[Mare Noire] Le Plongeon

Lyorindel tomba en arrière, atterrissant de ce fait douloureusement sur les fesses. Lorsqu’il rouvrit lentement les yeux, il baissa son bras qu’il avait mis devant ces derniers, pour contempler l’apparition d’un dragon qui le fixait silencieusement. Alors il se releva en poussant un grognement de douleur et rendit son regard à la bête. L’extinction de la symphonie, de la dissonance, l’accable et le bouleversent de la trame en fait tout autant. Il en faut peu pour qu’il ne se laisse retomber en arrière pour ne plus jamais bouger, cloué au sol par cet écrasant échec. Puis il se rendit compte que son ultime épreuve se trouvait enfin devant ses yeux et que son objectif était désormais clair : ne faire plus qu’un avec la créature et seulement alors il deviendrait ce qu’il méritait d’être. Aegden avait donné sa vie pour le lui permettre et si l’Aduram n’avait pas jugé le commandant assez fort, le fait que Lyorindel soit toujours là voulait bien dire que, lui, l’était assez.

L’Aduram l’avait jugé suffisamment fort pour faire face au dragon.

Il devait vaincre.

Le Dragon ramassa alors sa dague à ses pieds avant de lancer un dernier regard au dragon pour se jeter sur un de ses pattes afin de l’escalader.

Un ras de marée à travers la trame.

Puis plus rien.

Rien...

Je tombe à genoux, les mains enserrant compulsivement mon crâne. Mes poumons déversent leur air en un cri. Le plus long. Le plus puissant. Le plus atroce des cris que mon corps ne sera sans doute jamais capable de produire.

- Le silence les consume Aegden. Ne les y abandonne pas.
- Je ne comprends pas. Qui est tu ? Qu’est-ce qui se passe ?

Il n’est pas lui. Il est plus haut. Il tourne sa tête, Lyorindel essaie de monter sur…sa…patte ? En tout cas c’est une patte et visiblement elle lui obéît. Il la lève et la secoue pour déloger l’elfe aux intentions pas franchement amicales. Il y a un hurlement qui raisonne plus loin.

- Qu’est-ce qui se passe ? répète-il. Ou au moins a-t-il l’impression de répondre.   
- Nous avons préservé ta vie Aegden. Maintenant tu dois préserver les leurs.

Ce qui est dans sa tête n’a pas répondu à toutes ses questions et il en a milles autres. Pourtant il n’en pose qu’une seule.

- Comment ? 
- Chante.

Il ne comprend pas. Le dragon recule d’un pas. La sensation est étrange. Il n’est pas lui et il a l’impression de devoir réapprendre à se mouvoir.

-Que je chante ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

La dragon veut bien faire du bruit mais à quoi ça sert ? Il essaie mais ce n’est bien évidemment pas un chant qu’il pousse mais un rugissement de bête féroce. Il regarde un instant les camarades qui étaient les siens un instant plus tôt. Non, non ! Qu’ils ne s’effraient pas ! Il ne voulait pas les effrayer plus qu’ils avaient l’air de l’être…

- Laisse-nous te montrer.

Les ailes du reptile volant s'ouvrent largement, et un battement l'arrache au sol. Le souffle laissé dans son sillage est froid, au point de décorer l'air de quelques flocons perdus. Là, à quelques mètres du sol à peine, le dragon rugit à nouveau, ou du moins semble rugir, car il n'est en réalité aucun son quittant sa gorge. Les flocons dansent, se multiplient, se crée dans l'instant une certaine féérie, et à nouveau la Symphonie retentit. La Symphonie.
C'est un hymne guerrier. Un funeste ode à l'espoir. L'histoire d'un sacrifice. Mais un air exempt de tristesse. Ni angoisses ni regrets dans l'ode à la vie nouvelle luttant contre la solitude d'Aduram.

- Ceci est l'un de nos pouvoirs. Pour l'heure nous te les prêtons.

Il vole. Mais ce n’est pas de son fait. La voix qui lui parle en est responsable. Mais ce n’est pas ça qui le frappe le plus. Il l’entend. Et cette fois elle ne hurle pas. Elle ne s’insinue pas dans ses pensées pour lui susurrer des idées mauvaises. Non cette fois elle est belle, comme ce qu’on lui a toujours décris.

Si l’autre n’avait pas pris les commandes, il en aurait probablement oublié qu’il fallait battre des ailes pour ne pas s’écraser…Il se surprend d’ailleurs à essayer de reprendre contrôle lui-même sur les dites ailes. Voler de son propre chef…

- Qui êtes-vous ? Redemande-t-il.
- Il y a peu j'étais à la fois un dragon et l'un des tiens. Nous sommes tous les deux morts ici. Sacrifiés pour ramener la vie ici, car nous avons trop tué là-bas. La voix répond d'un ton égal, sans peine ni remords Et toi, que veux-tu ?

Le dragon baisse son immense museau vers la terre. Il n’est pas très haut, les autres elfes sont toujours là.
L’autre peut-il percevoir ses émotions ses sentiments ? Il n’en sait trop rien. Il ne perçoit pas vraiment les émotions de cet autre, mais il répond sans aucune hésitation et avec la même détermination qui l'animait depuis qu'il avait franchi la porte d'Alëandir.

-Protéger les miens. 

Le corps du reptile échappe au contrôle de l'elfe, et son regard se porte plus haut, plus loin, quelque part entre les immenses arbres de la forêt maudite. Les battements d'ailes s'intensifient. La créature prend un peu plus de hauteur, de vitesse, et l'emporte. 

- Dans ce cas, apprends. Et n'oublie pas.

La Symphonie berce le Souffle du soldat alors que la créature semble vouloir s'en gorger. Puis une autre mélodie apparaît, à la fois trop similaire et profondément différente. Les deux airs se mêlent, tandis que le reptile traverse les cieux, décrivant un cercle autour des groupuscules d'elfes au sol, à peine déformé par les troncs qu'il évitait avec agilité. Le froid se fait intense. Le dragon plonge, pose patte au sol là d'où il venait et rugit. Et la terre tremble. L'eau du ciel et l'eau du sol se soulèvent et s'immobilisent en un immobile déluge de cristaux. Le regard du reptile se porte sur les branches mouvantes. Et les vents dansent autour d'elles, féroces porteurs d'une Symphonie jalouse de son autorité. Chassés par la glace, mais sans blessures, les Ebènes se résignent et s'en vont.

- Nous avons le pouvoir de protéger les tiens sans que les miens n'aient à souffrir. 

Soudain, le poids du monde semble changer. La perspective du reptile se transforme. Elle redevient celle d'un elfe. Aegden est à nouveau Aegden. Mais le saphir n'est plus.

- Tant que tu l'autorises.

La terre a repris une hauteur décente. Ses mains sont redevenues mains. Son corps est redevenu elfe. Secoué mais entier. Il se laissa tomber à genoux, comme si il avait déjà oublié ce que ça faisait de se tenir sur des jambes. 

Il hocha la tête, et puis comme il n’était pas certain que la voix puisse percevoir ce geste il explicita.

-Je l’autorise. Souffla-t-il.

Il n'eût cependant pas le temps de reprendre son souffle. Il vit un éclair métallique et un elfe furieux jeta sur lui avec rage. Il ne bloqua sa main armée que de justesse

- Lyo...qu'est-ce qui te...prend ?! 

Il allait user de sa dague pour escalader la patte du dragon, à la façon d’un piolet, coinçant la lame entre deux écailles pour se hisser plus aisément, il leva donc son arme lorsqu’il fut projeté au sol. Pendant un instant le Dragon vol, loin d’avoir la grâce de ses congénères, il ne maîtrise pas non plus son atterrissage, pas plus qu’il pouvait l’éviter et il ferma les yeux à l’approche de l’impact. La douleur fut particulièrement vive, elle lui arracha un hurlement et il dût s’accrocher pour ne pas sombre dans l’inconscience, serrant les dents, il ouvrit un œil ; il était toujours là, après tout c’était difficile de le manquer mais Lyorindel n’avait aucune idée de ce qu’il essayait de faire. Pourtant c’était simple, il attendait qu’il se relève. Il attendait qu’il fasse étalage de la force que l’Aduram lui connaissait. Alors pourquoi est-ce que l’elfe n’arrivait pas à se relever ? Sa dague s’était plantée au sol non loin, son bras d’arme lui répondait plus ou moins, il ne manquait que ses jambes. Adossé à un arbre il tenta d’abord d’attraper le tronc et de se hisser grâce à ce dernier dans l’espoir d’atteindre une prise qui lui permettrait de tenir debout le temps que ses jambes lui obéissent de nouveau.

Le retour du contrôle desdites jambes fut progressif mais il n’eut pas le temps d’attendre que ça lui revienne entièrement pour agir, le dragon voulait prendre son envol et s’il ne se dépêchait pas, il manquerait définitivement l’opportunité de prouver sa force. Lyorindel sait qu’il n’arrivera jamais à l’atteindre à temps alors il sort son arc, encoche une flèche, tend la corde et laisse partir son trait qui ricoche sur les écailles de la bête sans même laisser une marque, sans même attirer son attention. Mais ce n’est pas en tirant qu’on montre sa force alors il laisse tomber son arc et va ramasser sa dague, plantée dans le sol, pour se diriger vers le dragon alors que celui-ci s’envole et pour résister au vent il détourne la tête et à ce moment il sait qu’il a échoué. Il regarda alors le dragon s’envoler les épaules affaissées. Il se laisse coucher par la puissance de l’atterrissage mais cette fois il serre les dents pour garder son cri pour lui, rien que pour lui, personne ne doit entendre son échec. Il eut à nouveau du mal à se relever, une fois à quatre pattes il put voir avec un mélange d’effroi et de soulagement qu’Aegden était revenu et que le dragon n’était plus.

Il serra la dague dans sa main et se releva aussi vite que possible, c’est-à-dire pas bien vite, pour se jeter sur le commandant. Du moins c’était ce qu’il voulait faire, ayant du mal à se déplacer il titubait plus qu’autre chose, essayant tant bien que mal de maintenir une cadence élevée alors il se jeta sur l’elfe à genoux mais ce dernier ne reste pas léthargique bien longtemps et il arrêta l’attaque de Lyorindel en attrapant son poignet juste avant que la lame ne l’atteigne. L’épervier plaça sa seconde main sur le pommeau de la dague pour y appliquer plus de force avant de transférer la majorité de son poids à l’avant.

« Si je ne suis pas assez fort, personne ne l’est ! »

Les yeux secs. Les mains sur les oreilles. Les ongles plantés dans le crâne. La respiration creuse, à peine un sursaut de vie qui me prend malgré moi.

Un long moment se passe.

L'éclat d'écorce sur la mousse reste là, inerte. Brune sur vert. Un morceau épais de végétal vaguement rectangulaire. L'image prend toute la place. Un bord s'effiloche en quelques fibres encore verte qui boucle et croulent sous leur propre poids sur les picots duveteux du tapis verdoyant et la petite fleur jaune encore à demi fermée. Elle s'incruste dans mes pupilles, jusqu'au plus infime détail. La texture, l'odeur, la distance. Et le vide absurde qui l'entoure.

- Tu n'es qu'une idiote digne des pierres. " Mes yeux ne peuvent pas éviter le regard acerbe de la petite fleur jaune. Bordés d'une chevelure de pétales dorées, les yeux violacés de Tuo me fixent. A chaque battement ses cils extrêmement longs battent l'air avec un bruit d'aile. Le mouvement ample est hypnotique. Son air à la fois déçu et revêche rallume un semblant de douleur quelque part dans la coquille vide qui est penchée sur lui.
- Mais...
- Tu aurais du rester. Tu m'as abandonné et tu es seule.
- Ne dis pas ça...
- Tu va mourir seule. Toute seule comme une vieille godasse.
- Arrête, je t'en prie...
- Et tu l'auras bien mérité sale serpent.
- TU N'AS PAS LE DROIT DE ME DIRE CA !

Mon poing s'abat de toute ses forces sur la petite fleur. Je l'empoigne, je la serre, je la déchire, je la réduit en bouilli avant de l'écraser sur la mousse pour débarrasser ma main de son suc. Fébrile, tremblante, mon autre main se pose sur l'étui de tissus contenant mon arc et mes flèches et s'y crispe aussi sec. Il faut que je parte. Que je cours. Je tente de me redresser, mais retombe à quatre pattes pour rendre le contenu de mon estomac jusqu'à en avoir la bile aux lèvres.

Elle s’était enfin résolue à se battre, et voilà que le silence la soufflait. Inwiste s’est complètement figée, le moindre muscle de son corps noué en un véritable collet étrangleur. Impuissante, elle est incapable ne serait-ce que de se retourner pour constater ce qui se joue derrière elle. Impuissante, elle ne peut qu’espérer que les ébènes le restent tout autant qu’elle. Impuissante, elle s’abandonne une seconde fois, incapable de rendre à son corps sa mobilité, mais au moins empêchant son cœur de lui échapper.

Et puis la forêt se mit à Chanter.

Inwiste s’écroula sans réellement savoir si elle était soulagée, détruite ou simplement terrifiée. Inwiste ne savait tout simplement plus qui elle était, où elle était, ce qu’elle était, ce qu’elle devait faire… et c’est toi qui lui donna à nouveau une raison d’être, Ungwë. L’élémentaliste se rua vers toi lorsque la bile te monta aux lèvres, les images de ce que l’on pourrait appeler ta rage ne lui remontant en mémoire qu’au moment où ses bras tentèrent timidement de se lover autour de toi.

- Ça va hérincë,. Ça va. Je suis là, d’accord ? Je suis là. ses doigts tremblants osent enfin se presser contre ta peau, et son étreinte se raffermir Je suis là. Je suis là.

Lentement l’ombre revient peser sur les Chants de Liltalaima. Lentement mais sûrement la Dissonance reprend le pouvoir sur la Symphonie, les mécanismes de sa perversion se redessinant à travers la Sylve comme ils l’avaient fait au premier jour, laissant tout loisir aux elfes présents de vivre par eux-mêmes ce qu’avaient vécu les condamnés lorsque Meliën vint remplacer la mort par une vie corrompue.

- La petite tient le coup ?

Une voix grave tonne depuis le lointain, et à pas de course, deux elfes en armure, un homme et une femme vous approchent. Le lieutenant Wyslenan et sa partenaire font partie de ceux ayant choisi de faire passer votre survie avant tout. Leurs comparses Citadins, ils leur font assez confiance pour se débrouiller seuls… pour l’instant.

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- Lyorindel ! Assez !

À l’orée du cœur d’Aduram, le pas des soldats Wyslenans se hâte, les arcs bandés en direction des leurs hésitant à se baisser, se baissant quelques peu, se voulant moins menaçants. C’était maintenant ou jamais, avant que la Symphonie ne cesse de sonner. Peut-être pourraient-ils le ramener. Peut-être pourraient-ils lui faire entendre raison avant qu’il ne soit trop tard… ou peut-être en le remettant brutalement face à la réalité le détruiraient-ils.

Il vaut parfois mieux accepter le sacrifice d’un seul.

- C’est fini Lyorindel ! le ton ne sait pas s’il se veut autoritaire ou suppliant Personne n’essaie de t’affronter ! Il faut que tu sortes d’ici !

L’un des hommes se retourne vers toi Aegden, son visage inquiet te urgent de faire quelque chose.

- Mainyth, il faut le tirer d’ici ! De force s’il le faut !

Aegden, te résoudrais-tu à blesser ton camarade pour son propre bien ? Lyorindel, la détresse des tiens aura-t-elle raison sur la colère ?

Les oreilles du commandant se couchèrent vers l’arrière. S’il entendit l’invective de son dernier camarade arrivé en renfort, il n’en montra aucun signe car c’était son ami qu’il fixait. Son ami qui tentait de toutes ses forces de le tuer alors qu’il était encore à genoux…Lyorindel avait visiblement perdu la tête et ses paroles n’avaient pas plus de sens que ses gestes.

-Ils ont raison. Arrête Lyo’ c’est ridicule. Il secoua la tête. Son interlocuteur pouvait-il se rendre compte qu’il était désespéré ? 

Il s'écoula une demi-seconde pendant laquelle rien ne semblait se passer, les deux elfes forçant à l’opposé. 

Aegden serre les mâchoires et se laisse soudain tomber en arrière. Il profite du mouvement pour placer son pied sur le ventre de Lyorindel qui tombe avec lui pour, suivant ledit mouvement, l'envoyer par-dessus et s'en débarrasser.

Le diplomate tomba sur le dos avec un bruit sourd. Aegden ne prit cependant pas le temps de laisser les remords le gagner. Il ne voulait pas faire de mal à son ami mais là il n’avait plus vraiment le choix s’il voulait rester en vie. Se tournant ensuite sur le côté, il tordit le poignet du diplomate pour lui faire lâcher sa foutue lame avant de la projeter plus loin, vers l’un des Wyslenans. S'il la gardait proche, l'elfe dément chercherait surement à la récupérer.

Les autres s’étaient d’ailleurs rapprochés pour aider leur camarade et immobiliser celui qui avait déclenché cette rixe. Aegden finit donc par se relever, alors que les soldats aidaient le dément à faire de même sans pour autant le lâcher, maintenant ses bras dans son dos. Le mainyth ne dit rien, se contentant de fixer son camarade avec une infinie tristesse.

Lyorindel était-il définitivement perdu ? Il n'aurait sans doute pas dû le laisser le suivre près du saphir, au cœur même de l'Aduram. Il n'aurait même jamais du le laisser venir en Aduram après tout ce que le diplomate avait déjà subit...

Il fallait s'éloigner de cet endroit maudit et vite, alors il se détourna à contrecœur et fit signe aux Wyslenans qu'ils pouvaient y aller. Celui qui avait récupéré l'arme de Lyorindel fit mine de lui confier mais il refusa d'un geste de la main.

Des bras je n'ai qu'une vague conscience, mais le contact est instinctif. Je m'y agrippe malgré mes difficultés à respirer et ma toux poussive. Après quelques instants, mon arc en travers du dos d'Inwiste, il est devenu virtuellement impossible de me décrocher d'elle sans que je ne m'accroche plus fort encore à celui ou celle qui m'en délogerait.

- Ce n'est pas fini... bientôt. Bientôt. Il n'est pas loin... Encore à faire... elle peut pas... pas maintenant...

Les murmures s'échappent compulsivement. Peut-on parler de conscience ? Sans doute pas.

Transporter aussi facilement qu'un bagage et sans plus de conversation, il est difficile de savoir ce que mes yeux ouverts perçoivent. Quant à la réponse qu'attendait le Wyslenan, elle était hélas très facile à deviner : non, la petite ne tient pas le coup.

Forcé dans une solide clef de bras, tu n’as pas d’autre choix que de te laisser faire, Lyorindel. Un duo de Wyslenan t’arrache au cœur d’Aduram, en direction d’une Symphonie à la décadence plus lente, de lieux dont la Dissonance – lorsqu’elle tonnerait à nouveau avec toute sa virulence – ne te charmerait pas de la même manière que celle d’ici. De l’autre côté le dernier d’entre eux, portant tes armes, reste auprès de toi, Aegden pour que tu ne te trouves pas à ton tour victime de la solitude.

- Il faut qu’on rejoigne les autres et qu’on trouve un endroit où poser le camp. le Wyslenan tremble toujours, n’osant pas se résoudre à accepter ce qu’il venait de voir Je pense qu’écourter la journée et se reposer fera du bien à tout le monde.

L’elfe te regarde, et commence à reculer en direction de ses deux comparses partis en avant, l’air de ne pas vraiment te laisser le choix. Parce que non, il ne te laissait pas le choix.

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- Il faut qu’elle se repose. la voix chevrotante d’Inwiste déclare avec un étrange aplomb elle est trop près du but pour s'arrêter là.

- Est-ce que vous…

Le lieutenant fait un pas en avant, ses doigts s’approchant dangereusement de toi, Ungwë, mais Inwiste fait un rapide pas en arrière, te maintenant hors de portée du soldat. Elle se relève, elle te relève, et vous retourne toutes les deux vers lui, maintenant le fossé garantissant votre sécurité.

- Je peux m’occuper d’elle ! les mots claquent comme un fouet Essayons juste de trouver un endroit à peu près sûr.

- Mes hommes devraient nous rejoindre bientôt. Nous serons assez pour organiser des tours de garde.

- D'accord.

Elle ne veut pas en parler, ou alors, elle n’en a pas la force. Elle ne le sait pas, du moins n’en est-elle pas sûre. Inwiste sera restée bien silencieuse lorsque le reste de la compagnie Wyslenane les aura retrouvé, malgré l’arrivée de celui qui venait de défier la logique, et de celui que les autres devaient retenir contre son gré. Eviter les questions rendait les choses plus simples. Maintenant il n’était plus question de comprendre, il était question de survivre, et seulement de survivre. De survivre jusqu’à ce que tu reprenne un peu tes esprits, et qu’elle puisse reprendre le cours de votre mission.
Trouver un endroit parmi les ruines où les restes de bâtisses constitueraient un semblant d’abri. Tresser quelques branches, rassembler quelques feuilles, tisser des pièges dans la trame et finalement accepter de se reposer, un bout de viande séchée entre les dents… Inwiste avait choisi cela plutôt que de se poser des questions. Elle ne pouvait pas se permettre plus, pas quand elle se devait de te protéger tant que tu étais fébrile. Jamais l’élémentaliste ne se permit de s’éloigner de toi, Ungwë. Jamais elle ne se permit de te laisser seule. Pas quand le pouvoir de la Dissonance se faisait à nouveau dominant sur celui de la Symphonie. Mais…

- Toi ! tu osas passer trop près, Aegden, et c’en fut trop pour elle Qu’est-ce que… qu’est-ce qui s’est passé ?

Avancer, rejoindre le reste du groupe. Monter un camp. Faire une halte. Aegden fit de son mieux pour se raccrocher à ces pensées et ces gestes familiers, se réfugiant dans un monde qu’il connaissait. Bien sûr qu’il y avait mille questions à poser. Mais pas maintenant. Il avait la sensation que laisser aller la moindre émotion ou le moindre doute maintenant créerait une brèche qu’il se trouverait bien incapable de tarir donc il occupait son esprit avec le peu de rationnel qu’il pouvait encore trouver. Il fuyait ces innombrables doutes avant de craquer sous leur poid.

Juste pas maintenant. Mais ça, c’était sans compter sur la noss aux yeux étranges. Il se stoppa net lorsqu'elle l'invectiva. 

-Alors déjà, Moi, j’ai un prénom. Répondit-il sèchement en lui lançant un regard noir.

Ce n’était qu’un prétexte pour ne pas répondre à se question, même s’il ne s’en rendait pas compte. Il ne lui avait d’ailleurs pas dit son prénom mais ça non plus il n’y prêtait pas attention.

Comment aurait-il pu lui donner la moindre réponse? Il n’en avait aucune idée de ce qu’il venait de se passer ! Un instant lyorindel lui avait mis une larme sous la gorge, l’autre il était un dragon réinstallant une symphonie disparue avant de reprendre son corps pour être à nouveau attaqué par son camarade.

Non il ne pouvait pas expliquer ce qui venait de se passer ces dix dernières minutes. Il ne voulait pas faire l’effort de l’expliquer à l’ornedhelle qui ne lui inspirait de toute façon pas confiance. Sa manière de presque exiger une explication de sa part n’aidant pas.

Il voulait juste qu’on lui fiche la paix cinq minutes avec cette histoire de magie, de symphonie et de dissonance qui le dépassaient purement et simplement. Cinq petites minutes…

Guidés par la peur, les Wyslenans l'avaient mis à nu, ou du moins, l'auraient-ils fait que cela aurait été tout comme. Privé de son arc et de ses flèches, privé de sa dague, et surtout, privé - en même temps que tous les petits objets susceptibles de lui permettre de disparaître - de sa broche, l'épervier était passé d'allié à prisonnier. Pieds et poings liés face à des regards oscillant entre la terreur, la compassion et l'abjuration.

Lyorindel regardait ses capteurs avec de grands regards noirs qui en disaient long sur ce qu'il ferait si jamais il se libérait. Toutefois il savait que ça n'aurait servi à rien de tenter quoi que ce soit maintenant, il y avait trop de regards braqués sur lui, il aurait été maîtrisé bien trop vite. Il n'avait pas envie d'être patient, il l'avait suffisamment été jusque là mais voilà, parfois on a pas le choix et s'il voulait jouer de ses talents d'éclaireur et, surtout, d'épervier, pour se libérer, il allait devoir attendre que l'attention des autres elfes se relâche. Toutefois il ne put s'empêcher de lancer des regards haineux aux noss et surtout à celle qui venait provoquer Aegden.

"Lyorindel... c'est finalement le plus timide des Wyslenans le premier à briser le silence est-ce que tu es encore avec nous ?"

La question était profondément naïve, particulièrement quand la Dissonance reprenait ses droits, mais ici elle était moins forte que là-bas. Peut-être qu'ici il arriverait à nouveau à lutter, et qu'un semblant de sens lui reviendrait. Sa première question ne fut répondu que par un mouvement de la part de l'intéressé qui tenta de se dégager sans succès pour finalement reporter son regard enflammé sur le curieux.

"Tu te rappelles pourquoi on est là ?"

"Je ne suis pas encore amnésique. Il s'était retenu de justesse de ne pas le lui cracher au visage mais il n'avait évidemment pas pu ravaler tout son fiel ni sa véhémence. Et toi, pourquoi es-tu là?"

"Tu perds ton temps. un autre Wylsenan lance à son collègue Tinùviel l'a pris.Pour l'instant il n'y a rien à faire."

Le premier des deux serre les poings, serre les dents, et se refuse à se tourner en direction du second. Ses yeux restent sur l'épervier, y cherchant la moindre once de ce qu'il avait été.

"Je suis là pour protéger les miens. Pour trouver l'artefact qui pourrait sauver Alëandir. il répond à Lyorindel malgré l'intervention de l'autre, tentant de se donner de l'aplomb Et pour ça j'ai besoin de chacune des personnes ici présentes. Toi y compris. Je ne suis pas là pour t'affronter Lyorindel. Tu n'as rien à prouver à personne.

"Tu crois vraiment qu'il en a quelque chose à faire là tout de suite. J'aurais pensé que tu as participé à assez de rondes dans l'ancien Linoïn pour comprendre qu'il n'y a rien à faire. Le pauvre n'a probablement pas ce qu'ilfaut pour résister à l'influence d'Aduram, alors il va rester dans son délire au moins le temps qu'on soit sorti d'ici, et avec un peu de chance, les Voilés pourront le ramener à la raison une fois de retour."

Le second wyslenan n'eut droit qu'à un regard noir, comme ceux que Lyorindel lançait aux autres citadins. Enfin pas à tous. Celui qui l'avait approché n'avait pas droit ce regard teinté de haine mais on ne pouvait pas y voir l'affection sans borne de la Mère non plus.

"Tu as raison. Il ignora superbement le second wyslenan qui s'était mêlé à la conversation pour ne parler qu'au premier, il ne lui lançait plus de regard, comme s'il n'existait plus. L'Aduram l'a prouvé pour moi, maintenant je n'ai plus qu'à le rappeler."

Le plus doux des Wyslenan se contenta de baisser les yeux et d'à nouveau se murer dans le silence. L'autre, quitte à être invisible se leva pour aller se rendre utile ailleurs. Il aurait tout le temps d'espérer que le Lëandrin ne soit pas une cause perdue plus tard.

Le temps avait repris son cours. De minute en minute, j'avais émergé de ce cauchemar. J'avais la vague impression que quelqu'un ou quelque chose m'avait exhorté à ne pas perdre pied pendant les pires instants de ma vie. Quelque chose ou quelqu'un m'avait demander de ne pas abandonner, de ne pas oublier, de rester moi, d'ailler jusqu'au bout. J'étais là pour quelque chose d'important. Je devais poursuivre mon chemin. Mais qui m'avait soutenu ? Quoi exactement ? Si j'étais en Anaëh, je dirais sans hésiter la Symphonie, mais c'est impossible, je le sais.

Étrangement, la solitude ne me pèse plus.

Les murmures dissonants du Linoïn sont aussi présent que les mouvements et les bavardages des elfes autour de moi. C'est amusant en un sens... Je ne vois plus que des elfes, sans origine, sans visages, sans nation. Mes yeux passent de silhouette en silhouette, sans gêne aucune. Je leur appartiens et ils m'appartiennent...

En tailleur sur le sol, mes mains se torturant l'une l'autre pour juguler leurs tremblements, je me repassais la scène. Une part de moi voulait ne plus jamais y penser, ne plus me poser aucune question et courir loin d'ici, mais l'autre voulait comprendre. Pire. Je voulait continuer d'avancer et je ne voulait pas que ces quelques instants me hantent. Du temps, c'était sûrement ce qu'il me faut en priorité, mais je ne peux pas l'accepter si facilement. Alors je cherche, je pense, je réfléchis.

Les ébènes. Le dragon... Non. Les ébènes. Lyorindel et Aegden qui s'enfuient loin des autres citadins. Les arcs bandés vers eux. Le dragon. Des bruits de lutte. Je serre les paupières pour réprimer le haut le cœur qui s'impose à moi lorsque le regard déçu de Tuo me transperce de part en part... Mais... Lyorindel avait-il réellement tenter de blesser l'un des siens ?

Ça n'a pas de sens. Je n'arrive pas à mettre les évènements dans un ordre approprié. Le dragon. Ou est-il ? Les arcs. Pourquoi menacer les leurs et les aider à présent ? Et Lyorindel...

Mon regard se relève à nouveau. Là-bas, derrière le feu, le Citadin est gainé dans tous ce que les autres ont trouvé pour le mettre aux arrêts. Pourquoi se retrouve-t-il encore abandonné des siens ? La Mère ne voulait vraiment pas que nous nous rencontrions sous de meilleurs auspices. A chaque fois que nous nous croisions sous les frondaisons, il perdait toute liberté, qu'elle soit physique ou mentale.

Aujourd'hui, il parle un peu. Il tempête surtout. Il semble si... violent. Les regards de Lorna et de Faelwen me reviennent en mémoire. La haine, la colère la méfiance. Elles sont comme les pierres qui dévalent un pic et finissent par entrainer une montagne.

La Destruction...

En continuant à le dévisager, c'est ce que je ne peux m'empêcher de voir. Je le sens jusque dans la moelle de mes os. Jusqu'à en avoir les muscles tendus à m'en faire mal et les entrailles révulsées. Je me lève, mal à l'aise pour me diriger vers le plus proche elfe. Les mots coulent de mes lèvres sans que je ne réfléchisse à qui m'apportera la réponse. J'ai besoin de mettre de l'ordre dans tout ça pour ne pas sombrer dans la folie. Il doit bien y avoir une explication. Une seule petite explication qui expliquerait ou nous en sommes.

- Excusez-moi... Je ne comprends pas... Tout à l'heure, je vous ai vu tenir en joug Aegden et Lyorindel... Je ne crois pas avoir rêvé, mais je ne comprends pas pourquoi ?
- L'Aduram a rendu Lyorindel agressif et ils devaient être prêts à agir pour éviter le pire.
- Mais pourquoi Aegden était avec lui ?
- Ils ont été attirés par la Dissonance, et Aegden a vu l'endroit en rêve.

L'identité de mon interlocuteur importe peu. N'était-ce pas Inwiste d'ailleurs ? Non je ne crois pas. Mais un rêve... Quel ancêtre a pu attirer le demi sang au centre de ce bosquet ? Quel esprit a pus exiger qu'il se rende jusqu'à ce lieu précis ? ... Et pourquoi son ami l'avait soudainement attaqué ? Et pourquoi tout le monde restait silencieux, sans une question aux lèvres alors que tant se bousculent dans ma tête ?

En quelques pas je traversais le camp pour m'approcher de Lyorindel. Debout à deux pas de lui, un frisson remonta le long de mon dos.

- Pourquoi veux-tu tuer ton ami ?

Les lèvres d’Inwiste s’écartent, son visage tordu en une soudaine indignation, elle inspire, se prépare à l’une des diatribes dont elle a le secret… pour finalement longuement soupirer et baisser la tête. Son regard se reporte sur sa protégée, et son attention t’abandonne, Aegden. Elle préfère continuer de couvrir la petite entre ses bras, espérant que les rumeurs qu’elle arriverait à arracher à ceux d’entre les Citadins qui ne sont pas toi lui suffisent. Et elles ne lui suffisent pas. Il y a tellement d’autres questions qu’elle aurait aimé te poser, seulement maintenant elle n’en a plus ni le courage ni l’énergie.

Ungwë se lève, échappe à l’étreinte de l’Ornedhelle, et Inwiste à grands pas maladroits la suit de près. Un dernier regard en ta direction lui sert à te communiquer la fatigue qui est sienne, et la violence qui fut la tienne. Dragon.

- Je ne le connais pas... ton prénom

Et juste ainsi, elle te laissa à une culpabilité qui n’était pas entièrement tienne. Ce n’était que bien peu, mais ta promesse de protéger les tiens, tu venais de la trahir une fois

_______________________________________

- Parce que l’Aduram lui a fait perdre la tête ! un Wyslenan exaspéré te répond en envoyant ses bras au ciel,Ungwë Voilà pourquoi !

Face au geste brusque du soldat, une Inwiste tendue sursaute, et se rapproche de toi, tant en s’avançant qu’en te tirant légèrement. Puis l’élémentaliste inspire, et se rend compte elle-même de sa surréaction. Elle souffle, te libère, et prend un pas de recul. Elle s’assoit, et pose un œil sur le prisonnier. L’œil triste de ceux qui pensent avoir compris.

- Tout ça a commencé bien avant que tu ne mettes le pied ici… elle entonne fébrilement n’est-ce pas Lophindel ?

Lyorindel avait accueilli le silence qui avait suivi avec un soulagement surprenant. Saucissonné et adossé à un mur en ruine, il recula sa tête avant de se démener pour trouver une position plus ou moins confortable, ce qui n’était pas aisé, vu qu’il allait devoir attendre un certain temps, autant le faire sans se casser davantage le dos. Alors il ferma les yeux pour écouter la dissonance et la question le surprit. C’était pourtant simple et il ne voyait pas pourquoi est-ce qu’il devait l’expliquer. Jusqu’à ce qu’il ouvre un œil en entendant un wyslenan exaspéré répondre, ce n’était pas la bonne réponse évidemment mais s’en était une qui déstabilisa l’épervier, pas par sa teneur mais parce qu’ils semblaient entendre la même chose. Refermant son œil, Lyorindel poussa un soupir, à quoi bon leur expliquer à nouveau ? A quoi bon tenter de dire quelque chose à des gens qui, de toute façon, n’écoutent pas ? Cependant la seconde question le surprit et il rouvrit les yeux pour voir la moitié haute du visage de la noss qui accompagnait Ungwë.

« Perspicace pour une sauvage. » Lâcha-t-il avec une certaine nonchalance qui contrastait avec sa véhémence d’il y a quelques minutes.

La plus jeune des deux Noss l'observa, penchant légèrement la tête. Elle, elle ne comprenait pas. Pourquoi la plupart des gens pensaient que les autres comprenaient toujours ce qu'ils avaient dans l'esprit lorsqu'ils le partageaient à mi-mots ?

- Alors que s'est-il passé, avant ? C'est à cause des miens ? " Toujours debout, Ungwë articulait d'une voix forte, sans se préoccuper de qui l'entendrait dans le petite campement qu'ils avaient établis. Il faillit éclater de rire en se rendant compte que la petite voix qu’il avait pris pour la dissonance n’était en réalité que celle d’Ungwë alors il baissa la tête pour faire rentrer la petite noss dans son champ de vision.

« Si seulement il n’y avait que les tiens... c’est à cause de tous les sauvages. »
- Dont tu ne connais qu'une infime fraction. l'élémentaliste rétorque immédiatement Typiquement Citadin... Inwiste baisse les yeux et soupire faiblement C'est bien triste
- Pourtant ils agissent tous pareil, toi y compris. »
- Si nous sommes tous coupable. Que t'avons-nous fait ?
« Tu veux vraiment la liste ? »

Insensible aux réactions d'Inwiste, la jeune femme s'approcha encore pour s'agenouiller à côté de celui que les citadins avaient désignés comme prisonnier.

- Oui. Je veux comprendre. "
- J’ai perdu des amis à cause des noss de Daranovar, sans compter les blessures qui m’ont été infligées ; j’en ai perdu bien plus durant les guerres où pour protéger l’Anaëh où les noss n’ont rien fait ; j’ai perdu ma mère ; j’ai failli perdre définitivement l’usage de mes jambes ; j’ai dû abandonné tout espoir de justice parce que les tiens auraient tout fait pour l’éviter de toute façon ; une druide a tout fait pour nous faire souffrir avant d’échouer sa tentative d’assassinat en route pour l’Aduram. » S’il avait eu les mains libres il se serait servi de ses doigts pour tout énumérer. Une fois sa liste terminée il lança un regard las à Ungwë. « Satisfaite ? »

De la haine. De la colère. Elle ressentait toujours la même chose venant de l'elfe attaché. Habituellement, cela la mettait dans des situations difficile, mais elle n'y pensait pas. Ici, les coups étaient plus agréable que le silence. Les chaines plus viables que l'indifférence.

- Des hommes et des femmes en ont tués d'autres. Ils avaient tort. Tous. Et je suis désolée que ta mère soit morte de cette folie. " Même la druidesse avait tort... Mais cela, elle ne pouvait pas le dire à voix haute. " Mais aujourd'hui tes jambes sont fortes. Ton ami t'as sauvé sur le chemin comme il t'a sauvé des miens. Et pourtant, c'est Aegden que tu as tenté de tuer, pas moi. Pas Inwiste. Alors pourquoi le tuer lui ? Pourquoi es-tu seul au milieu des tiens ? "

Interpellés par les derniers mots de l'Ornedhelle, et eux aussi, au moins autant qu'elle désireux d'obtenir une réponse, les Wyslenans eurent tous deux d'abord un mouvement de recul surpris, puis s'approchèrent d'un pas de plus, pour s'asseoir autour de Lyorindel. Le regard sévère de l'un et suppliant de l'autre arrachèrent un frisson à Inwiste, qui faillit s'en aller chercher le silence, mais il lui fallait rester avec sa protégée. Aussi durs ou insensés que puissent être les mots qu'elle entendait.

S’il n’était pas loin, l’intéressé s’était efforcé de ne pas écouter la discussion, agissant par automatisme avant tout. Cependant les dernières questions c’était comme si on les lui avait hurlés dans les oreilles. Il ne pouvait vraiment ignorer les discutions. Pas plus que l’étrange son qui ne venait, lui, pas des arbres alors que la dissonance ne le gênait plus.

Ces interrogations d’Ungwë, elles tournaient encore et encore dans sa tête.

Il jura à voix-basse avant de s’approcher à son tour. Tant pis pour sa fierté personnelle. Il fixa un instant l’elfe à qui ont parlait, sans rien dire, puis, prenant juste soin de rester à un distance qui ne serait pas perçue comme une provocation pour son ami, ou ce qu’il en restait, il s’assit aux côtés des autres elfes et écouta.

Lyorindel ne regarda pas son audience augmenter, gardant ses deux yeux concentrés sur la petite noss en face de lui.
« Et pourquoi es-tu là? Pourquoi êtes-vous là? » Il se tourna vers Inwiste.
- Je voulais juste continuer d'aider. Rien de plus, rien de moins."
- Je... " Pourquoi ? Pourquoi était-elle là ? Parce qu'elle devait être là... Mais... Pourquoi exactement ? Une lueur incertaine fluctua dans les yeux de la jeune Noss. Varnan lui avait transmis un avertissement. Il lui avait parlé du Linoïn, de ce que les Citadins pouvait faire. Elle ne savait pas ce que pouvaient faire les Citadins. Elle avait quitté son clan pour les trouver, les interroger. Pour comprendre, et pour les accompagner dans le Linoïn si la dissuasion n'était pas nécessaire. Mais... ça n'avait pas de sens. Ça ne collait pas avec ce qu'elle avait fait. Avec le besoin impérieux de venir ici.

Elle devait aller au cœur du Linoïn... pour autre chose.

Et maintenant qu'elle y pensait loin de la Symphonie, elle commençait à douter... Pourquoi s'infliger ça ? L'idée de devoir s'éloigner de ce groupe, et plus spécifiquement des trois elfes qu'elle connaissait le plus lui était totalement insupportable ! Peu importait la raison !

La voix de la jeune femme était bien plus animée lorsqu'elle reprit.

- Ne répond pas à mes questions par d'autres questions. La justification que tu cherches n'est pas dans mes motivations. Pourquoi essayer de tuer ton ami ? "
« Tu n’as pas dit un mot sur les actions des tiens et maintenant tu ne réponds pas… je vois qu’on a tous les deux des choses dont on a pas envie de parler. Cependant j’ai fait l’effort de répondre à au moins deux de tes questions, le moins que tu puisses faire c’est de me rendre la pareille. »

La jeune femme tourna les yeux vers Inwiste et tomba sur les Wyslenan, prenant soudainement conscience de tous ceux qui se trouvaient autour d'elle… Et cela la touchait étrangement. Elle se demanda fugacement s'ils étaient là à l'écouter depuis longtemps, croisa le regard du demi-noss et un souffle curieux lui monta au cœur. Seul parmi les siens… Ou entouré parmi des étrangers. Elle prit une inspiration plus ample. Troquer des frères de sèves contre des frères de sang n'était pas la chose la plus naturelle qui soit mais elle se sentait inexplicablement mieux.

Ungwë se laissa glisse sur la hanche, s'appuyant de l'épaule contre le morceau de pierre qui servait de dossier au prisonnier. Ses deux mains restaient compulsivement jointes.

- Je pensais être là pour savoir en quoi votre mission serait un danger pour le Linoïn. Je voulais comprendre. Peut-être vous en empêcher. Mais je vous ai vu au prise avec la sylve sur le chemin. Je vous ai vu risquer vos vies pour quelque chose que vous pensez indispensable à la sécurité des vôtres contre des ennemis qui vous prenaient en traître sans expliquer leurs gestes… Et maintenant je ne sais plus. » Elle chercha les yeux de Lyorindel, craignant qu'il ne puisse pas la croire et que son aveux rajoute de l'huile sur le feu qu'elle tentait d'approcher. « Je pense que je suis au bon endroit… Mais je ne suis plus sûre de rien depuis que l'Anaëh est trop loin… Je suis un peu… perdue ? »

Là où l'un semblait attendri, l'autre redoublait d'attention. Tous deux savaient ce dont Lyorindel avait été capable il y a peu, mais aucun des deux ne pouvait plus maintenant affirmer si cet échange lui était bénéfique ou pas. Et quant à la petite...

- Au bon endroit... le soldat murmure presque Reste prudente.

La dernière remarque souffle un frisson à travers la colonne d'Inwiste, qui à son tour fait un pas en avant et s'accroupit plutôt que de s'asseoir. Prête à bondir s'il le fallait, tandis que la jeune femme tendait la main pour lui intimer de ne pas plus approcher.

-Nous le somme tous. Perdus, je veux dire. C’est Aduram. Il haussa les épaules.Je m’inquiéterais bien plus si l’un d’entre nous se sentait vraiment à l’aise ici je crois. Mais on n’a pas le droit de reculer. Pas après…Il sembla chercher ses mots puis renoncer…Tout ça. Je pense que ça on en est tous conscient.

Un instant, un très court instant, il fixa le daranovan pieds et poings liés avant de détourner le regard vers la petite noss.

-On est peut être au ‘’bon endroit’’…Ou pas. Mais au moins on essaie.Il n’avait pas l’air convaincu par ses propres paroles, où peut être que si en fait, c’était difficile à dire car il s’était à nouveau mis à fixer le vague, comme s’il réfléchissait à haute voix..

Dans ce ‘’on’’ il n’y avait en tout cas cette fois pas de distinction entre les noss et les citadins présents ici. Ayant passé un bon moment à regarder Ungwë sans s’inquiéter des autres, même lorsqu’Inwiste lui avait répondu ou qu’Aegden l’avait fixé, Lyorindel poussa un soupire triste.

« Je dois admettre que je ne m’attendais pas à ce qu’une noss, aussi jeune soit-elle, résume si bien votre mode de fonctionnement. Tu te sens perdu parce que tu t’en rends enfin compte ? En réalité la réponse m’importe peu, de toute façon tu restes une sauvage, dans le meilleur des cas dès que tu seras de retour avec les tiens tu auras oublié et tu feras comme eux ; dans le pire des cas… »
- Dans le pire des cas ? » repris la jeune femme sans se détourner, attendant la suite.
« Vous nous poignarderez dans le dos quand vous en aurez l’occasion. »

-Parce que c'est vrai que se trouver sans prévenir dans le dos d’un camarade et lui passer un couteau sous la gorge c’est bien plus honorable...Le maintyth ne put s’empêcher d’ironiser. Ses doigts légèrement crispés, tambourinant sur ses genoux traduisaient son agacement.

Il ne faisait pas confiance aux noss. Il ne leur faisait plus confiance, quand bien même était-il actuellement aux côté de deux de leur membres. Les actes des Ornedhels envers le diplomate et le reste des citadins n’étaient pas excusables mais de voir Lyo s’accrocher encore et encore à cet argument sans vouloir ne serait-ce qu’expliquer ses propres actes lorsque l'on demandait sans haine particulière, quitte à tourner autour du pot, n’en était pas moins extrêmement frustrant.

« Et je t’ai si bien égorgé que tu es encore vivant. » Répondit-il d’une voix tout à fait neutre.
- Si vous ne vouliez pas le tuer, pourquoi essayer de le poignarder ?
« Parce que les wyslenans étaient prêts à tirer, parce qu’en agissant ainsi ils n’auraient pas pu savoir lequel d’entre nous attaquer. »
- Mais... De quoi parlez-vous ? Je parlais du moment ou le... le dragon a disparu et que vous vous êtes jeté sur votre ami. Personne n'avait d'arc à ce moment là.
-Archers ou pas, tu m’aurais tué quand j’étais à genoux et sans défense.Ne prend pas les autres comme excuse Lyorindel. Ils n’étaient pas une menace.Gronda-t-il. Et quand bien même, ça t’aurait mené à quoi, à par te faire cribler de flèche en dernier ?!
« Si j’avais voulu te tuer tu ne serais pas là pour t’en plaindre, Aegden. »

--Est-ce que c’est Aduram ou ce qu’a provoqué Lareless qui t’as rendu aussi …insupportable ?! L’elfe semblait avoir un mal fou à contenir sa colère. Le dos raidit, ses poings étaient serrés convulsivement. Le diplomate employait encore ce ton morne, comme si tout cela lui importait peu. Comment pouvait-il…? Si je suis encore en vie c’est parce que je me suis défendu. Ni plus ni moins. Acheva-t-il l’air dégoutté. Il secoua la tête en soupirant. L’elfe à qui il parlait n’était plus vraiment Lyorindel et il était certain qu’il n’obtiendrait rien de plus.
« Si j’avais réellement voulu te tuer tu aurais une flèche en travers de la gorge. »

Il se leva soudain, sans laisser le temps aux elfes autour de réagir et en un pas il était devant son interlocuteur. Il le saisit brutalement par le col, sans pour autant lui faire mal.

-Alors explique toi une fois pour toute. Sa voix s’était faite glaciale car il en avait plus qu’assez de ce manège. Les autres pouvaient essayer de le faire reculer d’ailleurs. Il n’en avait actuellement pas grand-chose à faire et n’opposerait pas grande résistance.
« Je n’ai pas envie. » Répondit-il avec la même neutralité glaçante, à peine avait-il cligné des yeux au mouvement brusque d’Aegden, à peine avait-il tressailli lorsque ce dernier l’avait attrapé.

-Eh bien moi je n’ai pas envie de passer mon temps à te guetter dans mon dos. Il finit par lâcher l’elfe, fit un pas en arrière. Rentre chez toi, puisque tu as décidé de ne rien apporter d’autre à cette expédition !

Il tourna les talons sans un mot de plus, s’éloignant du petit groupe, s’éloignant du feu de camps et des autres Wyslenans, s’éloignant finalement jusqu’à se trouver seul.

Des soupirs conjoints échappent à deux Wyslenans extrêmement tendus, trouvant dans la fin de cette confrontation un profond soulagement. Les deux s'approchent, dans le plus grand des silences, et avec la plus grande des précautions, craignant trop de frustrer l'auditoire rassemblé autour de celui qui perdait la tête. Se donnant la peine de toucher le prisonnier, ils le redressent, pour le réinstaller contre le muret, dans une position plus confortable que celle dans laquelle Aegden l'avait laissé.

Si ça continue comme ça, notre mission est perdue d'avance le plus doux murmure à son compagnon Aegden est à peine en meilleur état que lui.

On verra ce qu'il en est demain. l'autre répond à voix aussi basse, accompagnant son camarade à leur place d'origine On n'a pas d'autre solution.

Il n’aurait pas dû partir ainsi. C’est la première pensée qui lui vint lorsque ses pas ralentirent et cessèrent. Le coeur au bord des lèvres, il posa une main contre un arbre, s’y appuyant un instant, comme si à l’épuisement mental s’était ajouté l’épuisement physique.

Il aurait dû essayer de ramener Lyorindel à la réalité. Il n’aurait pas dû exploser comme il l’avait fait car cela n’avait fait que braquer encore plus le diplomate.

Mais comment réagir autrement ? Il n’y avait aucune réponse nulle part. Pour rien. Son ami avait perdu la raison, comment ne pas être en colère ? Et comment ne pas être en colère lorsque les autres semblaient risquer le même sort…? Comment ne pas être en colère quand il ne semblait pas y avoir de solution ?
Il se passa un long moment sans que rien ne se passe et que rien ne bouge, pas même l’elfe.  Personne ne vint mais ça ne fit ni chaud ni froid au soldat. Perdu dans ses pensées il doutait de toute façon remarquer une quelconque présence.

Vint un moment où il finit quand même par de nouveau se mouvoir, finissant par plier les jambes et venir s’asseoir, de nouveau appuyé contre l’arbre. Et encore une fois le silence.

Enfin presque. Presque parce qu’il y avait encore ce son inconnu qui le gênait. Ce n’était pas comme les voix distordues des arbres. C’était autre chose. Comme produit de l’air lui-même.

Il eut soudain une idée, qui lui sembla insensé. Cependant ici rien n’avait de sens…

-Est-ce que… Es-tu toujours là ? Adressa-t-il alors à la voix qui lui avait parlé lorsque son corps était devenu celui d’une immense créature ailée.

Un instant il eut envie de rire, d'un rire plus qu'amère, car comme il s'y était attendu c'est d'abord ce même silence relatif qui lui répondit. Voilà qu’il devenait fou à son tour , à essayer de parler à des fantômes…

Et puis finalement...

-Tant que tu l'autorises.

Il eut presque un sursaut lorsque la voix lui répondit. Par réflexe il observa l’espace autour de lui mais bien évidemment il n’y avait personne. Il mit à l’instar de l’esprit, un temps avant de répondre. Le temps sans doute d’intégrer ce qui était en train de se passer.

Pourquoi tu t’es retrouvé ici ? Lorsque tu étais ‘’l’un des miens ?’’

- La peur. La colère. L'Aduram était mon dernier espoir... la voix déclare sans mélancolie ...et moi le sien.

Aegden ferma les yeux un instant, poussant un soupir. Quelque part, Aduram restait pour eux aussi un de leur dernier espoir. Même si les mages pouvaient encore inverser la tendance, le risque était trop grand pour être pris seul.

-Pourquoi l’était tu pour L’Aduram ? Je ne suis pas certain de comprendre. Il n’y a plus d’espoir à avoir ici...

Il s’aperçut qu’il avait tendu son bras, montrant l’espace comme si l’esprit pouvais le voir et reposa sa paume contre le sol.

- Il suffit d'une épaule pour recevoir les pleurs d'un monde. Tout ensuite n'est que patience et résilience.

A nouveau il y eut un silence. Peut-être même plus long que le précédent. Aegden réfléchissait à ce que lui répondait la voix. Il n'était encore pas certain de saisir ce qu'il lui disait. Cette voix aussi semblait avoir un fâcheux penchant pour les énigmes. Et en même temps il y avait encore tellement de ‘’pourquoi’’ dans son esprit qu’il se demandait comment il faisait pour ne pas en avoir la migraine alors une question de plus ou de moins...

Pourquoi je t’entends ? Et pas la dissonance ?

- Parce que tu m'écoutes.

Il marqua un bref silence, appuyant le derrière de son crâne contre l’arbre et fixant la canopée qui s'était assombrie. Parce qu'il l'écoutait? S'il suffisait simplement de tendre l'oreille, il n'aurait pas été seul à parler à l'étrange voix dans ce cas. Après tout les Ornedhelles se vantaient souvent de bien mieux entendre que les Taledhels, et les deux noss qui avaient rejoint le groupe n'avaient pas fait mine de percevoir quoi que ce soit.

Mon ami est devenu fou, mes autres camarades ne tarderons sans doute pas à le rejoindre, peut-être même avant d’atteindre notre objectif. Pourquoi moi j’ai l’impression d’avoir subitement été condamné à voir cet enfer se produire sans rien pouvoir faire ? Il secoua la tête, finalement incapable de cesser d’accompagner ses paroles de geste même si cela ne servait à rien. Enfin ça j’imagine que tu ne le sais pas plus que moi j’imagine… Je ne sais pas ce que tu veux me faire comprendre quand tu dit que je t'écoute d'ailleurs.

Il avait vraiment l'impression de parler tout seul. C'était un peu effrayant quelque part.

- D'autres en me recevant m'auraient refusé. Pas toi. C'est pour cette raison que tu m'entends. la voix marque une pause Et là il y a un pouvoir dont tu refuses de t'emparer. pour la première fois il y a une sévérité grandissant dans la présence Tu peux changer les choses. Mais le veux-tu seulement ?

-Quel pouvoir ? Quel changement ? L’elfe se raidit à nouveau.Je ne sais pas de quoi tu parles.Comment est-ce que je saurais si je le voulais ? Je te l’ai dit ce que je veux : éviter un désastre qui ferais des milliers de victimes, protéger les miens et Anaëh tant que je le peux.

- Je t'ai montré. À toi d'agir maintenant.

-Tu m’as montré quand j’étais…j’avais l’impression de…Enfin bref ce n’était pas mon corps. Je ne fais pas de magie en tant que…moi. Il ouvrit sa main, paume contre ciel. S’il était mage il l'aurait sût depuis le temps…Pourtant le dragon y arrivait sans problème, mais ce n’était pas vraiment moi.

- Tant que je suis avec toi, je suis toi et tu es moi. Je sens ce que tu es, et tu es ce que je vis. Souviens-toi, et tend la main.

Il haussa un sourcil. Comment devait-il prendre cette dernière phrase? Était-ce encore une énigme? Était-ce littéral? En tout cas le temps qu'il se posait la question il ne passait rien...Il essaya au moins de se souvenir, sa main ouverte vers le ciel n'avait pas bougé. Mais de quoi se souvenir exactement? Ce qui lui vint en tête fut le moment où il volait sans que ce fut alors de son propre chef. La voix lui avait dit d'apprendre et de ne pas oublier, et il avait entendu les chants comme jamais jusqu'alors.

- Et maintenant, Chante.

Cette fois-ci il comprenait ce qu'elle voulait dire. Alors il ferma un instant les yeux, il prit un temps, se remémorant les sensations qui avaient été sienne la première fois, se remémorant comment le dragon avait fait, pour l'imiter et ''Chanter''.

Et il Chanta.

Ce fut  soudain comme ce qu’il restait de son énergie s’était envolée. Sans qu’il ne sache comment, ni même qu’il ne s’en rende compte, il finit par se retrouver allongé sur le dos.

A quelques mètres à peine, un rocher venait de se briser en deux.

Lancé de dé:

Pourquoi suis-je ici...

Depuis que j'ai quitté le chevet de Lyorindel pour me rasseoir en tailleur au plus près du feu, entourée du maximum de chasseurs, cette question m'obsède. Le citadin n'avait jamais voulu répondre à mes questions mais la sienne avait atteint un point étrange.

Je suis ici pour quelque chose d'important. De très important... Mais quelque chose en moi se moque éperdument de leur quête, de leur cristal ou je ne sais quoi. Je veux qu'ils aillent bien. Je ne veux pas me retrouver seule ici. J'ai besoin d'eux... Mais pourquoi je suis là ?

Les questions qui m'obsédaient tout à l'heure me semblent bien moins importantes. Le dragon et le silence ne sont plus qu'une anecdote par rapport à cette question. J'ai besoin de me reprendre. Vraiment. Mon clan m'a préparer à ce que j'entends et à ce que je vis, mais la raison de ma présence revêt une importance profonde qui m'apparait clairement sans exactement que je sache d'où cela me vient. J'ai besoin d'équilibre et de me retrouver. Pourquoi laisser le Linoïn mener sa danse ? On aide pas quelqu'un qui ne va pas bien en se laissant déprimer par lui.

Voyons ou nous en sommes.

Le prisonnier refusait d'être avec les siens. Aegden en devenait solitaire. Inwiste restait près de moi, à me veiller, à me protéger comme si j'étais une enfant de son propre clan et qu'elle souffrait de ne pas me voir plus proche. Et moi... J'étais l'ingrate qui tentait de comprendre et ne mettait en lumière que la solitude de chacun. Dans tout cela, seuls les guerriers de Wyslena semblaient avaient encore un minimum de cohésion. Le Linoïn me renvoyait sans cesse ce chant lointain de rejet de d'apitoiement que je trouvais plaisant à présent... mais la douceur réconfortante de l'Anaëh me manque. J'arrive à me le dire à présent.

Et si j'arrive à affronter cela, le souvenir d'Alëandir me revient de plein fouet. Je l'étais senti perdue. Oubliée. Le silence... Mais il avait suffit que j'accepte de tendre l'oreille pour entendre ce que chaque frère de sève voulait bien dire et non pour recevoir ce que je voulais entendre. Le Linoïn était ainsi. Mais contrairement aux Cités qui avaient perdu l'habitude de parler par manque d'auditoire, lui avait parlé, ressassé, remâché. Il avait pleuré et crié... Et finalement, les murmures de la sylve étaient comme les humeurs des elfes : il fallait que je m'en détache, même si c'était particulièrement difficile.

Je peux apprendre à prendre le bon tout en tenant le mauvais a distance, comme Lorna me conseillait de le faire avec les émotions de ceux qui m'entouraient. Je me remémore les longues discussions que nous avons eu ces derniers mois, lorsqu'elles me disaient que pour continuer à servir les miens j'allais devoir me détourner d'Anaëh pour comprendre clairement le Linoïn. Elle voulait que je me ferme à l'un pour vivre avec l'autre, mais à quoi bon ? Pourquoi toujours renoncer à une partie de moi ? Et si je prenais chaque chose pour ce qu'elle est... Je tends l'oreille.

Quelques mots échangés sans force. Les bruits du campement. L'odeur de nourriture. Le Linoïn parait moins véhément que ces derniers jours. Le souvenir d'un coup de pouce, d'un millier de voix rassurantes qui avaient brusquement pris conscience qu'elles pouvaient parler au lieu de gémir. Comme l'Anaëh. Elle existait toujours au loin. Comme mon clan. Comme chaque elfe, chaque famille, chaque ami.

Tout à l'heure quand les attentions de tous se sont posées sur moi et mes questions, j'ai eu l'impression d'être porté par leurs espoirs et leur présence.

Mes doigts s'enfoncent dans le sol, rencontrant quelques racines. Derrière mes paupières, le monde n'est que flux. Tout pulse. La sève et le sang circulent de concert, issus d'une même vie. D'une même conscience.

Je ne suis pas seule. Personne n'est seul. Chaque idée qui me traverse, quelqu'un quelque part l'a déjà eu. Chaque émotion qui me saisit, quelqu'un quelque part l'a déjà traversée. Rien n'est véritablement éternel ou unique. Les choses passent et changent. Les moments se finissent. Car rien n'est absolu si ce n'est ce sentiment d'appartenance au monde.

Ce sentiment que je dois chérir même quand je me sens coupé du mien. Parce que je suis toujours moi.

Quittant ma posture méditative un sourire aux lèvres, je me pelotonnais sur le côté et posait la tête sur les genoux d'Inwiste, mentalement épuisée. Après quelques instants de ce silence maussade qui me prend toujours autant à la gorge, je laisse glisser à l'intention de ma compagne de route sans chercher à empêcher les autres d'entendre pour autant.

- Dit... Tu connais l'histoire du Héron qui ne partageait rien ? C'est l'histoire d'un vieux héron ronchon qu'on raconte aux enfants de chez moi. Elle est assez drôle... "

5e jour de la 9e ennéade de Karfias ~ été
17e année du XIe Cycle
Milieu de journée
Profondeurs d'Aduram

Aegden, ta nuit fut longue et difficile. Epuisé par des forces auxquelles ton corps n’est pas habitué à réagir, et tiraillé par des questions qui auparavant n’étaient pas les tiennes, tu as dormi d’un sommeil aussi lourd qu’agité. D’autant plus agité que tu auras été déplacé au cours de la nuit par tes collègues en garde, de manière à rendre le campement plus facile à défendre. C’est donc bien loin de là où tu savais avoir fermé les yeux que tu les as rouverts, et à cause de ça, tu ne pus retenir un sursaut. Désagréable façon de commencer la journée.

Ungwë, pour toi ce fut une nuit sans rêve. Un paradis de néant qui permit à ton esprit trop échauffé de trouver un peu de précieux repos. Un néant trop chaleureux pour l’obscurité qui y régnait, mais les raisons de cette chaleur, tu les compris en te réveillant dans les bras d’une Inwiste elle encore endormie, le sourire aux lèvres.

Lyorindel, cette dernière nuit fut la preuve s’il en était de la méfiance que te vouait ton groupe. Toute la nuit, tu l’auras passée sous l’œil de l’un des gardes en faction, veillant à ce que tes liens ne soient pas défaits en même temps qu’à ce que la forêt ne profite pas de ton actuelle faiblesse. Toi qui voulait te prouver être plus fort qu’Aduram, voilà que tu étais devenu une menace au même titre qu’elle. Et une menace bien plus insidieuse encore, car contrairement à l’Aduram abandonnée depuis de longs Cycles, l’affection qu’avaient tes amis pour toi était encore vive.

Aegden et Ungwë, à peine réveilléss, vous avez été abordés par les dernières vigies et appelés à venir prendre votre part dans la viande séchée, le méroca, les confitures et l’eau. Vous vous êtes même vus proposer l’opportunité de goûter à des fruits cueillis dans la forêt maudite… des fruits dont Inwiste en tout cas avait qualifié le goût de simplement envoûtant.

Lyorindel, c’est Ildylintra au matin qui s’est occupée de toi. L’épervière tout du long t’aura opposé un regard contrit, à la fois marqué de tristesse et de déception. Les attitudes de ta partenaire en crime t’auront laissé comprendre – pour peu que tu n’aies pas choisi de l’ignorer – que tu valais mieux que ça. Elle attendait mieux que toi qu’un elfe se laissant aller de cette façon aux pulsions excitées par l’Aduram. Elle t’espérait plus fort que ça. Mais puisque tu t’évertuais à lui prouver ne pas l’être, alors c’est elle, tes seuls jambes libérées, qui choisit de se faire ta gardienne et nourricière.


C’est avec une mélancolique mollesse que le camp fut levé, et que votre expédition reprit au sein des ruines dans lesquelles vous étiez déjà. Une tâche colossale vous était promise, et aucun de vous ne savait par où commencer. Aucun de vous si ce n’est les quelques-uns dont les sens étaient éveillés aux torsions de la trame. Car la trame autour de vous se tordait, plus violemment encore qu’elle ne le fait habituellement dans ces lieux corrompus. La trame se tordait, et le nœud vous était comme le chant d’une sirène, attisant votre curiosité, mais par la même occasion, à cause des derniers événements, instiguant la peur en vos Êtres.

Par rapport à ce que j'ai vécu hier, les rayons du soleil me semblent bien doux aujourd'hui. Les bras d'Inwiste, ceux d'une étrangère, me semblent étranges, mais je n'y vois aucune avidité, aucun désir charnel. Simplement le soutien et la proximité d'une amie. D'une elfe. D'une Mémoire. Cette proximité physique est apaisante au delà des mots alors que les chants mordants du Linoïn gémissent encore et toujours leur douleur.

Je m'accroche au même mantra qu'hier.

Rien n'est absolu.
Les pires moments passe.
Nous sommes tous connectés.
Même dans les moments les plus sombres.

Je m'accroche à ce groupe. Ces elfes qui forment leur propre Symphonie, leur propre synergie. En mangeant, je prends un moment pour me reconnecter à ce monde de vie à travers ce que m'envoie la magie. Le courant qui traverse toute chose, animal ou plante, comme l'eau traverse les veines de la terre elle-même. J'inspire. J'expire. Je me concentre sur moi. Je m'en remet à la protection des Mémoires que je porte, à leur Symphonie. Je me place sous la protection du Blanc-Cornu, invoque sa sagesse. Maintenant que j'y pense, je ne me suis adonnée à aucun rite depuis mon entrée dans le Linoïn... Une erreur. Ma vie ne s'arrête pas à ses frontières. Je peux apporter mes ancêtres, mes esprits, mes volontés. Il sont nés de ses frondaisons. Ils sont assez fort pour voir le chemin qu'à parcouru ce lieu et être fier de ses efforts vers la guérison.

Lorsque nous reprenons les recherches, je prends le temps de revenir en bordure de la souche d'arbre. Sans m'approcher, j'avais besoin de voir. J'avais besoin d'avoir la certitude que l'endroit était réel. J'avais besoin de le graver dans ma Mémoire et de laisser une maigre offrande pour les Ëalas en colère qui pourraient y passer. En conscience.

La suite ? Un spectacle déroutant.

Hypnotique.

Je frémis mais je fais confiance à mon intuition. Si cette piste mène dans une direction, je ne peux que la suivre et prévenir les autres.

Il y avait des réveils plus agréables que d’autre. Celui en plein milieux d’Aduram et d’elfes alors qu’on se souvenait à peine s’être effondré seul dans une clairière, après une nuit peuplée de sombres doutes ne faisait pas partie de la dite catégorie des réveils agréables…

Le sursaut qui saisit Aegden acheva au moins de l’ancrer dans la réalité. Un soldat lui adressa un sourire rassurant auquel il ne répondit pas. Le monde mis un temps avant de retrouver une certaine familiarité. Pendant un temps il resta groggy comme sortant tout de même difficilement de cette désagréable torpeur. Paradoxalement, sa nuit agité lui donnait l’impression d’être encore plus épuisé que la veille…

Il remercia toute de même à mi-voix la sentinelle qui proposa à lui ainsi qu’à la jeune Ornedhelle, elle aussi fraîchement éveillée, de quoi manger.

S’il refusa la viande séchée autant que les fruits inconnus d’Inwiste auxquels il ne faisait pas confiance, son corps lui fit bien vite comprendre qu’il était affamé et le militaire savait qu’il était stupide de ne rien manger au vus de ce qui les attendait.  Alors il se rabattit sur le meroca. Si tous les elfes à peu près appréciaient son gout amère, Aegden en raffolait tout particulièrement même s’il ne l’affirmait pas haut et fort et il était rare qu’il puisse vraiment s’empêcher d’en prendre sa part, cette fois ne fit pas exception. Cela arracha d’ailleurs un singulier sourire amusé à une Silivren jusqu’à présent aussi silencieuse et tendue que son supérieur qui n’en comprit pas l’origine.

Ce moment passa comme une oasis aux milieux d’un désert sans fin car bientôt, il fallut continuer.

Et puis il y eut cette mélodie. Les oreilles de l’elfe, depuis longtemps plaquées en arrière se redressèrent comme un chat l’aurait lorsqu’une chose l’intriguait. Il resta silencieux cependant.

Elle était belle. Mystérieuse. L’elfe fit un pas de plus dans cette direction. Elle n’était pas si parfaite. Quelque chose n’allait pas. L’elfe se figea.

Non il fallait la suivre. C’était forcément par là. Aegden avait envie de suivre cette piste. Cette seule piste qu’il y avait. Il avait envie de la suivre et pourtant quelque chose l’emplissait d’angoisse rien qu’à l’idée.

Silencieux, il fixa un instant le reste de ses camarades comme perdu. Percevaient-ils quelque chose, eux ? Et s'il ne percevaient rien qu'est-ce que cela signifiait ? Car après tout il percevait un esprit qui avait prouvé être bien réel... Ungwë, elle, s’était éloignée mais c’était à peine s’il l’avait entendue. Enfin si, il l’avait bien entendue mais il n’y avait pas vraiment prêté attention, focalisé sur cette  terrifiante mélodie enchanteresse.

Revenant auprès des autres pour ne pas trop inquiéter Inwiste et ne pas risquer une seconde fois d'attirer des créature plus dangereuse que je ne pourrai les gérer, j'aperçois le demi-sang... qui a quelque chose de changer. Mais quoi ?

Ce matin, nous avons échangé quelques mots au détour d'un repas. Il avait l'air de manger de bon appétit même alors que tout le reste de son corps semblait dire qu'il ne voulait pas être là. C'était... Comme Tuo quand il trouvais des bais de genièvre. Il avait ce même éclat dans le regard et cela m'a accroché un sourire aux lèvres

- Vous avez l'air de beaucoup aimer le Meroca. " j'ai failli ajouté que je ne m'attendais pas à ce que les Cités l'utilise, mais je m’abstins au dernier moment, peu désireuse de replacer moi même les murs de roches entre les membres de cet orchestre.

L’elfe aux cheveux cuivrés a tourné la tête vers moi comme s'il se demandait si j'avais vraiment parlé. Il y eut un instant de silence, Aegden ne répondant rien et se contentant de me fixer. Puis, le bout de ses oreilles s’est agité. Le haut de ses pommettes, même s’il restait pâle, se teintait un peu. On aurait dit un enfant prit en flagrant délit de grignotage de sucrerie.

-heu...Oui. J’aime bien ça. Finit-il par lâcher au bout d’une bonne minute de silence.C’est amer.

- L'un de mes plus proches amis dit toujours qu'un bon repas est la meilleur façon de se remettre les pieds sur terre. Chez nous on fait pleins de petit pain fourrés avec de la farine de meroca mélanger à de la farine de châtaigne. Chacun les assaisonne un peu comme il veut et puis c'est pratique puisqu'on voyage tout le temps. "

J'avais sourit à ce souvenir... Et m'étais fait avoir par le fruit bien plus juteux que ce à quoi je m'attendais, évitant in extremis de me tâcher avant de me rappeler que de toute façon je ne portais pas mon sari. Je me demandais une fois de plus ce qu'il était devenu. Et une fois de plus je levais de grands yeux sur le profil de l'homme que j'avais mis mal à l'aise sans oser le lui demander.

Un morceau du repas matinal toujours dans sa main, le soldat se tourna entièrement cette fois. Je voyais bien qu'il ne comprenait pas mais il ne se montra pas violent le moins du monde. Etait-ce parce que je n'avais jamais fait preuve de méchanceté ou d'agressivité envers lui et ses camarades ? J'imaginais, sans doute à tort, que cela me vallait bien quelques points ou une oreille distraite.

Et puis ça aiderait peut-être un peu à leur remettre à tous deux "les pieds sur terre", d'échanger une conversation qui n'était basée sur rien d'autre que des trivialités. Enfin si rester silencieux alors que je parlais de la nourriture des miens pouvait être considéré comme tenir une conversation...

Il n'avait plus vraiment l'air mal à l'aise sinon curieux et haussa un sourcil comme s'il attendait quelque chose de plus. Mais je ne pouvait. Cela aurait été trop proche d'une réclamation. Plus tard peut-être.

- Vous devez me trouver futile. " avais-je enfin sourit, moins assurée.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas. Nous sommes dans un endroit dangereux. J'ai avoué hier ne pas être certaine de la raison de ma venue et aujourd'hui je vous parle d'un chez moi que vous ne connaissez que par les pires aspects. Au moins vous n'étiez pas là quand j'ai conté la fable du héron... "

Il haussa les épaules.

- Ton chez toi te manque, c'est normal. Il marqua une pause, baissant le regard avant de rencontrer à nouveau les pupilles de la jeune femme Le mien me manque aussi , comme il manque à ton amie, comme il manque à tous. Il n'y rien de futile là dedans au contraire.

Il ne s'épancha pas d'avantage sur les raisons de son absence de la veille. Je ne l'attendais pas particulièrement mais il n'était pas bien difficile de comprendre pourquoi. Il se redressa plutôt, étirant ses épaules vers l'arrière, comme chassant un début d'engourdissement en soupirant. Il ne fallait pas qu'ils retombent dans ces sujets là... alors il a ajouté quelque chose que je n'aurais jamais soupçonné.

- C'est quoi la fable du héron?

Peut-être était-ce pour ce cours échange, ce court partage que j'ai l'impression que quelque chose à changé chez lui. Rien de plus ? Pourtant, son air trahissait une attention pleine d'espoir.

- Vous sentez quelque chose vous aussi ?

- Un peu étourdi pour être honnête, mais rien de bien effrayant. le lieutenant se retourne en direction de ses frères d’armes Et vous ?

Quelques peu étourdis aussi pour certains, la sensation d’être oppressé pour d’autres, mais rien qui ne les effraie plus que ce à quoi l’Aduram les a déjà habitué. Difficile de comprendre, pour qui n’a pas les clefs du langage de la forêt maudite – et malheur à qui les aurait – les messages qu’elle essaie de faire passer, ou même la nature elle-même des messages. Pour les Wyslenans, pour Ildylintra et pour Silviren, tout cela est bien trop confus pour qu’ils puissent ne serait-ce qu’imaginer ce qu’ils vivent ne pas être le produit de la Dissonance.

Ungwë, tu as beau avoir du mal à comprendre ce qu’il se joue exactement, tes sens sont un peu plus excités chaque seconde. La chlorophylle s’empare de tes pupilles sans que tu ne le veuilles, et ton cœur commence à battre la chamade avant même que les émotions ne se soient emparées de toi. Tu veux suivre ces courants d’arcanes. Tu le désires plus que tout. Il le faut. Tu le dois. Et pourtant, la première sensation qui te prend à la gorge est celle d’une profonde terreur.

- Ungwë ! Inwistë s’approche de toi, hésitant à te toucher Qu’est-ce que tu sens exactement ?

Suivre les échanges de couleurs de ses yeux suffit à te donner mal au crâne, et voyant ton inconfort, elle se force à ralentir le rythme de ses battements de cils. Ses sourcils froncés te laissent aisément comprendre que là où la terreur t’a pris, c’est dans une assurance sans bornes qu’elle, elle vient de s’ancrer. Comme si depuis le départ elle savait que tout cela t’arriverait.

Aegden, à toi, plus le temps passe, plus ce chant devient familier. Tu pourrais jurer l’avoir déjà entendu, et pourtant tu sais en ton for intérieur avoir toujours été sourd à ce genre d’appels. À la fois familier, pesant et rassurant, l’appel te plonge dans une mélancolie qui n’est pas la tienne, et te renvoie à des devoirs dont tu ne sais pas la nature. Tu dois. Mais quoi ?

Lyorindel, pour toi, tout cela n’est qu’absolu chaos. Tout en toi te dit qu’il y a dans la trame une menace que tu es le seul à percevoir, un grand danger contre lequel – faute de le connaître – tu ne penses pas pouvoir lutter. Pas seul en tout cas. Ta respiration s’alourdit, et ta camarade de toujours s’en rend vite compte. Ildylintra se saisit des liens maintenant tes mains dans ton dos, agissant comme une ancre de plus encore.

Que ferez-vous ?