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| L'algarade des Passiflores [Aaron] | |
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Arnaud de Brochant
Humain
Nombre de messages : 91 Âge : 34 Date d'inscription : 25/10/2019
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| Sujet: L'algarade des Passiflores [Aaron] Mar 31 Déc 2019 - 3:31 | |
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17ème année du 11ème cycle, 1ère enneade de Barkios - automne, Le premier jour...
« C'est pas prudent, Votre Seigneurie », avait protesté le brave lieutenant Heinrich alors qu'ils longeaient les boutiques du sémillant quartier des Passiflores. Face au silence entêté d'Arnaud, Heinrich s'était fendu d'un grognement résigné, considérant avec amertume la bien maigre coterie qui leur servait d'escorte : quatre hommes d'épée de la garde ducale, lui compris, voilà qui était fort peu à son goût, mais DameDieu n'eut su faire entendre raison au Corbin. Le bouillonnant duc avait la fougue de son jeune âge, et c'était peine perdue que de l'appeler à la prudence ; ça l'agaçait de se déplacer en nombre, à fendre pesamment la cohue, quand il aimait être libre de ses pas. Dans ces ruelles animées et colorées, le charme des jolies enseignes avait tôt fait de vous faire tourner la tête et abaisser votre garde. Des étals improvisés exposaient les marchandises les plus improbables. « Pancréas d'enfant ! » scandait un colporteur au bec-de-lièvre, « pancréas d'enfant ! Idéal en infusion, pour le retour de l'être aimé ! » Plus loin, un grand rouquin cuisait à la broche une viande dont on avait grand peine à discerner la nature, tandis qu'un homme sans jambes exécutait des acrobaties à la seule adresse de ses bras, exposant en équilibre son cul-de-jatte à la face du soleil, comme pour narguer le destin. Heinrich, en dépit de sa rugosité nordienne, ne put qu'être impressionné par la performance, et joignit ses applaudissements à ceux du petit rassemblement de spectateurs qui s'était agglutiné là. A peine le cul-de-jatte acrobate eut-il fini que son regard fut happé par un autre spectacle : une troupe de comédiens dépenaillée jouait une comédie satirique moquant le Boucher du Médian, Nimmio de Velteroc. L'acteur interprétant ce dernier subissait les suppliques de son épouse Blanche d'Ancenis, laquelle se plaignait qu'il ne la regarde plus. Le public se mit à rire en voyant le faux Nimmio contempler, béat, une carte de la péninsule qu'il rêvait de posséder - sans un regard pour sa belle épouse qui venait pourtant de dénuder son opulente poitrine. Tout au spectacle de la pièce - comme de la fameuse poitrine - Heinrich mit un moment à se rendre compte que le jeune duc leur avait faussé compagnie. « Bon sang, mais c'est pas vrai, il est où ce con-là ? »* La réponse se trouvait sous l'étroit auvent qui couvrait l'entrée d'une échoppe au fond d'une ruelle. Arnaud se tenait là, considérant silencieusement une rangée de bacs à fleurs blanches mouchetées de pourpre. « Je vais finir par penser que tu les préfère à moi, à force de les regarder comme tu le fais », lança une voix espiègle. Arnaud releva la tête. Pélagie lui souriait, ses cheveux châtains et bouclés encadrant un visage poupin aux yeux rieurs. « Tu es la plus belle fleur qu'on puisse contempler, lui dit Arnaud, avec toute l'originalité qu'on pouvait attendre d'un jeune homme de vingt-trois ans. - Trop aimable, mon Prince », répondit la belle. Elle persistait à lui donner du "prince", quand bien même Arnaud n'avait cessé de protester qu'il n'en était pas un, et qu'il eut préféré qu'elle l'appelle tout simplement par son nom. Las ! C'était une femme du commun, et les princes avaient peuplé ses rêves de jeune fille ; elle ne connaîtrait probablement jamais homme qui s'en rapprochât plus. « Mon père est parti à l'office à Deina ce matin, reprit Pélagie. Je pourrais fermer la boutique, le temps qu'on... »Elle rougit joliment. Arnaud avala sa salive, un brin nerveux. Non pas que la perspective l'effrayait, loin s'en faut. Mais cela faisait deux ennéades qu'ils papillonnaient, se voyant en coup de vent quand le jeune duc parvenait à échapper à la vigilance d'Heinrich - et Pélagie à celle de son père. Elle lui avait confié être encore vierge, qu'elle désirait prendre son temps, qu'elle devait être sûre d'elle. Arnaud s'était montré patient, tout en sachant qu'il ne pourrait jamais lui promettre un quelconque avenir commun. A présent que Pélagie semblait prête, l'idée de lui prendre sa virginité quand leur histoire était vouée à l'échec lui donnait mauvaise conscience. Ses scrupules, toutefois, disparurent bien vite lorsque les lèvres de Pélagie embrassèrent les siennes. Le chant d'Arcam emporterait sa honte. Il la désirait, et si c'était mal, eh bien ! Les dieux lui pardonneraient comme ils pardonnaient à tous les hommes. « Eh bien ! Qu'est ce qu'on a là ? » rugit une voix au timbre désagréable, surprenant les deux amants en pleine embrassade. « Un traîne-patins et une catin, pour sûr ! Allez, ôtez vos sales pattes de cette garce ; j'aurais deux mots à lui dire, entre deux bonnes corrections. »Un homme imposant, dégarni et revêche, pointait du doigt le couple. Il était flanqué de deux autres types aux allures de matamores qui arboraient d'ostentatoires poignards. « Qui êtes-vous ? demanda Arnaud d'un ton rogue, faisant preuve d'une témérité mal placée car il savait fort bien qu'il ne tiendrait pas tête à trois hommes. - Je suis Omer, blanc-bec ; je tiens la boutique attenante, et le père de cette ribaude m'a promis sa main. Tu l'ignorais ? Ses lippes s'étirèrent en une vilaine grimace. Flanquez une bonne correction à cet imbécile. »
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Mer 1 Jan 2020 - 22:20 | |
| Diantra. Aaron avait l'impression de l'avoir quittée hier. Sa jambe à peine remise de sa rencontre avec une créature d'un autre monde, il avait discrètement glissé quelques remerciements auprès de la personne qui le soignait, ceci afin de ne pas l'alerter. Il avait encore besoin d'un ou deux jours d'observation mais il ne pouvait se permettre de demeurer en ville plus longtemps après l'agitation à laquelle il avait participé. Alors, encore endolori, il avait quitté la Cathédrale à l'insu de tous et avait disparu dans la nature avec Efren. Et ce n'était pas un jeu de mots. Père et fils avaient passé plusieurs ennéades dans les bois et les champs avant de réapparaître bien plus au Sud. Ce qui les avait forcé à retourner à la civilisation ? La nécessité. Ils avaient besoin de se faire un peu d'argent, de racheter des vêtements, de manger de nouveau un peu plus chaud et de dormir avec un toit au-dessus de la tête pour les protéger des pluies automnales. Depuis, ils allaient de ville en ville, toujours de manière aléatoire mais évitant le Nord le plus possible. Tous deux cherchaient de quoi travailler afin de gagner le gîte, le couvert ou quelques pièces. Le hasard avait voulu que la Capitale soit leur nouvelle destination et ils s'étaient pliés à sa volonté. Toutefois, ils n'en demeuraient pas moins prudents, contournant les quartiers trop proches de Sainte Deina pour ne pas risquer de croiser le soigneur qui s'était occupé de lui ou l'un de ses aides. Ce serait fâcheux pour leur désir de discrétion...
Cependant, ils n'avaient pas rencontré de difficultés jusque là et évoluaient désormais dans un quartier suffisamment éloigné pour leur permettre de respirer. Si les environs étaient assez cossus, ils ne juraient pas trop avec le paysage. Sans avoir l'air de riches, les Kolhe avaient des vêtements neufs et d'assez bonne facture pour leurs modestes origines. Aaron portait une chemise noire sous une veste en cuir qui lui servait de protection souple en cas de combat. Ses bottes montaient jusqu'au milieu du tibia et son épée trônait dans son fourreau accroché à sa ceinture. Efren, quant à lui, dissimulait son visage au teint pâle sous un long manteau à capuche de couleur sombre. Ses yeux étaient masqués par un bandeau et un long bâton s'était fait son guide afin de lui indiquer les différents obstacles qui pourraient entraver son chemin. Ainsi, il s'était rendu un peu moins dépendant de son père, même si son soutien était toujours le bienvenu dans un environnement agité ou inconnu. Passant devant plusieurs étals, Aaron les regardait sans s'arrêter pour autant. Il n'était pas là pour faire les boutiques et cherchait quelque chose de précis. Une chose qu'il ne pouvait obtenir par lui-même car cela ne faisait pas partie de son champ de compétences. Finalement, il stoppa ses pas devant une échoppe assez bien fournie. Tandis qu'il regardait la marchandise, le tanneur l'aborda afin de savoir s'il pouvait l'aider. Il s'efforçait de paraître aimable mais cela n'était pas totalement gagné. Celui qui passait pour un aventurier ne dit rien cependant et n'eut en réaction à l'attitude de son hôte qu'un discret sourire amusé.
-Je cherche des bourses pour conserver quelques plantes. Il m'en faudrait deux, pas forcément de grande taille.
L'artisan l'orienta alors vers un présentoir un peu dissimulé. Ce n'était pas forcément ce qui lui rapportait le plus donc il ne les mettait pas en avant. Le père de famille les examina. S'il savait ce qu'il voulait, il ne pouvait cependant pas reconnaître ce qu'il cherchait d'un coup d’œil.
-Vous en avez qui soit traité contr... Alors qu'il se retournait vers le tanneur, Aaron ne trouva personne. Il acheva de se redresser et observa les alentours de la boutique, en vain. Où est-il ?
Sans dire un mot, Efren fit pencher son bâton vers sa gauche. Il avait entendu les pas de l'homme s'éloigner et l'avait suivi à l'oreille, jugeant ce comportement étrange. Qui s'en allait au beau milieu d'une transaction ? Fort heureusement, il n'était pas allé bien loin. L'aventurier l'aperçu devant l'étal du fleuriste voisin. Cependant, la scène qu'il voyait se profiler lui fit froncer les sourcils. Le tanneur s'avançait, interrompant un jeune couple tandis que deux malandrins -apparemment de ses amis- arrivaient par derrière.
-Reste là. -Je n'avais pas l'intention de m'en mêler. Répliqua le jeune homme sur un ton plutôt léger.
Aaron étira un sourire en coin, amusé par son trait d'humour, et approcha discrètement, ce qui lui permit de percevoir la fin de la conversation. Au moins, le diantrais n'en voulait pas à l'argent du jeune amant mais c'était une piètre consolation finalement. Car un homme blessé dans son ego viril était plus difficile à raisonner qu'un simple brigand voulant se remplir les poches. Puisque ceux qui se trouvaient derrière le bourgeois se tenaient déjà près à attaquer, le père de famille n'avait que peu de solution pour les arrêter. Aussi, il sortit son épée du fourreau et vint poser le plat de la lame sur l'épaule du tanneur qui se tenait dos à lui.
-C'est lui de blanc-bec et vous l'imbécile. L'artisan fut surpris et se figea. Il commença à émettre un semblant de début de phrase mais il fut interrompu dans son élan. Il faut être idiot pour vouloir s'en prendre à un homme qui pourrait avoir votre tête sans le moindre effort, vivant ou mort.
Dans sa colère, Omer n'avait pas regardé son opposant d'assez près. Au pire, c'était un homme très aisé ou de petite noblesse. Dans tous les cas, sa vie valait plus que celle d'un pauvre tanneur d'un quartier paisible. Qu'il tente de s'en prendre à lui et il ne ferait pas long feu, quels que soient ses motifs. Quant à Aaron, il ne cherchait rien à obtenir en venant en aide à ce jeune. Mais, à trois contre un, le combat lui semblait bien inégal. Il voulait simplement rééquilibrer les forces.
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| | | Arnaud de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Dim 5 Jan 2020 - 18:07 | |
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L'irruption d'un justicier solitaire prit de court Omer tout autant qu'elle surprit Arnaud. Ce dernier n'attendait pas le moindre secours des passants isolés qui s'attardaient dans cette ruelle ; à Diantra comme ailleurs, rares sont les hommes prêts à risquer leur peau pour tirer un inconnu d'un mauvais pas. Cela étant, Arnaud n'était pas un inconnu ; les mots de son sauveur providentiel laissaient entendre qu'il se faisait une certaine idée de son identité, et peut-être avait-il reconnu le fils du feu Régent. A en juger par sa mise, son bienfaiteur devait être une épée louée au service de quelque chevalier ou seigneur, qui l'aurait aperçu à l'occasion d'une visite au Palais des Dômes ou ailleurs...
Il en fallait plus, toutefois, pour faire perdre toute sa faconde à Omer. Nonobstant l'épée qui menaçait son cou, celui-ci tordit les épaules pour tenter - en vain - de toiser l'aventurier qui tenait la lame.
« Tu ferais mieux de pas te mêler de ça », grinça le tanneur. « Ça pourrait être le roi, je m'en fous pas mal ; il crachera ses dents pareil. »
Mais tout rodomont qu'il fut, Omer n'en menait pas large ; Aaron pouvait sentir tressaillir sa lame contre le cou du tanneur. Ses deux affidés n'étaient pas en reste : l'un d'eux, le plus court de taille, se tenait circonspect, hésitant, mais n'en gardait pas moins son coutelas à portée de main ; l'autre, un gaillard aux cheveux hirsutes, lorgnait l'aventurier d'un regard torve. Tous deux se tenaient à moins de deux mètres d'Omer et d'Aaron, mais n'osaient pour le moment franchir le pas.
Désemparés, Arnaud et Pélagie étaient restés sous l'auvent, immobiles, le Corbin réfléchissant à toute allure. Un bref instant, Arnaud fut tenté de profiter de ce secours inespéré pour filer à la missédoise, entraînant sa dulcinée avec lui, laissant leur bienfaiteur seul aux prises avec les trois hommes. Las ! En plus de se montrer ingrat et lâche, cela ne résoudrait rien ; Pélagie serait contrainte, tôt ou tard, de retourner chez son père, et le tanneur et ses gorilles l'y attendraient de pied ferme. Non, les choses devaient se régler ici et maintenant, mais il semblait bien, par la façon dont les uns et les autres échangeaient des regards menaçants sans oser attaquer, qu'ils n'avaient aucune foutue idée de comment tout ça allait se terminer.
« Cet homme dit vrai », intervint alors Pélagie, et quoiqu'Arnaud eut préféré qu'elle n'en fasse rien, elle ajouta : « c'est un Prince, un vrai ! Si vous lui faites quoi que ce soit, il vous en coûtera, Omer ! »
Le tanneur manqua s'étrangler sur la lame d'Aaron, alors que retentissaient les rires gras de ses comparses.
« Bien sûr, un Prince ! Elle est bonne ! Comme si un Prince s'intéressait à une grognasse dans ton genre. C'est ce qu'il t'a sorti, pas vrai ? Je savais que t'étais pas finaude, mais t'es une vraie championne. - Suffit, Messires », fit Arnaud, « il est encore temps de vous éviter de gros ennuis ; laissez-nous partir, et j'oublierai ce qu'il s'est passé. - Toi, je me fous pas mal de savoir de quel noble trou de balle tu es sorti », cracha Omer en dardant sur Arnaud un regard haineux. « Tu as sali ma fiancée, et tu vas pas t'en tirer comme ça. » A l'adresse d'Aaron, le tanneur glissa, sur un ton moins agressif : « deux souverains pour toi, mon gars, si tu fermes les yeux et que tu sais tenir ta langue. »
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Lun 6 Jan 2020 - 22:07 | |
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L'apparition d'Aaron eut le mérite d'interpeller suffisamment les deux associés du tanneur pour les clouer sur place. Il fallait avouer que le fait qu'il tienne leur ami en joue avait de quoi les refroidir un peu. Ils n'avaient en effet aucun moyen de savoir quelle serait sa réaction s'ils s'avançaient vers le noble ou lui. Chercherait-il à les arrêter ? Mettrait-il sa menace à exécution ? A première vue, l'aventurier n'avait rien d'un tueur sanguinaire mais il pouvait fort bien cacher son jeu et être capable de tuer sans remord. Quoi qu'il en soit, la seule chose qui bougea chez les trois malandrins durant toute cette discussion fut la gorge de l'artisan sous sa lame, l'appuyant un peu plus contre sa peau lorsqu'il voulut se retourner pour le voir.
Le mensonge de la jeune fille trouvait son origine dans de louables intentions mais il était un peu trop gros au goût de ses interlocuteurs. Tous, y compris Aaron, le décelèrent aussitôt prononcé. Un Prince ? C'était assez difficile à croire. Il n'y en avait plus en Péninsule, le Roi étant un enfant. Et, pour avoir suffisamment côtoyé les estrevins, l'aventurier pouvait être certain que le noble n'était pas du Sud. Mieux encore, son accent était du Nord, à l'image du sien, bien que les décennies passées sur les routes l'ait quelque peu lissé avec le temps. Personne ne pourrait la croire à moins d'être idiot. Quant à l'offre d'Omer, elle fut suivie par un long silence tandis que le père de famille observait avec attention le peu de visage qu'il discernait depuis sa position, la tête légèrement penchée sur le côté. Son expression ne laissait rien transpirer de ce qu'il pensait de sa proposition et tous pouvaient craindre sa réponse car, dans un cas comme dans l'autre, il y aurait un perdant dans l'histoire. C'était pourquoi l'artisan et ses acolytes restaient suspendus à ses lèvres, attendant sa réaction avec impatience -et angoisse pour celui dont sa gorge était à sa merci-.
-Je crois que j'ai eu tort... Commença-t-il avant de marquer une courte pause. Tu n'es pas un imbécile mais plutôt un crétin décérébré. Tu te figures vraiment que tu peux m'acheter alors que rien ne m'obligeait à prendre partie dans cette histoire ?
Un des brigands fit mine d'avancer vers le jeune homme, relevant son bras armé mais c'était sans compter sur les sens cachés du mercenaire qui sentit la lame vaciller dans l'espace. La voix de ce dernier se fit alors plus forte afin d'arrêter le geste qui pourrait avoir raison du noble.
-Je n'ai pas envie de le tuer. Gronda-t-il. Son regard toisa celui du malandrin avec un aplomb à toute épreuve. Mais je n'hésiterai pas s'il le faut alors ne me donnez pas une raison d'égorger votre ami, ce qui ne serait pas une grande perte pour l'humanité. Son ton était bien plus froid que précédemment, faisant résonner le sérieux de la menace qui pesait sur la tête du tanneur. Puis il se tourna ensuite vers le Seigneur. Je vous suggère de vous en aller. Et, si vous tenez un tant soit peu à cette jeune femme, emmenez-la avec vous. Elle sera plus en sécurité n'importe où plutôt qu'ici.
A cet instant, Aaron s'attendait à toutes les réactions possibles de la part du noble. Il pouvait suivre son conseil et partir avec elle. Il pouvait la ramener chez lui, la prendre à son service ou celui d'un ami, l'épouser... Bref, tenter de la mettre à l'abri. Tout comme il pouvait simplement la laisser à son sort et fuir tel un lâche. Rien ne l'aurait surpris à vrai dire mais au moins la jeune femme aurait su à quoi s'en tenir. Dans un cas comme dans l'autre, le quarantenaire ne l'abandonnerai pas. Omer était prêt à tuer son prétendant alors, privé de sa vengeance, qui savait ce qu'il pourrait lui faire à elle ? Que le jeune homme l'emmène mais ne puisse lui fournir sa protection ou qu'il lui tourne le dos, il ne la laisserait pas.
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| | | Arnaud de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Mer 8 Jan 2020 - 13:02 | |
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La main de Pélagie serrait la sienne à lui en écraser les doigts. Lorsque l'inconnu leur offrit l'opportunité de prendre leurs jambes à leur cou, Pélagie tira le bras d'Arnaud, l'incitant à s'enfuir avec elle, mais le Corbin ne bougea pas. La jeune fille eut beau insister, répétant son geste ; en vain.
Allez savoir quelle crétinerie pouvait bien lui encombrer la caboche, pour qu'il soit prêt à risquer de se faire planter dans ce coupe-gorge ? Le duc de Serramire aspirait à mieux qu'une fin prématurée et sordide, tout ça pour disputer à un vulgaire tanneur les faveurs d'une fille du commun. N'empêche ; il ne fuirait pas. Abandonner le brave aventurier seul face aux trois brutes, ça lui posait déjà un cas de conscience ; son orgueil faisait le reste. Je suis chevalier, se targuait-il, et un chevalier ne s'enfuit pas. Un plan s'échafauda brièvement dans son esprit : il eut pu faire mine d'obtempérer, avancer de quelques pas et, une fois à la hauteur des deux rustauds, plonger la main sous son manteau pour en tirer sa dague, et poinçonner le plus proche. L'idée, hélas, était désinvolte plutôt qu'ingénieuse. Un duc qui tue un homme en pleine rue, juste avant le Concile... belle manière de me présenter au monde, si ça vient à se savoir, songea Arnaud avec pondération.
« Il est là ! » retentit alors une voix au bout de la rue, et quelques instants plus tard, le brave lieutenant Heinrich déboulait, flanqué de trois gardes nordiens. « Eh bien, qu'est-ce qu'on a ici ? » clama-t-il en approchant, considérant, interloqué, le tanneur que menaçait de son épée l'aventurier, les deux affreux qui se tenaient coi, la jeune fille effrayée et le jeune duc. « Qu'est-ce que c'est que cette sarabande ? - Un malentendu, Heinrich », répondit Arnaud d'un ton dégagé. « Mais tout va bien ; ces messieurs allaient partir. »
Le duc toisa les deux vauriens ; ceux-là lui rendirent de bien vilaines grimaces, mais n'étaient pas assez téméraires pour affronter les gardes, si bien qu'ils s'éclipsèrent sans demander leur reste. Arnaud se tourna ensuite vers l'aventurier et, d'un signe de tête, lui fit comprendre qu'il pouvait laisser partir son prisonnier. Omer jeta lui aussi un regard assassin au duc, et Arnaud lut dans ses yeux que la querelle était bien loin d'être lavée. La chose attendrait, toutefois ; Omer décanilla sur les pas de ses comparses, ne laissant dans la ruelle que le duc et ses hommes, Pélagie et l'aventurier.
« Vous seriez gentil de ne plus nous filer entre les doigts, Arnaud », reprit Heinrich. « Un jour, il va vous arriver des bricoles. - Vous m'avez retrouvé à temps, tout va bien. - Oui, on peut le dire. Vous comptez m'expliquer ce qui s'est passé, ou carrément pas du tout ? »
D'un geste désinvolte, Arnaud désigna l'aventurier.
« Rien de bien grave ; quelques horribles qui voulaient me faire les poches, mais cet homme a eu la bonté d'âme de me venir en aide. - Et la fille, c'est qui ? - Sa compagne, mentit Arnaud, et il adressa un regard éloquent à la jeune fille qui s'apprêtait à le contredire. - Pourquoi elle vous tient la main, alors ? s'étonna Heinrich. - C'était, euh, la peur, dit Arnaud en lâchant la main de Pélagie. Elle avait besoin d'être rassurée. - Logique, admit Heinrich, avant de tourner les yeux vers Aaron. Vous devriez prendre ma place, messire, je n'en peux plus de courir après celui-là. Ou non, mieux, vous devriez prendre la sienne à lui ; si c'était vous le duc, j'aurais pas à m'inquiéter tout le temps de votre sécurité, sachant que vous y veillez bien tout seul. »
Le lieutenant sourit, tandis que le jeune duc s'avançait vers Aaron et posait une main amicale sur son épaule.
« Je n'ai pas eu le temps de me présenter, Messire ; je m'appelle Arnaud de Brochant, et je suis le duc de Serramire. Mais je suis avant tout votre débiteur. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ? » A voix basse, il ajouta : « Ça m'arrangerait que mes hommes ne sachent rien pour cette fille et moi ; les rumeurs vont vite. »
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Mer 8 Jan 2020 - 21:53 | |
| Aaron haussa un sourcil. Le noble ne comptait vraiment pas bouger de là ? La jeune femme l'attirait pourtant mais il refusait de un pas, plus préoccupé par les deux hommes armés que par les demandes silencieuses de sa bien-aimée. Cette attitude ne manqua pas d'interloquer le quarantenaire qui n'avait pas besoin de plus d'éléments pour comprendre ce qu'il avait en tête. Cet homme avait l'âme d'un chevalier. On venait de lui prêter main forte sans raison et il ne voulait pas abandonner son bienfaiteur seul face à trois gaillards plus que remontés. Intérieurement, cela le fit sourire. Il appréciait cette mentalité que l'on retrouvait si rarement chez les riches en fin de compte. Cependant, s'ils engageaient le combat, il y avait un risque pour que l'amie du jeune Seigneur soit blessée... Il restait donc persuadé qu'il ferait mieux de partir, pour elle. Il allait insister lorsqu'une voix attira l'attention de tout ce petit groupe. L'arrivée de la garde du noble était assez providentielle et calma aussitôt le jeu. Les malandrins filèrent sans demander leurs restes, bientôt suivi par le tanneur qu'Aaron libéra bien vite du joug de sa lame. Ce dernier le toisa avec méfiance tandis qu'il retournait à son échoppe, au point de pivoter sur lui-même pour le conserver dans son champ de vision. Ce n'était pas tant qu'il craignait pour sa vie mais plutôt pour celle de quelqu'un d'autre...
En marchant avec un air mauvais, Omer croisa le chemin du jeune aveugle qui avançait lentement vers le lieu de la scène qui venait de se jouer non loin de lui et qu'il avait suivi à une distance raisonnable pour quelqu'un dans son état. L'artisan le percuta d'un coup d'épaule suffisamment violent pour extirper un gémissement sourd à l'adolescent. Efren perdit l'équilibre mais ne tomba pas grâce au long bâton qu'il tenait dans la main. Il prit quelques instants pour se remettre, écoutant en même temps l'homme qui s'éloignait de lui, s'assurant qu'il ne reviendrait pas sur ses pas. Puis, la voix de son père attira son attention et il se remit en marche. Dès qu'il fut aux côtés de son paternel, ce dernier se tourna à nouveau vers le noble et son garde. Juste au moment où l'on proférait un sublime mensonge qui le concernait un minimum... Aaron ne montra aucune réaction. Il comprenait sans mal la situation du jeune Seigneur. Un homme de son rang ne pouvait ouvertement fréquenter une femme sans lignage. Même s'il avait des sentiments pour elle, il ne pouvait les avouer au grand public. Pire, il ne devait pas les montrer sans quoi la demoiselle serait en danger, car seul un sang bleu pouvait la protéger un tant soit peu d'un autre... Et elle n'en était pas.
Si tôt le mensonge proféré, la fleuriste se retrouva isolée au milieu de tout ce beau monde et son regard se posa nécessairement sur celui à qui on venait de la lier sans lui demander son avis. Le quarantenaire tendit alors une main secourable vers elle, l'invitant à le rejoindre. Elle obéit, s'élançant vers lui d'un pas précipité, un peu perdue et contrariée par ce qu'il se jouait présentement. A son tour, Aaron lui prit la main et se pencha pour lui glisser quelques mots à l'oreille. Son regard était bienveillant et son discret et paisible sourire attirait la confiance. Il aurait pu être son père... Et il ne tenait pas à ce qu'elle le voit comme une menace pour elle.
Achevant de s'entretenir avec son maître, le garde se tourna vers l'aventurier et ses répliques semblèrent l'amuser, comme en témoignait le petit rictus aux coins de ses lèvres. Lui ? Garde ? Non, cela ne lui ressemblait pas vraiment, même s'il avait déjà été contrait d'accepter des emplois de ce genre afin de gagner quelques pièces.
-L'insouciance de la jeunesse. Répondit-il tandis que son sourire paisible s'élargissait. Cela lui passera. Et je n'échangerai ma place contre la sienne pour rien au monde.
A son tour, le "duc" s'avança et le présenta officiellement. Ainsi donc, il n'avait pas porté secours à un bourgeois ou un petit nobliaux... Il était tombé directement sur l'un de ceux qui avaient le privilège de pouvoir côtoyer le roi. Rien que ça... Il ne sembla ni surpris ni impressionné. Les décennies lui avaient appris que le pouvoir ne résidait pas dans un simple titre. Un badaud qui avait une parfaite maîtrise de l'art de la manipulation pouvait aisément se sortir des pires situations et c'était bien plus digne d'intérêt à ses yeux que le fait de simplement brandir un étendard doré. A la phrase prononcé à voix basse, Aaron regarda la jeune femme. Ne rien dire... En parler ne lui aurait rien apporté de toute manière et ce n'était pas là l'objet de sa réflexion. Cet homme avait été suffisamment noble pour ne pas l'abandonner à trois contre un mais l'était-il autant avec les femmes ? Après quelques instants, il décida finalement que ce n'était ni le lieu ni le moment pour cela. Il se tourna donc vers Arnaud et entreprit de lui répondre.
-Je me nomme Aaron Kolhe et voici mon fils, Efren. Dit-il en désignant ce dernier du regard. L'adolescent aux yeux bandés tourna légèrement la tête dans la direction de son père à l'écoute de son nom. Nous voyageons beaucoup pour gagner notre vie. Pélagie... Continua-t-il en regardant la jeune femme à qui il avait discrètement demandé le prénom l'instant d'avant. ...vit ici. Je ne peux pas l'emmener avec moi et j'ai bien peur qu'elle ne soit plus en sécurité ici.
L'aventurier se tourna à nouveau vers Arnaud et le toisa de manière à lui faire comprendre qu'il s'agissait de sa requête. En apparence, il cherchait à mettre sa compagne à l'abri aux yeux des gardes. Mais seuls quatre protagonistes de cette scène savait qu'en réalité il demandait pour seule récompense à ce qu'une inconnue soit placée en lieu sûr, loin des représailles de son orgueilleux et discourtois promis.
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| | | Arnaud de Brochant
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Dim 12 Jan 2020 - 14:21 | |
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C'est peu dire que la requête d'Aaron surprit le jeune Corbin. Il eut imaginé que son sauveur lui demanderait du pognon, ou un travail, ou n'importe quoi qui entre dans le domaine de l'ordinaire ; toutes ces choses, il était en droit de les obtenir. Mais Aaron ne demanda rien pour lui ; son seul souci semblait être la sécurité de Pélagie. Il aurait pu demander n'importe quoi, il n'avait finalement fait que réclamer la résolution d'un problème qui n'était pas le sien. Cette abnégation forçait le respect ; c'était presque dommage que l'entourage du duc ne puisse pas comprendre la portée de son geste. Au contraire, le lieutenant Heinrich avait accueilli cette demande d'un secouement de tête agacé - voilà qu'en plus d'assurer la sécurité d'un duc qui avait la bougeotte, on lui collait dans les pattes une pauvre petite roturière ! Commander l'escorte ducale n'était vraiment pas une sinécure. Mais Heinrich eut la bonne grâce de garder par-devers lui ses objections, et Arnaud tourna vers Aaron un visage plein de reconnaissance.
« Elle sera en sécurité », assura gravement le duc en hochant lentement la tête. « Je vous le promets. »
Le regard d'Arnaud oscilla rapidement entre Aaron, Efren et Pélagie. Il évita de s'attarder sur le visage courroucé de la jolie fleuriste ; ses yeux brillaient d'une colère contenue, et elle devait faire preuve d'une grande maîtrise d'elle-même pour ne pas la laisser éclater. C'était toute son existence qui venait de basculer dans l'inconnu : elle ne craignait pas tant Omer que l'ire de son propre père, lequel ne tarderait pas à apprendre ce qui s'était joué aujourd'hui. Il lui serait impossible de rentrer chez elle et de le regarder en face. Elle avait tant perdu, alors que le Corbin, ce goujat, n'avait même pas voulu assumer leur liaison devant ses propres hommes, refusant de compromettre sa réputation...
« Tout ça est très bien », lança le lieutenant Heinrich, « mais ça serait pas mal qu'on décanille d'ici. On n'est pas très nombreux, des fois que vos affreux décideraient de revenir en nombre. - C'est juste », reconnut Arnaud. « Allons nous-en d'ici. »
La petite compagnie se mit en branle, remontant la ruelle en longeant les enseignes. Escortés par les lames du Nord, le lieutenant Heinrich marchait aux côtés du duc, suivis par Aaron et Pélagie ; un épéiste avait emboîté le pas du jeune Efren, l'aidant à se guider, quand bien même le garçon savait se débrouiller.
« Il est gonflé, quand même, d'abandonner sa femme, glissa Heinrich à voix basse. - Ces gens-là sont parfois forcés de faire des choix difficiles, répondit Arnaud en haussant les épaules. Il a déjà son fils ; il n'a peut-être pas les moyens de nourrir une bouche supplémentaire. - En même temps, vous avez vu son rejeton ? Tout encapuchonné comme un lépreux, un bandeau sur les yeux ; il est aveugle, le môme. Peut-être même malade. C'est de lui qu'il aurait dû se débarrasser. »
Tournant la tête vers Aaron qui marchait derrière eux, le duc lança à l'adresse de l'aventurier :
« Dites-moi, Aaron, puis-je vous demander ce qui est arrivé à votre fils ? »
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Dim 12 Jan 2020 - 22:04 | |
| Alors qu'il tenait toujours la main de la jeune femme dans la sienne, Aaron la serra un peu plus fort afin d'attirer son attention. Il posa sur elle un regard qui l'invita à ne rien dire ou faire qui aurait pu trahir sa relation avec Arnaud. Elle ne comprenait sans doute pas sa démarche mais ce n'était pas le moment de faire un scandale. De toute façon, elle ne pouvait plus rester ici, c'était bien trop dangereux pour elle. Si elle voulait être mise en sécurité, elle devait jouer le jeu. Ses explications avec le Duc attendraient.
Le trio avait donc pris la suite du groupe tandis qu'il s'éloignait du lieu de l'altercation. Alors que le quarantenaire aurait préféré pouvoir s'éclipser, son souci pour la sécurité de Pélagie le contraignait à demeurer auprès du noble durant un temps, et son fils se retrouvait entraîné avec lui. C'était loin d'être une situation confortable pour eux mais ils n'en montreraient rien. Et la chose était sans aucun doute plus aisée pour Efren car ses yeux ne sauraient trahir ses pensées. Ainsi, les deux Kolhe semblaient décontractés tandis que Pélagie demeurait crispée sur la main de son soi-disant compagnon et dans sa démarche. Arnaud n'avait même plus un regard pour elle alors que c'était visiblement tout ce qu'elle attendait de lui...
-Détendez-vous. Lui glissa-t-il sur un ton paisible. La jeune femme se tourna vers Aaron, presque surprise d'entendre sa voix qui la tirait de ses mornes pensées. Quoi qu'il arrive, vous n'êtes pas seule.
Oui, l'esprit de la fleuriste était sans doute orienté vers autre chose en cet instant précis mais il tenait à lui rappeler l'essentiel, ce dont elle devait réellement se préoccuper. Elle venait de tout perdre, c'était indéniable. Y compris l'homme inaccessible dont elle s'était amourachée. Mais ce n'était pas le passé dont elle devait se soucier à présent mais de l'avenir. Car il apportait bien plus d'incertitude que les évènements qui étaient déjà survenus.
A son tour, Aaron fut tiré du sujet dont il s'occupait par une autre voix. On ne pouvait reprocher au Duc de s'inquiéter de la raison pour laquelle Efren avait les yeux bandés. Toute infirmité ou difformité, aussi minime était-elle, attisait toujours la curiosité. Cela se manifestait par des regards maintenus plus longtemps que nécessaires -quand ils n'étaient pas déplacés- et des questions quelque peu intrusives si l'on y regardait bien. Mais l'aventurier avait depuis longtemps trouvé la parade.
-Un accident, Monseigneur. Il y a tout juste deux mois de cela. Ces yeux ont été brûlés et les prières des prêtres ne sont parvenues qu'à faire disparaître les cicatrices. Il va sans dire que nous aurions préférés qu'elles demeurent et que sa vue revienne mais les voies de Néera sont impénétrables.
Même si le doute quant à l'existence des dieux n'existaient pas, les religieux n'étaient pour autant pas davantage capables d'expliquer pourquoi ils parvenaient parfois à réaliser des miracles et pourquoi ils demeuraient inaccessibles dans bon nombre de cas. C'était un fatalisme auquel personne ne saurait apporter de réponse. Pourtant, qu'est-ce qu'un adolescent de seize ans aurait pu faire dans sa vie pour mériter un tel sort ? Il n'avait pas l'air d'être un mauvais garçon, bien au contraire. Sans compter qu'il avait son père pour exemple.
-Pouvons-nous savoir où nous allons ? Demanda-t-il, un sourire mi-amusé mi-intrigué aux lèvres.
Ils avaient été contraints de se laisser entraîner mais ils n'avaient pas la moindre idée du lieu dans lequel on les emmenait. Il y avait fort à parier qu'un personnage tel que le Duc logeait au Palais mais il pouvait très bien rechigner à conduire des vas-nu-pieds dans un endroit aussi prestigieux. La question était donc tout à fait légitime et avait de quoi les troubler. Mais Pélagie préférait se taire pour tenter de se tenir tant bien que mal à son rôle et Efren était bien trop concentré à essayer de suivre le groupe sans heurt.
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| | | Arnaud de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Sam 18 Jan 2020 - 1:21 | |
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Le duc coula un regard plein de compassion au jeune homme ; ce dernier, comme on pouvait s'y attendre, ne le lui rendit pas. Pauvre gosse, pensa Arnaud, qui frissonnait rien qu'à imaginer ce que ce pouvait être que d'endurer la cécité. Il n'aurait pas voulu d'une telle existence, et pourtant ! Certains s'en accommodaient. Il est bien des aveugles qui sont devenus rois ; encore qu'il eut été plus charitable, pour eux comme pour tout le monde, que cela n'arrivât point. Il aurait aimé en savoir davantage sur le fameux accident qui avait brûlé les yeux du jeune Efren, mais Arnaud ne voulait pas se montrer trop insistant ; sa curiosité passerait pour irrespectueuse. Aussi Arnaud ne se formalisa pas de voir le père de famille changer de sujet et s'enquérir de leur destination.
« Dans un premier temps, il fallait nous éloigner de ce coupe-gorge », répondit Arnaud avec légèreté. « Ensuite, eh bien... vous êtes libre, Messire, et si vous souhaitez poursuivre votre route, je serais mauvais sire que de vous en empêcher. Je trouverai une place pour votre amie ; j'ai deux sœurs, et si elles ne manquent pas de caméristes, une de plus ne sera jamais de trop. »
A côté d'Aaron, Pélagie se raidit encore un peu plus, si la chose était possible. Puisqu'il évitait son regard, Arnaud ne vit pas à quel point cette perspective semblait la rendre malheureuse ; la vie n'était pas toujours rose ici à Diantra, mais enfin, elle s'y sentait à sa place. Elle n'était pas assez naïve pour croire au bonheur d'une vie de château ; elle allait passer le restant de ses jours à coiffer et habiller de nobles dames, tandis qu'elle ferait partie des meubles.
« Nous avons tous nos propres combats à mener dans la vie, Aaron », poursuivait Arnaud avec sagesse - du moins essayait-il de paraître sage, du haut de ses vingt-trois ans. « Mais si d'aventure vous vous lassiez des vôtres, vous pourriez m'aider à mener les miens. Ce sont des hommes de votre trempe dont j'ai besoin à mon service. »
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Jeu 23 Jan 2020 - 10:37 | |
| En réponse à sa question, Arnaud lui fit comprendre qu'il voulait partir si tel était son souhait. Cependant, au vu de leur mensonge, il serait étrange qu'il disparaisse et laisse sa compagne à un inconnu. Mais, au delà de cela, il se sentait l'obligation d'accompagner la demoiselle jusqu'au bout. Après tout, rien ne lui permettait de savoir s'il pouvait faire confiance au noble ou non et il voulait s'assurer qu'il respecterait ses engagements. Mais alors qu'il s'apprêtait à répondre, il sentit la main de Pélagie se raidir dans la sienne. Sans même avoir besoin de la regarder, il comprit aussitôt que la perspective qu'il lui proposait ne l'enchantait guère... Et cela pouvait se comprendre.
-Votre offre est très généreuse, Monseigneur. Mais je ne voudrais pas qu'elle devienne une charge à vie pour votre famille. Peut-être préfèrerait-elle... Il se tourna vers elle, montrant qu'il lui demandait son avis avant tout et que ce qu'il allait dire n'était qu'une suggestion. ... ouvrir sa propre boutique de fleurs dans une autre cité ? Plus au Sud, là où le soleil brille davantage ?
On disait toujours que, plus on s'approchait de la pointe de la Péninsule, plus il faisait bon vivre. Si la jeune femme était comme tout un chacun, alors cette perspective lui serait sans doute plus douce que l'idée d'être dame de compagnie jusqu'à la fin de ses jours. Dans tous les cas, il voulut faire passer dans son regard qu'il ne souhaitait rien lui imposer et qu'il cherchait la meilleure solution pour elle. Mais, tout ceci était si récent... Peut-être n'avait-elle encore aucune idée, aucune envie. La seule chose qu'elle avait sûrement en tête serait de s'expliquer avec son amant sur son attitude. Aussi dévia-t-il à nouveau la conversation.
-Nous pouvons peut-être prendre le temps d'y réfléchir et d'en discuter avec vous ?
Par cette démarche, il voulait leur donner une occasion de parler ensemble à l'abri des oreilles indiscrètes. Bien sûr, cela signifierait qu'il serait présent, en tant que faux compagnon, mais ils auraient toujours plus de liberté de s'exprimer qu'avec les gardes tout autour d'eux. Evidemment, la situation de la demoiselle n'en demeurerait pas moins un sujet qu'il leur faudrait aborder tôt ou tard.
A la proposition d'Arnaud, Aaron ne cacha pas vraiment sa surprise tandis qu'Efren se retint de libérer un rire discret. Bien vite, le quarantenaire s'en amusa à son tour, étirant un sourire en coin. C'était la seconde fois qu'on lui faisait une telle offre, bien que la première soit bien plus intéressée que celle-ci. Cependant, s'il n'avait répondu à la première qu'en disparaissant du paysage, il ne pouvait se permettre de faire la même chose ici. Pas tant qu'une solution n'avait pas été trouvée pour Pélagie. Il devait donc trouver une parade dès à présent. Fort heureusement, la proposition du Duc n'attendait pas de réponse immédiate. Il n'eut donc aucun mal à trouver quelque chose qui ne devrait pas offenser son interlocuteur outre mesure.
-Merci Monseigneur. Je saurais m'en souvenir. Dit-il simplement.
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| | | Arnaud de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Mar 28 Jan 2020 - 1:01 | |
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Sa jalousie s'en mêlant, Arnaud ne comprit pas du tout la manœuvre pourtant habile du voyageur. Il a l'air de ne pas y toucher, mais il est en train de me piquer ma gonzesse, pensa-t-il, un temps rattrapé par de basses considérations égoïstes. Parbleu ! S'il n'était guère enclin à vivre au grand jour cette improbable idylle, le jeune duc n'avait pas pour autant renoncé à Pélagie. La solution qu'il avait envisagée l'arrangeait en tous points ; en la plaçant au service d'une de ses soeurs, il la gardait sous la main, et s'il finissait par se lasser d'elle, eh bien !... enfin, il n'y a pas de raison que ça arrive, tant qu'elle m'aime. Il était hors de question qu'il la laisse s'enfuir avec un traîne-patins, si valeureux fut-il. Et si cet homme, derrière ses airs débonnaires, tenait commerce des charmes de jeunes filles paumées comme elle ? Il ne pouvait décemment laisser Pélagie finir sur le trottoir ; il était chevalier, par la Mortyra !
« J'aimerais beaucoup découvrir le sud », dit alors Pélagie, et Arnaud se renfrogna. Foutrée pandoufle, pourquoi a-t-il fallu qu'il lui mette ces inepties en tête ? Mais déjà elle poursuivait : « j'ai toujours rêvé de voir la côte sybronde. Le Calmerrèse. - C'est en Ydril, le Calmerrèse, marmonna Arnaud, avec le ton boudeur du môme qui perd son jouet. - Peu importe. Quand j'étais petite, ma mère me parlait des falaises qui bordaient l'océan, et elle semblait persuadée que c'était le plus bel endroit au monde - même si je ne crois pas qu'elle y soit jamais allée. On raconte que l'Ivrey y a séduit une vierge et s'est battu pour sa main. - L'Ivrey a troussé une dame suderonne dont il a tué le mari, voilà la vraie histoire, intervint Heinrich qui marchait toujours près d'eux. Un sale porc libidineux, ce type. - Modère tes paroles, Heinrich, intima Arnaud. Nous sommes à Diantra, et tu parles du père de notre roi. - Ah oui, merde, j'avais oublié. » Heinrich jeta un rapide regard alentours, des fois qu'on les aurait entendus.
Le quartier des Passiflores, par bonheur, était trop animé pour qu'on les entende. Ils passèrent devant une vieille femme qui houspillait son mari ; de ce qu'Arnaud put comprendre, elle lui reprochait d'avoir oublié d'acheter des ronds de serviette. On se dispute vraiment pour tout et n'importe quoi, songea Arnaud tout en marchant, alors que la scène de ménage semblait retenir l'attention de tous les passants. Un groupe de trois personnes en vint même à s'immiscer dans la discussion, interrompant le couple. Le pauvre mari se trouva bientôt assailli des reproches de ces trois hommes, qui braillaient à tout va que c'était vraiment inadmissible d'oublier d'acheter des ronds de serviette et qu'il devrait avoir honte. Surpris de se voir donner la leçon par de parfaits inconnus, l'époux subit leurs remontrances, ne sachant plus où se mettre ; même l'épouse paraissait déroutée.
Les gens sont fous, pensa Arnaud, avant de chasser de son esprit cette curieuse scène de ménage pour se tourner vers Aaron.
« Le Calmerrèse est certainement un bien bel endroit. Hélas, je n'ai dans le sud du royaume ni pouvoir ni amis ; il me serait plus facile de veiller sur cette jeune femme en l'attachant au service de ma maisonnée. »
Arnaud coula vers Pélagie un regard bienveillant, esquissant même un sourire. Ce que voyant, la jeune femme détourna les yeux vers Aaron. « Je vous en prie, emmenez-moi avec vous », murmura-t-elle au père d'Efren.
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Mer 29 Jan 2020 - 21:35 | |
| Efren avait beau être aveugle, il n'avait pas besoin d'observer la situation de ses yeux pour réaliser aussi bien que son père que les choses étaient en train de déraper. Aaron fronça intérieurement les sourcils devant l'attitude boudeuse du Duc, se demandant ce qui ne lui convenait pas dans le fond. Était-ce de perdre l'ascendant sur cette femme ? De voir lui échapper un objet d'amusement ? Ou bien était-il réellement attaché à elle ? La question méritait d'être posée, même si elle devrait prendre certaines formes détournées car elle ne supporterait pas une phrase directe. Dans tous les cas, le quarantenaire laissa la discussion se dérouler, bien que l'échange finit par interloquer les gardes. Pélagie était bien audacieuse pour parler ainsi à un grand Seigneur qu'elle ne connaissait soi-disant pas l'heure d'avant. L'un d'eux commençait à la regarder de travers lorsque, fort heureusement, Capitaine les interrompit par son intervention, coupant court -sans le vouloir- à toute réflexion chez ses subordonnés. Cela fit un problème de réglé...
En revanche, Aaron se trouvait avec un autre sujet sur les bras. Voilà qu'il se tenait entre, d'un côté, un Duc attaché à son offre d'embauche dans le cercle familial et, de l'autre, sa jeune amante qui n'aspirait plus qu'à s'enfuir... Il regardait la fleuriste d'un air un peu ennuyé. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas l'aider mais la situation était devenue on ne pouvait plus délicate et il réalisait qu'il l'avait provoquée sans l'avoir préméditée. Comment aurait-il pu anticiper qu'Arnaud voudrait réellement garder Pélagie à ses côtés et qu'elle, au contraire, voudrait s'en affranchir ? Il s'agissait désormais de rattraper la barre et de faire en sorte que le navire reprenne un cap un peu plus stable avant qu'il ne s'échoue sur un récif.
-Le mieux, je pense, serait d'en discuter. Conclut-il. Y a-t-il un endroit où nous pourrions parler, calmement ?
A travers son ton et son regard, le quarantenaire tenait à faire discrètement passer un message. Il ne voulait pas se mettre entre eux deux. Ils avaient visiblement besoin de mettre les choses au clair et il était hors de question que l'un ou l'autre se défile. Le Duc devait entendre les volontés de Pélagie et elle devait écouter les justifications d'Arnaud. Lui se contentait de leur donner l'occasion de le faire. Cependant, il était impossible de gérer cette situation devant témoin. Ils avaient besoin d'un lieu plus tranquille et à l'abri des oreilles indiscrètes. Et le plus tôt serait le mieux...
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| | | Arnaud de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Dim 16 Fév 2020 - 16:59 | |
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Discuter calmement, à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes ? Arnaud n'était pas contre ; mais alors qu'ils quittaient le quartier des Passiflores en direction de la ville haute, se rendre au Palais des Dômes en compagnie de son amante et de deux illustres inconnus - dont un aveugle encapuchonné - lui semblait une idée de plus en plus mauvaise. La capitale cultivait le goût de l'intrigue, et ses faits et gestes au sein du Palais étaient épiés. Dans de telles circonstances, son étrange compagnie ne manquerait pas d'alimenter de sordides rumeurs. De cela, Arnaud ne voulait pas.
« Allons chez mon cousin Faramond, décida finalement le Corbin. Nous y serons au calme. »
A l'évocation de Faramond, le lieutenant Heinrich laissa échapper un grinçant rire incrédule ; il allait faire un commentaire, mais un regard d'Arnaud le réduisit au silence. Le lieutenant fit la moue, haussa les épaules et, au bout du compte, fit un signe de tête à ses gars pour continuer à avancer. Le groupe poursuivit sa route en silence, laissant Aaron, Efren et Pélagie sans plus d'explication. Ils n'allaient pas tarder à comprendre, cependant.
Ils arrivèrent devant un coquet manoir, joliment situé dans un quartier prestigieux de la cité. Là, un homme affable les accueillit avec effusion ; les bras ouverts, la bouche en cœur, il enlaça Arnaud avec une familiarité qu'on pourrait qualifier d'excessive, et gratifia ses compagnons d'un sourire plein de bonhomie. « Je suis, mon cher cousin, si content de vous voir, toi et tes amis ! Entrez donc ! Ma maison est votre maison. » Tandis qu'ils entraient dans un joli vestibule, Faramond se lançait déjà dans un flot de paroles sans fin, demandant à Arnaud si ses affaires se portaient bien, combien de temps il resterait à Diantra, si son pays lui manquait, si il trouvait la capitale agréable - il posa cette question plusieurs fois - et lui rappelant que, s'il voulait, il pouvait séjourner dans son manoir plutôt qu'au Palais des Dômes le temps de son séjour. Tandis qu'Arnaud déployait des trésors de patience pour ne pas paraître discourtois, Heinrich glissa un clin d’œil à Aaron, et murmura de sorte que lui seul put entendre : « ce type est l'homme le plus chiant que j'aie jamais rencontré. » Pendant ce temps, Faramond avait enchaîné et racontait au jeune duc qu'il avait assisté dernièrement à la représentation d'une troupe de théâtre aussi audacieuse qu'irrévérencieuse, et que cela allait faire grand bruit. Arnaud, qui ne pouvait pas blairer le théâtre, finit brusquemment par l'interrompre :
« Pardonne-moi, mon cousin, j'aimerais te demander un moment. Il y a une chose dont j'aimerais discuter avec ces gens qui m'accompagnent. - Bien sûr, bien sûr ! Pardonne-moi Arnaud, je suis un vrai moulin à paroles. - Non, Faramond, du tout, du tout... - C'est gentil. Parce que, vois-tu, l'autre jour sur le marché, on... - Il faudrait que je leur parle maintenant, Faramond. - Ah ! Oui, oui, pardon. Vas-y, je t'en prie. - J'ai besoin qu'on soit seuls. - Oh. D'accord. »
Peu après, Aaron, Pélagie et Arnaud se retrouvèrent entre quatre yeux - disons six - dans le silence salvateur d'un petit salon. La porte était close ; nulle oreille indiscrète ne traînant dans la pièce, ils pouvaient enfin parler librement. On s'attendait à ce qu'Arnaud entame le dialogue, mais le jeune duc ne semblait pas particulièrement enclin à exprimer ce qui, dans son esprit, était déjà arrêté ; il emmènerait Pélagie dans le nord, et tout se passerait pour le mieux.
L'impertinente, toutefois, n'avait pas dit son dernier mot.
« Je ne veux pas aller dans le nord », dit-elle, avant de serrer les dents et d'adresser à Arnaud un regard accusateur. « J'ai pas envie d'être ta putain. »
Le duc se renfrogna ; avant de soupirer, et de hausser les épaules.
« Reste à Diantra, alors. Reste à Diantra, subis les gifles de ton père et la violence d'Omer. Comme les nobles, les bourgeois ne supportent pas qu'on marche sur leur honneur ; mais quand ils lavent leurs querelles, la façon de faire n'a rien de chevaleresque, crois m'en. Je t'offre une chance de t'en sortir, Pélagie, mais je ne vais pas te forcer la main. » Il n'attendit nulle réponse de sa dulcinée. Se tournant vers le voyageur, il ajouta : « merci, Messire Aaron, d'avoir joué le jeu. Je suis désolé de vous avoir mêlé à ces histoires, alors que je vous étais déjà redevable. Si vous désirez reprendre la route maintenant, vous êtes évidemment libre de le faire ; du reste, ma proposition tient toujours. »
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Dim 16 Fév 2020 - 20:42 | |
| Aaron n'avait plus rien dit et, depuis leur arrivée chez le fameux cousin, il s'était contenté d'observer. Si le personnage de Faramond exaspérait ceux qui le connaissaient déjà, lui s'en amusait plutôt. D'un naturel patient et doux, il possédait une forte tolérance en ce qui concernait les traits de caractères qui semblaient si insupportables aux autres. C'était sans doute la raison pour laquelle il avait été le premier et le meilleur ami de l'homme le plus acariâtre qui lui ait été donné de rencontrer. Aussi, s'il avait sourit à la remarque du garde, il n'en avait pas moins conservé cet air discret qui montrait qu'il prenait la chose avec détachement et humour. Lorsque le cousin -ainsi que le reste de leur petite troupe- furent congédiés, le quarantenaire confia une nouvelle fois son fils aux gardes. Officiellement, ils étaient censés parler d'affaires qui ne le concernaient pas. Il valait donc mieux qu'il quitte la pièce avec les autres. Dès que la porte fut fermée, il put reprendre ses distances avec Pélagie, prouvant ainsi à Arnaud qu'il n'avait aucune vue sur elle. Il lui avait simplement lâché la main et s'était écarté d'un pas. Désormais, l'affaire ne le concernait plus et il se posta dans un coin du salon, les bras croisés tandis que le couple se montrait des plus directs l'un envers l'autre.
Le repos ne fut que de courte durée pour Aaron car le Duc se retourna bien vite vers lui. Il le libérait de son rôle de faux compagnon, chose qu'il ne pouvait qu'apprécier et comprendre à la fois. Après tout, il n'avait pas demandé à jouer cette comédie et il avait peut-être un peu trop bien mené son monde. Il aurait été plus opportun pour eux qu'ils discutent en tête à tête. Il n'avait pas à être là. Malheureusement, il était quelque peu coincé et ne voyait guère d'autre option que d'essayer de se faire oublier en demeurant sagement dans son coin et en silence.
-Pour quoi passerais-je si je m'en allais en laissant ma femme dans cet état ?
Un fin sourire s'esquissa sur ses lèvres. Sa voix ne contenait pas le moindre reproche ni jugement. Ils devaient régler leurs affaires et ce n'était pas à lui de juger la façon dont cela se ferait. En revanche, s'il n'était plus obligé de faire comme s'il était le conjoint de Pélagie, ils étaient plusieurs dans la pièce voisine à le penser encore. Même si la demoiselle s'apaisait, il ne pouvait partir alors que la porte venait à peine de se refermer sur eux. Il devait donner l'illusion qu'il s'était bel et bien assuré que sa bien-aimée serait à l'abri des représailles.
-Ignorez-moi. Je disparaîtrais dès que mon départ ne paraîtra pas suspect.
Les mains brièvement levées en l'air, il voulait clairement signifier qu'il n'avait plus l'intention de s’immiscer entre eux comme il avait été contraint de le faire durant tout le trajet. En revanche, il ne pouvait qu'espérer que les deux amants feraient en sorte que sa disparition du tableau paraisse crédible. En ayant réglé leurs différents par exemple... Et en trouvant une solution qui convienne tant à l'un qu'à l'autre.
Quant à l'offre d'Arnaud, Aaron ne releva pas mais il sourit intérieurement. Cela l'amusait qu'on lui trouve une âme de chevalier. Son père s'en retournerait dans sa tombe s'il entendait ça. Car, s'il n'avait plus de nouvelles de lui, il ne pouvait qu'être décédé depuis le temps... Après tout, il était déjà vieux lorsque lui n'avait que douze ans la dernière fois qu'il s'était vu.
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| | | Arnaud de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Sam 22 Fév 2020 - 1:53 | |
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Il n'échappa guère à Arnaud que le voyageur n'avait pas répondu à sa proposition. Peut-être Aaron s'accordait-il le temps de la réflexion, ou peut-être avait-il si peu d'estime pour son vis-à-vis que l'idée d'entrer à son service ne méritât même pas qu'il fasse l'effort d'y répondre. Le Corbin le considéra en silence, ne sachant trop ce qu'il fallait penser de lui. Tout sympathique qu'il fut, Aaron restait une énigme ; il était probablement trop épris de liberté pour s'enfermer au service d'un duc.
Un trait, hélas, partagé par Pélagie. Mais la malheureuse avait-elle vraiment le choix ? En son for intérieur, Arnaud la trouvait bien ingrate ; leur brève liaison avait certes bouleversé son existence, mais quelle existence était-ce là ! Jusqu'alors, le destin ne lui réservait rien de mieux qu'un mariage sordide avec un aigrefin des Passiflores ; c'était somme toute une vie moins enviable que celle qu'Arnaud lui proposait maintenant. « Je ne suis pas un mauvais homme, Pélagie », confia-t-il à la jeune femme. « Je ferais de mon mieux pour que l'existence te soit douce ; à toi de faire de ton mieux pour ne pas m'en vouloir. » Ces paroles sibyllines n'étaient sans doute pas la mise au point qu'appelait Aaron de ses vœux, mais c'était tout ce qu'il pourrait obtenir. Déjà Arnaud reportait son attention sur lui et, jugeant que tout était dit, il conclut en ces termes : « Vous pouvez y aller, Aaron ; votre femme est entre de bonnes mains. »
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| | | Aaron Kolhe
Humain
Nombre de messages : 304 Âge : 44 Date d'inscription : 31/10/2016
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 44 ans (né en 972:X) Taille : 1,85 m Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Re: L'algarade des Passiflores [Aaron] Dim 23 Fév 2020 - 12:48 | |
| Aaron n'afficha aucune réaction face aux déclarations qu'Arnaud fit à la jeune fleuriste. Il n'avait en effet pas l'impression de se tenir devant un mauvais bougre. Un peu jeune, impétueux et un brin imprudent, certes, mais pas bien méchant. En tout cas, dans la situation présente. Mais il pouvait encore s'y tromper.
Lorsque le Seigneur se tourna à nouveau vers lui, le quarantenaire esquissa un sourire amusé devant la référence à leur petit mensonge. Il s'était fait passer pour bien des choses au cours de sa vie pavée de dissimulations et d'histoires inventées mais jamais encore pour le faux compagnon d'une jouvencelle. Jusque là, il n'avait connu une seule union, vraie ou fausse. Il ne s'était prêté au jeu du Duc que pour lui sauver une seconde fois la mise et sans savoir lui-même ce qui l'avait poussé à le faire. Son instinct parlait parfois bien plus que son esprit. Celui ne lui avait pas toujours apporté que de la chance... Aaron se contenta de hocher la tête en signe d'accord puis il s'inclina respectueusement sans pour autant en faire trop. Faire de la lèche aux puissants, voilà qui ne lui ressemblait pas le moins du monde. Il s'attachait plus aux personnes qu'à leurs titres. Puis il adressa un sourire qui se voulait rassurant à Pélagie, lui signifiant qu'il partait l'esprit tranquille de son côté et espérant lui transmettre un peu de son calme. Enfin, il se dirigea vers la porte et quitta la pièce, refermant derrière lui.
Efren se tenait adossé à un mur non loin de là et leva la tête en entendant le mécanisme de verrouillage s'actionner. Son père le remarqua aussitôt et le rejoignit. Il prit sa main pour la poser sur son bras, comme chaque fois qu'il voulait le guider.
-C'est réglé ? Demanda-t-il sans plus de précisions, conscient qu'il était que d'autres pourraient l'entendre. -Oui, tout va bien. Répondit Aaron sur un ton serein. Nous pouvons partir.
Voilà qui ne laissait guère de possibilité aux doutes pour les gardes d'Arnaud et qui comblait une partie des interrogations du jeune homme. D'ailleurs, personne ne chercha à les retenir et, quelques instants plus tard, ils étaient de nouveau dehors, libérés de toute cette histoire.
Pour un temps du moins.
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