Quelle coincidence [Dante]

7ieme jour de la 1ere enneade de Barkios, an 17, XIeme cycle

Toutes les villes ont des ruelles sombres dans lesquelles le pire peut arriver. Des lieux oubliés, dans lesquels la vie de la ville ne parvient qu'étouffée, dont aucun son ne semble jamais s'échapper, et où rode à la fois le crime et les filles qui aiment le risques.

Thaar en avait plus encore que la plupart, aussi étonnant que cela pourrait paraitre vu le climat de L'ithri'vaan. Mais au contraire, les ruelles sombres y avaient plus encore de valeur : on y trouvait à la fois le crime, mais aussi la fraicheur.


Cela faisait déjà de longues minutes que l'homme suivait l'adolescente Doeb légèrement vêtue. Les sentiments qu'il entretenait vis à vis des siens étaient contradictoires. Pour de nombreuses raisons qui sortent du périmètre de ce récit, il haïssait l'engeance maudite. En même temps, il savait apprécier une silhouette elfique quand il en voyait. Ces satanés drows savaient aguicher, et ils avaient de l'argent. En l'occurrence, il avait remarqué au moins le charmant bracelet qu'elle portait sur son adorable cheville menue. C'était l'occasion rêvée de joindre l'utile à l'agréable

Mais comment l'aborder? Comment l'isoler?

Aussi, lorsqu'elle ses pieds nus s'étaient arrêtés devant cette ruelle sombre, il s'était aussi arrêté, hésitant à respirer. Elle avait hésité, penchant la tête à gauche à droite, puis s'y était engouffré. Quelle chance il avait!

Le jeune homme, guilleret, s'élança après sa future victime! Il allait passer un bon moment, il se voyait déjà raconter à ses amis comment, grace à lui, le mal aurait reculé. De peu, car il resterait de nombreux noirauds. Mais cela faisait du bien d'être un héros.

Il s'arrêta. Parmi les caisses et les détritus qui encombrait se passage, nul trace de la noiraude. L'homme ouvrit son rasoir, et s'avança en silence. Où était donc passé la gamine?  

Brusquement, il sentit le métal froid contre sa gorge, et le corps chaud contre son dos.

- Salutations! Lâche ton arme si tu veux vivre. Puis ta bourse. Lentement. J'ai besoin d'argent, vois-tu. Tu as de la chance, je préfèrerais ne pas salir ma robe. Profite-en!" La jeune demoiselle chuchotait d'une voix douce et enjouée. Il hésita. Le couteau appuya plus fort.

Le rasoir rebondit sur le sol. Journée de merde finalement.

Le froid du metal contre sa peau. Comment cela se faisait-il qu'elle ne les avait pas entendu arriver ceux-là. La drow s'immobilisa totalement, tendue, le couteau contre sa propre otage. Le nouvel arrivant était-il avec celui là? Pouvait-elle s'en tirer en menaçant la vie de cet imbécile? Il y avait d'autres options. Elle pouvait être assez rapide, et si elle se débrouillait bien…

Un instant… Charlot, mon gros… Pas capable de te la garder dans le pantalon hein? Dégage, celle là elle est pas à toi.

Ah, c'était une nouvelle arrivante, et apparemment ils n'étaient pas ensemble. Adieu l'idée de l'otage. Quant aux mini humains qui l'encerclaient maintenant, tous armés, ils compromettaient sérieusement toute idée alternative basée sur un usage proportionné de la violence.

"Facile! Qu'on te donne quelques années et quelques secondes, et tu gères tout ca sans difficulté!" lui chuchota son cynisme, toujours serviable.

Le couteau appuya plus fort contre sa carotide. La drow sentait les battement de son corps contre l'acier, aussi, après mûre reflexion, elle retira sa lame lentement. L'homme sembla soulagé, car apparemment se faire menacer par une drow n'était pas un truc qu'il trouvait particulièrement excitant. Il se dégagea, se retournant pour admirer le regard un tantinet déçu de son ex tortionnaire. Il ouvrit la bouche, elle haussa un sourcil. Finalement peut-être parce que son instinct de survie venait de triompher de sa virilité, il s'abstint.

Eho... Attends mon mignon… Ta bourse, on la veut… Donne là à la petite blonde, doucement… Fais attention, elle mord… Maintenant va et compte toi chanceux de pas quitter la ruelle à poil. Laisse nous la fille… On sait quoi en faire.

Et le cercle des marmottes du chaos se referma un peu plus. Le couteau devenait dangereux. Shyn'tae s'était toujours intuitivement méfié des enfants. Elle en comprenait maintenant la raison. Après un soupir, elle tendit le bras, et lâcha son arme que quelqu'un ramassa promptement. Elle aurait bien aimé la garder. Heureusement qu'elle en avait une autre planquée sous les couches de gaze de sa jupe.

L'autre cretin abandonna le butin et s'enfuit précipitamment, la laissant seule face à la horde, non pas qu'il aurait été du aide quelconque. Toutefois, à sa grande surprise, le couteau quitta sa gorge, une bonne partie des enfants rangèrent leurs arme. Elle prit bonne note de celui qui possédait la sienne, car on ne pouvait pas dire qu'elle roulait sur l'or, et une bonne dague n'était pas exactement donnée.

T'es chanceuse d'être tombée sur nous, ceux là ne sont vraiment pas commodes. En solo ce sont des froussard, en meute il sont vraiment chiants. Je m'appelle Eliza… T'a faim?  La Veuve est pas loin et elle fait un bon ragoût. Je t'y emmène… De toute façon, il ne faut pas rester ici, ils vont revenir.

Shyn'tae s'était lentement tournée vers l'humaine qui venait de faire fuir son gibier mais se présentait en sauveuse et la détailla de bas en haut. Thaar était peut-être plus compliqué que prévu.

- Hmm.. Merci. Shyn'tae se demanda si la charmante invitation d'Eliza était du genre de celles qu'on avait le droit de refuser. N'ayant aucune envie d'être dévorée par une meute de gamins, elle hocha la tête. "C'est gentil. Je suis à vous. Vous savez, je n'ai fait que me défendre. Préventivement."

Bien que parlant l'Oliyan, l'accent Eldéen de la noirelfe était évident, car elle n'était jamais parvenue à s'en défaire. Les cicatrices qui zébraient son corps noir jusqu'à sa joue durement lacérée indiquait très clairement que celle là ne devait pas être du genre à être restée dans un nid douillet. C'était dommage, car sans cette blessure au visage, elle aurait eu un beau minois.

Escortées par la marmaille, son hôte avait conduit la sombre de rues en ruelles jusqu'à une gargote sans allure. Pour être totalement honnête avec elle-même, Shyn'tae n'avait rien vu dans le quartier qui n'ait d'allure, alors l'établissement se fondait pour ainsi dire dans le paysage. Elle dut baisser la tête pour franchir le seuil graisseux sans se cogner la tête, et s'avança dans la piece sombre et saturée d'odeurs. Ses yeux rubis firent le tour des occupants. La veuve, la femme et ses enfants, et finalement… Cet homme seul dans la direction duquel Eliza s'avançait maintenant comme une conquérante.

Un des sourcils de Shyn'tae s'arqua, ses yeux fixèrent les mirettes dépareillées de l'homme installé à sa table. Le temps s'arrêta. Il la vit se raidir, redresser la tête légèrement dans une posture fière. Lui? Il la retrouvait ici?

La sombre se demanda s'il avait fait exprès, mais la surprise qu'elle crut discerner dans ce regard la fit changer d'avis. Le petit sourire malicieux qui naquit sur son visage blessé ne disparut pas lorsqu'elle assista à l'échange verbal entre l'homme et la dame.

Mais lorsqu'Eliza s'éclipsa, Shyn'tae hocha la tête en signe de respectueux salut pour ensuite croiser les bras, le regard fier posé sur Dante, avec son couteau planté sur la table entre eux.

- J'ai rien contre. Ils sont efficaces les enfants. Pourquoi ils m'ont amenés jusqu'à toi ?

Sur ces quelques mots, elle s'était approchée et se glissa souplement sur la banquette, puis se poussa telle un félin pour venir se placer face à l'humain impassible, les deux coudes sur la table, le menton entre ses doigts graciles.

- Salutations, Cour..? Ca faisait longtemps. Conclut-elle doucement de son habituelle voix musicale et joueuse, paradoxalement curieuse de connaitre le nom du mâle qu'elle semblait connaitre par ailleurs.

- Merci. De manière étonnante, la sombre avait salué la propriétaire des lieux avant de s'en retourner à son observation de l'humain. Elle aurait du être inquiète. Objectivement, elle l'était. Une plongée dans un univers inconnu, cette sensation diffuse de danger qui rodait à la périphérie de sa conscience, comme à chaque fois qu'elle approchait du monde du compagnon de Cécilie. C'était émoustillant.

Elle attrapa entre deux doigts une carotte recouverte de sauce et la suçota distraitement en écoutant Dante.

- Dis que je vais finir par devenir grosse à force de manger ta cuisine." Mais ce fut la suite qui lui avait fait dressé l'oreille. "Je découvre Thaar. C'est une cité passionnante. Une temple de Triphal.. machin? Il est où ? " La sombre croqua le sommet de la carotte d'une manière qui aurait peut-être du paraitre moins sensuelle. Manifestement elle ne s'en était pas aperçue parce qu'elle enfourna le reste et enchaina avec un morceau de viande non identifié. Apparemment cela ne la perturbait pas beaucoup.

"C'est pas mal, un peu filandreux peut-être. Tu as une idée de ce que ca peut être comme viande? C'est toi le spécialiste Courbache."

Malheureusement, Dante semblait vouloir des réponses à ses questions, plutôt que de repondre aux siennes, et persistait à la fixer sans sourciller. C'était dérangeant. La sombre s'immobilisa en le regardant, poussa un miaulement de chaton, reposa finalement le morceau de viande et finalement suça ses doigts graciles.

- D'abord la curiosité. Ensuite voyant l'intérêt que je suscitais chez ce mignon bougre, l'appât du gain. On ne peut pas dire que je roule sur l'or, et je voudrais faire modifier un bijou avant de rentrer. J'ai rien contre les feuilles, ce sont de beaux motifs, mais les miens préfèrent les flammes et certains sont… obtus. Tu vois, nulle mauvaise intention, seulement une attaque préventive."

Le morceau de viande retrouva le gosier de l'elfe noire avant qu'elle ne poursuive sur le ton de la conversation.

-Tu t'es mis à la chasse au noiraud avec tes marmottes de guerre?

La sombre s'arrêta à nouveau au beau milieu de sa mastication, puis reprit en faisait un geste de la main qui intimait la patience. Ce ne fut que lorsqu'elle eut déglutit qu'elle arracha sa lame à la table répondit d'une voix basse.

- J'ignorais que manger avec les doigts était mal vu ici. Elle attrapait déjà un autre morceau sans se faire prier. Certains voyaient un problème à manger du rat. Ceux là n'avaient pas grandi au Puy. En exil, les drows n'avaient pas survécu aux dures conditions du désert et du Vatna en faisant la fine bouche. Il n'y avait qu'un seul critère qui comptait vraiment: Manger cela risquait-il de vous tuer? Combien de chances cette issue fatale avait-elle de se produire?

Et si ca avait un goût discutable, les drows avaient une solution toute trouvée. Il suffisait d'ajouter un peu, ou beaucoup de piment. Au Puy, la nourriture était très pimentée.

- Le petit chat en ronronne de plaisir. Et elle s'exécuta. "Ce ne sont pas des marmottes mais des enfants? Vraiment? Etonnant. L'ironie suintait de chacun de ses mots, mais le sourire qui ornait les lèvres noires de la sombre démentait toute forme de volonté malveillante.

- N'empêche qu'ils m'ont amené, et ca m'étonnerait qu'ils t'amène le moindre visiteur. Donc tu cherches le drow. Vrai? Elle se pencha un peu plus en avant en murmurant. "S'ils te cherchent vraiment, c'est pas ca qui les arrêtera. Ils doivent savoir que tu vis dans le coin, ils ont les poches profondes, des mages et des assassins aguerris. Ils vont te couper de tes contrats, t'asphyxier lentement, puis te cueillir.

Shyn'tae se redressa alors, et mangea un morceau de légume. C'est vraiment bon... Ronronna-t-elle, avant de pointer un doigt accusateur. Ne t'enferme pas dans ce trou à rat. Sinon ils finiront par te choper, tu parleras, papa sera déçu et moi je finirai sacrifiée à Kiel.

La drow leva les bras au ciel, et se cambra pour s'étirer comme un chat avant de reposer un bras sur la table, d'y poser sa joue amochée et de soupirer, l'air rêveur.

"Pourquoi je garde ca? C'est plutôt mon problème… J'y tiens, c'est comme ca. Je suis une grande sentimentale."

La joue posée sur son avant bras, la drow dressa l'oreille opposée. Partir en peninsule, ca c'est plus malin. Il y a peu de chances que les drows le suive là bas, et s'ils s'y risquaient… Shyn'tae supposait que ce serait bien fait pour les candidats. Ce pays était plein d'humains grossiers, intolérants, racistes et psychopathes pour ce qu'elle en savait.

Qu'il soit parvenu à produire Cécilie était bien évidemment la preuve que ces opinions préconçues étaient au moins un peu fausse.

Le souvenir qu'avait Cécilie de son pays était la preuve que ces opinions préconçues étaient au moins un peu vraies.

C'était une bonne idée en tout cas. Par contre la suite lui fit arquer un sourcil, puis se redresser tel un chat sortant d'un somme.

Tu garde un bracelet que je t'ai donné… Tu me met en garde contre ton père… Tu me fais du gringue… Se pourrait t'il que tu m'ais à la bonne p'tit chat?

- Tu aimerais bien… Sa voix était joueuse, celle qu'on aurait pu donner à un chat s'ils en avaient une. L'air mutin, elle prit un morceau de légume et l'enfourna. "Mais tu te fais des idées. C'est entièrement égoïste. Si papa te prend, J'aurai de gros problèmes incluant la mort, mais ne s'y limitant pas. J'ai besoin du bracelet parce qu'il est joli et brillant. Et.. J'adore t'embêter."

Et il était vrai que s'il y avait un truc qui l'agaçait, avait-elle découvert, c'était bien qu'elle s'amuse à jouer avec lui. Elle ne doutait pas de son échec, mais si elle avait du se contenter de se battre pour gagner, sa vie aurait été bien triste (1).

La drow énuméra sur ses doigts en continuant.

- Ceci dit quand tu ne menace pas de m'étrangler, de m'éviscérer, de m'égorger, quand tu ne me remplis pas de laxatif et tu ne me rases pas, tu es plutôt.. supportable.

Le dernier mot qu'elle avait prononcé l'avait été en oscillant de la tête, oreilles dressées, lesquelles reprirent leur position normal alors qu'elle alternait viande et légume avec un empressement qui aurait rendu fière la cuisinière.

- Je ne vais pas rester longtemps à Thaar. Je fais retravailler le bijou, je rentre au palais de la reine, puis au Puy dés qu'on me le permet. Je ne crois pas pouvoir me permettre de trainer trop, les drows ont l'éternité entière pour être pressés.

- Mais avant, j'irai voir ce temple de machin. Ca a l'air original. Il fallait dire que ca avait parlé de bordel, et Dante commençait à connaitre à qui il avait affaire.

(1): Mais probablement bien plus simple.

Tout le monde peut être surpris, et s'il fallait en croire la réaction de la sombre, cette fois-ci Dante était parvenu à susciter son étonnement. Pendant un instant on n'entendit plus rien d'autre que les bruits de la rue étouffés par les murs épais, plus rien d'autre que les gazouillis des marmots avec leur mère à l'autre bout de la pièce, que le crépitement du feu dans l'âtre.

Shyn'tae s'était immobilisée, une rondelle de courgette entre les dents. Après long instant fait de suspense insoutenable, elle goba le morceau de légume et secoua la tête, un sourire aux lèvres.

- C'est une sacré surprise… La drow fit la moue, elle fit rouler sa lame entre ses doigts, pensive. Mais tu vas partir en Péninsule. Aussi curieuse que je serais de découvrir ce pays… Ce sont des sauvages là bas. Alors je pourrais rester ici avec ton armée de marmottes mais tu vois…

Lui s'est penché vers elle, elle se penche vers lui, mutine, chuchotant. - Je ne compte pas mourir facilement. Ils ne seront pas tendre avec moi. Il y en a peu qui l'ont jamais été… Sans le quitter du regard, elle haussa l'épaule, souriante. Son doigt fin glissa tout prêt de sa joue, sans la toucher pour autant.

- Mais ma place n'est pas ici… Ce serait facile… Mais je ne peux pas. Je ne sais pas si tu peux comprendre. J'ai soif…  De défis, de combats. La sombre frissonna, le regard brulant. "C'est comme ca que je me sens vivante. Elle y avait tant de fois réfléchi, et n'y avait pas trouvé d'explication rationnelle. C'était ainsi, ancré en elle.

Peut-être était-ce ca l'Eda vengeur.

"Et j'ai beaucoup à y faire. Il y a aussi des gens qui y comptent... pour moi." Elle sourit. Ce n'était pas un sourire malicieux, ni joueur. Juste un sourire sincère qui avait tout du remerciement.

- Je ne mourrai pas. Je suis très forte pour ca."

"Il y a pire que crever Shyn'Tae…"

La drow hausse un sourcil, son doigt effleure finalement la peau, très légèrement. Il glisse de la joue à la mâchoire, de la mâchoire au menton. Sa propriétaire se penche un peu plus, son nez effleure le sien.

"Tout le monde tombe… la seule chose qui compte c'est d'arriver à se relever."

Non, il n'y avait pas pire que mourir. Car c'était la seule vraie fin. Celui qui n'était pas mort pouvait revenir, combattre, grandir à nouveau. L'image de la petite pousse vivace au milieu d'un paysage désolé, celle du feu pris dans les glaces s'imprimèrent une à une dans son esprit.

- Dis… sa voix était pleine de curiosité, à peine audible. Sa tête s'inclina pour éviter le nez. Elle s'était tendue depuis la banquette au travers de la table, hésitante. "Pourquoi m'as tu appelé.. p'tit chat? J'aime beaucoup."

Les oreilles dressées, tendues vers l'humain, la drow écoutait. Son doigt ne bougeait plus, ses lèvres n'auraient pu aller plus loin, retenue comme la demoiselle l'était par la table. Son doigts abandonna le menton pour pousser le plat vite de coté, avec le grand respect qui était selon elle du à la plupart des repas. Son sourire joueur était revenu, ses yeux dans les siens, si proches qu'il pouvait admirer le moindre détail de ses pupilles rubis qui, de si prés, dévoilaient toute une palette complexe de carmins et de rouges.

Elle cligna des yeux la première.

- J'aime encore plus. La drow s'était reculé très lentement, comme si elle reconnaissait sa défaite.

- Vous avez de la chance…

Soudainement, elle s'appuya sur la table, et y grimpa sur ses quatre pattes. Le corps de l'elfe put s'étendre, couvrir l'espace. Un marmot tourna la tête dans leur direction, sa mère l'attrapa aussitôt pour dérober la scène à sa vue. On la voyait, elle s'en fichait bien. Peut-être n'avaient-ils jamais vu de drow à quatre pattes sur une table? C'était une experience qui leur manquait.

Ses lèvres fondirent sur celle de son vis à vis pour lui offrir un baiser sauvage, passionné. Des mèches de sa chevelure glissèrent sur son visage, frôlèrent la peau de l'assassin.

… Que petit chat apprécie ses humains… Egoïstement bien sûr.

Lorsqu'elle eut terminé, aussi fière que l'animal qu'elle évoquait à Dante, elle se recula à genoux.

Qu'il ne la regarde pas comme il regarde Cécilie, c'est tant mieux, car le contraire inquièterait grandement la drow qui lui fait face. Ce n'était que juste qu'elle l'embrasse, après que lui ait fait la même chose. La main se referme sur sa nuque, saisit ses cheveux, la retient ainsi tout proche de lui, le corps tendu sur la table.

Dante la distingue clairement grimacer sous la douleur, puis son sourire s'élargit, son regard félin pétillant ne quitte pas le sien. Non pas un regard de conquérant, mais un regard malicieux. Elle se courbe doucement, teste la tension de sa main, il ne lâche pas, elle frémit.

Je ne suis pas TON humain…   Elle se doutait bien que cela l'agacerait. Elle s'amuse tant de le voir ne jamais distinguer ses mensonges et de toujours douter de ses vérités… Elle aime cette hésitation, elle apprécie plus qu'elle ne devrait cette main qui la maintient, les regards qu'elle imagine volontiers posés sur eux.

Je suis vraiment cassée... Autant en profiter.

Recommence.

La surprise vient s'ajouter au mélange d'emotions dans les prunelles carmines. Il la voit se tendre, mais peut-il comprendre pourquoi? De peur? Non, d'autre chose… Un soupire à peine audible, le battement plus rapide de son cœur.

Ses oreilles se détendent finalement, frémissantes. Le petit chat se fait plus doux, plus lent. Elle cesse de tirer sur cette main qui la retient, et s'approche à nouveau, grands yeux sur les siens à chercher le moindre signe, lèvres entrouvertes , centimètre après centimètre elle s'approche, appuyée sur un bras.

Curieuse.

ARRRRRRRRRKKKKKKKKKKK! Dégueu! Trouvez vous une chambre!

La sombre s'immobilise juste avant son but. Un sourire en coin éclaire son visage blessé, les tissus diaphanes de sa jupe légère ruissellent sur la table, à genoux, elle s'est cambrée en avant.

Pas ici apparemment.

Non, pas ici... Le rat est trop bon, je ne voudrais pas fâcher la propriétaire… Il y avait dans ces mots murmurés un regret évident. "Mais j'ai le temps... On est dans ton monde."

Non, en réalité, elle n'en avait plus depuis des ennéades déjà. Alors quelques heures de plus n'y changerait rien.