Revenante [Sauveur/Sanaa]

La courageuse Princesse n’avait pas cessé de fonctionner avec la tragique mort de son père. On l’avait retrouvée en larmes penchée au dessus de son corps, mais elle s’était redressée et avait repris de sa superbe, pour les autres plus que pour elle. Combien de temps elle était restée là on ne l’avait su, mais on comprenait que l’incident foudroyant avait eu lieu après qu’elle ait renvoyé sa servante – jouet dont la Princesse s’était bien vite débarrassée, comme beaucoup l’avaient prédit – et que seule elle n’avait rien pu faire d’autre que le voir mourir et le pleurer. Le vieil homme avait été plus près de sa fin de vie que du début depuis un moment déjà, tous le savaient, et quand le drow argenté à la tête d’un groupe de guérisseurs indépendants avait déclaré que sa mort était naturelle personne n’avait été surpris. C’était tragique, mais si la brave jeune femme parvenait à dépasser cette douleur, tous le devaient.

Elle avait le lendemain organisé des funérailles privées auxquelles personne d’autre que l’entourage proche du Hiisi défunt n’était convié, sous le prétexte que le monde n’allait pas s’arrêter pour elle et qu’il fallait avancer. Avancer, c’était aussi répondre favorablement à une invitation de la plus grande menace qui pesait sur l’Ithri’Vaan après les Vaanis eux-mêmes. Alors elle laissa à son conseiller les rennes de la cité tant qu’elle ne serait pas rentrée, alors ce dernier poursuivit certains projets de feu son Prince, alors rien ne changea vraiment à Geresh alors qu’Aerianna regagnait Thaar, où elle avait à faire avant d’embarquer vers Esion et poursuivre une délégation Vaanie qui avait dû partir sans elle. Si la diplomatie avec un voisin qu’il ne valait mieux pas insulter était le prétexte – et elle savait avoir trop bien été remarquée par Krish Al’Serat pour se faire pardonner une absence – l’escale à Thaar alors qu’elle aurait pu partir directement de Geresh avait un tout autre but.

Elle vivait à nouveau et Sauveur devait savoir.

***

Bàrkios, deuxième jour de la sixième ennéade
An dix-sept du onzième cycle

Il y avait une peur qui n’existait plus – ou du moins, qui était si mineure par rapport à l’envie de le retrouver – et qui ne m’empêchait plus de me rendre à cet endroit où mes hommes étaient venus plusieurs fois le chercher. Des hommes qui d’ailleurs en cet instant ne portaient pas mes couleurs mais restaient présents dans les ruelles de Thaar, et à part deux qui me suivaient comme mon ombre les autres restaient au moins à portée de voix. Quand à moi, il était sûrement impossible de me reconnaître, engoncée dans un manteau bien trop grand mais qui dissimulait la moindre parcelle de peau, voire le moindre indice de cette robe blanche que je portais sous lui. Une robe blanche que quelqu’un non loin devrait reconnaître bien aisément s’il était amené à la revoir, et il y serait amené. Là quelque part une de ces portes devait m’emmener à lui, et c’était peut-être celle juste devant moi.

« Tadeo, c’est celle-ci ?
- Non, celle à gauche. »

Je fis les quelques pas qui me séparaient de la porte en question. Deux portes si proches pouvaient mener à différents endroits ? C’était toujours compliqué de s’adapter à une échelle si différente de celle dans laquelle je – et les autres Princes et Princesses d’Ithri’Vaan – vivais. Mais je pouvais faire confiance à Tadeo, il était déjà venu, bien que je ne sache plus si c’était après ou avant le drame. Cela ne faisait aucune espèce d’intérêt en tout cas, tant qu’il me guidait vers la bonne porte. Malgré la confiance, je me figeai devant alors que j’avais levé un bras. Qu’est ce que je ferais s’il n’était plus ici ? Qu’est ce que je ferais s’il ne m’acceptait pas ? Qu’est ce que… Je m’interrompis dans mes pensées en secouant la tête, tout ça était ridicule. Je m’étais libérée d’un côté pour m’enfermer de l’autre ? Non, s’il était là, tant mieux, aucun autre cas de figure n’était encore important, pas tant qu’il n’était pas avéré.

L’excitation reprit le dessus alors que je frappai à la porte, je ne l’avais pas vu depuis près de deux mois.

C’était toujours Sauveur qui avait répondu à mes serviteurs, personne d’autre que lui n’avait ouvert cette porte, le fait que ce ne soit pas encore vrai me mit particulièrement mal à l’aise. La jeune femme qui l’avait fait là n’avait pas l’air d’être heureuse d’être interrompue dans quoi que ce soit qu’elle faisait. Elle n’avait pas l’air d’avoir envie de recevoir une quelconque visite tout court. Qu’elle me le montre aussi facilement me prouvait que j’avais affaire à celle qui vivait ici, et mon cœur se serra. Je n’eus même pas à regarder Tadeo pour confirmer une nouvelle fois que j’étais au bon endroit, je le savais. Il fallait que je sois tombée sur Sanaa ? Des mois que je ne l’avais pas vu et la première chose que je faisais était me retrouver nez à nez avec celle qui partageait… non, elle ne le partageait peut-être même pas, j’étais sûre qu’elle ne l’avait pas partagé pendant que j’avais disparue. J’aurais dû le faire venir au palais, j’avais été idiote, et il fallut que je me retienne pour ne pas prendre les jambes à mon cou, et un peu plus pour que rien ne vienne troubler mon visage qui luttait pour rester paisible.

Si la rencontre devait avoir lieu ce soir elle aurait lieu ce soir, qu’est ce que j’y pouvais maintenant ?

Je n’étais pas en position dominante cette fois et je le compris bien trop vite, ne rompant un silence rallongé qu’avec une voix douce et calme. « Je suis venue voir Sauveur. » J’aurais voulu m’en tenir à ces cinq mots, voir ce qu’elle me dirait, voir à quel point elle ferait le rapprochement, lui laisser l’occasion de faire le même travail que j’avais fait, mais elle se méfierait, pas vrai ? Alors je décidai de m’exposer, comme je ne m’exposais que pour Sauveur. Je décidai de montrer tout mon jeu aussi rapidement que je le pouvais, parce que j’avais peur, vraiment, qu’on me prête de mauvaises intentions. « Sanaa, c’est ça ? » Je fermai les yeux après la question, je fermai les yeux et je déglutis avant de les ouvrir à nouveau et de plonger le regard dans le sien. « Je suis Aerianna. » Trois mots qui pouvaient tout faire basculer, trois mots que je ne prononçais que parce que j’avais peur, trois mots que je ne pensais pas avoir à utiliser.

C’était une première étape, la pire des premières étapes, mais la plus importante.

La jeune femme était particulièrement jolie et bien plus jeune que j’en étais, c’en était presque plus douloureux. Elle avait passé tant de temps avec lui, elle avait vécu tant de belles choses, tant de moins belles choses. Si Sauveur ne m’avait pas dit tout ce qu’il m’avait dit j’aurais pensé que la comparaison s’arrêterait là, et que je n’avais simplement aucune chance. Et mon cœur se serra encore un peu plus alors que Sanaa lança un regard et sa voix en direction des deux petites filles que je ne pouvais voir non loin. Il me l’avait dit, rien de tout ça n’avait été un secret, mais la souffrance de ce jour, celle qui avait apporté les pleurs, elle menaçait de revenir. Seulement il me l’avait dit, il n’y avait pas de comparaison à faire, son cœur à lui ne voulait pas choisir, il pouvait ne pas choisir. J’avais cru que ce serait la même chose pour le mien, mais peut-être que s’il se serrait de cette façon c’était qu’il ne le voulait pas ? Non, il y parviendrait, si on lui laissait une chance, si Sanaa lui laissait une chance.

Elle n’avait pas l’air de vouloir lui en laisser une.

Je hochai la tête pour confirmer à nouveau ce que je lui avais déjà dit. Elle devait être plus nerveuse qu’elle ne me le montrait. C’était normal, je venais à peine d’apparaître alors qu’elle devait me penser disparue à jamais, je venais à peine de confirmer que la question se poserait si Sauveur m’acceptait à nouveau. J’aurais peut-être agi de la même façon, je me serais peut-être érigée en tant que protectrice de cette famille, même si je n’en comprenais presque pas le sens. J’étais ma propre famille, il n’y avait plus rien d’autre, il n’y avait plus personne d’autre, nulle part. Alors je restai silencieuse et la laissai faire ce qu’elle pouvait faire dans une situation si compliquée. Elle fut assez courageuse pour me proposer d’entrer et j’acceptai avec un petit sourire poli mais elle trahit un peu d’agressivité en s’essayant au genre de salutation exigée des plus faibles envers les plus puissants. Dans l’encadrement de la porte je me figeai, désemparée. C’était comme ça qu’elle me voyait ?

Je protestai d’une petite voix. « Je… non… s’il vous plaît… je ne viens pas pour ça… »

Puis je la suivis vraiment à l’intérieur, sans oser prendre mes aises. Je n’étais pas une princesse ici.

-Oui ?

Les quelques coups frappés à sa porte n'avaient même pas fait se relever Sauveur du bureau sur lequel il était penché. Il ne s'y asseyait pas souvent. En fait, il n'y posait son séant que pour écrire sa correspondance, chose qu'il ne faisait que depuis un mois et demi. Auparavant, toute sa famille était à Thaar, il pouvait donc les voir dès qu'il le voulait. Mais, depuis qu'Aimé, Patience et Sincère étaient retournés prendre possession de leurs terres, les choses avaient quelques peu changées. Plus d'une en vérité... Et il n'y avait que par ces lettres qu'il pouvait garder ses aînés informés. De la même manière, ils le tenaient au courant de l'évolution de leurs terres. Avec l'hiver qui approchait, ils ne pouvaient guère que préparer le sol à la prochaine culture mais c'était déjà un énorme travail. Il fallait retourner la terre partout et faire de l'épandage afin de l'enrichir à nouveau. Malheureusement, l'usurpateur de leurs propriétés n'en avait jamais vu l'utilité donc ils n'avaient aucune réserve. Il leur avait fallu en trouver chez les agriculteurs voisins et même en faire venir. Rien d'impossible avec le soutien d'Aerianna, bien sûr, même si tous évitaient de lui en parler.

La porte, plutôt que de s'ouvrir, servit de filtre entre le maître des lieux et celle qui était venue l'interrompre. Eïana n'osa pas entrer et préféra conserver ce rempart entre eux afin de lui faire passer le message de sa maîtresse.

-Madame vous demande en bas. Vous avez de la visite.

Sauveur se redressa pour venir s'adosser à son fauteuil. De la visite ? Qui cela pouvait-il bien être ? Elles ne se comptaient que sur les doigts d'une main les personnes susceptibles de venir frapper à sa porte. Et il ne voyait aucune raison pour l'une d'elles viennent aujourd'hui.

-Très bien, merci.

Le mercenaire rangea sa plume et ferma l'encrier. Sa lettre était loin d'être finie, il ne ferait donc pas attendre plus longtemps son visiteur. Il sortit de la chambre et tendit l'oreille en entendant Sagesse gazouiller un mot qu'elle maîtrisait déjà. Elle réclamait son "nou-nou" à Eïana et il étira un sourire attendrit. S'il n'avait pas été attendu, il se serait volontiers glissé dans la chambre des filles pour jouer avec elles. Mais ces moments-là, on sait toujours quand ils commencent... Jamais quand ils se terminent. Et puis, ils auraient été à l'étroit à quatre dans cette petite pièce. Cette maison devenait trop petite avec les filles qui grandissaient et s'étalaient. Sans parler de leur gardienne qui devait parfois rester pour la nuit les soirs où il travaillait et que Sanaa avait une obligation mondaine ou une affaire à régler. Quelques possibilités s'offraient à eux qu'ils devaient étudier et partager avec Aislinn et Digne aussi. Alors, en leur absence, le sujet avait été repoussé à plus tard.

Sauveur descendit au rez-de-chaussée. Une fois dans l'entrée, il distingua la silhouette de sa compagne dans l'encadrement de la porte du salon. Croisant son regard, il lui adressa un sourire tendre qui n'obtint aucun retour. Il fronça les sourcils, intrigué par sa réaction. Que se passait-il pour que la rousse prenne un air aussi grave ? Quelques pas plus tard, il passait le seuil de la pièce et il s'arrêtait net en découvrant la personne qui se tenait là. Il ne cacha pas sa surprise, pas plus que l'étincelle qui s'illumina dans ses yeux en la découvrant. Et l'attitude de la métisse lui parut limpide. Cela faisait bien longtemps qu'il avait annoncé à Sanaa qu'Aerianna et lui ne se verraient plus "le temps qu'elle règle quelques soucis de son côté". Les ennéades passants, elle avait sans doute espéré qu'elle ne réapparaîtrait plus. Et voilà qu'elle se trouvait dans son salon, deux mois plus tard, et sans préavis. Cela ne lui plaisait certainement pas. Pas plus que ce que son compagnon s'apprêtait à faire...

Sauveur se tourna à nouveau vers la rousse et fit quelques pas dans sa direction. Il glissa une main caressante dans le bas de son dos et déposa un baiser sur sa joue.

-Tu veux bien nous laisser, s'il te plaît ? Demanda-t-il tendrement.

Il ne voulait pas qu'elle se sente rejeter. Il l'aimait sincèrement mais la discussion qui allait suivre ne devait en rien la concerner. C'était à eux de partager et d'échanger sur la raison de la présence de la Princesse chez lui. Même si celle-ci semblait très claire... Ils s'étaient séparés afin qu'elle prenne le temps qu'il lui faudrait pour se soigner sans qu'elle ne perçoive la présence de son amant à ses côtés comme une pression. Si elle était revenue, c'était sûrement parce que la situation avait changé... Ou qu'elle avait quelque chose à lui annoncer. Dans tous les cas, l'affaire était d'ordre privée, même s'il lui redonnerait sans doute l'idée principale de cet entretien par la suite. Car, s'il n'avait rien à cacher, elle n'avait pas à connaître les détails, n'est-ce pas ? Surtout si elle n'appréciait pas sa "comparse".

Si Sanaa n'afficha aucune réaction particulière, Sauveur n'eut qu'à croiser son regard pour savoir qu'à l'intérieur, elle était au bord de l'explosion. Il savait à quel point elle n'aimait pas la relation qu'il entretenait (ou avait entretenu ?) avec la Princesse. Elle ne s'était pas privée pour le lui faire savoir et n'avait pas non plus dissimulé son soulagement de voir qu'ils ne se fréquentaient plus, même pour un temps. Il ne pouvait lui en vouloir après toutes ces années durant lesquelles il n'y avait eu qu'eux deux. Mais il ne lui avait jamais menti sur sa polygamie et elle était en droit de vivre la même chose si elle le souhaitait. Cependant, le fait que son cœur ait choisi une personne aussi influente n'avait fait que décupler ses craintes, et ce à plusieurs niveaux.
Le mercenaire regarda sa compagne sortir sans un mot et il soupira. Elle n'avait rien à dire pour qu'il sache... Il savait désormais qu'il aurait au moins une conversation désagréable aujourd'hui. Et ce serait peut-être pour tout de suite ? Dès que la jeune femme fut sortie, Sauveur se tourna vers Aerianna. Il la regarda un instant puis un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Malgré les mois qui venaient de s'écouler, il avait toujours de l'affection pour elle et n'avait pas de raisons de s'en cacher. Cependant, avant de s'emballer quant à son retour, il fallait qu'il sache pour quelles raisons elle lui rendait visite. D'un geste, il désigna le canapé et les fauteuils présents dans la pièce.

-Installe-toi, je t'en prie. Tu veux quelque chose ? Proposa-t-il, près à se rendre à la cuisine pour aller chercher des verres ou à préparer du thé.

Je m’arrêtai de respirer en le voyant apparaître et le temps sembla faire de même.

Je ne l’avais jamais autant désiré qu’en cet instant alors je n’avais d’yeux que pour lui et je dus me retenir pour ne pas laisser mes traits trop s’illuminer. Et il était toujours aussi beau, je remarquai, et l’image mentale que j’avais gardée religieusement pendant près d’une moitié d’an ne lui faisait pas assez honneur. Mais je n’avais plus besoin de cette image mentale, il était là et j’avais simplement envie de me réfugier dans ses bras. Sanaa cessa alors d’exister et mon cœur ne vint même pas se serrer alors qu’il embrassait la joue d’une autre. Il était là, il était en bonne santé, il voulait encore être seul avec moi, je lui devais bien un peu de patience. Je l’avais forcé à être loin de moi, il m’en avait peut-être voulu un peu, peut-être qu’il me le reprocherait, mais Sanaa disparue je compris qu’il n’en serait rien. Il souriait, il me disait de m’installer, il voulait que je me sente bien ici. Il n’avait besoin de rien de tout ça, je me sentais déjà bien rien que par sa présence.

« Je… veux bien un verre d’eau. »

J’eus du mal à parler, c’étaient vraiment les premiers mots que je venais de lui adresser ?

Alors qu’il se détournait je posai mon manteau là où je trouvai de la place. Et au lieu de m’installer comme il me l’avait proposé je me ruai dans son dos pour envelopper de mes bras son torse et coller ma tête contre l’une de ses épaules. Son odeur était toujours aussi enivrante, j’aurais pu rester des heures à cet endroit, j’allais peut-être y rester des heures. « Tu m’as manqué. » Ma voix semblait hésitante mais ce n’était que l’émotion qui m’empêchait de parler avec la même aisance qu’à l’habitude. « Tu m’as manqué… » Je répétai, fermant les yeux qui commençaient à se remplir de larmes. Cette éternité d’errements semblait moins longue tout à coup, elle me menait ici après que ce qui nous avait séparé ne soit plus, elle nous menait ici et j’étais convaincue que tout pouvait repartir comme avant. « C’est fini, c’est fini… » C’était fini, je pouvais l’aimer, il pouvait m’aimer, il n’aurait pas peur de ne pas être assez pour moi. « Je vais bien… »

Il faudrait attendre, pour le lui confirmer, mais j’espérais qu’il ne douterait pas.

Alors qu'il s'était retourné pour se rendre à la cuisine, Sauveur se figea en sentant la soudaine étreinte de la frêle jeune femme qui était venu se placer dans son dos. Il était assez surpris par cet assaut. Jusque là, il ignorait si elle était venue pour qu'ils se revoient, lui donner simplement des nouvelles ou bien rompre définitivement. Mais, lorsqu'elle ouvrit de nouveau la bouche, il se dit qu'elle voulait peut-être juste s'assurer que son cœur était toujours sien pour le moment.. Il posa alors sa main sur l'une de celles qui se trouvaient sur son torse mais il n'osa pas bouger. Il mêla ses doigts à ceux de la Princesse lorsqu'elle se répéta et la serra doucement. Mais il ne dit toujours rien, la laissant parler, la laissant lui dire ce qu'elle était venu lui dire. Il ne voulait pas prendre le risque de l'interrompre, de la perturber, de l'influencer... Elle lui avait manqué aussi mais le lui avouer maintenant ne serait que l'inciter à lui revenir... Et il ne voulait pas qu'elle le fasse avant d'y être prête.
Et puis, Aerianna continua sur sa lancée, l'informant que c'était fini et qu'elle allait bien. Là, Sauveur tourna la tête sans chercher à vraiment la voir. Il resta interdit quelques instants encore, comme s'il doutait de ce qu'il venait d'entendre. Et puis, après une hésitation, il invita la jeune femme à desserrer son emprise sur lui pour lui permettre de pivoter et de lui faire face. Là, il plongea ses yeux dans les siens, cherchant à vérifier ce qu'elle venait de lui confier. Comme si un simple regard aurait pu lui confirmer qu'elle était guérie. Se faisant, il glissa une main dans son cou dans un geste étonnamment doux pour un homme d'arme mais qu'elle avait déjà si souvent reçu de lui. Finalement, il se pencha sur elle jusqu'à ce que ses lèvres retrouvent les siennes.

Son baiser était tendre et affectueux. Il l'aimait toujours et voulait le lui montrer. Si elle était là, c'était bien pour le récupérer, non ? Alors autant qu'il lui fasse savoir qu'il ne lui opposerait aucune résistance. Il l'attendait depuis longtemps déjà. Il n'avait pas oublié le goût de ses baisers, la douceur de sa peau, l'odeur de ses cheveux... Tout cela, il s'en souvenait comme s'il s'était éveillé de sa couche le matin-même.

-Toi aussi tu m'as manqué... Glissa-t-il dans un souffle entre deux baisers.

Je m’étais promis que si ce moment là venait à arriver je ne pleurerais pas. Je m’étais promis que s’il m’étreignait je ne pleurerais pas. Je m’étais promis que si ses lèvres venaient rencontrer les miennes je ne pleurerais pas.

Si une chose n’avait pas changé c’était bien ceci, j’avais beaucoup de mal avec les promesses.

Et pourtant j’avais été si proche d’y parvenir. J’étais à l’évidence émue mais toutes ces sensations que je retrouvais étaient exquises ne parvenaient pas à me dominer facilement. J’en voulais plus, je voulais avoir le droit de déchaîner cette avidité qui était restée enfermée trop longtemps, je voulais revenir vers ces choses simples qu’il m’avait apprises ce jour là et la plupart de ceux qui avaient suivi. Je ne voulais pas repasser par cette phase d’observation qui avait été si douce mais si lente, je voulais entrer directement dans le vif du sujet, dans le vif de notre amour. Alors je n’avais pas le temps pour les larmes, alors je gardais les joues sèches, alors je le regardais autant que je le pouvais directement dans les yeux. Mais ma promesse ne tint pas alors que je me rendais compte que les larmes s’étaient finalement mêlées aux retrouvailles. Ce n’était pas qu’une humidité passagère, c’étaient de véritables larmes qui roulaient sur mes joues.

Il avait simplement fallu que je me souvienne que ce jour là, quand j'avais dit au revoir, je ne l’avais pas embrassé.

Je me détachai de lui en riant doucement malgré les larmes, mon plus grand et plus joyeux sourire s’offrit à lui un instant mais au lieu de retourner à ce baiser je vins me coller contre son torse. J’avais envie de lui faire tellement de choses que je me sentais à l’étroit ici, à l’entrée de sa cuisine, alors qu’une main baladeuse se décolla de son torse pour descendre plus bas. Cela ne ferait de sens pour personne alors que la débauche m’avait suivie partout où j’étais allée quand je m’étais sentie brisée mais une fois que j’avais compris que mon corps et mon esprit s’étaient remis je les avais tous deux réservés uniquement pour lui. J’avais eu ce que je désirais par la douleur pendant tout ce temps, mais chaque jour où je n’avais pas pu profiter d’une autre forme de plaisir s’ajoutait à cette avidité là, faisant grimper une frustration qu’il fallait que je décharge. Il n’y avait peut-être que cet hypnotisant cœur que j’entendais battre pour me retenir.

Il y avait aussi tout ce qui venait de précéder nos retrouvailles, particulièrement Sanaa.

« Je te veux Sauveur, je te veux tout de suite… »

Dans un souffle chaud j’avais prononcé ces mots alors que j’avais pensé d’abord à un "je t’aime".

Alors qu'il sentait la main d'Aerianna descendre le long de son corps, Sauveur eut un rapide regard vers l'entrée du salon dans lequel ils se trouvaient l'instant d'avant. Ce n'était pas tellement qu'il avait peur qu'on les surprenne, d'ailleurs aucune anxiété ne se lisait en lui. C'était plutôt qu'il n'avait pas envie qu'une irruption vienne les déranger. Son regard se porta d'ailleurs tant à hauteur d'adulte que de bambins... Les mots de la Princesse étirèrent un sourire à la fois amusé et plein de désir. Il reporta son attention sur elle, volant à nouveau ses lèvres pour l'embrasser avec une peu plus de passion et d'avidité.

Des mois... Des mois qu'il n'avait pu faire ça. Parce qu'elle n'était plus à ses côtés mais, avant cela, parce qu'il devait se retenir afin de ne pas la frustrer davantage qu'elle ne l'était déjà. Parce qu'elle avait besoin de temps pour se guérir. Parce que la tenter n'aurait été que lui faire plus de mal encore. Mais à présent, elle était là, elle lui disait aller mieux, elle avait envie de lui. Il n'avait plus de raisons de se retenir et il n'avait qu'une envie : se laisser aller.
Il ne l'embrassa pas longtemps cependant, et il lui fut difficile de s'interrompre maintenant qu'il avait rouvert les portes de son désir pour elle mais il le fallait... Ses mains se crispèrent sur son cou et sa hanche alors que leurs lèvres de séparaient, preuve de l'effort qu'il devait fournir.

-Tu peux me croire, j'ai envie de toi aussi... Murmura-t-il, le souffle raccourci par leur bref échange charnel. Puis il se redressa légèrement. Mais pas ici... Sanaa t'accepte sous notre toit mais je doute qu'elle soit prête à t'entendre jouir en te sachant dans mes bras.

Si Aerianna avait su être discrète, il aurait pu envisager la chose... Mais un haussement de sourcil explicite et amusé voulait lui rappeler à quel point elle pouvait être expressive dans ces moment-là. S'il adorait ça, s'amusant à provoquer plus de plaisir encore en elle pour mieux écouter sa voix, il doutait que cela serait au goût de tous ici. Sa compagne pouvait tolérer qu'il voit une autre femme mais, étant donné la méfiance qu'elle lui vouait, il ne valait mieux pas jouer avec le feu. Aussi, pour la paix des ménages, il préférait ne pas rajouter de l'huile sur l'incendie qui se préparait déjà.
Il encadra le visage de la belle de ses mains, séchant ses larmes au passage, et lui chuchota de nouveau.

-Rentre. Choisis ton endroit. Prépare-le comment tu l'entends. Apprête-toi. Je te rejoins au plus vite.

Il me voulait encore, et tout son corps semblait essayer de me le montrer, pour s’assurer que jamais je ne pense que tout aurait du mal à reprendre. La flamme s’était ravivée, la flamme était aussi puissante que notre désir l’un pour l’autre, la flamme était aussi belle que nous deux, et je voulais m’y perdre tout de suite alors que j’y étais attirée comme un papillon de nuit. Mais il avait raison, pas ici, pas dans sa maison, pas dans la maison de Sanaa et de ses filles, ce n’était pas de cette façon que je voulais entrer dans sa vie. Dans leur vie. Il avait fallu qu’il prononce le nom de Sanaa pour me sortir temporairement de cette fièvre amoureuse et s’il m’embrassait mon bras retomba le long de mon flanc. Je gloussai légèrement à la sortie de ce baiser en comprenant parfaitement son sous-entendu, bien qu’il soit légèrement injuste, Sauveur n’était pas si silencieux qu’il semblait le penser.

Il n’allait pas exaucer mon vœu mais ce qu’il me proposa allait parfaitement faire l’affaire.

« Tu ne vas pas le regretter. » Je chuchotai dans son oreille avant de disparaître.

Je ne savais pas ce que j’allais lui proposer mais le chemin était assez long pour trouver.

Ce fut Tadeo à qui je donnai la mission d’attendre là et de ramener Sauveur avec lui quand il aurait fait ce qu’il avait à faire. La seule destination que je pouvais donner aussi rapidement à Thaar était ce Palais qui me rendait de plus en plus folle alors ce fut celle que je lui donnai. Emmitouflée à nouveau dans ce trop grand manteau et escortée je pus rentrer sans craindre quoi que ce soit et sans perdre trop de temps. Alors, au lieu de demander à ce que l’on aménage une de ces loges et qui sait peut-être une qui avait déjà servi à ce couple étrange que nous formions je m’arrêtai dans l’entrée. « Là, je l’attendrais là. » Je dis à un de ceux à mon service, le surprenant sûrement. L’entrée n’était pas si agréable à l’œil et surtout c’était le rôle des serviteurs d’y accueillir mes invités, pas de la Princesse Marchande elle-même. J’insistai tout de même alors que quelqu’un semblait vouloir me contredire.

Au lieu de faire face au grand escalier qui donnait sur la rue je décidai de regarder dans la direction des jardins.

Sauveur laissa Aerianna lui échapper et la regarda s'en aller sans un mot mais le cœur léger et le regard plein d'espoirs et de promesses quant à la nuit qui s'annonçait. Certes, il avait eu Sanaa ces derniers mois mais il faisait parfaitement la part des choses entre ses deux amours. L'affection qu'il prodiguait à l'une ne comblait en aucun cas celle qu'il ne pouvait donner à l'autre. Et ses sentiments pour la Princesse, cela faisait bien trop longtemps qu'il n'avait pas pu les exprimer... Il n'y aurait que bien peu de place pour le sommeil d'ici que le soleil se lève de nouveau...

L'Hadjaoui attendit quelques minutes après le départ de la brune avant de se diriger vers l'étage. Il avait besoin de ce temps pour se recentrer sur l'endroit où il se trouvait et les gens qui étaient là avec lui. Il aurait tout le loisir de se projeter dans cette soirée lorsqu'il serait en route pour les Soieries. Finalement, il monta les marches quatre à quatre pour atteindre les chambres. Il aperçut alors Eïana qui passait avec Liberté dans les bras en tenue de nuit. Il comprit aussitôt que c'était l'heure du coucher et il lui emboîta le pas. Assis à même le sol dans la suite de leurs enfants, les deux parents faisaient face à la nounou. Sagesse avait d'elle-même quitté les bras de sa mère pour venir trouver ceux de l'ancien gladiateur. Parce qu'ils s'en occupaient tous deux de manière égale -et ce malgré leurs activités-, les fillettes aimaient sincèrement leurs deux parents. Cependant, Lili se sentait plus proche de sa mère et 'Gess de son père. C'était ainsi, depuis toujours et cela convenait très bien à tout le monde dans la mesure où cela ne les empêchait pas de témoigner leur affection envers eux deux.

Installée sur les jambes croisées de son père, la fillette se servait de lui comme d'un fauteuil confortable, mettant son pouce à la bouche pour écouter l'histoire du soir. Le mercenaire joua parfois le jeu lorsqu'il s'agissait de faire la grosse voix, surjouant pour amuser ce petit monde qui restait réceptif malgré la fatigue de la journée. Lorsque le livre fut fermé, on coucha les petites, on les embrassa et les adultes sortirent les uns après les autres. Eïana prit congé pour la soirée, laissant le couple seul.
Sauveur n'attendit pas d'entendre la porte d'entrée se refermer pour prendre sa compagne dans ses bras. Il eut un soupir de bien-être... Il adorait ces petits moments... Avec leurs filles, mais aussi une fois qu'elles étaient couchées et qu'ils pouvaient reprendre des activités et des conversations "de grands". Il se redressa pour plonger son regard dans celui de la rouquine et replaça une mèche de cheveux derrière son oreille.

-Ça va ?

S'il était ravi de revoir Aerianna, il n'avait pas besoin d'être devin pour savoir que ce n'était certainement pas son cas. Il lui tardait certes d'aller la retrouver mais pas aux dépends des sentiments de Sanaa. Il avait toujours été très honnête avec elle quant à cette relation et ne l'avait jamais délaissée au profit de son deuxième amour. Elles étaient égales à ses yeux et il tenait à le faire comprendre à travers ses attentions et ses attitudes.

-Il va bien falloir, grinça-t-elle en serrant les dents.

Sauveur soupira doucement. Il ne lui en voulait pas, il ne pouvait qu'essayer de la comprendre. Cependant, il était un peu démuni quant à la façon dont il pouvait la rassurer. Mais il essaierait néanmoins.

-Je suis désolé qu'elle soit venue ici sans prévenir. D'habitude, elle me fait simplement chercher. Tu veux que je lui dise de ne pas recommencer ?

Pendant plusieurs secondes, la jeune femme sembla hésiter entre mordre ou avaler la coupe jusqu’à la lie. Ce devait être une vision étrange, même pour Sauveur, qui s’il était habitué aux ruades de la Vaanie, la découvrait sous un jour différent. Plus… acculé, peut-être.

-Je ne sais pas ce que je veux, déclara-t-elle finalement avant de se reprendre presque aussitôt. Ou plutôt, je sais ce que je veux et pendant quelques temps, j’ai cru…

Elle secoua la tête.

-Je ne veux pas qu’elle approche mes filles, asséna-t-elle et plus que sa méfiance c’était sa peur que Sauveur pouvait deviner dans le creux de ses paupières.

Voir Aerianna surgir de nulle part devant le pas de leur porte l’avait plus choquée qu’elle ne voudrait bien l’avouer ; assez, en tout cas, pour qu’elle en laissa voir un peu plus qu’elle ne l’aurait voulu.

-Qu'est-ce qui t'effraie ? Demanda Sauveur avec un intérêt non feint.

S'il pouvait faire des hypothèses, il voulait l'entendre de sa bouche et, peut-être, essayer de formuler une réponse qui lui conviendrait. Cependant, il avait bien vu la crainte dans ses yeux et il souhaitait comprendre ce qui l'avait si soudainement fait naître.

-Elle est une princesse ! lui cria-t-elle presque en réponse avant de se calmer instantanément en se rappelant où elle se trouvait.

Et Sanaa de darder un regard coupable dans la direction des deux jumelles, d’avaler sa colère et sa peur de se recomposer un masque derrière lequel se réfugier.

-Tu as peut-être décidé de lui faire confiance, soit ! C’est ton droit. Tu partages sa couche, c’est toujours ton droit. Mais ça s’arrête là. Je ne devrais pas avoir à passer pour une hystérique parce que je ne partage pas ton enthousiasme à son sujet.

Sauveur écouta les paroles de Sanaa. Elles auraient pu être blessantes d'une certaine manière pour lui qui avait vécu dans un foyer où les épouses de son père se côtoyaient sans jalousie ni crainte. Cependant, la différence de statut était plus que notable ici et, puisqu'elle ne connaissait pas sa "rivale", il était normal qu'elle lui fasse peur. Calmement et avec tendresse, le mercenaire encadra le visage de la Noblegriffon.

-Si elle devait représenter un danger pour moi, je le gèrerais. Pour toi, je prendrais des dispositions. Pour nos filles, il ne serait même plus question que je la vois. Mais tu as raison, je n'ai pas le moindre doute à son sujet et je peux comprendre que tu ne veuilles pas me croire sur parole. Si ça peut te rassurer, je lui demanderai de garder ses distances. Mais ça pourrait peut-être te faire du bien de discuter avec elle. Est-ce que tu voudrais pouvoir lui parler en terrain neutre ? Apprendre à la connaître pour constater par toi-même si tes craintes sont fondées ?

-Tenons-nous en à la partie où elle tient ses distances pour le moment, nous verrons dans quelques ennéades si la question… commença-t-elle avant de ravaler la fin de sa phrase.

Elle se dégagea de l’étreinte de Sauveur, sans douceur, mais sans violence non plus.

-Je vais prendre l’air, déclara-t-elle en fuyant son regard. Eïana peut garder un œil sur elles le temps que je rentre… parce que tu vas vouloir aller la rejoindre, n’est-ce pas ?

Si Sauveur pouvait se targuer de connaître sa compagne, cette dernière ne manquait pas elle aussi de clairvoyance quand cela le concernait. Bien qu’elle n’avait vécu que quelques ennéades de liaisons à peine la « dernière fois », elle avait eu le temps de reconnaître certains motifs et assurément, après deux mois de séparation, ils devaient avoir des choses à se dire et à rattraper.
Sauveur n'allait pas s'en cacher... Il ferait de même avec Sanaa s'il devait en être séparé ne serait-ce que moitié moins de temps. Il répondit donc sans un mot mais par une moue qui lui donna sa réponse. Il était frustré et triste qu'elle se soit si brusquement éloignée de lui mais il ne pouvait lui en vouloir. Alors il ne dit rien de plus, même s'il pensait bien des choses... Il aurait pu lui rappeler qu'il l'aimait, mais cela n'aurait sans doute pas eu l'impact souhaité alors qu'il s'apprêtait à aller retrouver les bras d'Aerianna. Sans compter que la rousse avait visiblement besoin de respirer... Il la laissa donc s'en aller et demeura seul dans le couloir quelques instants, réfléchissant à cette situation qui semblait si inextricable. Finalement, il se remit en mouvement. Il s'était déjà lavé en rentrant de sa journée de travail. Il troqua sa tenue confortable contre quelque chose d'un peu plus adapté pour aller dehors. Puis il sortit, remerciant Eïana au passage pour se montrer aussi disponible alors qu'elle était prévenue à la dernière minute.

Dehors, un homme -que l'Hadjaoui reconnut sans mal- détacha son dos du mur pour se mettre en mouvement. Sans avoir besoin d'échanger un mot avec lui, Sauveur lui emboîta le pas. Il connaissait pourtant le chemin menant jusque chez Aerianna mais elle avait toujours tenu à ce qu'il soit accompagné, chose qu'il ne comprenait pas. Peu importait, il avait bien d'autres choses en tête pour le moment...

**************

La porte s'ouvrit et l'épaisse silhouette de Sauveur apparut dans l'entrebâillement. Découvrant l'entrée, il fronça légèrement les sourcils. Il n'avait jamais vu cette pièce aussi vide... Ni ces lieux aussi calmes. Achevant de pénétrer dans la bâtisse, il referma derrière lui. Son regard était désormais fixé sur la seule silhouette présente. Il n'avait pas besoin de voir son visage pour savoir de qui il s'agissait. En revanche, elle ne se retourna pas en l'entendant entrer. Pourtant, il ne fit rien pour être discret, sans compter le bruit que fit le mécanisme de verrouillage en s'actionnant. Le cliquetis du loquet qu'il raisonna même entre les murs de marbre.
Après avoir observé la jeune femme un instant, l'Hadjaoui s'approcha lentement. Elle pouvait certainement percevoir ses pas qui progressaient vers elle sans pour autant être capable de déterminer à quel moment ils l'atteindraient. Il voulait qu'elle se languisse, qu'elle s'impatiente, même s'il savait qu'elle tiendrait bon. Il lui avait déjà fait découvrir le plaisir que procurait la délivrance après la frustration... Et il voulait qu'elle se prête encore à ce jeu.
En chemin, il regarda de tous côtés... Il ne semblait y avoir véritablement personne ici. Tout du moins, dans un environnement proche. Cela donnait l'impression qu'ils avaient les lieux pour eux seuls et cette perspective était des plus réjouissantes.

Enfin, les pas s'arrêtèrent. Le corps musculeux du mercenaire frôlait presque la frêle carrure de la Princesse. Il resta là quelques secondes avant que ses doigts viennent délicatement dégager son cou de ses cheveux, les faisant basculer sur l'épaule opposée. Il se pencha en avant et ses lèvres vinrent effleurer sa peau. Il déposa un premier baiser sur sa gorge, si délicat qu'elle put à peine le sentir... Bientôt suivi d'un autre, plus appuyé. Il huma à plein poumon l'odeur de sa chaire tel un vampire s'apprêtant à déguster son repas avec sensualité. Ses mains puissantes se posèrent sur la taille de la belle avant de glisser vers son ventre. Il l'enlaça avec envie tandis qu'il continuait d'embrasser son cou avec toujours plus d'avidité. Il avait faim... Si faim d'elle...

J’avais eu peur qu’il ne vienne pas. Le temps s’était écoulé, je m’étais impatientée, puis je m’étais dit qu’on l’avait forcé à faire un choix, qu’elle l’avait forcé à faire un choix, et qu’il avait choisi. En la voyant j’avais voulu rendre les choses plus simples entre nous mais j’avais trop rapidement dit que j’étais venu le voir et elle s’était retrouvée hors de ma portée, alors peut-être qu’elle n’allait pas me laisser le bénéfice du doute, peut-être qu’elle allait le forcer à choisir entre moi et elle. C’était un peu injuste. Elle avait été la première mais elle aurait dû savoir qu’un jour il y en aurait une autre et s’y préparer. A la place j’étais celle qui avait fait l’effort d’aller au-delà de telles préoccupations et je savais qu’elle n’avait pas l’intention d’en faire de même. Et elle avait la position idéale pour m’empêcher d’exister pour Sauveur, car c’était elle qui avait ses enfants, car c’était elle qui avait construit quelque chose avec lui, car c’était elle qui pouvait le menacer de tout reprendre.

Mais toutes ces mauvaises pensées s’évaporèrent alors que je l’entendis finalement apparaître.

Il était venu et peut-être avait-il pu repousser ce choix, peut-être m’avait-il même choisie moi ? Je n’y croyais pas vraiment mais ce n’était pas important, il était là. J’aurais pu me retourner et me ruer sur lui, mais j’avais déjà fait ça une fois ce soir, peut-être étais-ce à son tour de venir me chercher ? Il le fit, doucement, me laissant à peine comprendre qu’il approchait, et je jouai le jeu, j’allais être surprise. J’allais être surprise en sentant ses doigts déplacer ma chevelure d’ébène, j’allais être surprise quand je sentis pour la première fois ses lèvres effleurer mon cou, j’allais être surprise en le sentant les coller contre ma peau, j’allais être surprise en sentant ses mains venir me saisir et me caresser le ventre. Je reconnaissais entre mille et j’aimais cette sensation qu’il pouvait faire de moi ce qu’il voulait avec sa puissance mais que c’était sa volonté qui l’empêchait d’aller trop loin et de rester aussi doux qu’il l’était toujours. Je posai les mains sur les siennes et profitai aussi longtemps que je le voulus de cette tempête de sensations.

Au lieu de le laisser continuer j’allais lui montrer que je savais faire ce qu’il faisait, moi aussi.

Mes mains s’agrippèrent aux siennes pour les écarter de mon ventre et je me libérai doucement de son emprise, non sans pencher la tête une dernière fois pour dévoiler encore plus de mon cou à sa bouche et recevoir un dernier baiser brûlant. Une fois libérée je ne lui dis rien, j’avançai simplement pour ouvrir l’accès à ce grand escalier qui descendait vers les jardins surplombés par toutes ces ouvertures dans le bâtiment qui marquaient chacune une de ces loges. Il ne faisait pas froid, il ne faisait jamais froid à Thaar, mais l’air était tout de même frais et agréable. J’avais choisi mon endroit, et ce n’était pas cette entrée que nous venions de quitter. J’avais préparé mon endroit, et c’était en ne laissant aucun des gigantesques braseros allumés. Je m’étais apprêtée, il y avait cette petite lanterne que j’avais saisi en sortant. Je m’arrêtai avant la première marche pour pivoter vers lui et lui sourire, un sourire renforcé par la nuit qui tombait sur Thaar et cette unique lanterne qui m’éclairait.

« Suis moi. »

Je descendis, ouvrant l’obscurité de ma lanterne vers la première destination, le palier au milieu du grand escalier.

A la requête silencieuse d'Aerianna, Sauveur dut se faire violence pour s'interrompre. Cela faisait deux fois qu'il la goûtait mais qu'il ne pouvait mener sa dégustation à bien... Cependant, il était d'accord avec elle : ici, ce n'était pas le bon endroit. Il lui avait dit de choisir le lieu et il était curieux de voir ce qu'elle leur réservait. Durant de longues secondes, il resta là, immobile, tandis qu'elle s'éloignait. Une lanterne dans sa main, il ne pouvait que distinguer sa silhouette se mouvoir sous la forme du ombre rapetissant lentement.
La direction qu'elle prit, il ne l'avait jamais prise jusqu'à ce jour mais il savait ce qu'il se trouvait par là. Il n'avait encore jamais fait ça dans un jardin, et encore moins en pleine nature. Cela lui donnait des idées. Tellement d'idées... Finalement, elle l'invita à le suivre et il ne se fit pas prier. Cependant, il ne céderait pas à la tentation de vouloir y aller trop vite. Il aimait ce petit jeu qui était en train de se mettre en place... Elle s'était faite inaccessible et il se soumettrait à sa volonté. Il attendrait qu'elle lui accorde de pouvoir l'approcher de nouveau, de pouvoir la toucher pour entrer encore en contact avec elle, goûter sa peau, caresser son corps, la sentir brûler contre lui... Mais tout ceci serait pour plus tard. Il s'avança donc au même rythme qu'elle, marchant en direction de cet escalier qu'elle descendait déjà. Puis de ce pallier qu'il ne voyait pas encore. Il était curieux de découvrir ce qu'elle mijotait mais il se montrerait patient. La fièvre saurait les emporter bien assez tôt...

Je m’étais attendue à ce qu’il vienne plus vite, j’avais espéré qu’il vienne plus vite. Clairement, si j’essayais de l’imiter, j’étais toujours incapable d’avoir autant de patience que lui n’en avait lorsque ce qui était attendu était ça. Ce n’était pas pour autant une raison d’abandonner notre jeu, et je me fis violence pour continuer de descendre lentement ces marches. Il me suivait, il devait être curieux de ce que je lui avais préparé, et peut-être même qu’il ne se doutait pas que j’improvisais totalement. Les idées allaient et venaient et en arrivant sur le palier j’y abandonnai mes sandales pour poser mes pieds nus sur le marbre froid et continuer mon chemin encore plus silencieusement que je ne l’avais fait jusqu’à maintenant. En plus du crépitement provenant de la flamme dans la lanterne je n’entendis alors plus que ses pas à lui, la seule chose qui me confirmait qu’il était encore là, qu’il me suivait encore, que je ne l’avais pas perdu. Et qu’il faudrait que je sois la pire des idiotes pour le perdre.

La dernière volée de marches descendue j’arrivai sur une petite place elle aussi de marbre et la parcourut à moitié avant de m’arrêter et de me retourner vers mon amant retrouvé. Je m’accroupis pour déposer au sol ma lanterne et quand Sauveur posa le pied sur la dernière marche je l’éteignis. « Attends. » Ma voix brisa le silence surtout pour me faire gagner du temps dans l’obscurité, une obscurité si bien installée que j’étais sûre qu’il ne pouvait me voir. Je ne m’enfuis pas tout de suite, cependant, et je me dévêtis rapidement dans le noir pour laisser glisser ma robe blanche au sol. Je ne savais si c’était simplement l’air frais ou l’excitation qui provoqua ce frisson qui me parcourut l’échine mais je le laissai passer avant d’allumer à nouveau la lanterne qu’il trouverait recouverte de ma robe abandonnée. La flamme mit un peu de temps à se raviver, temps que j’utilisai pour au pas de course atteindre l’extrémité de l’esplanade et m’engager sur un sentier de terre qui menait vers une fontaine, plus loin.

J’étais certaine qu’il avait vu ma silhouette juste avant que je ne disparaisse dans l’obscurité et je suivis le sentier en écartant les bras et en les laissant glisser dans la végétation qui se trouvait de part et d’autre que moi. Le bruissement que je provoquais était le seul indice destiné à ses oreilles que j’espérais attentives.

Il avait attendu, tel qu'elle le lui avait demandé. Mais en vérité, elle n'avait pas besoin de lui dire quoi faire. Jusqu'à ce qu'elle le lui autorise, il n'aurait pas approché. Il aurait maintenu cette excitante distance entre eux. Mais il aimait la voir prendre les rênes de cette manière, le diriger et accepter de se laisser mener au moins pendant un temps... C'était nouveau et agréable à la fois.

Tandis qu'il se tenait debout dans le noir, il fixa le seul et unique point lumineux qui se distinguait dans la nuit. La lanterne n'était pas tout à fait éteinte mais elle brillait si peu qu'elle était devenue inutile. Il ne pouvait plus distinguer la silhouette de sa bien aimée, ni apercevoir les contours de son corps se mouvoir sous sa robe blanche. Tandis qu'il la suivait, il avait sentit cette faim grandir en lui et il la retenait pour être capable de mieux s'en servir ensuite.

Soudain, la petite lueur disparut. Tout du moins, c'est ce qu'il crut. Quelques secondes plus tard, la flamme brûla à nouveau afin d'éclairer la zone qui l'entourait. Et Sauveur eut la surprise de ne trouver personne. Aerianna n'était plus là et sa robe recouvrait en partie la lanterne abandonnée. Il releva subitement la tête en entendant le bruissement des feuillages plus loin. Il n'y avait pas une once de vent... Cela ne pouvait donc signifier qu'une seule chose.
Un sourire en coin apparut sur le visage du mercenaire. D'un geste, il retira sa tunique tandis que ses pieds le délestaient de ses chaussures. Puis il s'avança vers les profondeurs des jardins. A son tour, il se fit discret tandis qu'il entamait cette partie de cache-cache. Si l'on pouvait appeler cela ainsi d'ailleurs... Car le chasseur traquait une proie qui signalait habilement sa position. Sauveur savait exactement dans qu'elle direction elle se trouvait et seul son goût du jeu l'empêcha de fondre sur la Princesse trop tôt. Au contraire, il fit durer la partie un peu plus longtemps qu'elle ne l'aurait pensé sans doute. Après quelques instants, il cessa de simplement la suivre et commença à tenter d'anticiper ses actions. S'efforçant de marcher sans bruit, il s'arrêta parfois pour prêter l'oreille. Puis il se remettait en mouvement, évitant de toucher les branches sur son passage. Il lança même un caillou dans un buisson pour lui faire croire qu'il se trouvait toujours derrière elle.

Après de longues minutes, il décida de mettre un terme à leur partie avant que l'un ou l'autre ne s'en lasse. Toujours en silence, il accéléra le pas et rejoignit la position d'Aerianna. Cependant, il n'arriva pas par derrière, comme elle aurait pu s'y attendre. Il apparut brusquement devant elle, lui coupant la route. Sans lui donner la possibilité de lui échapper, il s'avança et saisit ses mains dans une geste plein de désir et de douceur. Il s'avança encore pour la forcer à reculer. Son visage était sérieux mais ses yeux la dévorait. Elle était nue dans cet espace grand ouvert. C'était particulièrement excitant... Il avança encore, la forçant a faire à peine quelques pas en arrière avant que son dos ne rencontre une surface un peu râpeuse. Tenant toujours les mains de la belle dans les siennes, il les mena au-dessus de sa tête avant de mêler ses doigts aux siens. Son corps massif vint se coller à celui de la vagabonde, la plaquant un peu plus contre l'arbre. Il se trouvait si près d'elle que leurs souffles ne faisaient plus qu'un, pourtant, il se contentait de la regarder avec envie, comme s'il se refusait à toucher à sa proie tout de suite. Il profitait de cet instant. Il s'enivrait de son odeur envoûtante. Il sentait ses seins contre son torse nu. Le bas de son ventre était brûlant et appelait à la passion... Il les voyait déjà dans l'étreinte à venir... Il entendait déjà ses soupirs. Ses gémissements. Ses cris...
Tout cela viendrait.
Bientôt.

-Excellent choix. Chuchota-t-il de manière à peine audible, son souffle rendu déjà court par l'excitation et sa voix rauque pas le désir.

Cette partie de cache-cache était biaisée en sa faveur alors j’avais cru qu’il en profiterait et me trouverait si vite qu’elle n’aurait pas le temps de s’éterniser. Je m’étais bien rendue compte qu’il n’avait pas pour intention de me retrouver près de cette fontaine au bout du chemin et après une courte attente je m’élançai entre les allées, cherchant toujours à chaque fois que je déviais de mon chemin à lui annoncer ma présence. Une poignée de minutes et je me rendais compte avoir été prise à mon propre jeu. Si j’avais rallumé la lanterne c’était parce que j’avais cru que la nuit était trop sombre pour qu’il me trouve sans mais j’avais été trompée par une vue qui avait mis du temps à s’adapter à ce manque de luminosité. En fait la lune était assez haute et assez visible pour éclairer d’une faible lueur le terrain de jeu. Le signal lumineux qui aurait dû me permettre de savoir où il était et de le surprendre n’existait donc pas et si j’avais pensé être une chasseuse se faisant passer pour une proie j’étais bel et bien la proie.

Avec cette réalisation mon cœur se mit à battre plus fort, il pouvait me tomber dessus n’importe quand.

Je sursautais au moindre bruissement de feuille même quand j’étais celle qui les provoquait et je ne savais plus si j’appréciais ce jeu ou non alors que je continuais de jeter des regards en arrière pour le trouver avant qu’il ne me trouve. Puis alors que je ramenai mon regard vers l’avant il surgit de quasiment nulle part et je sursautai plus que je n’avais jamais sursauté depuis bien jeune. Il n’y eut pas de cri à proprement parler cependant car il s’étrangla dans ma gorge, laissant un petit rire succéder à ce bruit bien peu élégant. Il reprit le contrôle de la situation si aisément que je ne pris même pas le temps de commenter cette première partie de la nuit, je lui laissai simplement me prendre les mains et en faire ce qu’il voulait, ne reculant que parce que j’aurais bien voulu le délester de quelque chose avant de le laisser s’approcher, jusqu’à ce que je ne puisse plus reculer alors que l’arbre venait de couper ma fuite. Son corps se colla alors contre le mien et les mains prisonnières des siennes je ne pus qu’accepter sa domination.

Parmi tout ce que je sentais il y avait ça, qui signifiait à quel point il voulait de moi, à quel point le petit jeu l’avait aguiché, à quel point tout était resté intact. Ce serait comme si cette nuit était à nouveau notre première fois, l’appréhension en moins de mon côté, et j’avais si hâte d’y être que je ne pouvais plus me retenir. Je dégageai une main pour aller délacer son pantalon tandis que me hissant sur la pointe des pieds je le faisais taire d’un baiser. Forcément le choix était excellent, nous l’avions fait tous les deux après une longue attente qui n’avait pas été choisie. Aussi, s’il y avait un enseignement à tirer des sensations provoquées par ce changement de hauteur relativement à lui c’était que j’étais véritablement remise. J’étais excitée par les caresses de sa peau sur la mienne et particulièrement au niveau de ma poitrine qui était comme tout le reste restée insensible à tout ce qui n’avait pas été douleur pendant si longtemps. Il n’y avait strictement aucun doute, je ne pourrais lui dire cette fois que j’étais insensible à toutes ses attentions.

Je n’eus pas raison du laçage pour la simple raison qu’il était collé contre moi et soufflai d’une voix chaude.

« Aide moi, débarrasse nous de ça, ça fait trop longtemps, je ne peux plus attendre… »

Sauveur n'était le dominant que parce qu'Aerianna acceptait qu'il en soit ainsi pour le moment. C'était le propre d'une véritable relation : aucun d'eux ne prenait véritablement le dessus sur l'autre. Alors, lorsqu'une main échappa à l'emprise du mercenaire, celui-ci ne fit rien pour la retenir. Il n'avait le pouvoir sur elle que parce qu'elle acceptait de le lui donner et les rôles pourraient s'inverser à tout moment.
Il répondit à son baiser avec la même passion dévorante. Elle ne voulait pas faire preuve de plus patience et, dans le fond, il devait bien admettre qu'il était du même avis. Ils avaient repoussé leurs retrouvailles de quelques heures. Il l'avait suivi depuis l'entrée sans rien dire. Il avait tardé à la rejoindre alors qu'il la savait nue dans la végétation. A bien y regarder, ils avaient été patients...
Et puis, maintenant qu'il était à son contact, il sentait tout son être s'embraser soudainement. Il retrouvait l'odeur de sa peau, le goût de ses lèvres, la chaleur de son corps contre le sien... Les doigts tentant de se défaire de son pantalon étaient témoins de l'intensité de son désir qui se retrouvait à l'étroit dans ce bout de tissu. Mais la belle déclara forfait malgré le fait qu'il ait détaché son bassin du sien pour lui laisser la place d'agir. Elle réclama son aide et il la lui donna sans chercher à aller à l'encontre de sa volonté.

Poursuivant leur baiser, il prit donc la relève et, quelques instants plus tard, sa dextre libre soulevait la jambe de la belle pour l'enrouler autour de ses hanches désormais nues. Puis il reprit possession de sa senestre qui maintenait toujours la Princesse captive et fit de même avec la seconde. Il porta Aerianna comme si elle était aussi légère qu'une fleur pour amener son bassin au-dessus du sien. Puis il la plaqua davantage contre l'arbre tandis que son vît brûlant trouvait lentement son chemin en elle. De l'entrée jusqu'à la garde, l'Hadjaoui lâcha un grand soupir de bien-être et de plaisir mêlés alors qu'il retrouvait cette sensation avec celle à laquelle il avait dû renoncer deux mois auparavant.
Sauveur ne réalisait même pas qu'il manquait quelque chose dans tout cet étalages de sensations. Elle lui avait dit que son intimité avait été entièrement reconstituée mais il n'avait eu aucun mal à se frayer un passage en elle. Pour l'instant, cette réflexion ne se construisait pas un seul instant dans son esprit. Il avait bien d'autres choses en tête, comme le bonheur de constater qu'elle n'était visiblement pas insensible à la sensation de son membre logé dans son ventre. Tout à sa joie et à son soulagement de constater qu'elle était effectivement guérie, un sourire lui échappa et il l'embrassa avec amour. L'impatience cédait finalement la place à d'autres émotions tandis qu'il entamait un doux et lent va et vient en elle. Il se délectait de ce contact charnel retrouvé, chaque allée et venue lui procurant à la fois une vague de plaisir et de chaleur qui faisait de ce moment un pur instant de bonheur.

-Tu m'as tellement manqué... Laissa-t-il échapper en deux soupirs.

Comment avais-je fait pour survivre sans ça pendant deux mois ?

C’était la première fois depuis bien longtemps que je n’avais pas à contrôler mes gémissements et autres soupirs de plaisir, que ce soit directement ou à travers mon contrôle de cette magie et de son intensité. Lorsque je gémis en le sentant entrer en moi la première fois et toutes celles qui allaient suivre c’était tout mon être qui s’exprimait véritablement. Coincée entre l’ancien gladiateur et l’arbre je n’avais pas à penser à autre chose que sa présence en moi, mes jambes se crispaient autour de lui de désir, mes bras étaient venus enlacer son cou, mon bassin se mouvait pour amplifier les sensations, tout se faisait sans avoir à y penser, naturellement, comme si je reprenais la place qui avait toujours été mienne et que lui faisait de même. Il me fit taire le temps d’un baiser et je le lui rendis bien avec des gémissements plus intenses encore alors qu’il m’en libérait. Quand il parla j’étais complètement perdue dans le moment et je mis tant de temps à l’entendre que je ne répondis qu’une poignée de secondes après, quand j’avais déjà enfoui mon visage dans son cou.

« Tu m’as… manqué aussi… »

Ce n’était pas ce que je voulais dire, ça semblait si plat après tout ce qu’il s’était passé. Comment résumer un si grand manque en cinq mots ? Il y avait des moments où je m’étais sentie si seule, par ma faute ou non, il y avait des moments où je m’étais sentie si souillée par l’acte et ses conséquences… Mais il était là à nouveau, j’étais là à nouveau, et même quasiment plongés dans l’obscurité aucun de nous ne pouvait nier qu’il y avait un lien qui se reformait entre nous et qui résisterait sans doute à cette séparation prochaine pour des raisons bien plus saines que les précédentes. La pensée vint mais disparut aussitôt, il n’y avait que l’instant qui comptait et cette précipitation qui me caractérisait alors que mon bassin tentait d’accélérer la cadence de mon amant. Il aurait sûrement à me retenir comme il l’avait à chaque fois fait mais ça faisait partie intégrante de notre relation depuis le début. Je gigotais trop pour qu’il ne s’en rende pas compte à cet instant là en tout cas, et je trouvai le moment propice pour lui souffler autre chose.

« Je… t… aime… »

En remuant je m’étais écorchée sur une aspérité de l’arbre et quelques gouttes de sang commencèrent à s’écouler.

-Je t'aime... Souffla-t-il en réponse d'une voix qui trahissait non seulement son plaisir mais aussi la sincérité de sa déclaration.

Après plusieurs minutes passées ainsi, Sauveur cessa ses allées et venues puis soutint la jeune femme tandis qu'il la détachait de l'arbre. Cette position leur avait permis de se retrouver sans attendre mais il voulait plus que simplement se sentir en elle. Il voulait la voir, la toucher, redécouvrir sa silhouette avec ses yeux, ses mains, ses lèvres, sa langue... La portant, il s'éloigna donc de quelques pas et la déposa dans l'herbe avec délicatesse alors que leurs bassins ne faisaient toujours plus qu'un. Il l'allongea sur le sol doux et frais sans décoller son buste du sien. Puis il passa ses cuisses sous les siennes, soulevant légèrement ses hanches pour rester en elle. Ainsi positionné, il n'eut qu'à courber légèrement le dos pour que sa bouche descende le long du corps de la belle.
Bien vite, ses lèvres trouvèrent le chemin des seins d'Aerianna. Elles les effleurèrent, telle une caresse, déposant par moment un doux baiser sur l'une de leurs courbes. Il semblait les redécouvrir alors qu'il n'en avait oublié aucun détail. Il se souvenait de leur taille, de leur forme, de leur galbe, de leur fermeté... Il se serait cru capable de les dessiner les yeux fermés. Dans son exploration, il frôla plus d'une fois une des pointes dressées qui n'attendaient que ses attentions mais il les contourna, les fuyant volontairement. Il n'était pas pressé et tenait à faire durer ce moment encore un peu avant de poursuivre leurs ébats passionnés.

Et puis, finalement, sa bouche happa l'extrémité d'un sein qu'il embrassa avec langueur, la titillant de sa langue. Son bassin se remit alors en mouvement, extirpant presque entièrement son membre du ventre de la Princesse avant d'y pénétrer à nouveau jusqu'à ce que ses hanches viennent rencontrer les siennes. Cette fois, ces vas et vients, bien que toujours doux, se firent un peu plus passionnés. Il voulait faire monter le plaisir en elle, entendre sa voix plus distinctement, la sentir onduler sous chacun de ses mouvements. Toutes ces sensations qu'il n'avait pu obtenir d'elle lors de leurs derniers ébats et qu'il n'avait plus tenter d'obtenir depuis.

Le sentir me porter aussi aisément me rappela de si bons souvenirs…

Il n’y en avait pas tant que ça en nombre alors que notre relation avait été tant entrecoupée mais ils étaient tous parmi mes plus intenses souvenirs et je leur accordais une valeur si particulière. Il me déposa alors au sol et je pus deviner tout ce qui allait avoir lieu, m’excitant encore plus à travers cette attente dans le même temps. Chaque baiser sur ma peau m’arrachait un frisson comme chaque changement et ajustement de position m’avait arraché un gémissement lorsqu’il avait disposé nos corps comme il le souhaitait. Ce pouvait paraître étrange mais jamais il ne m’avait connue aussi sensible alors que jamais je n’avais été privée si longtemps de plaisir charnel depuis que je les avais découverts. Quand je m’étais rendu compte que tout fonctionnait à nouveau d’ailleurs, quelques jours après sa mort, quelques jours après ma libération, j’avais décidé de ne pas aller jusqu’au bout seule, pour Sauveur. Au final, pour me retrouver, pour le retrouver, je commençais par ce que j’avais connu de plus intense en la matière.

Si son inactivité relative m’avait permis de me perdre quelque peu dans ces pensées de bonheur, son réveil me ramena directement dans la réalité. Je ne pus m’empêcher de gémir en sentant sa langue me travailler, je ne pus m’empêcher de gémir un peu plus fort alors qu’il revenait en moi, je ne pus m’empêcher de me remettre en mouvement pour l’accompagner. Mes bras qui avaient rapidement cessé d’encercler son cou lorsqu’il m’avait déposé au sol se mirent à nouveau en mouvement et passèrent dans son dos pour venir retrouver les formes de son corps qu’elles avaient oubliées. Chaque muscle que je sentais se mouvoir dans l’acte permettait à tout le reste d’avoir lieu et je les caressai doucement comme pour les en remercier. En fin de compte, avec son corps et sa bouche bien en dessous de la mienne je retrouvais cette position ô combien frustrante qui m’empêchait d’agir autant que je le voulais, une position aussi frustrante qu’elle était confortable en fait, car je n’avais pas besoin de réfléchir – ce qui de toute façon deviendrait de plus en plus compliqué – je savais que ce qu’il désirait le plus arriverait sans faute.

Alors que le plaisir continuait de monter les gémissements cédèrent leur place à de petits cris que je ne forçais pas.

Aerianna ne boudait pas son plaisir et le lui témoignait de bien des façons. Il se délectait de tout ce qu'il ressentait par chacun de ses sens. De son sein entre ses lèvres. De son vît dans son ventre brûlant. Des mouvements de la belle sous lui. De ses caresses sur son corps. De ses gémissements de bien-être. De ses cris de plaisir étouffés par la végétation alentoure.
Il laissa les choses se poursuivre ainsi quelques minutes puis il se redressa finalement, sans pour autant cesser ses allées et venues. Il la regarda un moment, observant son dos se voûter à chaque fois que son bassin venait buter contre le sien, constatant la tension de sa gorge alors qu'elle s'exprimait avec de plus en plus de force, noyant son regard dans celui de la Princesse embrumé par le plaisir. Ses mains s'associèrent au spectacle pour le rendre encore un peu plus intense. Toutes deux parcoururent le corps parfait de son amante, s'arrêtant plus largement sur ses seins mais aussi sur son entre-jambe dont il vint caresser le bourgeon au même rythme que l'ondoiement de ses hanches. Il la regardait, les yeux pétillants de désir et de bonheur de la voir ainsi redevenue elle-même. Il aurait voulu que cet instant ne s'arrête jamais.

-J'aimerais... faire ça... toute la nuit. Et pouvoir te... regarder. Déclara-t-il avec amour.

Sous les astres de la nuit, il pouvait très distinctement voir sa peau diaphane se détacher de l'herbe fraîche, plonger son regard dans le sien et partager cet instant qui n'appartenait qu'à eux. Et au diable ceux qui pouvaient les entendre. Que leurs voix deviennent leur inspiration pour occuper leur temps pendant que leur maîtresse était occupée ailleurs.
Soudain, passant une main sous la nuque de la Princesse, il l'aida à se redresser afin qu'elle se retrouve assise sur lui. Il lui vola ses lèvres tandis que leurs bustes se retrouvaient après une séparation de plusieurs minutes. Il avait retiré sa main de son clitoris mais il le regrettait déjà, cette petite pause ayant fait taire les cris d'Aerianna. Mais cela n'était certainement que temporaire. Il connaissait sa fouge et savait qu'en lui laissant la main, les choses allaient passablement s'accélérer...

Aux plus petits cris succédèrent de véritables alors qu’il mêlait ses mains au jeu. Si on m’avait demandé à cet instant là laquelle des deux extases menait le plus haut j’aurais répondu que c’était impossible que la douleur m’apporte autant que ce que Sauveur me donnait. C’était tout le contexte qui aurait apporté cette réponse quand ce n’était peut-être pas une vérité absolue mais l’essentiel était que je n’en doute pas pendant l’acte. Et je n’en doutais vraiment pas alors que Sauveur ne ratait pas une miette du spectacle que je lui offris et qu’il voulut me faire une nouvelle déclaration. Je lui aurais répondu tout de suite s’il ne me malmenait pas au point où mes cordes vocales étaient complètement dédiées à exprimer mon plaisir et la qualité du moment passé. Les derniers cris avant qu’il ne change ma position et cesse de jouer avec la plus érogène des zones de mon corps furent les premiers à passer les limites de la propriété d’ailleurs, alors que nous étions bien plus près d’une des grilles qui cerclaient le jardin que de la bâtisse principale.

« Rien ne t’en empêchera… »

J’espérais que ce soit vrai, qu’il n’avait aucune raison de s’arrêter, qu’il n’avait aucune obligation qui le tirerait de mes bras au moins avant le lendemain. En tout cas je ne serais pas cette raison, et même s’il faudrait éventuellement que je me repose après qu’il m’ait poussée au bout je comptais bien le garder contre moi le plus longtemps possible. Redressée, à nouveau collée contre lui, je répondis pleinement à son baiser pour y retrouver le goût de sa langue avant de penser à la suite et d’ensuite l’embrasser dans le creux du cou. Je ne m’en étais pas rendue compte, perdue dans les sensations qu’il me faisait subir, mais s’il m’avait mise dans cette position c’était parce qu’il voulait que je prenne la main, malgré toutes les conséquences impliquées. Je levai les bras pour joindre mes mains derrière la nuque de Sauveur et commençai en m’appuyant sur ses clavicules à soulever le bassin de manière à ce que l’objet de mes désirs soit à peine en contact avec l’objet des siens et à entamer un lent mouvement circulaire autour de lui.

Alors, après quelques instants de jeu qui apportèrent à ses oreilles un renouveau de mes cris j’imprimai sans rompre le mouvement déjà initié de nouvelles allées et venus qui allaient accélérer en même temps que mon désir, et j’espérais en même temps que le sien.

Les lèvres de Sauveur s'étirèrent dans un sourire alors qu'elle répondait enfin à son vœu. Un sourire bientôt effacé par l'expression du plaisir qu'elle lui prodiguait à présent en se déhanchant sur lui. L'idée lui plaisait tellement... Et la savoir de la même humeur que lui bien plus encore. Il se trouva alors pris d'une envie nouvelle. Il ne voulait plus se contenter de simplement profiter de ce moment de sensualité. Ils pourraient en avoir bien d'autres d'ici le levé du jour. S'il pensait au départ permettre à son amante de faire grimper un peu leur plaisir, il voulait maintenant la laisser exploser sur lui. Leur permettre de se consumer totalement pour mieux reprendre ensuite, plus calmement.

Cette nuit était à eux...

Alors, lorsqu'elle commença à accélérer lentement la cadence, il ne fit rien pour apaiser ses ardeurs. Au contraire, il lui témoigna son plaisir de plus d'une façon. Ses mains se crispèrent sur elle à quelques reprises. Sa bouche embrassa toutes les parties de son corps qui lui étaient accessibles, depuis ses lèvres jusqu'à ses seins en passant par son cou. De sa gorge s'échappèrent plus d'un râle qui, s'ils ne dépassaient pas en volume et en nombre les cris de la belle, les accompagnaient à la perfection.

Maintenant que tout le voisinage savait ce qu'ils étaient en train de faire, Sauveur voulut aider Aerianna à se libérer de la tension qui montait peu à peu en elle. Alors il la fit se pencher légèrement en arrière. Pas assez pour entraver ses mouvements mais juste ce qu'il fallait pour permettre à l'une de ses mains de s'immiscer entre eux. Il s'approcha de leurs entrejambes et posa à nouveau son pouce sur ce bouton des plaisirs. Là, il entama un mouvement de rotation identique à celui qu'il avait réalisé alors qu'elle était allongé et qui semblait lui faire tant de bien.
Il la regarda avec intensité alors qu'elle approchait lentement de l'extase, tant par ses propres allées et venues qui se rapprochaient les unes des autres que par cette petite attention qu'il lui adressait. Il l'observait onduler et se contorsionner sous l'effet de cette jouissance si proche. A quelques occasions, tandis que le corps de la Princesse se soulevait, il saisissait l'extrémité de l'un de ses seins avec ses lèvres. Juste le temps de l'embrasser, de le lécher, de le titiller... Puis il plongeait à nouveau son regard dans le sien, les yeux plein d'étincelles tandis qu'il attendait le moment où tout exploserait... Pour son plus grand bonheur.

Si j’avais eu une seule once de lucidité j’aurais compris que quelque chose était différent dans son comportement. Il ne m’avait pas encore arrêtée, il n’avait pas encore décidé que si j’allais trop vite cela nous gâcherait notre plaisir à tous les deux, il n’avait pas encore décidé que j’étais trop sauvage et que j’avais besoin d’être guidé, éduquée. J’aurais pu conclure qu’il était parfaitement satisfait avec l’allure à laquelle mon bassin montait et descendait sur lui, j’aurais pu conclure qu’il était au moins aussi soulagé que moi, j’aurais pu conclure qu’attendre avait été pour lui un véritable supplice, même avec quelqu’un d’autre pour passer les nuits et faire peut-être exactement la même chose que nous faisions à cet instant. Mais je n’avais pas cette lucidité, pas maintenant, et à part crier mon bonheur que pouvais-je faire d’autre à part augmenter le volume, comme il le cherchait, comme il me le demandait silencieusement.

Si je n’étais pas capable de penser à tout ça en même temps j’étais largement capable de savoir que tout lui convenait, aussi ne changeais-je rien. Ou presque. Un seul bras enroulé autour de son cou suffisait à imprimer ces mouvements – d’autant plus qu’à l’opposé une de ses mains crispée sur mon corps semblait s’être donnée la mission sacrée de m’aider – alors je dégageai l’autre bras et le ramenai pendre le long de mon flanc, oubliant un instant ce que je voulais en faire. Ce fut quand Sauveur me pencha en arrière que le chemin se libéra juste assez pour que ma main puisse atteindre ce membre brûlant qui sous moi était responsable de tant de mon bonheur que je semblai retrouver mon idée. Je fis glisser ma main contre lui, profitant d’un espace pour aller le caresser légèrement plus bas en même temps que la tempête de sensations battait son plein chez nous deux. Ces caresses avaient eu lieu quand je m’étais trompée la première fois que j’avais couché avec lui, mais cette fois il n’y avait pas d’erreur.

Je continuai un certain temps, sentant que ma limite était bien proche alors que mes allées et venues gagnaient en amplitude mais perdaient en vitesse. Il devenait de plus en plus dur de se relever quand je me retrouvais tout à fait assise sur lui, et plus dur de redescendre quand chaque vecteur de mon plaisir semblait être à vif. J’embrassai à nouveau Sauveur et plaquant mon front contre le sien je décidai de ne plus le quitter des yeux. J’allais me faire violence quelques fois de plus, priant pour qu’il se rende compte, priant pour qu’il m’aide à ne pas craquer avant la fin, priant pour qu’il m’aide à rester active tout le temps de cette jouissance qui s’annonçait. Je ne pouvais que prier, tout le reste était totalement hors de ma portée, je subissais la tempête et compris que c’en était fini pour moi quand mes yeux se mirent à rouler et ma main autour de son cou se crisper. Si le jeu durait longtemps il y avait toujours ce moment où tout devait s’arrêter. C’était temporaire, une petite mort avant de reprendre vie, et dans ce cas elle serait bruyante…

Aux cris dans la nuit succédait une perte de force soudaine et je ne pus pas lutter pour m’éviter de partir en arrière.