1km à pied, ça use, ça use... | Grayle

Hiver - 5e ennéade de Karfias
14e année du XIe Cycle
Début du Voyage de la première moitié de la délégation eldéenne vers Thaar

Et voilà... Ils étaient parti pour un peu plus de deux ennéade de route à travers des déserts déserts au bord de côtes plates et des plaines de sel à perte de vue. Une première délégation réduite faisait le voyage avec les gladiateurs pour leur permettre de s'installer et de s'habituer à la ville avant le début des Grands Jeux prévus pour signer une paix tacite entre les sombres et les vaanis et durer pendant une bonne partie de l'année. En plus des athlètes qui avaient gagné des éliminatoires locales, quelques membres hauts placés s'étaient ajoutés au cortège en apprenant que Krish Al'Serat, Prime Feu et Triumvir, serait du voyage, contrairement à ses deux autres collègues.

En tant que Princesse de Thaar, la drôlesse comptait en profiter pour se remettre à jour, participer à quelques séances du Conseil, calmer les crainte de ses anciens collègues, mettre le nez dans les affaires de la Corporation que gérait toujours Wik... Et surtout prendre quelques jours de vacances loin de tout danger et de toute conséquence. Des sources chaudes. Des mains expertes... Et peut-être une petite visite à cette charmante mignonnette rencontré chez Ascanio et dont elle ne ferait qu'une bouchée.

Mais en attendant, il y avait l'épreuve du voyage en groupe. Elghinn et Driz'na étaient l'un comme l'autre assez grands pour monter et on leur avait confié à chacun une jument docile dont ils avaient l'entière responsabilité. S'ils devaient voyager seuls un jour, autant qu'ils apprennent dès à présent à s'occuper d'une bête. Les quelques hauts dignitaires rodaient pour la plupart autour de la Triumvir qui les avait vertement rembarrés dès la première heure de voyage. Les autres, comme L'Renor, étaient égaux à eux-même.

Montée sur une impressionnante panthère, grande comme un destrier de guerre et d'un noir qui semblait aspiré la lumière, elle cheminait tantôt près de ses enfants, tantôt parmi les gladiateurs, tantôt juste entourée des quatre Repentis masqués d'argent qui l'accompagnaient. Si elle devait se coltiner plus d'une vingtaine de jours de voyage, elle n'allait pas en plus engager des discussions politiques alors qu'elle n'avait aucun moyen de contacter Viconia et Urgoll. Quelques rapprochements et quelques questions seraient bien sûr évoquer au fil du temps, mais faire comprendre qu'elle ne parlerait pas affaire avant d'avoir au moins un peu de sympathie envers eux avait été un grand pas pour sa sérénité.

Cela faisait deux jours qu'ils marchaient au fond de la faille et ils en atteignaient peu à peu le bout. Cette balafre qui descendait vers les entrailles de la Terre allait bientôt cracher son lot de sombres, mais ils avaient décider de s'arrêter un peu plus tôt que prévu aujourd'hui pour profiter une dernière fois de l'ombre et du calme des profondeurs avant de passer à la sècheresse salée du désert de sel des Terres Stériles. Nulle végétation n'y poussait, seules les roches peuplaient ce paysage dévasté, mais le vent était clément.

Quelques cris et tous les esclaves avaient été mis à l'ouvrage pour monter les tentes de toile. Avec l'habitude, le campement ne prendrait bientôt plus qu'un gros quart d'heure à être entièrement installé... Mais on en était encore loin. Les ordres mal répartis, les esclaves non habitués à travailler ls uns avec les autres. C'était un beau bordel à défaut d'être joyeux. Laissant les dignitaires criés ou se prélasser, Krish s'était installée un peu à l'écart, dos à la plus part des activité, près de la nacelle du Païm qui transportait l'eau et la nourriture. T'Challa s'étira de tout son long et s'allongea sur le flanc, accueillant Krish entre ses pattes de manière à ce que son large ventre lui serve de dossier. L'eldéenne s'affala en étendant les jambes, profitant de cette fausse solitude pour sortir une longue pipe droite de sa sacoche. En bois, pour pouvoir être transportée plus facilement, l'objet n'en était pas moins raffiné et elle prépara la bourre du foyer avec quelques gestes précis. Quelques feuilles séchées et une petite bille tirée d'un petit sachet de satin bleu. Elle y bouta le feu a l'aide d'une brindille embrasée par l'un des brasiers du camps, crapota pour dégager les premiers traits, et tira une première longue goulée de fumée mauve.

L'étrange panthère ombreuse contre laquelle était appuyée gronda sourdement et indiqua de la truffe l'allumette improvisée comme pour exiger son extinction. Krish la lui offrit sans se faire prier et les deux amies se détendirent à l'abri des regards. T'Challa était à ce point dans son élément dans l'ombre projeté par la falaise de roche qui les surplombait qu'elle que sa silhouette devenait rapidement une ombre parmi tant d'autres quand elle arrêtait de bouger. En l’occurrence, vue de puis le reste du campement, c'était exactement le cas. Seule un bouffée de fumée violacée s'élevait de temps à autre du coin des caisses de ravitaillement.

Après quelques longs instant passés à ne rien faire, Krish sortit un livre de son sac. Pendant ce genre de voyage, profiter de n'avoir rien d'autre a faire pour approfondir les recueil de stratégies et tactiques militaires qu'elle avait dénichés aux archives était une petite bénédiction. Si elle avait remarqué ces dernières années que le maniement des armes lui venait aussi naturellement que les bribes de souvenirs de batailles auxquelles elle n'avait jamais pris part, elle ne voulait pas se reposer sur son instinct uniquement. Si, comme elle l'envisageait, elle remettait son titre de Maîtresses des Forges, ce n'était pas pour autre chose qu'embrasser pleinement sa nouvelle vocation : Celle de botter des culs le plus longtemps possible. La politique, la diplomatie, la manipulation et le dressage, elle avait déjà de bonnes bases, mais la stratégie militaire et sa hiérarchie... c'était un tout autre univers. Un univers dont elle s'était soigneusement éloignée depuis bien des siècles. Renoués avec ses premières classes avait un goût étrange.

Sa longue pipe au coin du bec, ses yeux eldéens parcouraient sans mal les lignes d'encre dans la pénombre. Son oreille frétilla en entendant quelqu'un se mettre au travail non loin. Elle frétilla bien plus tard, lorsqu'une mélodie étrangère se fraya un chemin depuis les caisses entassées qu'on fourrageait. Elle n'était ni eldéenne, ni Vaanie, ni dawi... Connaissant les elfes, ils se seraient crevé les tympans plutôt que d'écouter un machin pareil. C'était donc quoi ? Mécan ? Non. Les pirates se chantaient avec plus de tripe et de rhum dans le sang. Naelisien ? Péninsulaire peut-être ? Laissant les notes tombées nonchalamment, elle reprit sa lecture, tout en caressant la tête que T'Challa ramenait à dessin à portée de sa main griffue...

Jusqu'à ce que T'Challa soulève sa grosse tête d'un noire abyssal. Un grondement interrogatif souffla au visage du jeune homme... sans que le moindre jet d'air ne sorte de la truffe de l'étrange animal. Ses yeux d'encre, plus sombres encore que le pelage, atteignaient une absence de couleur difficilement descriptible. Ne sentant pas T'Challa le moins du monde inquiété, Krish termina son paragraphe malgré la terreur manifeste de la voix du chanteur. Elle leva simplement une main pour lui faire signe de patienter, plaça son marque page, reprit sa pipe en main, souffla un nuage de fumée mauve et replaça l'ouvrage dans son sac avant de se tourner.

Passant la main sur la toison luisante de l'animal jusqu'à sa tête, elle tira de long ronronnement rauques à T'Challa qui reposa sa tête à terre pendant son son amie bipède lançait un sourire amusé au jeune esclave. Il n'avait pas de marque visible, mais un humain dont la barbe criait la mortalité n'aurait pas trouvé grand chose d'autre à faire par ici.

- Excuse moi. J'ai du raté la nouvelle. J'ai des comptes à te rendre, petit ? "

Ses yeux sanglants mouchetés de pépites d'or étaient vrillés dans ceux du jeune homme. Sa pipe revint se loger au coin de son sourire goguenard... Dieux... maintenant qu'elle y pensait, cela devait lui donner la même tête qu'Eshk'Oroth...

Krish ne put cacher un sourire amusé quoi que toujours assez carnassier, lorsque le jeune homme s'adressa à T'Challa en inventant les plus grossiers compliments. Ses yeux ne le lâchèrent pas plus lorsque - sans surprise - T'Challa réclama les fameuses papouilles qui lui plaisait bien plus que tous les mots qu'on aurait pu lui adresser. Ils ne le lâchèrent pas non plus lorsque T'Challa s'étira pour permettre à l'humain de l'atteindre derrière les oreilles, délogeant au passage sa fidèle amie.  

Et c'est qu'il y allait de bon cœur le gamin !

Le côté prédatorial de l'eldéenne finit par s'effacer totalement au promis d'un profond amusement. Juchée sur la caisse, une jambe repliée sous elle, l'autre restait ballante sur le côté. Par moment, la plante de ses pieds visiblement brûlée apparaissaient dans ses mouvements. Elle tirait toujours sur sa longue pipe, libérant la fumée tantôt par le nez, tantôt par la bouche.

L'image était assez surréaliste. L'humain irradiait littéralement de tendresse et se donnait du mal pour une T'Challa qui ne savait plus comment faire pour ronronner plus fort, produisant un échos sourd entre les murs de pierre de la Faille.

- Grayle... Un jeune péninsulaire qui n'a peur de rien à ce que je vois... Tu appartiens au chef du convoie ou quelqu'un de la délégation t'a mis la mains dessus récemment ? "

Il avait de la chance qu'elle soit de bonne humeur, sinon ses babillages lui auraient déjà valu un rappel à l'ordre rapide et brutal à défaut d'être définitif... Et même si elle était de bonne humeur, un tel évènement n'était jamais loi. Pourtant, innocent - ou stupide - comme tout grand dadet qui se respecte, il ne semblait pas avoir conscience le moins du monde de son rang ou de la corde raide sur laquelle il était posé. L'Renor avait vraiment fait un travail dégueulasse si elle n'avait obtenu que cette demie-soumission en trois longues années.

D'un autre côté, étant donné le grade de sa maîtresse, la protection de quelqu'un d'aussi puissant avait peut-être donné des ailes à ce jeune coq... Ce qui dénoterait d'un instinct de survit particulièrement médiocre... Ce qui n'était pas totalement dénué de sens puisqu'il était d'origine péninsulaire et avait réussit à se faire capturé par une eldéenne qui n'avait pas quitté le Puy pour autre chose que la guerre depuis fort longtemps. Étant donné que L'Renor n'était pas non plus du genre à acheter du second choix, surtout pour un machin aussi banal qu'un humain visiblement taillé pour les travaux de forces, il y avait une baleine sous le sable.

- Arrête d'essayé de te raccrocher aux branches. " ricana-t-elle en l'entendant s'enfoncer encore plus. " Il n'y a que pour vous que l'âge est synonyme de décrépitude. Tu dois avoir quoi vingt-ans ? Un peu plus peut-être ? " Doucement, elle laissa se pieds rejoindre le sol et la porter de quelques pas chaloupés vers le jeune homme. Ses cheveux blancs glissèrent sur son épaule. Elle repris sa pipe en main après en avoir tirer un nouveau trait, et laissa ses doigts libres fouragés pensivement sur l'épaule massive et le cou musculeux de son amie à quatre pattes. " Et bien même si tu en avais trente, je serais quand même trente fois plus âgée que toi, au bas mot. Et regarde moi ça. " D'un geste théâtral débordant d'ironie, elle désigna sa propre silhouette à la fois tonique et arrondit malgré les vêtements de voyages qui en laissaient voir bien moins que ses tenues habituelles. Même son décolleté n'était pas si outrageux que ça. Son visage à la peau plus noire que la plupart des drows qu'il avait du croisé, n'était pas particulièrement âgé non plus, bien que moucheté de cicatrices fines et nettes qui produisaient un dessin à peine perceptible sur sa joue et sa mâchoire du côté droit.

Elle pris de nouveau sa bouffarde en bouche pour utiliser ses deux mains histoire de satisfaire au mieux l'énorme panthère, un genoux en terre.

- Elle s'appelle T'Challa. " Une oreille se tourna vers l'eldéenne et un œil interrogatif d'un noir surréaliste se leva. " Je fais les présentation, ma belle. C'est rien. T'Challa, je te présente Grayle. L'esclave de L'Renor qui te ferra des papouille dès que tu le voudras pendant touuuute la durée du voyage. " Un nuage de fumée mauve flouta un instant ses traits joviaux. Le jeune homme ne savait pas à quoi il s'exposait. Si cette créature n'avait besoin ni de boire, ni de dormir ni même de manger, elle était capable d'exiger des caresses jusqu'à ce que toutes les mains disponibles tombent de fatigue. " Raconte moi, d'ailleurs. Comment un humain de péninsule se retrouve a servir une illustre membre du C'nros tout en agissant comme un bienheureux ? "

Elle faillit lâcher un "bienvenue au club" lorsque l'humain avoua avoir tué son père. C'était amusant comme les géniteurs étaient à ce point des enfoirés quels que soit la culture : démissionnaires, morts, violents, incestueux, perfectionnistes, destructeurs, meurtriers, traites... Non, vraiment, avoir des enfants ne semblait pas la panache des meilleurs éléments masculins de cet univers. Laissant T'Challa aux soins toujours aussi attentif de l'humain.

Et bien il était mal éduqué et surement un peu timbré pour parler comme ça de son voyage mais au moins il y mettait du cœur le pe...

Le regard de l'eldéenne s’étrécit. Aussi immobile qu'une statue, tendue comme un prédateur prêt à bondir, elle l'écouta attentivement jusqu'au bout... Mais rien de plus qu'un récit à la fois pathétique et étrangement jovial. Il parlait de sa déchéance comme si ce n'était rien. Il y avait encore quelque chose en lui qui le tenait debout et lui faisait accepter tous les outrages... Mais vu ce qu'il disait de son voyage...

A peine avait-il achevé son récit qu'elle bondit dans sa direction, s'empara de sa liste d'inventaire et partit sous les ronronnement indifférents de T'Challa qui exigeait toujours plus de caresse, quitte à mordiller le bras du jeune homme pour le retenir, découvrant ses dents d'un noir obsidien.

Il fallut plusieurs longues minutes avant que l'eldéenne ne reparaisse, ses pieds nus foulant le sol rocailleux sans soucis. Elle alla chercher le sac qui était resté échoué près de la caisse et le lança au jeune humain après avoir attirer son attention d'un sifflement puissant.

T'Challa gronda faiblement, mécontente qu'on ne s'intéresse plus à elle, mais regarda les bipèdes s'agiter avec un certain intérêt.

- Debout. " lança l'eldéenne. " Suit-moi. "

Et sans un regard par dessus son épaule, elle partit à grands pas à travers le camp jusqu'à une des rares tentes individuelles, un peu en marge des autres. Son aspect était aussi simple que l'intérieur qui se dévoila dès qu'elle poussa le pan de toile. Petite et basse de plafond, l'endroit était véritablement fait pour résister aux vents violents qui balayaient les terres stériles et le désert. Sur un côté, une paillasse de largeur tout a fait honorable pour une personne, épaisse et à l'apparence douillette était déroulée sur des nattes tressées par dessus la toile doublée de cuir qui les déparaient du sol et les tapis qui y avaient été ajoutés. Plusieurs couvertures fourrées y étaient ajustées avec soin et un petit oreiller bourré de graines de lin trônait en haut. De l'autre côté du réduit ne devant pas dépasser les 5m², deux malles de bois verrouillées sur lesquel était posé un petit tonnelet. Le crâne de Grayle - sensiblement plus grand que l'eldéenne au final - frôlaient presque la première couche de toile renforcée.

Déjà que la Faille n'était pas bien lumineuse, mais aucune source de lumière ne venait aider l’œil de l'humain à s'habituer à cette pénombre que les drows n'avaient aucun mal à supporter.

- Pose le sac. " indiqua-t-elle en pointant l'espace vide au fond de la tente, entre le lit et les malles. " Assied-toi. " ordonna-t-elle en passant derrière lui pour nouer différents filins qui fermait les pans de tissus gris l'un sur l'autre, les plongeant dans une obscurité quasi totale, dans laquelle même une drow avait du mal à discerner quoi que ce soit.

Seuls le foyer de la fine pipe de bois qu'elle tenait en main et les yeux rouge et or de la noire-elfe luisaient faiblement. Dans un chuintement, elle suivit la toile sur un pas pour venir s'asseoir en tailleurs sur le bord de son lit de voyage. Piquant sa pipe au coin de ses lèvres, dans un raclement léger, elle tira son sac à elle et commença à le fouiller en plissant les yeux, mais n'attendit pas d'avoir trouver pour commencer, lâchant avec le plus grand sérieux.

- Depuis ton arrivée, il y a trois ans, a qui as-tu parlé de cette compagnie de mage en route vers Nisétis ? Ou a tu rencontré cette compagnie et combien de temps as-tu passé avec eux ? "

- Pas même ta maîtresse ? " ajouta-t-elle lorsqu'il dit ne l'avoir jamais dit à qui que ce soit.

C'était parfait. Inespéré même. Durant ses nombreux allé-retours entre le Puy et Thaar, Krish avait plus d'une fois entendu des rumeurs sur Nisetis. Après une vérification sommaire et armée, la présence du Karkal avait été confirmée, ce qui n'avait pas manqué de ragaillardir les drows qui rappelaient son arrivé depuis des siècles. Mais si le monstre était vrai, les invocateurs également devaient exister... Et sa rencontre avec la vieille runiste n'avait rendu la chose que plus pressante : ce groupe avait été aux prises directe de la chose qui portait la marque que lui avait montré Uriz. Ce garçon avait donc connu la Long-Nez...

Elle l'écouta, filtrant les émotions déplacées qu'il affichait comme si elle en avait quelque chose à faire. Ses mains s'agitaient toujours pour trouver la flasque de fer au bec d'os qui lui servait de lampe à huile lors de ses voyages. Elle était si concentrée qu'elle oubliait de tirer sur sa bouffarde, la laissant s’éteindre doucement. Huit mage. Bien...

Soudain, ses mains s'immobilisèrent dans les profondeurs de son sac de cuir. Son regard remonta vers celui du jeune humain qui semblait continuer à chercher des noms et des descriptions.

Sans crier gare, ses jambes se dénouèrent, un éclat d'argent lui dans sa main et elle plongea en avant. D'un mouvement souple, rapide comme un serpent, ses deux mains tombèrent droit sur les épaules larges de l'humain qu'elle fit basculer au sol. Sa tête rata de très peu la malle derrière lui. Le verrou lui griffa légèrement l'oreille pendant sa chute et le tapis vint à peine l'amortir. Le fil d'une courte lame se fit sentir en travers de sa gorge, juste sous sa pomme d'Adam. L'arme était dure et froide contre la peau mal rasée du jeune homme.

L'eldéenne était suspendue au-dessus du jeune homme. L'un des genoux de la guerrière maintenait au sol le bras droit de l'ancien paysan tandis que son autre pied restait campé de l'autre côté du large buste, écrasant deux doigts sous son talon poussiéreux. Deux yeux rouges mouchetés d'or comme aucun autre drow ne les avait, fixaient le visage pâle qu'ils surplombaient, luisant d'une colère brûlante. Ils semblaient réellement luminescents à présent. A trop les fixer, l'or et le sang se mêlaient en de curieuses flammes, grignotant de temps à autre la pupille bien moins dilatée qu'elle ne l'aurait du dans un tel environnement. La pipe était tombée sur le côté, par chance, le bourrage ne s'en était pas échappé et sans personne pour tirer dessus, elle s'éteindrait en une poignée de secondes.

En plus de la main qui maintenait l'arme contre la gorge du jeune homme, l'autre main de la noire-elfe était posée en haut de son torse, prête à le repousser rudement s'il tentait de se redresser.

- Dit moi tout ce que tu sais sur le vieil archimage elfe : Haldren. A quoi ressemblait-il ? Combien de temps a-t-il voyagé avec vous ? Est-ce-qu'il aimait ou détestait certains de vos camarades ? Comment et pourquoi vous a-t-il rejoint ? D'où venait-il ? Comment est-il parti et pourquoi ? Où est-il allé ? A-t-il mentionné le moindre détail sur sa vie ? Sur ce qu'il faisait les mois avant de vous rejoindre ou sur ce qu'il pensait faire plus tard ? Tout. Même la moindre bribre de souvenir insignifiant ou de discussion autour du feu. Et je te conseille de me convaincre avant que je demande à un mage de l'esprit de t'arracher un a un tes souvenirs jusqu'à ce qui ne reste de toi qu'une coquille vide. " Elle avait parlé vite, articulant précisément pour être certaine d'être comprise, mais une haine réelle se sentait dans sa voix. Une haine et une soif de sang qui ne reculerait certainement pas devant le sacrifice de l'intégrité mental d'un petit esclave pour arriver à ses fins...

L'instinct de survie ? Cela faisait longtemps que la douleur émanant de Sa présence l'avait biaisé d'une curieuse façon. Consciente de l'étrange présence qui la faisait frémir, Krish n'en était pas le moins du monde effrayer. Ce n'était pas sa première expérience avec des forces qui la dépassait. La fureur qu'elle réprimait déjà difficilement lorsqu'il était question du Baenfere battait des records devant le flegme tranquille de l'humain. Elle planta son couteau d'un coup sec dans la malle devant elle et c'est avec toute la patience dont elle était capable qu'elle se retint de l'égorger jusqu'à ce qu'il finisse son récit pitoyable.

Mais lorsqu'il s'autorisa à lui poser de nouveau une question, elle ne l'écoutait déjà plus. Essoufflée comme si elle avait couru un marathon, retenant un rire fou, elle se laissa tomber à califourchon sur le jeune homme, laissant ses deux mains simplement relâchées sur son torse. Ses yeux étaient braqués sur son visage paisible sans le voir vraiment.

- Il était là... " murmura-t-elle, son ton confinant à la folie pure. Un gloussement s'échappa, dévoilant des dents aussi blanches que sa crinière tressée.

Haldren était devenu un elfe... Il se cachait bien chez eux. Le psychopathe n'avait pas mentit. Il était vraiment devenu un elfe... C'était risible.

C'était merveilleux.

Un second gloussement, extatique. Sa poitrine se gonflait et se creusait à grands coups sous l'effet de l'excitation. Un sourire de joie aussi sauvage et dérangeant que son regard croissait de seconde en seconde. Elle avait vraiment retrouver sa trace.

D'un mouvements fougueux, elle se pencha pour embrasser le jeune homme à pleines bouche, son corps glissant pour épouser le sien sans se soucier du peu de distance que laissaient entre eux ses vêtements de simple toile. La jeune barbe lui grattait le menton tandis que le baiser se faisait toujours plus sulfureux, toujours plus profond, comme si elle ne comptait jamais reprendre son souffle. L'une de ses mains passa fébrilement sous la chemise du jeune homme, l'autre passa avec avidité dans ses courts cheveux bruns.

Lorsque les jambes du jeune homme tentèrent de venir légèrement contraindre les sienne, la rebuffade fut immédiate. Elle ne tolèrerait pas de se sentir entravé de la moindre façon et la force surprenante de son petit corps avait rabattu les membres de l'esclave à leur juste place.

Les bras qui l'enserraient par contre, elle les accueillit avec plaisir, redoublant de cette passion exacerbée qui ne prêtait pas réellement attention à l'état de sa victime consentante. Le lien de cuir tomba de sa crinière blanche. Son bassin se rapprocha d'un coup de celui du jeune homme lorsque sa main s'agrippa à ses larges hanches. Elle respirait et grondait contre ses lèvres. Bestiale.

Rapidement, la chemise du jeune homme fut une gène. D'un mouvement fluide, elle dégaina la longue dague qu'elle avait à la ceinture et s'écarta d'un souffle pour passer la lame froide entre le tissus et la peau. Une fine ligne rouge sans aucune profondeur apparu en pointillé sur le torse dessiné du travailleur de force. A peine une seconde et le tissus était tranché dans un crissement bref par la lame aussi bien entretenue qu'un rasoir. Aussitôt utilisée, la dague retomba au sol, à petite distance. Un mouvement de plus et le ceinturon d'arme de la drow allait la rejoindre. Puis Krish ramena brutalement le jeune homme contre elle, le décollant du sol pour l'embrasser une nouvelle fois. La chaleur de sa peau transparaissait sous ses propres vêtements encore intacts. Les morsures sur ses lèvres l'électrisèrent d'autant plus, déversant une fougue sauvage dans chaque geste saccadé.

Lorsqu'il se redressa pour la faire rouler sur le dos, elle accusa le coup d'un grondement sourd, son dos tombant lourdement sur le tapis à côté de la paillasse sans qu'elle ne fasse un mouvement pour mettre fin à cet ébat. Elle ne gardait pas la moindre once de raison. Leurs jambes s’entremêlèrent. Sa tête, rejetée un instant vers l'arrière, découvrit sa gorge et le décolleté de sa tunique sur sa chemise au col informe. Des lèvres s'empressèrent d'y descendre et elle ne retint pas le gémissement guttural et rauque qui s'éleva dans le noir de la tente tandis que sa cuisse venait attiser la virilité du jeune homme.

Ses mains déchirèrent le peu qu'il restait de sa chemise pour l'en débarrasser totalement en quelques mouvements saccadés, s'agrippant à son dos pour le rapprocher d'elle... Mais force était de constaté que ses propres vêtements étaient encore tenaces. Seules quelques minutes étaient passées - quelques secondes peut-être - lorsqu'elle repoussa fermement le jeune homme arrivé fébrilement à la moitié de sa tunique pour faire sauter les boutons qui restaient en l'ouvrant d'un coup sec. Le cliquetis des petits bouts d'os tomba comme une pluie drue. Un mouvement d'épaule et il ne restait que sa propre chemise. Le second vêtement passa par dessus sa tête pour disparaitre quelque part dans l'obscurité à la suite de son confrère. Elle bascula à nouveau sur le dos, ramenant le jeune homme contre elle dans le même geste.

La barbe la piqua de nouveau. Ce torse bien moins lisse que celui des drows se pressait contre son orgueilleuse poitrine. Les mains de l'eldéenne parcouraient son dos, avides, s'accrochant à sa nuque massive, glissant sous le tissus de son pantalon pour agripper son fessier, laissant quelques griffure involontaires. Pendant qu'elle se déshabillait, sa cuisse n'avait pas cessée son langoureux balai et était maintenant accompagnée d'une main peu farouche. Des gémissements rauques ponctuaient une respiration qui ne lui appartenait plus à chaque fois que le jeune homme s'attaquait à une zone de peau un tant soit peu sensible. Son esprit n'était tendu que vers cette seule certitude qui l'emplissait d'excitation et déchainait cette soif qui l'avait rongée pendant ces siècles de solitude dans les Ombres. Cette folie qu'elle avait soigneusement reléguer dans les profondeurs de son être pour survivre et avancer.

L'impérieuse drow le contraint à descendre plus vite, à l'étreindre plus fort. Elle n'est n'a ni besoin ni même envie de prendre son temps. Elle veut seulement prendre du plaisir. Elle se fout des yeux qui tentent de la tenir. Elle se fout même du nom associé à ces mains calleuses ou de cette langue inquisitrice.

Appuyée sur un bras en arrière, sa main libre se crispe sur le crâne qui œuvre entre ses cuisse. Elle gronde. Elle se tend, l'humain l'amenant à une extase qui lui tendait déjà les bras sans la moindre difficulté.  Son dos se cambre, tremble encore et encore sans que l'humain ne s'arrête, ses mains puissantes l'empêchant de fuir... Et finalement elle retombe, le souffle court. Les cris s'évanouissent dans le noir de la tente. Elle reste étendue là, sur le dos.

- ça suffit. " souffle-t-elle, prenant encore deux inspirations avant d'expirer longuement, calmée. S'il se montrait revêche ou empressé, elle serrerait simplement les jambes jusqu'à ce que son crane devienne douloureux. " Donne moi mes vêtements. "

Bien... Elle ne tuera personne ce soir.

Son esprit étonnamment clair courrait à toute vitesse, emboitant les pièces du puzzle les unes dans les autres sans soucis, sans être parasité par la rage qui bouillonnait toujours légèrement en elle. Apaisé par le déferlement de son orgasme, le plan lui apparait clairement.

Tout sera parfait.

Elle se rassoit en tailleur dans l'obscurité quasi totale et commence à refaire sa tresse, les yeux fixés droit devant elle, ne regardant pas même le jeune homme sensé lui ramener chaque pièce de la tenue éparpillée dans l'abri.

Oui... C'était décidé...

Elle laissa les doigts de Grayle lui refaire une tresse bien plus régulière que celle qu'elle avait lâchement commencé. Son esprit s'agitait toujours, mais elle ne voyait pas personne mieux disposée, et puis elle ne pouvait pas confier cette tâche à quelqu'un en qui elle n'aurait pas un minimum confiance, les prêtres de Tesso étaient donc exclus. Il faudrait qu'elle prévienne sa maîtresse aussi mais connaissant les problèmes de L'Renor avec son supérieur hiérarchique, ça ne serait pas un problème. Tout était parfait. Avec Llieth dans une main et Khernal dans l'autre, un joker venait de lui tomber dans la manche. Son sourire fin s'étirait.

-Inutile. " Elle se leva directement pour se rhabiller rapidement, laissant le veston qui cintrait son ample chemise noir et qui venait de perdre plus de la moitié de ses boutons. " Reste là, je reviens. "

Dénouant les cordant de la tente, elle disparu à grands pas dans le campement, sous quelques yeux amusés. Quelques minutes plus tard, deux femmes approchaient de la petite tente à l'écart. Sur les talons de la drow que Grayle venait de choyer... L'Renor, l'air aussi furax que l'autre était ravie.

L'esclave n'eut pas le temps de se poser de questions que sa maîtresse était sur lui, déjà prête à lui faire subir mille mort sans lui en expliquer la question.

-Tu t'amuseras quand une fois arrivé. " fit remarqué de façon tout a fait pragmatique la maîtresse des lieux tout en ouvrant ses malles pour fourrer vêtements et objets dans son sac.

En moins d'une heure, le jeune humain était saucissonné sur un cheval comme un sac à patate. Et malgré la nuit qui tombait, une étrange panthère et deux cavales continuèrent au galop en direction du Puy. S'il leur fallu bien ralentir pour éviter de tuer les bêtes, les deux femmes mangèrent et dormirent à cheval, sans se préoccuper de l'esclave, chargé comme simple marchandise.

Ainsi, elles repassèrent les porte d'Elda en fin de mâtiné et Grayle fut jeté dans une petite chambre individuelle de la demeure de sa maîtresse. Peu importe ses questions, personne n'avait daigné lui dire pourquoi, ni qui était cette drow... Mais il n'avait presque jamais vu sa maîtresse témoigner un tel respect à quelqu'un.