Le jeune homme éclata de rire tandis que sa partenaire l'observait avec le plus profond étonnement.
- Depuis quand les drows s'inquiètent de la lâcheté ?
Il se décala, s'écarta de Shyn avant de s'asseoir sur le rebord du lit. En un instant, la chaleur de la femme lui manquait déjà. Lentement, il se saisit d'une carafe et servit de l'eau dans deux verres. Shyn'tae le suivait des yeux, sourcils froncés, oreilles dirigées vers lui, l'air un tantinet désapprobateur. Il lui proposa l'un des deux puis l'aida à y boire. Installée sur le coté, ses jambes graciles étendues, appuyée sur un coude, elle offrit ses lévres. Leurs corps étaient encore brûlants de leurs ébats.
- Je n'ai pas vu beaucoup d'honneur au Puy. Alors où est le problème ?
- Je ne comprend pas... Pourquoi est-ce qu'être lâche ne me gênerait pas ? Et qu'est ce que tu veux dire par honneur?
La colère semblait étrangement absente des mots que venait de prononcer la noir elfe aux félines oreilles. L'homme ne pouvait distinguer dans son expression que l'étonnement et la plus sincère des curiosité. Il connaissait la réalité. D'autres drows qu'elle se seraient senties insultées. Il aurait été battu. Tué même. Mais il connaissait la femme en face de lui. Il savait qu'elle était différente de ses congénères. Plus curieuse. Compréhensive. Ouverte. Alors, il se permettait avec elle des choses, des mots, des actes qu'il n'oserait pas avec d'autres.
L'homme se réinstalla sur le lit. Il soupira. Avait-t-il vraiment envie de se lancer dans un débat à... quelle heure était-il d'ailleurs ? Le sommeil le guette plus que la stimulation intellectuelle. Puis il se rendit compte que Shyn se confiait à lui. Peut-être plus qu'à la grande partie de ses congénères. Il aurait aimé qu'on l'écoute, lorsque son coeur saignait de solitude, il y a des années. Elle méritait d'être écoutée, et qu'il soit là pour elle.
Lentement, Grayle l'attira contre lui, la serrant dans ses bras, le visage de Shyn enfoui entre ses pectoraux. Elle soupira, blottie ici, et il chuchota.
- Je suis ici depuis assez longtemps pour vous voir vous entretuer les uns les autres lorsque ca vous arrange. J'ai vu des frères, des époux et des fils mourir car ca arrangeait l'affaire de l'autre. Alors pourquoi tuer ton père serait-il lâche ?
Son interlocutrice haussa une longue oreille, mais le laissa poursuivre. Elle était adorable quand elle faisait ca.
- Si tu ne veux pas le tuer, alors ne laisse pas ton père dicter ta vie ou tes pensées. Que ce soit en obéissant à ses ordres, ou à faire spécifiquement le contraire juste pour l'emmerder. Plus tu pense à lui, plus il aura de pouvoir sur toi
Après un instant de silence, Grayle éclata de rire. L'oreille se dressa un peu plus, la sombre créature levait la tête en l'observant d'un air étrange. Ses mots semblaient la toucher. Il aurait été un drow pris au hasard, il se doutait qu'il l'aurait agacé prodigieusement. Mais il était un humain, un esclave. Il savait qu'il lui offrait un regard que nul autre drow ne pouvait lui donner.
- Tu sais quoi ? Je suis un orphelin de 21 ans, alors, pourquoi je prétend pouvoir te donner des conseils ? Tu devais déjà réfléchir à ca avant la naissance de mes grand-parents
Il embrassa son crâne. - Désolé d'avoir amené ce sujet. Ne pense plus à ces bêtises et détend-toi. On est là pour ça.
Il sourit. - Parfois, un problème cesse de l'être lorsqu'on arrête de le considérer comme tel
Elle l'observa un long instant comme l'aurait fait un chat curieux de quelle genre de bête étrange pouvait être Grayle. Puis peu à peu, un sourire s'épanouit sur son charmant visage et il la sentit se redresser sur lui, ses bras, le valide comme l'impotent, prendre appui sur ses épaules. Ses yeux dans les siens, son petit nez frôlant le sien, elle resta silencieuse un instant, avant d'émettre un charmant petit rire joueur.
- Tu me dis de m'en ficher. Ca a l'air sage ! J'espère juste que ca ne me fera pas tuer. Et sur ces mots prononcés avec la plus grande légèreté, ses lévres noires vinrent délicatement s'emparer des siennes, et la drow coiffée des oreilles de chat l'entraina dans un baiser langoureux qui sembla ne pas avoir de fin.
Il soupira, et lui rendit, avec gentillesse et entrain, son baiser. Il pensa au fait qu'il l'avait rarement embrassée justement. Comme pour établir une distance avec elle. Elle restait une drow. Mais il avait de plus en plus de mal à considérer sa race et son statut dans son appréciation pour elle. Lentement, les bras de l'homme enlacèrent ceux de la femme, l'emprisonnant dans son étreinte.
- Shyn'Tae... j'aimerais pouvoir dire quelque chose. Non pas entre maître et esclave, entre homme et femme ou entre... humain et drow... mais de moi à toi. De Grayle à Shyn'tae. Est-ce que je peux ?
Pour la première fois depuis qu'ils étaient... ensemble, il eut un peu peur. Mais à son grand soulagement, elle accepta. Il se sentit libéré d'un poids. Il pouvait être franc.
- Ici, dans cette tente, sur ce lit, avec moi, il n'y a que nous deux. Personne ne te regarde, ne t'écoute, et surtout, personne ne te juge. Il attira son visage pour l'installer dans le creux de son cou.
- Tu peux être toi. Sans fausserie. Ni artifice. Ni jeu. Avec Grayle, tu n'aura jamais rien à craindre.
Il regretta ce qu'il dit lorsqu'il se rendit compte que c'était beaucoup... mieux, dans sa tête. Il n'était pas doué avec les mots. Surtout en langage drow. Il se rendit compte que cette déclaration de... protection, sonnait un peu maladroite. Puérile, même ? Et que même avec toute la sincérité du monde, sa volonté de voir cette femme, avec qui il ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la compassion et souhaiter le bonheur qu'elle méritait, il pouvait toujours passer comme ridicule.