ai fui à Sol'Dorn. "

Après leur première nuit. Quand il avait cru qu'elle ne reviendrait pas et qu'elle aurait préféré ne pas revenir... Avant qu'elle n'accepte que la mort était un prix acceptable et qu'elle s'aperçoive qu'elle avait déjà confiance en lui pour tout le reste. Il savait déjà tout ça. Ils en avaient parlé durant sa convalescence. L'affreuse convalescence que lui avait coûté X'Andarin. Il n'y a aucun doute, aucune accusation. Elle n'a pas plus peur de lui qu'avant qu'ils entrent dans ce palais.

- Et j'ai aussi vu ce que j'ai été avant de te connaitre. Il m'a fallu un peu de temps pour voir la folie et l'inconscience dont elle avait fait preuve. Pour comprendre qu'elle et moi, nous n'avons rien de semblable. Ni par ce qu'elle a demander à subir. Ni parce qu'elle a fait. Ni par ce qu'elle voulait que ce drow lui fasse... " ça avait été... violent. Sur certains aspects, elle avait bien moins de limite que Dante et aujourd'hui lui avait rappelé les deux côtés de la barrière et les risques que cela représentaient. " Je t'aime, Mon Indomptable... " souffla-t-elle en effleurant son cou de ses doigts de musicienne. Son sourire forcit un peu. " Et je suis contente que X'Andarin ne soit plus. Je ne l'aimais pas beaucoup. "

Nousn’avons strictement rien à voir avec ces deux-là Dit l’assassin en remontant le menton de Cécilie vers lui. Tu ne m’a jamais demandé de t’esquinter. Mais de te marquer mienne. Je ne t’ai jamais p... il bute  sur le mot, le trouvant tellement inadapté. Je t’ai toujours demandé la permission. Et je ne te forcerai jamais. Je suis un salaud mais pas sur ça. Librement donné et librement accepté. C’était ainsi, c’est ainsi et j’entends que ça le reste... Ma Flamme... Ma Ténébreuse... Si un jour ça ne l’est plus, nous irons chacun de notre côté, mais je serai toujours là pour toi quand même. Nous ce n’est pas une histoire de plaisir. Nous sommes un comme personne ne peut l’imaginer.  

Dit il d’une voix de velours rauque tandis que la main caresse son cou, y amenant ce frisson qui n’appart qu’à elle. Les prunelles de l’assassin foncissent sensiblement. Il répugne à briser le contact, mais le fait néanmoins après avoir bombardé les lèvres, la jugulaire et la clavicule offerte de son amante. Néanmoins il garde une main dans la sienne.

est ce qu’on rentre pour parler de ça en privé ou tu es d’humeur à te remettre avec une bonne pinte pour en discuter en plein milieu des moutons? On pourrait en profiter pour bouffer correctement.

Son sourire se fait plus large en l'entendant. Chacun des mots qu'il prononçait aurait pu sortir de sa gorge à elle. Lorsqu'il amorça la dernière en murmurant qu'ils étaient un, elle la finit en même temps que lui, au mot près. Y a-t-il quoi que ce soit de plus à ajouter concernant cette entrevue ? Ce n'était que ça : une entrevue. Avec une personne, pas bien différente de tous les moutons et les charognards qu'ils avaient pu croisés. Une personne qui ne savait rien d'eux et qui les avait touché par le plus pur des hasards.

- Arrête... Ce n'est pas le lieu... " souffla-t-elle sur le fil lorsqu'il commença à descendre de ses lèvres à son cou. Il n'aurait manqué que sa grande main agrippe sa courte crinière noire pour qu'elle se perde tout à fait. Mais il n'avait pas plus qu'elle l'ambition de se donner en spectacle et après une dernière étreinte étroite, les deux bras de la jeune femme autour de son cou, ils repartirent le long de la rue, main dans la main.

Elle lâcha un éclat de rire cristallin lorsqu'il lui proposa son plan pour la suite des évènements, son sourire se faisant inhabituellement amusé.

- Toi, tu vas boire ? " C'était tout bonnement un évènement... Il buvait si rarement qu'elle se demandait si elle ne tenait pas mieux l'alcool que lui malgré leur différence de gabarie. " Humeur ou pas, je ne peux pas rater ça... Puis tu as raison, un vrai repas n'est pas de refus. Mais je n'oublie pas le ragoût de bœuf que tu tiens à me faire goûter. "

Un léger sourire sur la sale gueule de l'homme, mettant en relief le côté abîmé de son visage, faisant flamboyer son œil vert sauvagement tandis que la marron reste sagement posée. Ils se mettent à marcher tranquillement vers une taverne potable, main dans la main, comme n'importe quel couple.

Pour X'Andarin. Moi aussi… J'ai difficilement supporté ce masque et cette armure lourde durant les jeux, je ne pensais pas y survivre et je m'en foutais, mais je l'ai toujours hais et il ne me manquait pas du tout. Il ne me manquera pas. Pas du tout.

Ce n'est pas la première fois qu'une de ses identités meure et ca ne sera pas la dernière. L'avantage quand on n'a pas de nom c'est que, au final, on s'en fout un peu…. Il marque un moment de pause.

Il faut un compagnon pour Garati, un qui a de la classe… et coloré comme elle…

L'oeil vert la contemple du coin de l'oeil, semblant particulièrement satisfait de cette bonne idée. Lâchant la main, il s'incline devant la mercenaire-mage.

Alors, gente dame, auriez vous l'obligeance de me dire à qui vous parlez en cet instant précis? Car devant vous, je me retrouve sans voix ni nom. Je ne sais même plus quel métier je pratique tellement vos sublimes yeux bleus envahissent mon esprit en cet instant précis.

Effectivement, il faut une identité pour remplacer X'Andarin. Il aimerait qu'elle le nomme… Pour la question des yeux… Eh bien, on fera avec, il faut peu de chose pour en cacher un cependant et il est expert là dedans. Il lui a demandé, voilà longtemps, de lui trouver un nom. C'est le moment. Signe de son attachement et de son affection envers elle. Ici se tient donc, devant elle. Courbache, Dante, L'Ombre…. qui la regardent, en un seul homme, attendant le verdict.

Elle ne pouvait être aussi véhémente que lui envers ce masque. Elle le détestait, mais c'était aussi sous cette apparence qu'elle lui était revenue. De toute façon, elle doutait être capable de détester réellement l'une des fausses identités de son Indomptable... De toute façon, c'est toujours le même quel que soit le nom ou les manières de façades. Il avait trop de nom pour que ça le touche vraiment. Elle n'en était pas encore à ce stade, elle. Elle ne s'en était pas caché, elle aimait trop son prénom, ce qu'il lui rappelait, ce qu'il signifiait. Elle était attaché à son identité et elle finissait par avoir un attachement avec chacun des visages qu'elle arboraient pourvu qu'ils durent plus de quelques jours. Chaque nom qu'il lui avait donné...

Et par extension, si son nom avait de l'importance, celui de Dante en avait aussi. Elle ne l'avait jamais renommé, déjà le surnom parfait avait mis un temps fou à venir puisque ce n'était que très récemment que l'Indomptable avait passé ses lèvres, alors qu'il l'appelait Ténébreuse depuis le premier jour. Elle pouvait inventer de belles chansons et user de mots précis, mais trouver le bon nom pour quelque chose, voilà qui était compliqué et qui demandait parfois du temps et plusieurs erreurs... elle n'avait que peu d'instinct pour ces choses là.

Mais elle sourit de bon cœur devant sa grandiloquence. S'il tenait à ce qu'elle tente, elle tenterait... Elle y avait réfléchit pendant des mois sans être satisfaite de rien, mais certains revenaient tout de même plus que d'autres... Et aujourd'hui, sous le feu de l’œil verts et le velours du brun, il y en avait bien un qui lui apparaissait. C'était peut-être un mauvais choix, mais c'était celui qui lui venait.

Elle s'approcha, le relevant comme l'aurait fait une grande dame devant une révérence non sollicité.

- Comment un homme si fier peut oublié qu'il s'appelle Arun ? " le nom en lui-même n'était pas le plus magnifique. A la première écoute, sa sonorité n'était pas assez ample pour un homme tel que Dante, mais elle trouvait la référence adéquate. " Arun..." Répéta-t-elle en testant à nouveau la sonorité du bout de la langue. " Comme Arun l'Invaincu, dragonnier de Katrian le Rouge, dernier des dragons. Celui qui a lutté toute sa vie contre les drows et s'en est toujours remis. Il a dompté un dragon et s'est battu si longtemps à ses côtés, sans jamais faillir, qu'il a fini par mourir de vieillesse. "

Un sourire appréciateur scruta le visage asymétrique.

Ils la regardent attentivement. Trouvant manifestement un humour certain au nom choisi par sa compagne. Une ancre, une signification. Les légendes D'Arun et de Katrian lui sont connues, aussi biens chantées que racontées dans les tavernes par les bardes.

Un nom fier. A la consonnance différente de ce qu'il choisi habituellement Ah… Rûn…. Un nom significatif. Parfait? Peut-être, peut-être pas. Et l'allusion au dragon plait à son alter ego qui lui ronronne son aise.

Il devient droit, fier, limite arrogant. L'homme défait sa tresse qu'il repousse de son côté abîmé, Repousse sa cape du côté gauche d'un geste ample de l'épaule, pour dégager deux de ses dagues et cacher les deux autres. Puis, d'offrir son bras à Garati avec son large sourire, heureux qu'elle l'ait nommé enfin. La façon dont il joue avec son corp, sa posture pour changer sa morphologie est étonnante. Soudainement, il semble faire plus grand que son mètre quatre-vingt.

Dante a peut être perdu un visage aujourd'hui, mais il y en reste 999 autres. Sous les mèches noires, l'oeil vert étincelle de malice et le marron le lui rend bien. Pour le moment, il a la posture et l'air, demain, il finira le reste.

J'ai faim. Nous allons fêter ça! Garati, me fait tu l'honneur de m'accompagner?