A travers Champs [Solo]

Oësgard, pitoresque baronnie aux paysages rustiques. Sur la route reliant Dormmel à Oësgard, un groupe de cavaliers fièrement dressés sur leurs destriers. Parmi eux se trouve un homme d'âge mûr, quoique encore vigoureux, à la chevelure grise d'argent et à la cape pourpre. A son côté chevauche un homme bien plus jeune, au visage semblable à au premier et aux vêtements du même ton pourpre. Ayant quitté le domaine de Lafosse tôt en matinée le seigneur de Höginheim, son héritier et leur escorte avancent sur la route vers Oësgard d'un pas régulier et uni. Le premier admire le paysage, les grandes étendues parcourues de champs d'orge, de houblon, de blé ou encore de prairies tranchant de la sombre forêt qui sépare leur fief du reste de la baronnie.

"Les cultures ont bien repris, par ici." Commente le père.
"Oui." Répond le fils, la tête ailleurs.
Du coin de l'oeil, le seigneur observe son fils un court instant.
"Qu'y a-t-il, Harald ? Tu semble préoccupé. Est-ce d'avoir quitté notre fief qui te rend si pensif ? Ou peut-être n'as-tu plus envie de revoir ta soeur ?" Plaisante le höginois.
"Non, ce n'est pas cela."
"Alors quoi ? Parle maintenant, car il sera trop tard devant Ses Honneurs."
"C'est que... Je songeait aux rumeurs sur Fort Norkan. Es-tu certain de devoir retourner dans les Wandres ? Tu es Sénéchal, tu pourrais envoyer un capitaine de la garde, ou un autre chevalier."
Le père marque un court silence.
"C'est donc cela. J'ai moi-même demandé à y participer, quelle raison donnerais-je en me rétractant ?"
"Il est vrai... C'est que... La dernière fois que tu t'es rendu dans les Wandres... Et si, cette fois, tu ne revenais pas ?"
L'homme soupire, comprenant l'inquiétude de son fils.
"Je vois... C'est une possibilité, en effet. Néanmoins j'en suis revenu, et avec la protection des dieux je reviendrais cette fois encore. N'as-tu point foi en ton père ?"
Le jeune homme esquisse un sourire.
"C'est vrai... Tu ne me ferais pas ce plaisir, tu reviendrais rien que pour m'importuner."
Le visage du père esquisse un léger sourire, alors que le fils revient à la réalité.



Après un repos de convenances, le seigneur höginois et son fils se rendent dans la cour du château où les attendent le baron et sa suite pour une modeste partie de chasse à courre. C'était pourtant sans compter les imprévus et les caprices du couple baronnial, qui parfois se disputaient les conseils de celui qui s'avère à leur yeux bien plus qu'un Sénéchal, ou même qu'un simple conseiller de la Cour baronniale. S'excusant du changement de programme, le jeune baron informe ainsi son sénéchal qu'au lieu de chasse en sa compagnie c'est à son épouse qu'il la tiendra, compagnie. En effet cette dernière souhaiterait entretenir avec le seigneur et conseiller des discussions que le baron qualifie d'ennuyante, laissant du fait au höginois deviner qu'il s'agit probablement de politique, d'économie ou autres affaires courantes de la baronnie. Des deux ce n'est donc que son fils, Harald, qui accompagnera le Baron en chasse, ces deux-là étant de toute manière plus proches de par leur âge et leurs aspirations que ne l'est le seigneur trentenaire.

Bien loin des luxuriants jardins du sud ou de ceux plus exotiques d'Estrévant, le jardin d'Oësgard n'en est pas moins beau à regarder, lors de la belle saison. En cette mi automne la plupart des fleurs se sont fanées et les caducs se sont vêtus d'orange, de vermeille et d'or. Sous le kiosque placé dans le jardin, la baronne et sa féminine compagnie bavardent autour d'un thé. Les commérages de la noblesse cessent lorsque, annoncé par un serviteur, le seigneur chevalier se présente devant elles.
"Vous m'avez fait demander, votre honneur ?"
"Oh oui, seigneur Brohan !"
La gente dame congédie alors ses convives tout en enjoignant son invité à prendre place, ce que le sénéchal fait humblement. Seule l'une des damoiselles de compagne est priée de rester, elle-même sise au coté de sa suzeraine.
"Bonjour père." Salue la damoiselle.

Les mondaines politesses passées, la conversation en vient rapidement au sujet qui intéresse ce jour-là la suzeraine d'Oësgard : à savoir l'économie et en particulier celle venant de l'agriculture.
"Nos accords avec Sybrondil sont fructueux. Comme vous avez sans doute pu le constater les nouvelles techniques de productions que nous avons développées ces dernières années ont porté leurs fruits et les récoltes se font meilleurs les unes après les autres. Cette variété de blé que vous avez ramené d'Estrévant, couplée à nos souches, s'est avérée plus productive que nous le pensions et nous avons pu les étendre à plus de fiefs. Même les terres d'Amblère, ravagées par les sombres, commencent à reverdir."
"C'est une bonne chose, les champs pourront bientôt y être restaurés."
"Je l'espère. Cependant les campagnes trop pauvres ont depuis été désertées, et il est difficile de convaincre la paysannerie d'y retourner. L'ennéade passée, encore, le Seigneur d'Amblère a importuné mon époux à ce propos. Et comme si cela ne suffisait pas, il semblerait que de plus en plus de bandits sévissent sur la route d'Alonna depuis que le commerce y a repris."
"Nous avons lu les rapports, et en avons discuté avec Son Honneur votre époux. Des dispositions ont été prises pour renforcer les patrouilles sur la route intérieure et celle du nord, et des enquêtes sont lancées pour débusquer ces malfrats."
"Je suis ravie de l'entendre. Avec vous, je gage que cela se règle rapidement."
"Vôtre honneur nous flatte encore. Quand aux campagnes d'Amblère, nous avons peut-être une idée, néanmoins il nous faut d'abord vérifier quelques détails avant de vous la proposer."
"Vous nous enlèveriez une belle épine du pied, sire Brohan."
La baronne sirote un peu de son thé, alonnais de provenance, avant de sauter d'un air jovial, teinté de fierté.

"Sur un sujet plus engageant, avez-vous goûté la bière de ce déjeuner ?"
"Naturellement."
"Et comment l'avez-vous trouvée ?"
"Fort bonne, quoi que différente de l'Oësgarienne habituelle. L'arôme nous a semblé plus épicée, ce qui n'est pas pour nous déplaire."
"Vous me voyez ravie de l'entendre ! C'est une nouvelle recette de la guilde des brasseurs d'Oësgard, récemment restaurée. Nous aimerions la diffuser et en faire une déclinaison de notre Oësgardienne déjà réputée. J'ai espoir qu'en développant un peu plus notre commerce nous puissions effacer un peu l'image sombre d'Oësgard."
"Ce ne sera pas une tâche aisée."
"Non, en effet, j'en suis consciente. Mon époux et moi pensions organiser un bal, comme il se fait dans le Sud. Pensez-vous qu'au niveau de la sécurité de nos convives cela soit possible ?"
"Un bal ?"
Le sénéchal réfléchit un instant avant de répondre.
"Bien sûr, cela ne serait pas problème. Néanmoins, si le but est de promouvoir Oësgard, ne devrions-nous pas le faire à notre manière plutôt que de copier les usages extravagants des suderons ?"
"Avez-vous une idée en tête ?"
"Pourquoi pas une foire ? Nous fêterons bientôt Tsamluder, ce serait une bonne occasion."
"Que voulez-vous dire ?"
Le seigneur höginois expose alors à sa suzeraine son idée, qui vraisemblablement plait à la dame. S'en suit alors un long échange, au cours duquel sont évoqués l'organisation, le financement, les participations et enfin les invités pour cet évènement qui se profile plus grand que l'idée d'origine.
"Nous ne pourrons point inviter toute la noblesse de Péninsule." Commente la baronne, songeant au coût que cela représenterait de tous les accueillir.
"Assurément pas, mais cela n'est pas nécessaire. Beaucoup refuseraient de venir, de toute manière."
"Alors les plus essentiels. Sa Majesté, bien qu'il ne viendra probablement pas. Son Altesse de Serramire, nos voisins d'Alonna, nos principaux partenaires. Pensez-vous que nous devrions inviter nos partenaires d'Estrévant ?"
"Nous craignons malheureusement que la venue de nos partenaires estrévantins ne soit vue d'un mauvais oeil par nos voisins du Nord, et même par certains de vos vassaux. Il est sûr que nous les accueillerons s'ils venaient à manifester le désir de visiter la foire, néanmoins nous vous déconseillons vivement d'en faire des invités de marque. En revanche, nous pensons qu'il serait de bon ton de convier nos amis d'EGIDE."
"Vous avez peut-être raison..."
Et la discussion continue, jusqu'à ce que l'ébauche d'un nouvel évènement majeur soit formé pour Oësgard.