Tibéria de Soltariel
Humain
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 29 ans Taille : 1m55 Niveau Magique : Eveillé / Néophyte.
| Sujet: La dernière fois [Solo] Ven 7 Fév 2020 - 1:25 | |
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5ème ennéade de Bàrkios L'an 17
Le truc avec les dernières fois c’est qu’on ne sait jamais vraiment quand elles vont se produire. Il arrive parfois qu’on puisse les anticiper dans les cas d’une maladie et d’une fin annoncée, mais le plus souvent, elles nous passent sous le nez sans tambour ni trompette et on réalise après coup que quelque chose ne se produira plus jamais. Et on regrette, car on aurait voulu en profiter un peu plus quand on en avait l’occasion, mais avec les dernières fois, il n’y a pas de deuxième chance.
Ce matin-là, Hernando ne pouvait pas savoir que c’était la dernière fois qu’il se levait de son lit, que c’était la dernière fois qu’il déposait au baiser sur le front de Tibéria toujours endormi. Il ne savait pas non plus qu’il n’aurait plus jamais l’occasion d’aller saluer son fils au réveil. Pour lui, c’était une journée comme les autres avec sa routine bien établie. Pourtant, c’était bien la dernière fois qu’il passait la porte de sa maison. Il n’allait jamais y retourner de son vivant. Il ne savait pas qu’il sentait le vent sur son visage pour la dernière fois ni qu’il voyait son dernier lever de soleil. Impossible de deviner qu’il faisait là sa dernière ronde sur son petit domaine afin de s’assurer que rien n’était arrivé pendant la nuit. Lorsqu’il entra dans l’entrepôt où sont gardés les tonneaux de cidre, tout était normal. Il passa dans l’allée, les sourcils froncés. Il avait eu une inquiétude quand les barils furent montés. Le support allait-il tenir? Il avait pensé le renforcer, mais il n’avait pas eu le temps. Si une personne passait par là et que tout s’écroulait, elle n’aurait aucune chance. Ça semblait tenir, mais pour la prochaine saison, il se promettait déjà de le faire.
Malheureusement pour Hernando, il n’en aura jamais l’occasion.
Comment aurait-il pu savoir que la dernière chose qu’il entendrait de ce monde serait un sinistre craquement, le genre de bruit qui ne laisse présager rien de bon? Avant qu’il ait pu comprendre ce qui se passait, il était déjà trop tard, le monde plongeait dans les ténèbres. Il n’eut pas le temps d’avoir mal. Il n’eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Il eut juste un léger sursaut. Hernando le guerrier emporté par un stupide accident. Lui qui pensait mourir l’épée à la main fut plutôt emportée par des barils d’alcool. Les vivants vont sans doute se souvenir longtemps des circonstances de sa mort, mais ils ne devraient pas, car lui-même n’en avait plus rien à faire maintenant. Si sa perte était tragique et prématurée, au moment où son cœur cessa de battre dans sa poitrine, il était le plus heureux des hommes. Les dernières années de sa vie auront été les plus belles et les plus douces. Il aurait préféré en profiter plus longtemps et sans doute qu’on aurait voulu qu’il reste aussi et qu’il continue sa vie jusqu’à devenir un vieil homme sage et usé par le temps. Les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Le vide qu’il laisse sera terriblement douloureux en particulier pour Tibéria qui, réveillée par le bruit infernal, s’était précipitée à l’extérieur. Elle pensait voir Hernando la rejoindre, mais elle vit plutôt son bras dépasser sous l’un des tonneaux et le sang qui commençait à se répandre. À l’horreur de la scène s’ajouta les hurlements déchirants d’une femme désespérée. Ses cris alertèrent la servante qui courut chercher de l’aide. Tibéria essaya de pousser les tonneaux, mais ses pieds glissaient sur le sol. Ils étaient si lourds. Des bras vinrent bientôt l’aider, d’autres la tirèrent vers l’arrière. Elle entendit quelqu’un dire qu’il était trop tard, qu’aucun homme ne pouvait survivre à ça. C’est vrai, mais on devait quand même le sortir de là. On finit par dégager son corps brisé et beaucoup de larmes furent versées. De son vivant, Hernando avait été un pilier, un point d’ancrage. Il avait donné un sens au chaos et gardé Tibéria en vie. Elle était seule maintenant… Où l’était-elle vraiment? Dans les jours suivants, de nombreux visages se présentèrent à elle, tous ceux qui avaient connu l’ancien garde et qui l’avaient aimé comme un frère. On pleura sa mort, mais on célébra aussi sa vie. À travers les anecdotes de chacun, l’esprit d’Hernando subsistait et il allait continuer à vivre encore longtemps. Il n’avait pas quitté ce monde sans rien laisser derrière. Son fils Guillaume allait perpétuer son sang. Il allait grandir sans père, mais pourra le connaître à travers les souvenirs de ceux qui l’ont côtoyé. Malgré le soutien, Tibéria se sentait démunie. Elle devait rester forte pour ses enfants, mais elle avait la certitude maintenant que le vrai bonheur lui sera à jamais inaccessible.
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